Paléographie latine (1)



Ce fichier a un objectif pédagogique : rendre plus facile l'accès aux minutiers notariaux rédigés en latin. L'accent est mis essentiellement sur le XVème siècle.



Dans leurs tentatives de "remonter le temps", les généalogistes sont souvent arrêtés par deux obstacles de taille : l'écriture et le latin (avec, en plus, les particularités du latin médiéval).

Certes, il existe bien des manuels de paléographie et beaucoup de livres pour apprendre le latin mais ces outils sont-ils réellement adaptés à leurs recherches ? Pour le latin médiéval, par exemple, les deux tomes de Monique GOULLET et de Michel PARISSE ("Apprendre le latin médiéval" et "Traduire le latin médiéval", aux éditions Picard) sont d'une grande utilité mais ils ne sont pas axés sur ce qui fait le "pain quotidien" des chercheurs d'ancêtres : les minutiers notariaux, compléments naturels des registres paroissiaux. En fait, il n'y a pratiquement rien qui s'adapte vraiment aux besoins des généalogistes, lesquels doivent surtout connaître et reconnaître les tournures, les formules, les mots que l'on trouve dans les contrats de mariage, les testaments et les reconnaissances. Bien sûr, rien n'empêche ensuite de se perfectionner et d'aller vers des types de textes différents mais c'est une autre étape.

Il nous semble aussi qu'il faut privilégier l'approche "inductive", plutôt que la méthode "déductive". Partir de textes concrets plutôt que de règles de grammaire, de listes de vocabulaire ou de définitions. C'est probablement moins rationnel mais tellement plus pratique ! Il est ainsi possible d'obtenir - tout de suite - des résultats (même si on n'a jamais fait du latin ou si on l'a complètement oublié) ... et tant pis si ce n'est ni parfait ni orthodoxe. Nous revendiquons le droit à l'erreur !

C'est pourquoi nous proposons dans ces pages de paléographie latine des extraits de minutiers de plusieurs notaires de l'Hérault et du Gard, surtout du XVe siècle. Ainsi, les deux obstacles pourront être levés (plus facilement) en même temps, celui de la paléographie et celui du latin, médiéval ou non. Les lecteurs pourront enrichir ce travail par leurs réactions et leurs suggestions. Nous les en remercions par avance.



Le notaire Jean FABRE
(notaire des Matelles, dans l'Hérault - AD 34)




Un contrat de mariage (en 1496)

Photos de mots (1496).
Premier extrait (1496).
Deuxième extrait (1496).
Troisième extrait (1496).
Quatrième extrait (1496).
(Voir aussi : Paléographie latine (4 bis) pour un compromis de 1491.)






Photos de mots d'un contrat de mariage de l'année 1496




"principe" = prince
(1er extrait : ligne 4)


"noverint" = sachent
(1er extrait : ligne 7)


"adhuc" = encore
(2ème extrait : ligne 10)




"relictam" = veuve
(2ème extrait : ligne 5)


"olim" = jadis
(3ème extrait : ligne 3)


"cum" = avec
(3ème extrait : ligne 6)


Premier extrait (1496)





A/ Transcription

Ligne n° 1 : Igitur, in eodem predicto nomine Domine nostri Jhesu Christi, amen,
Ligne n° 2 : anno Incarnationis ejusdem millesimo quadringentesimo
Ligne n° 3 : nonagesimo quinto et die septima mensis februa-
Ligne n° 4 : rii, illustrissimo principe domino Karo, Dei gratia rege Francorum,
Ligne n° 5 : regnante, et reverendo in Christo patre et domino
Ligne n° 6 : Yzarno, miseratione divina Magalonensi episcopo comitteque
Ligne n° 7 : Melgorii et Montisferrandi presidente, noverint universi
Ligne n° 8 : et singuli presentes pariterque futuri quod cum ad Dei
Ligne n° 9 : omnipotentis beateque semper virginis Marie et omnium sanctorum

B/ Traduction

Donc, audit nom de notre Seigneur Jésus-Christ, amen, l'an de son incarnation mil quatre cent quatre-vingt-quinze, le septième jour du mois de février, du règne de très illustre prince Charles, par la grâce de Dieu roi de France, révérend père et seigneur en Christ Isarn étant par la miséricorde divine évêque de Maguelone, comte de Melgueil et châtelain de Montferrand, sachent tous et chacun, présents et à venir, que comme, pour la louange et pour l'honneur de Dieu tout-puissant, de la bienheureuse et toujours vierge Marie, de tous les saints ...

C/ Formules latines

L'extrait a été choisi parce qu'il est rempli de formules que l'on trouve dans tous les actes des notaires de Montpellier ou de sa région (et qu'il faut donc assimiler une fois pour toutes) :

- "in eodem predicto nomine Domine nostri Jhesu Christi" (audit nom de notre Seigneur Jésus-Christ)
- "illustrissimo principe" (illustre prince)
- "Dei gratia rege Francorum, regnante" (par la grâce de Dieu roi de France)
- "miseratione divina Magalonensi episcopo comitteque Melgorii et Montisferrandi presidente" (par la miséricorde divine évêque de Maguelone, comte de Melgueil et châtelain de Montferrand)
- "noverint universi et singuli presentes pariterque futuri" (sachent tous et chacun, présents et à venir)

D/ Date de l'acte

La date est donc le 07.02.1495 (ancien style), ce qui donne le 07.02.1496, selon le "nouveau style" qui est encore le nôtre. C'est par un édit de Charles IX, rendu en 1564 que le commencement de l'année fut fixé au 1er janvier. Pour tout le XVe siècle, il faut donc rester dans "l'ancien style". Beaucoup d'auteurs ont écrit qu'auparavant l'année commençait à Pâques (entre le 22 mars et le 25 avril). Il semble bien que ce soit une erreur, comme l'explique le chercheur Jean-Paul ANDRÉ : "Je sais que bien des auteurs ont écrit que l'année ancien style commençait à Pâques mais c'est à mon avis une erreur car il n'y a aucune logique à cela. De plus, vous vérifierez comme moi que le changement d'année, dans les minutiers anciens (dans ceux que j'ai pu lire), s'opère toujours au 25 mars. En effet, l'Incarnation est l'opération par laquelle le verbe se fait chair, plus prosaïquement, par laquelle Marie se trouve fécondée. L'incarnation n'a rien à voir avec Pâques. En droit canon, la conception a de l'importance et cette date était plus symbolique que la naissance ou même que la circoncision effectuée le 1er janvier. Très logiquement, il a été retranché 9 mois à la date de naissance et ainsi : Noël, moins 9 mois, donne bien 25 mars." (message du 31.01.2006). En fait, comme on le voit dans "La France de la Renaissance. - Histoire et Dictionnaire" (collection "Bouquins", p. 1129), la situation était particulière dans certaines provinces comme le Languedoc : "Les dates sont données ici en "nouveau style", c'est-à-dire en prenant comme début de l'année le 1er janvier, bien que cet usage n'ait été généralisé que par un édit de Charles IX en 1564 et véritablement adopté à partir du 1er janvier 1567. Avant cette date, le début de l'année état fixé à Pâques, soit entre le 22 mars et le 25 avril, ou bien, dans certaines provinces comme le Languedoc ou le Poitou, le 25 mars, fête de l'Annonciation. Avant 1564, la date du 1er janvier était cependant déjà adoptée en Picardie et dans le Velay ; à Paris, les prieurs du collège de la Sorbonne l'utilisaient dès 1470." Ce sujet est aussi évoqué dans "L'histoire générale de Languedoc" de Dom Claude de VIC et Dom Joseph VAISSETE (Edition LACOUR 2001, tome 6 de 1234 à 1305, livre XXVI, CII "Notaires publics. Chronologie", p. 162) : "Quant à la chronologie, quoique l'usage de ne commencer l'année qu'à Pâques ou à l'Incarnation, fût presque général dans tout le royaume au XIIIe siècle ; il y eut cependant certains cantons de la province, comme les diocèses de Narbonne, de Beziers et de Carcassonne, et le païs de Foix, où on datoit plus communement de la Nativité de notre Seigneur. On trouve même souvent dans le même païs des chartes datées les unes de la Nativité et les autres de l'Incarnation, comme nous avons eu soin de le faire observer en plusieurs occasions." Et puis, si l'on veut vraiment être précis, il faut se reporter à l'étude rédigée en 1941 par Damien GARRIGUES,dans le n° 211 des "Annales du Midi". Nous ne rentrerons pas dans les détails de cette étude méticuleuse mais il faut retenir que dans la partie méridionale de la France, c'est le style du 25 mars ou du 25 décembre que l'on rencontre le plus fréquemment, à l'exception notable du parlement de Toulouse qui s'est toujours aligné sur la royauté, c'est-à-dire le style de Pâques du nord de la Loire (cette dernière information grâce à M.M. Christian PIOCH et Jean-Paul ANDRÉ, message du 05.06.2006).

E/ Certains mots

Ligne n° 3 : en début de ligne on a deux mots biffés : "et die" ;
Ligne n° 4 : pour Charles, il est écrit "karo" au lieu de "karolo" : il s'agit du roi Charles VIII (1483-1498)
Ligne n° 5 : "domino" est répété, à moins qu'il ne faille lire "discreto domino", l'abréviation étant très sévère.
Ligne n° 6 : "Ysarno", l'évêque de Maguelone, est Isarn BARRIÈRE (1488-1498).

F/ Abréviations

Ligne n° 1 : à noter l'abréviation finale "em" dans "eodem" ; dans "predicto", c'est "ic" qui est omis, le signe au dessus du mot voulant dire qu'il y a une abréviation ; de "nomine", il reste "noie" ; domine est réduit à "dm"
Ligne n° 3 : le "n" de "quinto" prend de la hauteur ; idem pour le "n" dans "mensis" ; la terminaison "sis" dans "mensis" est typique
Ligne n° 4 : de "gratia", il reste "gra"
Ligne n° 5 : comparer l'abréviation "christo" avec celle de "Christi" de la première ligne ;
Ligne n° 6 : de "divina", il reste divia" ; "episcopo" est réduit à "epo" ; la terminaison "que" dans comitteque" est une autre forme du et (joint à la fin d'un mot), à comparer avec les formes de et que l'on trouve aux lignes 3 et 5
Ligne n° 8 : bien voir l'abréviation finale "er" dans "pariter" ; on retrouve la forme "que" qui suit ; "quod" est réduit à "Q" ; "cum" avec le "m" final est à mémoriser car assez trompeur



Dans "pariter", il faut noter l'abréviation finale ("er) et bien voir la différence de forme entre le a et le r
Pour le "que", il vaut mieux mémoriser cette forme très courante du et dans ces textes.

(ligne 8 du premier extrait)

Ligne n° 9 : "beateque" est écrit "bteque" ; l'abréviation finale de "semper" est classique ; encore une autre forme de et, avant "omnium".

G/ Lettres initiales

Ligne n° 1 : pas de réel problème, sauf à confondre le i ("in") et le j moderne ("Jhesu") ; les autres lettres sont bien formées (p, n, d, a) ; par contre, bien faire attention au e initial dans "eodem"
Ligne n° 2 : on retrouve un a plus magistral (""anno"), un i, un m et un q (qu'il ne faut pas prendre pour un g) ; le e de "ejusdem" est plus rectiligne et plus penché qu'à la ligne 1 mais on distingue bien le jambage qui se lie à la lettre suivante.
Ligne n° 3 : le e de "et" est encore un peu différent des deux premiers avec trois parties bien distinctes mais on le distingue bien ; à observer le s de "septima" et le f de "februarii" : il y a une nette différence entre les deux.
Ligne n° 4 : pas de problème avec le i ("illustrissimo") ; on retrouve un f identique au précédent ("Francorum") ; on a un g dans "gratia" que l'on peut comparer avec le q de la ligne 2 ("quadringentesimo") et de la ligne 3 ("quinto") : il est manifestement plus arrondi dans son jambage vers la gauche ; à bien mémoriser le r de "rii" qui est la fin du mot "februarii" ; le p de "principe" est plus difficile à lire que celui du p de la ligne 1 ("predicto") car il y a un jambage qui relie à la lettre suivante ; la caractéristique du d est normalement de pencher en arrière ("domino") mais ce n'est pas le cas dans "Dei", le d étant plus relâché, probablement parce que c'est un mot que l'on attend et que l'on a tendance à abréger ; le k de "karo" ne doit pas être pris pour un h moderne ; le r de "rege" se retrouve dans la plupart des r initiaux (notamment pour le prénom Raymond) : il est nettement différent du r de "rii" du début de la ligne parce que ce dernier est, en fait, un r qui n'est pas initial.
Ligne n° 5 : on retrouve le r à deux reprises ("regnante" et "reverendo"), toujours sans modifications et très clair ; rien de plus à dire pour les p, i et d ; on retrouve bien le e précédent dans "et domino" mais il est plus particulier dans "et reverendo" : dans ce dernier cas, on pourrait le confondre avec un d moderne mais le t qui suit permet de le situer.
Ligne n° 6 : le y de "Yzarno" peut surprendre mais il est clair ; rien à dire sur les deux m mais il faut retenir le c de "comitteque", en réalité la forme co qui apparaît toujours comme ces deux cercles liés l'un à l'autre.
Ligne n° 7 : le n de "noverint" est important parce qu'il annonce la suite ("oyez, oyez"), après la présentation du cadre général ; le u de "universi" pourrait aussi bien être un v mais le mot est encadré par "noverint" et "et singuli" : il ne peut donc y avoir d'ambiguïtés.
Ligne n° 8 : une réelle difficulté avec le c de "cum", à comparer avec les e précédents : les deux parties du c se tiennent et il n'y a pas de troisième partie mais il faudra voir d'autres cas pour se faire une opinion plus ferme.
Ligne n° 9 : un o initial qui ressemble à un triangle, dans "omnipotentis" mais qui est plus ouvert dans "omnium" ; un b assez moderne dans "beateque" ; un v qui pourrait être un u dans "virginis" et des s sans problèmes dans "semper" et "sanctorum".

H/ Lettres finales

Ligne n° 1 : le r de "igitur" se présente un peu comme un "u" moderne en lettre finale ; le m de "eodem" se devine plus qu'il ne se voit ; le e de nomine est clair mais doit se comprendre avec l'abréviation.
Ligne n° 2 : le m de "ejusdem" ressemble à celui de "eodem" de la ligne 1.
Ligne n° 3 : le sis de "mensis" doit être assimilé car très fréquent
Ligne n° 4 : bien distinguer le i de "dei" avec le e de "principe".
Ligne n° 8 : le s de "presentes" a la même forme que le s de "incarnationis" de la ligne 2 et que celui de "omnipotentis" de la ligne 9.
Ligne n° 9 : le e de "que" dans "beateque" se retrouve toujours sous cette forme quand "et" vient à la fin d'un nom

I/ Lettres au milieu des mots

1/ Le r se présente sous deux formes :
- la première se voit dans "incarnationis" (ligne 2), "quadringentesimo" (ligne 2), "principe" (ligne 4), "Yzarno" (ligne 6), "Melgorii" (ligne 7), "noverint" (ligne 7), "pariter" (ligne 8), "futuri" (ligne 8), "virginis" (ligne 9) et "Marie" (ligne 9).
- la deuxième qui ressemble à un r moderne se voit dans "predicto" (ligne 1), "nostri" (ligne 1), "februa" (ligne 3), "rii" (ligne 4), "illustrissimo" (ligne 4), "Karo" (ligne 4), "Francorum" (ligne 4), "reverendo" (ligne 5), "patre" (ligne 5), "presidente" (ligne 7) et "presentes" (ligne 8)
- il y a un mot avec deux r : "Montisferrandi" qui utilise les deux formes à la suite : le premier r sous la première forme, le second r sous la deuxière forme.



Les deux r de "Montisferrandi"
(ligne 7 du premier extrait)

2/ Le g se présente toujours sous la même forme :
On le voit à la ligne 2 ("quadringentesimo"), à la ligne 3 ("nonagesimo"), à la ligne 5 ("regnante") et à la ligne 9 ("virginis") ; il y a toujours des exceptions en paléographie, comme le montre le premier mot ("Igitur") à la ligne 1 ; en fait, on comprend bien que le notaire part toujours de cette forme idéale mais qu'il forme la boucle allongée pour mieux écrire la lettre suivante, sans lever son porte-plume ; par contre, le mot "igitur" représente une forme de respiration du texte, on passe à autre chose et il faut donc que ce mot soit particulièrement bien écrit pour montrer la liaison, le raisonnement.

J/ Vocabulaire

- Ligne 1 : Igitur : donc, ainsi donc.
- Ligne 7 : Noverint : de nosco : savoir (apprendre à connaître) ; novi : je connais.
- Ligne 7 : Universi : de universus : ensemble (opposé aux individus), traduit par "tous".
- Ligne 8 : Singuli : de singuli : chacun.
- Ligne 8 : Pariterque = et pariter : et, comme, également, semblablement.



Deuxième extrait (1496)





Cet extrait est la suite immédiate du précédent. Il est, à la fois, plus facile parce qu'il aborde des noms de personnes et de lieux facilement repérables et, plus difficile, en raison des notations en marge.

A/ Transcription

Ligne n° 1 : et sanctarum paradisii totiusque celestis curie (...) supernorum laudem et
Ligne n° 2 : honorem humanique generis multiplicationem tractatum fuit
Ligne n° 3 : de matrimonio contrahendo per verba tunc de presenti per et
Ligne n° 4 : inter Johannam, filiam Petri de Manso, [alias Divitis Hominis, et Marite adhuc viventis, conjugum], loci Sancti Johannis de
Ligne n° 5 : Cucullis, Magalonensis diocesis, relictamque Petri Bruni, loci de Vico,
Ligne n° 6 : Nemausensis diocesis, ex una, et probum virum Anthonium
Ligne n° 7 : de Euseto, mansi de Suelhis, parrochie Sancti Stephani de Casaveteri,
Ligne n° 8 : prefate Magalonensis diocesis, partibus, ex altera, hinc vero
Ligne n° 9 : fuit et est quod prefata Johanna, filia dictorum quondam Petri de Manso, [alias Divitis Hominis],
Ligne n° 10 : et Marite adhuc viventis, conjugum, sciens prout dixit et
Ligne n° 11 : attendens se de et cum voluntate, licentia, auctoritate, concensu ac
Ligne n° 12 : beneplacito dicte Marite domine matris sue ac Michaelis
Ligne n° 13 : et Anthonii de Manso, [alias Divitis Hominis], fratrum suorum pluriumque aliorum parentium
Ligne n° 14 : et amicorum suorum tunc presentium et sic fieri volentium et

A la ligne 4, la partie entre crochets est dans la marge.
A la ligne 9, la partie entre crochets est dans la marge.
A la ligne 13, la partie entre crochets est dans l'interligne.

B/ Traduction

... et saintes du paradis et des puissances supérieures de toute la cour céleste, et pour la multiplication du genre humain, fut verbalement traité et contracté mariage par et entre les parties, à savoir Jeanne, fille des époux Pierre DUMAS, dit RICOME, et de sa femme Marthe toujours vivante, du lieu de Saint-Jean-de-Cuculles, au diocèse de Maguelone, et veuve de Pierre BRUN, du lieu de Vic, au diocèse de Nîmes, d'une part, et honnête homme Antoine EUZET, du mas de Sueilles, de la paroisse de Saint-Etienne-de-Cazevieille, audit diocèse de Maguelone, d'autre part, la susdite Jeanne, fille desdits époux feu Pierre DUMAS, dit RICOME, et de sa femme, Marthe, toujours vivante, de certaine science, comme elle l'affirme, et agissant de et par la volonté, licence, autorité, consentement et agrément de sa mère, Marthe, épouse dessusdite, de Michel et Antoine DUMAS, dits RICOME, ses frères, et de plusieurs autres parents et amis, alors présents et ayant voulu et ...

C/ Formules latines

- "per verba" (verbalement)
- "ex una" (ligne 6) ... "ex altera" (ligne 8) (d'une part ... d'autre part)
- "cum voluntate, licentia, auctoritate, concensu ac beneplacito" (par la volonté, licence, autorité, consentement et agrément)
-"pluriumque aliorum parentium et amicorum suorum" (et de plusieurs autres parents et amis - c'est-à-dire ["suorum"] à elle).

D/ Abréviations

- Ligne n° 1 : "sanctarum" ne se distingue de "sanctorum" (ligne 9 du premier extrait) que par le a qui apparaît dans les trois premières lettres de l'abréviation : "sta".
- Ligne 2 : dans "multiplicationem", il ne manque que le m final.
- Ligne 3 : dans "matrimonio", ce sont les deux lettres ri qui sont occultées.
- Ligne n° 4 : le premier mot "inter" est réduit à "int", cependant que les deux mots suivants ("Johannam" et "filiam" sont amputés du m final ; dans les trois cas, il ne s'agit pas d'une abréviation proprement dite mais d'une finale abrégée.
- Lignes n° 4, n° 9, n° 13" : "Als" pour alias en marge (lignes 4 et 9) et dans une interligne (au dessus de la 13)
- Ligne n° 5 : "Magalonensis" a perdu la finale "sis" (comme à la ligne 8)
- Ligne n° 6 : "pbum" pour "probum" avec l'abréviation courante du "pro" (que l'on retrouve ligne 10 dans "prout").
- Ligne n° 7 : "Sti" pour "sancti" ; dans parrochie, on retrouve l'abréviation classique "par" : il n'y a donc qu'un seul r qui apparaît et il s'agit de la deuxième forme du r que l'on a déjà vue dans le premier extrait.



Des deux r de "Parrochie", seul le second apparaît, après l'abréviation "Par"
(ligne 7 du deuxième extrait)


- Ligne n° 8 : "ptibus" pour "partibus" avec l'abréviation courante du "par" (comme dans la ligne 13 pour "parentium" ou la ligne 8 avec "parrochie").
- Ligne n° 9 : q pour "quod" et le mot "dictorum"dans son abréviation classique (à comparer avec "sanctorum" (ligne 9 du premier extrait) et "sanctarum" (ligne 1) et "suorum" (lignes 13 et 14) ; le mot "quondam" se réduit à "qd" mais il est toujours écrit ainsi et toujours devant un nom propre, ce qui permet de le repérer facilement.



"Quondam", toujours devant un nom ou prénom (ici Pierre DUMAS)
(ligne 9 du deuxième extrait)

- Ligne n° 10 : dans "conjugum", il y a trois difficultés qui se cumulent : l'abréviation initiale "con" qui est classique (et que l'on voit encore à la ligne 11 dans "concensu"), l'abréviation finale du m (comme ce que l'on a vu à la ligne 3) et le j écrit comme un i.
- Ligne n° 11 : on retrouve le "cum" de la ligne 8 du premier extrait ; une connaissance des formules et du vocabulaire employés traditionnellement (volonté, licence, autorité, consentement et agrément) permet de repérer le mot très abrégé : "auctoritate".
- Ligne n° 12 : le e final de dicte prend de la hauteur.
- Ligne n° 13 : "frm" pour "fratrum"
- Ligne n° 14 : "tuc" pour "tunc" et "pntm" pour "presentium" qui bénéficie de deux abréviations signalées par les deux signes abréviatifs au dessus du mot.

E/ Lettres initiales

Ligne n° 1 : le c de "celestis" est trompeur car, au lieu de lire ce, on pourrait lire a mais le mot "celestis" s'impose dans le contexte (la cour céleste) ; par contre, le c de "curie" ne prête pas à confusion.
Ligne n° 2 : les h de "honorem" et de "humanique" sont très clairs ; le g de "generis" est fait comme ceux que l'on a vu en milieu de mots ; le f de "fuit" se différencie bien du s (par exemple, du s de la ligne 1 ("supernorum").
Ligne n° 3 : dans "contrahendo", on retrouve la forme co déjà vue.
Ligne n° 4 : le p de "Petri" a aussi été vu dans le premier extrait.
Ligne n° 5 : le b de "Bruni" se distingue assez bien du l de "loci".
Ligne n° 6 : le e de "et" est formé exactement comme celui de la ligne 5 du premier extrait.
Ligne n° 7 : dans "Euseto", on voit bien que le e initial ne peut pas être confondu avec un c initial.
Ligne n° 8 : le h de "hinc" est beaucoup moins clair que ceux de la ligne 2 mais la forme générale est la même.
Ligne n° 9 : les e de "et" et "est" montrent que la deuxième partie du e peut ou non être attachée à la première.
Ligne n° 10 : le s de "sciens" n'a pas encore été vu et on constate que sa forme se retrouve dans le s final du même mot.
Ligne n° 11 : le e de "et", à comparer avec ceux de la ligne 9.
Ligne n° 12 : pas de difficultés sur les lettres initiales.
Ligne n° 13 : le e du "et", en début de ligne est à mémoriser ; il se retrouve en ligne 14 ("et sic"), encore plus arrondi.
Ligne n° 14 : les deux e des deux autres "et" ("et amicorum" ; "volentium et") sont très classiques.

F/ Lettres finales

Ligne n° 1 : dans "paradisii", le premier i est court et le second est long (son jambage descend aussi bas que la hampe du s) On peut retrouver la même terminaison dans "Melgorii" (premier mot de la ligne 7 du premier extrait)
Ligne n° 2 : le m final de "multiplicationem" (après un e) et le m final de "tractatum" (après un u), sont stylisés, comme un début de boucle tirant sur la gauche.
Ligne n° 3 : le o de matrimonio est clair alors que celui de "contrahendo" se dissimule derriere le d.
Ligne n° 4 : le c de "adhuc" pourrait être confondu avec un e (voit les observation des lignes 8 et 10)
Ligne n° 5 : dans "Petri", le r pourrait être confondu avec un i court, comme on l'a vu dans "paradisii" mais le contexte indique qu'il s'agit du prénom Pierre.
Ligne n° 6 : le x de "ex una" (que l'on retrouve à la ligne 8 dans "ex altera") ne doit pas être confondu avec l'abréviation um dans "sanctarum" (ligne 1), supernorum (ligne 2), "amicorum" (ligne 14) ou "suorum" (ligne 14).
Ligne n° 7 : c'est bien un i à la fin de "mansi" que l'on distingue parfaitement du e de "parrochie".
Ligne n° 8 : le c de "hinc" à bien distinguer d'un e.
Ligne n° 9 : deux exemples de t avec "et" et "est".
Ligne n° 10 : une bonne comparaison entre le e ("Marite") et le c ("adhuc") où l'on voit que les deux barres du c sont à angle droit, alors qu'il y a un léger décalage dans le e qui, en plus, s'incline légèrement vers la gauche.
Ligne n° 11 : le a de "licentia" est clair.
Ligne n° 12 : dans l'abréviation classique "dne" de "domine", bien mémoriser la terminaison du e.
Ligne n° 13 : en début de ligne, une forme abrégée du "et".
Ligne n° 14 : en début de ligne, le "et" en entier.

G/ Lettres au milieu des mots

Regardons le i, avec quelques exemples :

a/ "paradisii" (ligne 1)
b/ "totiusque" (ligne 1)
c/ "multiplicationem" (ligne 2)
d/ "matrimonio" (ligne 3)
f/ "filiam" (ligne 4)
g/ "marite" (ligne 4, en marge)
h/ "diocesis" (ligne 5)
i/ "relictamque" (ligne 5)
j/ "Anthonium" (ligne 6)
k/ "partibus" (ligne 8)
l/ "hinc" (ligne 8)
m/ "dixit" (ligne 10)

Il ressort de ce "sondage" que le i est clairement distinguable quand il est entre deux consonnes (a, c, g, i, k, m). Il est encore très clair quand il est proche d'un o (c, h) ou d'un a (f). Il faut le deviner quand il est inclus dans une abréviation (d, h) et il est difficile à interpréter quand il se trouve dans une série de jambages, de n, m, u ou v (b, j, l). On peut aussi croire que c'est un i "moderne" quand il y a j (écrit comme un i) + u, ce qui est le cas de "conjugum", que l'on devrait, en fait, écrire coniugum (ligne 10), comme le montre la photo ci-dessous.



"Conjugum" : con (abréviation initiale) + j + u + g + u + m (abréviation finale)
(ligne 10 du deuxième extrait)




H/ Le surnom des trois DUMAS

Dans cet extrait, la mention qui apparaît pour la première fois - "alias Divitis Hominis" - se retrouve soit en marge soit en interligne. Elle a donc été ajoutée après l'écriture de l'acte, probablement au moment de la lecture par le notaire aux parties. Par contre, un peu plus loin dans l'acte, le surnom est inclus dans le corps du texte (voir la photo ci-dessous). Les deux fils DUMAS tenaient manifestement à ce que ce surnom soit rappelé. "Divitis" (riche), "Hominis" (homme), que l'on pourrait traduire par RICHOME mais on sait que, dans la région, ce patronyme est devenu rapidement RICOME. Une famille importante s'appellait ainsi au mas de Roussières, dans la paroisse de Viols-le-Fort. Ils habitaient et possédaient ce mas depuis le XIVème siècle (au moins). Cet extrait nous montre aussi qu'un surnom pouvait être transmis d'une génération à une autre, ici d'un père à ses fils (par contre, il ne semble pas que ce surnom soit passé à Jeanne, la fille). L'abréviation de "alias" est trompeuse car le signe horizontal indiquant l'abréviation au dessus de "als" pourrait faire croire que l'on se trouve devant "ats". Autre difficulté quand on voit les quatre jambages entre le d initial et le t de "divitis", la séquence i + v + i est loin d'être évidente !



Un peu plus loin dans l'acte, le "alias divitis hominis" apparaît plus clairement que dans cet extrait
(à comparer avec l'écriture des lignes 4 et 9 du deuxième extrait)




I/ Les EUZET du mas de Sueilles et les DUMAS de Saint-Jean-de-Cuculles

- Antoine EUZET, du mas de Sueilles, peut être situé à la génération 6 de La lignée.

- Jeanne DUMAS, de Saint-Jean-de-Cuculles, se retrouve à la rubrique "les informations sur les conjoints" dans Cazevieille (suite 1).

- Les DUMAS de Saint-Jean-de-Cuculles font l'objet du § 3 des méthodes Cazevieille (suite 1).

J/ Vocabulaire

- Ligne 9 : Quondam : jadis, autrefois ; devant un nom de personne, on le traduit par "feu" (décédé) ; quondam Petri de Manso = feu Pierre DUMAS.
- Ligne 10 : Conjugum : de conjux : épouse.
- Ligne 10 : Prout : ainsi que, comme. (prout = pro ut)
- Ligne 12 : Beneplacito : de beneplacitum : bon plaisir, traduit ici par agrément.
- Ligne 13 : fratrum : de frater : frère.

Troisième extrait (1496)





Ce dernier extrait est la suite immédiate du précédent. Il va permettre de faire le point sur les difficultés et les spécificités de l'écriture de ce notaire.

A/ Transcription

Ligne n° 1 : concenciencium colocasse et copulasse per verba tunc
Ligne n° 2 : de presenti cum predicto Anthonio de Euseto, viro suo, tunc
Ligne n° 3 : presenti, cum dote sua sibi olim per dictum quondam Petrum de Manso
Ligne n° 4 : ac dictam maritam parentes suos [data et] constituta et assignata
Ligne n° 5 : in contractu matrimonii ipsius Johanne et dicti quondam Petri
Ligne n° 6 : Bruni, primi viri sui, cum eodemque Anthonio de Euseto,
Ligne n° 7 : viro suo, matrimonium contraxisse et sollempnisasse in facie
Ligne n° 8 : sancte matris Ecclesie ut moris est inter Christi fideles videlicet [anno presenti et] die
Ligne n° 9 : sabbati intitulata tricesima mensis januarii proxime
Ligne n° 10 : deffluxa, in ecclesia parrochiali Sancti Johannis de Cucullis eidemque

A la ligne 4, la partie entre crochets est dans l'interligne.
A la ligne 4, le m final de "assignata" est barré.
A la ligne 8, la partie entre crochets est dans la marge.

B/ Traduction

... consenti qu'elle s'unit et se liât verbalement au susdit Antoine EUZET, son mari, alors présent, avec la dot à elle donnée, constituée et assignée jadis par ledit feu Pierre DUMAS et ladite épouse, ses parents, au contrat de mariage de ladite Jeanne et dudit feu Pierre BRUN, son premier mari, qu'elle contractât mariage avec ledit Antoine EUZET, son mari, solennellement et à la face de la sainte mère Eglise, comme il est d'usage entre fidèles du Christ, à savoir en la présente année, le samedi trentième jour du mois de janvier dernièrement écoulé, en l'église paroissiale de Saint-Jean-de-Cuculles, ...

C/ Voyelles :

- a : aucune difficulté avec cette voyelle. On peut simplement noter que sa boucle est soit fermée soit un peu ouverte.

- e : extrême attention avec cette voyelle qui comprend normalement une barre épaisse qui penche vers la gauche et une barre horizontale plus fine qui peut être séparée de la première ou, au contraire, qui prend son appui sur elle. Dans l'exemple ci-dessous, il y a trois e : on peut y voir trois "variations sur un même thème". Surtout, on se rend compte du risque de confusion avec le deuxième c de "collocasse" dont la forme est proche du e. Ne pas oublier, aussi, les abréviations déjà vues du e dans et.



"Collocasse et copulasse"
(ligne 1 du troisième extrait)


- i : aucune difficulté avec cette voyelle mais on a, parfois, tendance à lire un e moderne, alors que le e de l'époque comprend toujours deux parties. Cependant, dans le mot "parentes" (ligne 3), la forme du deuxième e peut faire croire à un i, parce que cette voyelle peut se relier, par le bas, à la lettre suivante. Le mot "presenti est donné comme exemple, ci-après.



Presenti
(ligne 3 du troisième extrait)


- o : aucune difficulté avec cette voyelle, sauf que sa boucle peut être ouverte. L'orientation du o est nettement vers la gauche, ce qui le différencie du a.

- u : grande difficulté avec cette voyelle qui peut être confondue avec des lettres à jambages de même hauteur. Le recours au contexte est alors indispensable, surtout quand cette voyelle est dans une continuité avec m, n, i, ou v. A titre d'exemple, les mots "cum" (ligne 2), "Bruni" (ligne 6), "januarii" (ligne 9)

D/ Consonnes :

- b : on trouve des b ligne 1 ("verba"), ligne 3 ("sibi"), ligne 6 ("Bruni") et ligne 9 ("sabbati") ; dans tous les cas, ces b sont écrits comme les b actuels et ne présentent donc aucunes difficultés.

- c : on a déjà vu les problèmes de lisibilité du c qui peut être pris pour un e. Voir aussi, au § E/ ce qui est dit sur l'association co ; le cumul des difficultés de lecture est certainement dans le premier mot de la ligne 1 avec ses quatre c : "concenciencium" (du verbe "consentio" : être d'accord) ; on voit, en particulier, la quasi identité d'écriture entre le deuxième c et le e qui suit. Evidemment, le contexte avec les mots suivants est d'une grande utilité pour arriver à lire ce mot. Parmi les variations que l'on observe, on a même un c moderne dans "cum" de la ligne 6 ; en définitive, on peut résumer en disant que le c est soit une simple barre verticale, plutôt épaisse et penchant légèrement à gauche (voir, par exemple, à la ligne 9, "tricesima"), soit la même barre épaisse penchée vers l'arrière, avec une barre horizontale, perpendiculaire à la première et tenant à elle par le haut (ce dernier aspect pouvant aider à la discriminer du e). Deux exemples dans l'extrait, à la ligne 1 : "tunc" et à la ligne 4 : "ac".



tricesima
le c est entre un i et un e
(ligne 9 du troisième extrait)



ac
(ligne 4 du troisième extrait)



- d : cette consonne n'offre pas de difficultés, le d éant toujours bien visible, même en cas d'abréviations dans le mot où il est, avec sa boucle allongée allant toujours vers l'arrière (voir les exemples aux lignes 2, 3, 4, 5, 6, 8 et 10).

- f : trois exemples de f dans l'extrait. A la ligne 7 ("facie"), à la ligne 8 (fideles") et à la ligne 10 ("deffluxa"). La seule difficulté est de le distinguer du s, grâce à la petite barre horizontale en son milieu, barre qui ressort un peu sur l'arrière (mais il faut reconnaître que la différence est ténue).

- g : un seul exemple dans ce extrait, à la ligne 4 ("assignata"). la forme est toujours la même, un cercle et une boucle allongée vers le bas, très caractéristique.

- h : quatre exemples sans difficultés, à la ligne 5 ("Johanne"), à la ligne 6 ("Anthonio"), à la ligne 10 ("parrochiali" et "Johannis"). Si on passe sur l'abréviation de la ligne 8 ("Christi"), on voit que la forme est toujours la même, une sorte de f moderne, les deux boucles étant très allongées.

- p : dix exemples de p dans cet extrait. Pas de difficultés sauf à bien voir qu'il y a une forme avec un seul jambage et une autre avec un retour qui relie à la lettre suivante (par exemple, "presenti" à la ligne 3 ou "ipsuis" à la ligne 5). Bien entendu, on retrouve aussi les p des abréviations classiques (par exemple "per", à la ligne 1 ou "pro" dans "proxime", à la ligne 9 ou encore "par" dans "parrochiali", à la ligne 10). Il apparaît que les abréviations "per" et "par" sont identiques et que l'on ne peut les distinguer qu'en fonction des autres lettres, des autres mots et du contexte.

- r : on retrouve les deux formes de r déjà analysées dans le premier extrait. Deux observations, cependant. La première est que dans la succession de l'abréviation "par" + r (dans "parrochiali", à la ligne 10), seul le deuxième r est effectivement apparent. Ensuite, il est intéressant de noter l'abréviation "ri" dans "matrimonium", à la ligne 7. Il faut faire la comparaison, d'une part, avec "matrimonii" de la ligne 5 (sans abréviation) et, d'autre part, avec "pariter", à la ligne 8 du premier extrait (où l'on a l'abréviation "er" après t, alors qu'ici, c'est l'abréviation "ri" après t, les deux se présentant de la même manière).

- s : c'est une lettre très fréquente que l'on trouve 31 fois rien que dans ce troisième extrait. Malgré cette fréquence, elle n'apparaît que sous deux formes. Quand elle est en position finale, c'est une sorte de 6 dont la tige supérieure s'incline vers la droite, vers l'avant ("parentes" et "suos" à la ligne 4, "moris" et "fideles" à la ligne 8, "Johannis" et "Cucullis" à la ligne 10). Dans la photo qui suit, on voit les deux formes dans le même mot : le s initial de "suos" a la forme la plus courante, celle que l'on trouve aussi bien au début des mots qu'à l'intérieur de ceux-ci ; le s final de "suos représente l'autre forme, également très discernable.



"suos"
(ligne 4 du troisième extrait)


- t : c'est une lettre encore plus fréquente que le s puisqu'il y a 38 t dans le troisième extrait. La plupart sont très lisibles, car proches des t modernes. Certains se devinent plus qu'ils ne se lisent (Anthonio" à la ligne 2 ou encore "Euseto" à la même ligne). On voit bien que du t classique", on pouvait passer à un t reconnaissable seulement par une courbure plus ou moins brusque du haut de la lettre. Voir, par exemple, les trois t de "intitulata" à la ligne 9 : autant les deux premiers sont sans surprises, autant le troisième se courbe vers l'avant, par le haut. Si l'on regarde le mot précédent, "sabbati", on voit que la courbure s'est transformée en ligne qui se projette en avant et si l'on observe "dote" à la ligne 3, on se trouve devant une sorte d'esquisse des mouvements précédents, beaucoup plus difficile à transcrire, d'autant que le e final pourrait être pris pour un t !



"dote"
(ligne 3 du troisième extrait)


- v : on retrouve le v 5 fois seulement. "Verba" à la ligne1, "viro" aux lignes 2 et 6, "viri" à la ligne 6 et "videlicet" à la ligne 8. Dans les 5 cas, c'est une lettre initiale, toujours identique, presque à l'horizontale tellement elle penche en arrière. On ne peut pas s'y tromper, sauf à se souvenir qu'elle pourrait aussi bien être un u initial (voir "universi" à la ligne 7 du premier extrait).

- x : une consonne encore plus rare que l'on trouve à la ligne 7 ("contraxisse") et à la ligne 10 ("deffluxa"). Son jambage courbe va très loin vers l'avant. On ne peut pas s'y tromper.

E/ Groupe de lettres

- Le groupe co formé par deux boucles qui se tiennent se retrouve en ligne 1 dans trois mots, en position initiale : concenciencium, collocasse et copulasse. On ne peut pas s'y tromper (voir plus haut, la photo des mots "collocasse" et "copulasse").

F/ Un adverbe très courant

- Videlicet : "c'est-à-dire", se retrouve souvent dans les textes de cette époque mais sa fréquence même signifie qu'il fait souvent l'objet d'abréviations plus ou moins sévères qu'il faut savoir reconnaître. L'une d'elle se trouve dans ce troisième extrait : après le "vi" initial, la première boucle du d est très ouverte, ce qui peut faire croire que la lettre précédente est un u ; quant au e, il est réduit à un trait horizontal, le premier jambage étant inclus dans le d ; après le l, la fin du mot "icet" est abrégée.



"Videlicet"
(ligne 8 du troisième extrait)


G/ Vocabulaire

- Ligne 1 :Collocasse : de colloco : donner une fille en mariage, traduit ici par "s'unir".
- Ligne 1 : Copulasse : de copulo : lier, unir.
- Ligne 2 : Viro : de vir : mari, époux.
- Ligne 3 : Dote : de dos : dot.
- Ligne 9 : Mensis : de mensis : mois.


Quatrième extrait (1496)





A/ Place de cet extrait

Bien que ce quatrième extrait soit le début de l'acte, nous ne l'avons placé qu'en quatrième position, car ce texte reprend une démonstration tirée de la Genèse (Gn, 1-2), cependant que l'apôtre est saint Paul (quand "apostolus" est employé seul, il s'agit toujours de l'apôtre par excellence, c'est-à-dire Paul). Or, cette démonstration ne se trouve pas dans tous les contrats de mariage et il n'était donc pas necessaire de commencer par elle. En l'occurence, il s'agit du mariage d'une veuve qui a eu une dot avec son premier contrat de mariage. Il convient donc de s'appuyer sur les sources religieuses les plus hautes pour faire en sorte que cette dot passe au deuxième mari (d'autant que le mariage a précédé le contrat de mariage). Mais, ce qui est aussi particulièrement intéressant, c'est de se rendre compte que cette démonstration s'appuie sur des formules et un vocabulaire employé depuis très longtemps. C'est ce qui explique la comparaison avec la transcription d'une donation maritale du début du XIIe siècle (1129). On y retrouve, pratiquement mot pour mot, le texte de 1496. Encore une fois, nous voyons que la connaissance des formules et du vocabulaire employés par les notaires est des plus utiles pour bien "cerner" la paléographie latine.

B/ Transcription

En marge : Grossata est conjugibus.

En "titre" : Matrimonium Anthonii de Euseto et Johanne, conjugum, mansi de Suelhes, parrochie Sancti Stephani de Casaveteri.

Ligne n° 1 : In nomine Domini nostri Jhesu Christi, amen. Cum in mundi princi-
Ligne n° 2 : pio Deus omnia creando ad ultimum de limo terre hominem
Ligne n° 3 : creasset, unam de costis ejus abstulit, dicens : "Non est bonum
Ligne n° 4 : hominem esse solum, faciamus ergo et adjutorium simile sibi", ex qua
Ligne n° 5 : cum feminam condidisset, "Bene" dixit, illis dicens : "Crescite et
Ligne n° 6 : multiplicamini ac replete terram", unde apostolus ait :
Ligne n° 7 : "Relinquet homo patrem et matrem et adherebit
Ligne n° 8 : uxori sue et erunt duo in carne una", et alibi reffert
Ligne n° 9 : apostolus : "Viri, dilige uxores vestras sicut et Christus dilexit
Ligne n° 10 : Ecclesiam", et quia hiis et aliis auctoribus constat matrimonium
Ligne n° 11 : ore divino esse favoratum in paradiso terrestri in statu
Ligne n° 12 : innocentie sicque legalis ordo et antiqua consuetudo
Ligne n° 13 : diutius approbata ut conjugia sive matrimonia absque
Ligne n° 14 : dote sive dotis constitutione non fiant et a mulie-
Ligne n° 15 : ribus sive ex parte ipsarum dotes intervenire debent propter
Ligne n° 16 : onera matrimonii facilius supportanda.

C/ Traduction

En marge : Grossoyée pour les époux.

En "titre" : Mariage d'Antoine EUZET et de Jeanne, époux, du mas de Sueilles, de la paroisse de Saint-Etienne-de-Cazevieille.

Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, amen. Comme Dieu au commencement du monde, créant tout ce qui existe, avait créé l'homme du limon de la terre, il tira de sa côte une femme, disant : "Il n'est pas bon que l'homme soit seul, faisons-lui donc une compagne semblable à lui". Ayant façonné une femme, il vit que cela était bon, puis il leur ordonna : "Croissez, multipliez-vous et remplissez la terre". C'est pourquoi saint Paul affirme : "L'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et ils seront deux en une chair" ; et il dit ailleurs aux maris : "Aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise". Ainsi est-il établi, par ces auteurs et par d'autres, que le mariage a reçu la faveur du verbe divin au paradis terrestre, à l'âge de l'innocence, et c'est ainsi que la loi et la coutume s'accordent depuis longtemps pour dire que les mariages et unions sans dot ou constitution de dot ne doivent pas se faire, et que ces dots doivent venir des femmes ou de leur partie, afin de rendre les charges du mariage supportables.

D/ Comparaison avec un acte de 1129

Cet acte se trouve p. 432, annexe 12, de "Genèse des lignages méridionaux", Tome 1 : "L'aristocratie languedocienne du Xe au XIIe siècle", par Claudie DUHAMEL-AMADO (CNRS - Université de Toulouse-le-Mirail 2001) Il est tiré du cartulaire des GUILHEMS de Montpellier ("Liber Instrumentorum Memorialium"), n° 128, p. 262-263 (f° 66 r°)

Il s'agit d'une donation maritale (donatio propter nuptias) de GUILHEM VI de Montpellier à sa femme (Sibille), en août 1129.

Cum in mundi principio Deus, omnia creando, ad ultimum hominem condidisset, unam de costis ejus tulit, dicens : Non est bonum esse hominem solum ; faciamus ei adjutorium simile sibi. Ex qua feminam cum fecisset, benedixit eis, et ait : Crescite et multiplicamini, et replete terram. Propter hoc relinquet homo patrem et matrem, et adherebit uxori sue, et erunt duo in carne una. (...) Unde idem Apostolus : Viri, diligete uxores vestras, sicut Christus Ecclesiam. Tantis igitur (...)

Comme on le voit, c'est la reprise des mêmes mots et, finalement de la même logique, alors que 367 ans séparent ces deux actes.

E/ Une lettre et un mot difficile

- Le u de "unde", à la ligne 6 peut être pris pour un b, la lettre étant peu penchée en arrière (à comparer avec le u de "ultimum", à la ligne 2, le u de "uxori", à la ligne 8 et le v de "viri", à la ligne 9) :



"Unde" = d'où
(4ème extrait : ligne 6)




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