La lignée des EUZET de Saint-Félix-de-Lodez et de Sète.

La branche de Sète (suite 3).


Une grande figure de Sète : Honoré EUZET

Ce fichier comprend les extraits de presse qui constituent les pièces justificatives de deux articles parus, le premier en février 2017, dans le n° 48 d'Etudes héraultaises, sous le titre : "La longue marche vers le pouvoir du futur maire de Sète, Honoré EUZET", le second en septembre 2018, dans le n° 50 d'Etudes héraultaises, sous le titre : "Honoré EUZET, maire de Sète et homme de pouvoir (1895-1931)"


Honoré EUZET, maire de la ville de Cette
(Le petit Méridional du 22.01.1927)
- dessin à partir de la photo parue dans Le guide de l'Hérault de 1904 -

La vie politique et la personnalité d'Honoré EUZET
(au travers de la presse
)




1863-1869. 1870. 1871. 1872. 1873. 1874. 1875. 1876. 1877. 1878. 1879. 1880. 1881. 1882. 1883. 1884. 1885. 1886. 1887. 1888. 1889. 1890. 1891. 1892. 1893. 1894. 1895. 1896. 1897. 1898. 1899. 1900. 1901. 1902. 1903. 1904. 1905. 1906. 1907. 1908. 1909. 1910. 1911. 1912. 1913. 1914. 1915. 1916. 1917. 1918. 1919. 1920. 1921. 1922. 1923. 1924. 1925. 1926. 1927. 1928. 1929. 1930. 1931. Notes.



Abréviations :

PM : Le Petit Méridional
EC : L'Eclair
LC : Le Cettois
PC : Le Petit Cettois
NC : Le Nouveau Cettois
JC : Le Journal de Cette
LF : Le Frondeur
IM : L'Indépendant du Midi
JCM : Le Journal commercial et maritime de Cette
CM : La Croix Méridionale
MS : Le Midi Socialiste
EM : L'Express du Midi
AS : L'avenir Social
LL : Le Libéral
SC : Le Socialiste Cettois
LPSC : Le Petit Socialiste Cettois
LCS : La Concentration Socialiste
LRM : La République du Midi
LD : Le Docker

Abréviations :

AM : L'Avenir Maritime
MDM : Le Messager du Midi
IMCM : L'idée moderne et la chronique du Midi
PRC : Le Petit Républicain Cettois
PR : Le Petit Réveil (de l'Hérault)
MR : Le Midi Républicain
SC : Le Sémaphore de Cette
RAC : Le Radical Cettois
AG : L'Avant-Garde
REC : Le Réveil Cettois
IME : L'Information Méridionale
LVMR : La vie Montpelliéraine et régionale
LM : Le Midi
LT : Le Temps
MN : Le Midi Nouveau
LR : Le Rappel



























De 1863 à 1869

Dans les biographies (voir en notes), il est dit qu'il fut "Républicain sous le 2e Empire, secrétaire du Comité Jules SIMON aux élections législatives de 1868 et secrétaire du comité antiplébiscitaire du 8 mai 1870". Cependant, dans l'article reprenant son parcours politique lors de son décès, le PM écrit simplement qu'il était "entré très jeune dans la politique". On en devine un peu plus dans un article critique du même PM du 02.05.1884 : "En 1863, d'après ce qu'il dit, le citoyen EUZET était un des chefs de l'opposition : il avait alors 15 à 16 ans et peu de barbe. En 1871, retour du siège de Paris comme mobile, le parti radical l'eût comme adversaire. Jusqu'en 1877, par suite de cette contre-marche, il resta beaucoup dans l'ombre : il en sortit par la grâce de quelques admirateurs pour être opposé à la candidature LACAVA au conseil d'arrondissement. Il fut élu, malgré qu'il n'eût rien fait pour cela. 1878 le fit conseiller municipal ; il fut l'un des cinq hommes forts de la gauche de ce conseil. Battu avec les 13, il resta au conseil d'arrondissement, pour sortir trois ans après lors de sa veste au conseil général. On dit que secrètement il briguait la députation. Pourquoi pas !! Il dit Brûler sa dernière cartouche cette fois. Le citoyen EUZET à part sa collaboration aux journaux locaux républicains ou réactionnaires, a été un des fondateurs du Petit Républicain cettois. Sous le pseudonyme quidam il dit des amabilités à ceux qui furent des amis. Si l'élection lui réussit, EUZET sera de l'administration. On dit dans son entourage qu'il a commandé l'écharpe à Lyon. Il n'a pas la voix d'orateur mais se tient debout comme un I"

Dans son livre sur Sète la singulière, Louis-Bernard ROBITAILLE indique qu'avant les élections législatives de mai 1869, des réunions publiques sont organisées à Sète par le négociant FERNEAU, réunions qui attirent des foules, de par la présence de Jules SIMON, alors chef de file des républicains. Le même Jules SIMON obtient ainsi 4033 voix à Sète lors de ces élections législatives (contre 881 au candidat appuyé par le gouvernement). On peut donc penser que le Comité Jules SIMON évoqué plus haut était un comité créé ou installé à Sète (sous réserve de vérification, si c'est possible) et que c'est ce qui expliquerait le poste de secrétaire qu'aurait tenu sur place Honoré EUZET. De même, Louis-Bernard ROBITAILLE indique que pour le plébiscite du 08.05.1870, le Non atteint 2060 voix à Sète (contre 1565 Oui). Là-aussi, on peut penser que le comité antiplébiscitaire évoqué plus haut était celui de Sète, ce qui expliquerait également le poste de secrétaire qu'aurait assuré Honoré EUZET (compte tenu de ses opinions, bien sûr). En tout cas, en 1869 et en 1870, le reste du département vote en faveur de la politique de Napoléon III, alors que Sète débute son ancrage à gauche, sous la République.

1870

Comme toujours par la suite, c'est grâce aux élections que l'on peut évaluer l'action des différents protagonistes. Ainsi, en 1870, c'est la préparation des élections communales qui permet de savoir comment se situait Honoré EUZET avant le 4 septembre 1870. Cependant, ce n'est pas par la presse que l'on connaît la situation mais c'est grâce aux rapports journaliers que le commissaire central de police adresse au préfet de l'Hérault. A cet égard, les rapports du 29 et du 30.06.1870 sont particulièrement utiles car ils donnent les noms des 38 membres de la liste républicaine provisoire. Dans le rapport du 29, sont indiqués les 9 membres principaux : TRESFOND (agent d'affaires), ENJALBERT (courtier de commerce), AUSSENAC (cordonnier), GUIGNON (tailleur de pierres, conseiller d'arrondissement), CHARRAS Louis (boucher), ALMAYRAC (négociant, conseiller municipal - présenté par les républicains du café Divan), BERTRAND (ouvrier), PEYRUSSAN (médecin) et VALETTE (tailleur d'habits). Dans le rapport du 30, le haut de la liste comprend aussi les plus importants : FESNAU (négociant), PEYRET (conseiller municipal), JEANNIN (marchand tailleur), ROSSIGNOL (négociant), DURAND Modeste (boulanger), GRANIER (cafetier) ... C'est au 35ème rang que l'on trouve EUZET fils (négociant). Cette place à l'avant-avant-dernier rang s'explique certainement par son jeune àge (il a 24 ans) mais sa présence même indique qu'il est déjà bien connu comme républicain.

Ces rapports de police sont utiles, non seulement pour savoir qui se considérait républicain avant la chute de l'Empire mais aussi pour saisir l'ambiance, le climat qui régnait dans ces groupes. A titre d'exemple, voici le texte de la lettre du 30.06.1870 : "Le même nombre de républicains s'est réuni encore hier soir, toujours au sujet des élections prochaines. La liste des candidats y a été complétée, on y a même ajouté plusieurs autres noms. M. ALMAIRAC, négociant, assistait à cette réunion. TRESFONT lui ayant demandé s'il était républicain, il a répondu qu'il était aussi bon démocrate que qui que ce soit, que du reste il n'était pas venu là pour faire sa profession de foi politique, mais pour dire seulement que s'il est réélu conseiller municipal il saura faire son devoir. M. ALMAIRAC a été accepté. FESNEAU a fait l'éloge de M. PEYRET, autre conseiller municipal, en disant qu'il est républicain, que la forme de ce gouvernement lui convient et qu'il le désire. Il a été lui-aussi accepté. ENJALBERT a pris ensuite la parole et a dit : "On nous accuse d'être partageux, nous ne le sommes pas, seulement nous demanderons compte aux millionnaires l'origine de leurs fortunes et nous nous enquerrons comment elles ont été acquises. Nous n'en voudrons pas aux gens qui ont gagné un avoir à la sueur de leur front au contraire, nous les défendrons s'ils étaient attaqués, mais quant aux autres ...". Une discussion s'est ensuite engagée entre quelques membres du comité et JEANNIN, un tailleur qui voulait absolument faire partie de la liste. Le tapage était à son comble lorsque ENJALBERT a pris de nouveau la parole et a dit qu'il ne comprenait pas cette discussion alors que tout le monde est ici d'accord pour vouloir la République. Il a ajouté qu'il faut se hâter car les monarchistes ont leur liste prête et savent comment doit avoir lieu le vote. FESNEAU a entretenu l'auditoire assez longuement sur le socialisme ; ENJALBERT est revenu à parler des monarchistes qu'il a comparés aux socialistes mais à l'avantage de ces derniers (...) La séance s'est terminée aux cris de Vive la répunlique démocratique et sociale." On devine dans de tels rapports les futurs clivages entre les républicains modérés, les républicains radicaux et les républicains socialistes. Clivages pour les idées et rivalités de personnes pour arriver au pouvoir. On voit là, également, les débuts de certains qui vont sortir du lot (Benjamin PEYRET, par exemple). Et puis, on se dit qu'Honoré EUZET a assisté à ces joutes oratoires et qu'il a pu se former auprès des anciens, y compris ceux qui avaient vécu la république de 1848.

1871

Le PM du 02.05.1884, qui critique alors Honoré EUZET, donne sur lui cette information que l'on ne retrouve pas ailleurs : "En 1871, retour du siège de Paris comme mobile, le parti radical l'eût comme adversaire. Jusqu'en 1877, par suite de cette contre-marche, il resta beaucoup dans l'ombre.".

1872
Il est membre du Conseil municipal, de mai à décembre

Suite aux scrutins des 28.04.1872 et 05.05.1872, il est élu conseiller municipal. Il est installé dans la séance du conseil du 24.05.1872. Sont installés avec lui : AUDEMAR, FRAISSE, SIMONNET, VÉ.ROLY, THOMAS, GINOUVÈS et DIDIER, cependant que FABRE Antoine, également nouvel élu, est absent. Dans cette même séance, le maire fait procéder à la répartition des conseillers municipaux dans les commissions. Honoré EUZET devient membre de la commission des finances ainsi que de la commission du contentieux (registre des délibérations communales).

Le compte rendu du 12.08.1872 fait ressortir une hésitation sur une proposition : "Le conseil rappelle qu'une proposition a été faite pour un projet de célébration de la fête du 4 septembre. (la proclamation de la République, le 04.09.1870) Il est surpris que cette affaire ne figure pas à l'ordre du jour de la séance et ne soit pas soumise au conseil pour en délibérer. Le conseil demande en conséquence que la question de cette fête soit portée à l'ordre du jour de la prochaine séance." (registre des délibérations communales). La suite permet de comprendre.

En effet, au conseil du 13.08.1872, Honoré EUZET lit la proposition suivante : "L'homme se comptant dans ses oeuvres et aime à voir s'élever par son travail ou par ses sens des objets qui lui survivent. Considérant que l'usage veut que les peuples consacrent par l'érection de monuments les grandes dates historiques ; considérant que cet usage est digne de tous nos respects car il a pour but de rappeler aux générations futures, soit les progrès accomplis soit les malheurs survenus, les engageant ainsi à pousuivre les uns, les prévenant contre les autres ; considérant que la date du 4 septembre 1870 rappelle il est vrai des malheurs inouïs dans l'histoire des peuples, mais encore la chute d'un tyran détesté et la conquête de notre liberté ; considérant qu'il est utile qu'un monument consacre à jamais la révolution du 4 septembre, le conseil décide qu'un arbre de la liberté sera planté sur la place de la Mairie. Le conseil s'engage, en outre, à faire remplacer le dit arbre de la liberté par une colonne commémorative aussitôt que faire se pourra. Le dit arbre de la liberté sera planté le 4 septembre 1872 à 10 heures du matin. La cérémonie sera présidée par la municipalité de Cette et tous les citoyens seront invités à y assister. Cette, le 13 août 1872. Signé H. EUZET". A la suite, le conseil municipal s'associe à cette idée patriotique et décide de nommer une commission spéciale qui sera chargée d'étudier et de préparer un programme pour cette fête. La composition de la commission est la suivante : MM. SALELLES, MOULINIER, CAZALIS HERVÉ, LAPEYSSONNIE et VAILLARD. Il est enfin indiqué que cette commission devra être convoquée pour le 17 août, à 20 H 30. (registre des délibérations communales).

A partir de cette date, il est noté parmi les absents à chacune des séances du conseil municipal. Cependant, le 17.10.1872, on apprend que "M. EUZET ayant offert sa démission de membre du conseil municipal, le conseil décide qu'une commission de quatre membres sera chargée de faire une demande auprès de M. EUZET à l'effet de l'engager à reprendre ses fonctions." (registre des délibérations communales).

En fait, tous les comptes rendus des séances qui suivent, indiquent qu'il est absent. Le dernier où il est ainsi présenté est celui du 27.12.1872. Par contre, à partir de janvier 1873, son nom n'apparaît plus. Sa démission a donc pris effet entre le 28 et le 31 décembre 1872 (bien que le Dictionnaire biographique de l'Hérault et le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français donnent le 25 décembre comme date effective). On peut noter qu'entre le jour de son entrée au conseil municipal (le 24 mai) et sa dernière présence (le 13 août), il n'a été absent qu'une seule fois (le 7 août). A chaque fois, il a été nommé secrétaire du conseil. Certes, ce poste est honorifique et il lui a été probablement accordé parce qu'il était l'un des plus jeunes membres (peut-être même le plus jeune) mais c'est aussi un signe de confiance dans ses capacités. Quoiqu'il en soit, ce poste d'observation n'a pas dû lui suffire et il a trouvé le moyen d'apparaître en première ligne grâce à sa proposition relative au 4 septembre. Le compte rendu ambigu du 12 août veut dire que cette proposition ne devait pas plaire à tout le monde, voire au maire lui-même. Il faut dire que le texte lu dans la séance du 13 août relève d'un style grandiloquent pour la forme et a quelque chose de comminatoire sur le fond, car il vise à ouvertement s'engager pour la République et à le faire savoir à la population ! Manifestement, il n'a pas obtenu satisfaction et la commission spéciale était destinée à enterrer le projet. Deux signes ne trompent pas, à cet égard : d'une part, il n'est plus revenu au conseil et, d'autre part, cette question n'est plus apparue à l'ordre du jour (en particulier rien n'est dit dans le compte rendu de la séance du 16 septembre - c'est-à-dire la séance qui vient juste après le 4 septembre. On peut aussi noter que le conseiller Pierre THOMAS a suivi un parcours similaire pour les absences, la démission, la constitution d'une commission de quatre membres pour l'engager à reprendre ses fonctions et l'échec de celle-ci. Ces deux hommes lutteront ensemble puis se combattront dans les années suivantes.

Plus tard, il ne manquera pas de rappeler ses premiers engagements quand le combat politique sera difficile. Ainsi, le 14.10.1881, dans le PM, un groupe d'électeurs demande que le citoyen Honoré EUZET se présente au suffrage pour le poste vacant de conseiller général ; dans cette lettre, il est dit qu'il fut "élu deux fois conseiller municipal" (en 1872 et en 1878) ou encore, le 15.10.1881, il répond, dans le même journal et explique pourquoi il ne se met pas sur les rangs dans cette élection ; il fait alors le point sur les services qu'il a rendus et notamment, écrit-il "le mandat de conseiller municipal dont j'ai été investi à deux reprises." (c'est-à-dire en 1872 et en 1878) ; un peu plus tard, le 09.05.1882, dans sa profession de foi aux électeurs radicaux parue dans le PM (pour sa candidature au Conseil général, contre THOMAS), il souligne son activité dans divers mandats dont les électeurs ont "bien voulu m'investir depuis 1872 (...) Comme membre du conseil municipal et comme membre du conseil d'arrondissement.". Dernier exemple, quand, dans une critique virulente, les représentants de la Ligue Républicaine (opposée aux radicaux) écrivent en 1890 : "M. Honoré EUZET a été nommé conseiller municipal dans une élection complémentaire en 1872 sous l'administration MICHEL. Il démissionna quelque temps après, ne pouvant s'entendre avec ses collègues." (PC du 12.08.1890). Cette dernière remarque se comprend à la lumière de sa proposition patriotique relative au 4 septembre. Il est clair que, ni sa jeunesse, ni l'ambiance politique dominante, ne plaidaient en sa faveur !

1873

(à compléter)

1874

"Le 18 mai 1874 M. DOUMET-ADANSON est nommé maire ; MM. GAUTIER et VIVARÈS, adjoints" (Ephéméride, dans le JC du 18.05.1888). Cependant, le tableau des maires indique que DOUMET-ADANSON devient maire de Sète le 23.12.1874 (à vérifier).

Paul Napoléon DOUMET-ADANSON
(source Wikipédia)


1875

Chaque année, les membres du Conseil général, sont appelés à désigner les membres d'un jury spécial, ayant leur domicile dans le département et n'ayant pas fait le service pendant l'année écoulée. Ce jury est chargé de régler, le cas échéant, des indemnités dues par suite d'expropriation pour cause d'utilité publique. En ce qui concerne le canton de Sète, sont ainsi désignés : Edmond BONNET (négociant à Sète), Aman DEJAN (négociant à Sète), Joseph ESPITALIER (propriétaire à Sète), Honoré EUZET (courtier à Sète), Marius VAREILLE (négociant à Sète). Ces désignations ont probablement été faites par Jacques SALIS, membre du Conseil général. On retrouvera Edmond BONNET et Aman DEJAN (écrit Amand DÉJEAN dans le PM) comme conseillers municipaux mais, surtout, Joseph ESPITALIER et Marius VAREILLE comme maires. On voit donc qu'en 1875, Honoré EUZET est déjà suffisamment coté pour se retrouver en bonne compagnie avec les futurs premiers magistrats de la ville de Sète, sous la houlette de Jacques SALIS, conseiller général, futur maire lui-même et futur député. (séance du 29.08.1875 du Conseil général, p. 283). C'est dans la séance du 27.08.1875 que Jacques SALIS présente un important rapport concernant l'amélioration du port de Sète et c'est dans la séance du 28.08.1875 que ce rapport est discuté (notamment, en ce qui concerne la jetée Régy, du nom d'un ancien ingénieur en chef du port de Sète, en 1865 - voir ci-après, la crise de 1878, à ce propos).

1876

"Le gouvernement a parlé, le doute n'est plus permis, il faut que les maires pris en dehors des conseils municipaux se retirent, qu'ils cèdent la place à des successeurs pris dans le sein des assemblées communales. Que vont faire les préfets ? Dans notre région notamment, où ils sont nouveaux venus dans leurs départements respectifs, comment vont-ils procéder à ces remplacements ? Sous quelles influences, avec l'aide de quelles lumières, se produiront les choix (...)" (PM du 09.05.1876).

Cette : "Enfin, nous voilà complètement débarrassés de l'ordre moral. Hier soir, à six heures, MM. DOUMET-ADANSON, GAUTHIER et VIVARÈS, maire et adjoints de M. de BROGLIE, ont remis leurs pouvoirs entre les mains d'une administration républicaine provisoire, représentée par MM. FOREST, ESTÈVE et PEYRET. Dix mille personnes encombraient la place de l'Hôtel-de-Ville et les rues environnantes. (...)" (PM du 10.05.1876)

"ESPITALIER, négociant, est nommé maire de Cette", information dans "l'Officiel de ce matin" (PM du 28.07.1876) ; selon le site "mairesGenWeb", la nomination serait du 25.07.1876.

1877
Il entre au Conseil d'arrondissement, en novembre

L'année 1877 n'aurait due être marquée que par deux opérations électorales. D'abord le renouvellement par moitié des conseils généraux puis, le renouvellement intégral des conseillers municipaux. Les conseillers généraux, élus pour 6 ans sont renouvelables par moitié tous les 3 ans. Nommés pour la première fois en 1871, conformément à la nouvelle loi départementale, le premier renouvellement s'étant fait en août 1874, le second était donc prévu en août 1877 (en réalité, il n'eut lieu qu'en novembre 1877). Quant aux conseillers municipaux, élus en novembre 1874 pour 3 ans. le second renouvellement devait donc avoir lieu en novembre 1877 (en fait, l'élection fut reportée en 1878) Ces opérations sont rappelées dans le PM du 02.01.1877, avec cette remarque : "Ces deux séries d'élections seront comme la préface du renouvellement triennal du Sénat qui aura lieu en 1878". Ces décalages s'expliquent par la situation nationale, avec la dissolution de l'Assemblée (le 16.05.1877) et de nouvelles élections législatives qui eurent lieu en octobre 1877.

L'élection des députés


Les premiers résultats connus, grâce au PM du 15.10.1877, donnent Eugène LISBONNE en tête (4976 voix) contre DUBOIS (1426 voix), dans la deuxière circonscription de Montpellier, qui comprend Sète. Le lendemain, le journal précise que l'écart entre les deux candidats est de 3458 voix (PM du 16.10.1877)

L'élection des conseillers généraux et des conseillers d'arrondissement


Ces élections voient le triomphe des républicains : VERDIER, BERTIN, GALTIER, LAISSAC ... (PM des 05 et 06.11.1877). Quant à Honoré EUZET, il est élu conseiller d'arrondissement. Le premier article de presse qui le concerne (en tant qu'homme politique), est celui du PM du 01.11.1877. Le comité républicain de Sète s'adresse ainsi aux électeurs : "Le 4 novembre nous sommes appelés à nommer un conseiller d'arrondissement, qui sera aussi électeur sénatorial. Ce jour-là nous affirmerons une fois de plus notre amour pour la République, et notre aversion pour le pouvoir personnel. Les hommes du 16 mai croient trouver dans ce vote leur planche de salut, il sera la ruine de leurs espérances. Le comité républicain propose à vos suffrages : le citoyen Honoré EUZET, courtier, ex conseiller municipal." Le président de ce comité, A. ENJALBERT, appelle ensuite à la discipline de vote qui avait si bien réussie pour le vote du député. Le 03.11.1877, le PM critique le JCM qui prône l'abstention au scrutin "pour la seule et mauvaise raison que le canditat choisi ne leur convient pas. Ce candidat, M. Honoré EUZET, n'en aura pas une voix de moins (...)". Les résultats de l'élection sont donnés dans le PM du 05.11.1877 et par le MDM des 05 et 06.11.1877. Honoré est élu par 3.459 voix sur 4048 votants, soit un score de 85,45 %, ce qui représente un beau succès. Il remercie ensuite ses électeurs : "Citoyens, Vous avez déjoué les odieuses manoeuvres de nos ennemis. Encore une fois vous avez, le 4 novembre, affirmé votre ardent républicanisme. Vous avez fait votre devoir. Je vous remercie. - Citoyens, Votre mandataire a mesuré de son côté l'importance de la tâche que votre confiance lui impose, il ne faillira à aucun de ses devoirs. Il défendra vos intérêts, il défendra la République. Honoré EUZET" (PM du 10.11.1877).

C'est le 19.12.1877 que le conseil d'arrondissement se réunit à la préfecture pour élire son bureau et constituer ses commissions. Alexandre LAISSAC est élu président, lequel est aussi membre de la commission des travaux publics. Honoré EUZET fait également partie de cette commission où l'on trouve encore les nommés CAIZERGUES, FÉDIÈRES et VERNIÈRES. C'est, manifestement, le bon endroit pour se former et constituer un réseau de relations utiles pour l'avenir (PM du 20.12.1877).


Dissolution du conseil municipal : "Enfin ! l'ordre moral a trouvé des gens assez dévoués pour remplacer le conseil municipal républicain. La municipalité est révoquée ; le conseil municipal est dissous. C'est le coup de grâce à la candidature DUBOIS, déjà fort malade." (PM du 13.10.1877) Le dernier point fait référence à l'élection au Conseil général où LISBONNE l'emporte sur le candidat "officiel", DUBOIS (PM des 15 et 16.10.1877). On verra plus tard que les influences seront toujours fortes entre les trois élections : conseil général, conseil d'arrondissement et conseil municipal.

Le site "MairesGenWeb" indique qu'Emile DUSSOL est maire de Sète, le 11.10.1877. Cette date semble, effectivement, correspondre à l'article ci-dessus.

Le PM du 31.12.1877 annonce, suite à une circulaire du 25 décembre du ministre de l'intérieur, que les élections municipales auront lieu dans toute la France le 6 janvier prochain mais le même PM du jeudi 03.01.1878 indique : "Les bonaparto-légitimistes composant la commission imposée par le 16 mai à notre cité républicaine, viennent enfin de rentrer dans l'obscurité d'où ils n'auraient jamais dû sortir (...) Lundi soir (donc, le 31.12.1877), à cinq heures, a eu lieu l'installation de la commission municipale républicaine composée de l'ancien conseil municipal, arbitrairement dissous par Ordre Moral II. Le maire, M. ESPITALIER, et les adjoints, MM. PEYRET et LACAVE ont été, à leur sortie de la mairie, l'objet d'une ovation importante de la part d'une foule enthousiaste qui les a acclamés au cri de : Vive la République ! Cet acte un peu tardif de réparation a été accueilli par notre population avec un soupir de soulagement."

1878
Membre du Conseil municipal, de janvier à mai, il s'oppose à ESPITALIER

Dans son numéro du 5 janvier, le PM reprend une lettre du président LEVÈRE du comité républicain de Sète, adressée aux électeurs. Les noms des candidats républicains au Conseil municipal sont rappelés : Frédéric AUBÈS (conseiller sortant), François AYMERIC (commis négociant), Edmond BONNET (conseiller sortant), Jules BOURRAS (négociant), Edmond CARRON (commis négociant), Louis CAVALIER (agent d'assurances), Etienne CELLY (tonnelier), Amand DÉJEAN (négociant), Jean DEMAY (conseiller sortant), Joseph ESPITALIER (ex-maire), Honoré EUZET (conseiller d'arrondissement), Antoine FABRE (ancien conseiller), François GAUSSEL (tonnelier), Charles HERVÉ (ancien conseiller), Georges JANSEN (négociant), Auguste LACAVE (ex-adjoint), Joseph MARMIÈS (ancien conseiller), Louis MASSABIAU (plâtrier), Alexandre MESTRE (conseiller sortant), Théodore OLIVE (négociant), Charles PALHON (limonadier), Benjamin PEYRET (ex-adjoint), Philippe PEYRUSSE (limonadier), Etienne PRADINES (conseiller sortant), Jacques RIBES (négociant), Jacques SALIS (conseiller général), Pierre THOMAS (conseiller sortant).

A la même date, le MDM donne cette même liste, en précisant les métiers de certains : AUBÈS : coupeur (maison Boissière) ; BONNET : négociant ; DEMAY : entrepreneur de travaux publics ; FABRE : employé de commerce ; MESTRE : négociant. Le journal conservateur fait plusieurs commentaires sur cette liste : "Enfin le sort en est jeté. l'alliance de toutes les nuances du parti républicain s'est effectuée au sein même du parti radical (...) Sans nous arrêter à des questions de personnes qui nous importent peu, et sans tenir compte de quelques concessions apparentes, nous ne voyons en toute cette affaire que l'esprit et les tendances du comité radical et nous les connaissons trop bien pour ne pas estimer qu'il est encore aujourd'hui, comme toujours, le maître absolu du terrain électoral." Un peu plus loin, dans le même article, il donne ses consignes de vote, par le biais d'une lettre de Sète qui aurait été écrite le 4 janvier : "En de telles circonstances, le parti conservateur dans notre ville, doit, ce nous semble, s'abstenir en masse et de la manière la plus absolue (...) Les républicains modérés ont fait, du reste, pas mal de façons pour se rapprocher des radicaux. Les conservateurs n'en doivent pas faire pour s'en éloigner (...)"

Le 7 janvier, le PM indique, sans commentaires, que la liste républicaine a été élue, à Sète.

En prémices au clivage qui va avoir lieu dans le groupe des républicains, Jacques SALIS fait paraître une lettre dans le PM du 06.02.1878 qui montre, déjà, que la question de la grande jetée Régy va devenir le noeud de partage entre radicaux et modérés. car, dit-il, il y a, depuis quelque temps, une polémique au sujet des projets d'agrandissement et d'amélioration du port de Sète. On a donné naissance à un bruit comme quoi il serait hostile à l'exécution de la grande jetée de l'ingénieur RÉGY. Il rappelle, alors, le rapport qu'il a présenté et soutenu au conseil général, en 1875, justement en faveur de la grande jetée Régy. Il déclare donc : " Par ce qui précède, on pourra constater que loin d'être hostile à la grande oeuvre de M. RÉGY, j'y ai toujours été et j'en suis encore son partisan absolu. Je ne me suis rallié aux propositions nouvelles de M. SIMONEAU, ingénieur en chef du service maritime, que lorsqu'il a été démontré à la commission des travaux publics du conseil général, que l'administration supérieure s'opposait formellement à la mise en oeuvre du projet Régy, pour des raisons techniques et financières. Je regrette maintenant que des protestations se soient élevées aussi tardivement contre les nouveaux projets des ingénieurs qui constituent, quoiqu'on en dise, une amélioration sérieuse et réelle pour notre port et qu'on n'ait pas cru devoir les faire, avant que le conseil municipal notamment, se soit déjà et à l'unanimité prononcé en leur faveur. Car il est fort à craindre qu'à la suite de toutes ces récriminations de la dernière heure, le Gouvernement ne se désinterresse de la question et ne retire purement et simplement le projet de loi qu'il vient de soumettre aux Chambres, sans consentir, après cela, à la mise à l'étude du projet Régy. (...)" Par cette seule déclaration, on comprend le caractère de Jacques SALIS, capable de changer de position en fonction des nécessités, obtenir un peu plutôt que rien, négocier, apprécier les contraintes politiques, etc. Mais, évidemment, il risque de se heurter aux "jusqu'auboutistes ... sauf encore à suivre le vent dominant ! Enfin, il ne faut pas oublier qu'Honoré EUZET a bâti sa carrière dans le sillage de cet homme, ce qui peut expliquer bien des retournements.

C'est début mars qu'Henri FOURNAIRE, rédacteur en chef du JCM, organise une réunion au théâtre sur le sujet des travaux à faire au port. Le JCM reproduit un compte rendu sténographique des débats, dans son numéro des 3 et 4 mars 1878. 2000 personnes environ sont présentes. FOURNAIRE propose de former le bureau de la réunion. Le maire de Sète, Joseph ESPITALIER, est nommé président et deux capitaines au long cours en sont les assesseurs (l'un d'eux devant partir, c'est FOURNAIRE qui joue aussi ce rôle). ESPITALIER remercie les participants puis passe la parole à FOURNAIRE qui mène toute la réunion. Il expose les manoeuvres des ingénieurs qui ont poussé leur plan au lieu et place de celui qui avait été proposé par la Chambre de commerce. Il y a urgence car le projet des ingénieurs doit être présenté à la Chambre des députés. Une délégation (à laquelle il participait) a même été reçue par le directeur de la Navigation, au ministère des Travaux Publics, mais en vain. Enfin, FOURNAIRE rappelle un rapport établi en mai 1874, dans lequel l'auteur, Achille SIMONNEAU, indiquait que les dangers (du plan des ingénieurs) existaient réellement mais qu'ils étaient indispensables pour créer des quais à la compagnie du P.L.M. et donc "qu'il n'y a plus à tenir compte des plaintes qui pourraient se produire parmi les marins". Au-delà même de cette question qui bouleverse la population, on se rend compte que c'est le journaliste FOURNAIRE - et non le maire ESPITALIER - qui mène la contestation. Par la suite, on ne verra plus un responsable de journal tenir un tel rôle de premier plan. Cependant, rapidement, celui-ci va s'opposer aux intransigeants du conseil municipal (et du PM) puis au maire lui-même.

Le 12.03.1878, le PM met en avant le voeu du conseil municipal du 02.03.1878 qui fait suite à ses délibérations de janvier 1876, mai 1877 et janvier 1878 : "Que l'administration supérieure mette à l'étude la grande jetée Régy (pour l'amélioration du port) et l'édifie, s'il est possible, simultanément avec le projet des ingénieurs". Ce qui est notable dans le vote qui a eu lieu, c'est la liste des signataires et des opposants :
- Signataires : EYMERIC, CARRON, CELLY, MAMMIÈS, GAUSSEL, BONNET, SALIS, THOMAS, EUZET, CAVALIER, PRADINES, AUBÈS et MASSABIAU (c'est-à-dire, le groupe SALIS)
- Opposants : ESPITALIER, PEYRET, LACAVE, DÉJEAN, JANSON, PALHON, PEYRUSSE, HERVÉ, FABRE, DEMAY, OLIVE et MESTRE (c'est-à-dire, le groupe ESPITALIER)
- Abstenus : RIBES et BOURRAS (on va retrouver ces deux noms dans la liste ESPITALIER du mois de juin). C'est donc leur abstention qui a permis à l'opposition de faire passer ce voeu par 13 voix contre 12, opérant ainsi un renversement de majorité.

Le MDM ironise sur ce vote qui divise le camp des républicains : "Nous comprenons qu'après ce vote M. le maire de Cette soit fort embarrassé sur la conduite qu'il devra tenir. Il vient de partir, en effet, comme délégué par une réunion irrégulière, tumultueuse, convoquée par des individualités sans mandat, et sans autorité, et dont l'immense majorité, quoique composée d'artisans et de simples ouvriers, a le bon sens de reconnaître qu'elle n'a aucune compétence dans des questions de cette nature, et qu'on aurait bien pu la dispenser de servir de comparse dans cette comédie indigne de gens sérieux. Or, le voeu du conseil est en opposition formelle avec les prétendues résolutions prises dans la réunion. Dans cette conjoncture, quel est l'avis qu'appuiera M. le maire de cette ? " (MDM du 10.03.1878)


Le 14.04.1878, le conseil municipal traite du sujet de l'Exposition universelle. Il adopte un voeu présenté par Jacques SALIS et Honoré EUZET : "Considérant que le conseil municipal de Cette ne saurait rester indifférent à la grande oeuvre de l'Exposition universelle qui doit s'ouvrir le 1er mai prochain - Qu'il importe de faciliter aux classes ouvrières la visite de cette Exposition et l'étude des merveilles de l'art et de l'industrie qui y seront exposées - Qu'indépendamment de l'instruction et de l'expérience que les ouvriers pourront retirer eux-mêmes de cette visite, il est permis de croire qu'ils repporteront dans notre région les bénéfices de cette instruction et de cette expérience - Le conseil vote une somme de 1500 francs, qui sera mise à la disposition de la délégation ouvrière qui se rendra de Cette à Paris poue visiter l'Exposition à charge, pour les délégués, de dresser un rapport aussi exact que précis de leurs travaux et de leurs études - Nous engageons très-vivement les ouvriers à se réunir afin de choisir leurs délégués - Ces délégués devront se mettre en rapport avec la commission spéciale qui a été instituée, par le conseil municipal, à l'effet d'organiser la délégation." (PM du 20.04.1878)


Dans son numéro du 18.03.1878, le PM publie la lettre ouverte suivante : "Cette, le 10 mars 1878. Monsieur le Rédacteur du Journal commercial et maritime, à Cette. Dans votre numéro des 3 et 4 mars vous avez, sans motifs, entrepris une campagne de dénonciations et d'injures contre une partie du conseil municipal qui, dans la séance officieuse du 2 mars au soir, avait voté en faveur d'un voeu relatif au fort de Cette, voeu présenté par M. EYMERIC. Jusqu'à ce jour vous vous étiez contenté de faire allusion à ce dernier conseiller sans le désigner. Aujourd'hui, la situation est changée ; vous venez de nous désigner personnellement ; nous vous demandons réparation par les armes de toutes les insultes que vous nous avez prodiguées gratuitement depuis douze jours. Nous vous donnons le termps de purger honorablement votre différend avec le correspondant cettois du Petit Méridional. Après cela vous choisirez parmi nous celui qui vous conviendra le mieux comme adversaire. En cas de refus de votre part, l'un de nous sera désigné pour vous demander cette réparation. Souvenez-vous bien que dans cette affaire, vous avez eu le triste rôle d'insulteur. Signé : SALIS. - EUZET. - EYMERIC. - THOMAS. - Pour CARRON, absent ; BLANCHET."

Cette lettre ouverte se retrouve aussi dans le SC des 18 et 19 mars.

Le Sémaphore de Cette des 18-19.03.1878

Cette lettre ouverte est intéressante à plusieurs titres. Le sujet, les noms des signataires, la pratique du duel pour venger l'honneur bafoué. Quant à la suite de cet échange, il en est resté au stade du duel épistolaire comme on le voit dans un article du PM du 21.03.1878 : CAMOIN, un des directeurs du PM, écrit une nouvelle lettre ouverte à FOURNAIRE, en tant que rédacteur du JCM, en lui demandant de démentir ses propos (FOURNAIRE deviendra le directeur-gérant du PC, lors de la création de ce journal des républicains modérés, appelés opportunistes par les radicaux). Ensuite, P. THOMAS, conseiller municipal, envoie deux de ses amis, BLANCHET aîné et MARMIÈS aîné au bureau du journal en question. Comme ils n'y trouvent pas FOURNAIRE, ils se rendent à son domicile afin de lui demander les noms de ses témoins "pour une réparation par les armes", ce à quoi, FOURNAIRE répond : "Je n'ai aucune réparation, soit par les armes soit autrement, à donner à M. THOMAS". L'affaire ne semble pas être allée plus loin mais cela a permis à THOMAS et à son parti de critiquer l'attitude de FOURNAIRE et de son journal.

En fait, le PC a plus tard expliqué, par le biais d'une lettre "d'un vieux démocrate" que cet incident est à l'origine de la division entre les intransigeants et les opportunistes mais, plus exactement, ce fut un prétexte : "Toujours avec la même bonne foi, ces messieurs s'offensent d'être traités d'intransigeants, ils ont l'air peiné de la division qu'on jette dans le parti républicain, mais qui donc a commencé cette division ? (...) Est-ce qu'ils n'ont pas avoué que la première cause de désunion a été le mécompte qu'ils ont éprouvé lorsque le conseil n'a pas voulu nommer un de leurs adjoints ? ... Est-ce qu'ils ne déclarent pas que dans la séance du 11 mai, M. MARNIÈS a soulevé l'incident qui demandait des explications à l'administration, à propos d'articles de journaux sur cinq conseillers. Eh bien, de là est partie la véritable division, et ce ne sont pas les opportunistes qui l'ont provoquée. Voyons s'il n'y a pas lieu, au contraire, de penser que ce sont les intransigeants qui ont cherché à faire naître une occasion. En effet, on se souviendra tout d'abord que ce sont les cinq qui ont commencé la discussion avec le journaliste du Commercial, qui s'est défendu selon son droit et son tempérament, et comme il l'a entendu, sans que le Conseil ait à rien à y voir. Mais n'oublions pas ce point essentiel : c'est dans les premiers jours de mars que la polémique des cinq et du journaliste a eu lieu. Comment se fait-il que messieurs les cinq aient attendu jusqu'au 11 mai c'est-à-dire deux mois après pour produire leur doléance ? Si ces messieurs devaient se plaindre n'était-ce pas au moment de l'action ? A ce moment n'aurait-il pas été convenable qu'ils allassent trouver l'administration de son cabinet pour lui demander de s'interposer, de faire cesser des intempérances de langage qui se produisaient de part et d'autre. Au lieu de ce procédé si pratique à tous égards, on a préféré interpeller l'administration, et lui demander des explications sur des faits qui lui étaient tout à fait étrangers, et cette interpellation s'est produite en pleine séance, au début de la session ordinaire la plus chargée en affaires. Est-ce qu'on ne voit pas là la désunion dans le conseil et le trouble dans les affaires ? (...) Qui donc partage si gratuitement, le conseil démissionnaire, en droite et en gauche ? N'est-ce pas encore ces brouillons intolérants dont il serait temps que la République fut débarrassée (...)" (PC du 16.06.1878)

Avant d'évoquer la démission de tous les conseillers municipaux, il faut encore revenir sur ce qui a produit cet évènement exceptionnel. A la clé, c'est toujours l'article du 3 mars du Journal commercial intitulé : Les cinq hommes forts (qui visait donc SALIS, EUZET, EYMERIC, THOMAS et CARRON). Dans le dernier numéro du PC (le 14.12.1878), Henri FOURNAIRE écrit : "Après l'impression produite par Les cinq hommes forts et quelques autres articles parus à la suite, la discorde pénétra dans l'assemblée communale dont les cinq faisaient partie. Chaque séance devint une arène où les combattants, divisés à peu près également, étaient prêts à se dévorer à propos de la chose la plus insignifiante. Le parti le plus avancé reprochait au modéré d'approuver au moins tacitement, sinon ouvertement, les appréciations des articles du Journal commercial, sans se douter à ce moment que leur véritable auteur était dedans et non au dehors du conseil. La position était très tendue et menaçait de tourner au tragique. Bref, il fallait en finir. D'autre part, le Journal commercial, possédé par un homme timoré et paisible ayant été quelque peu écorniflé dans son caractère commercial par ces articles-brûlots, me remercia de mes services (il publie la lettre de licenciement) Personne ne disconviendra que sans l'article du 3 mars, je ne fusse encore attaché au Commercial. Or, qui l'avait confectionné cet article ? - Mais passons. Le Conseil municipal fut dissous et l'auteur apparent de tout ce tapage envoyé inspecter les pavés." Cet article est aussi une réponse au PM qui, dans son numéro du 22.05.1878 avait passé l'entrefilet suivant dans sa chronique locale : " M. FOURNAIRE nous adresse une lettre qu'il nous est impossible d'insérer à cause des expressions injurieuses qu'elle renferme à l'adresse d'un de nos correspondants. Nous nous bornons à donner acte à M. FOURNAIRE de son insertion d'après laquelle c'est volontairement qu'il s'est retiré du Journal commercial."

La démission de tous les conseillers municipaux

"La municipalité et le conseil municipal de Cette ont donné leur démission à la suite de divergences qui s'étaient produites dans cette assemblée sur des questions locales. Plutôt que d'entraver, par une hostilité réciproque, la marche des affaires communales, les conseillers ont préféré donner leur démission, afin que le suffrage universel soit appelé en dernier ressort. Les élections auront lieu prochainement." (PM du lundi 3 juin : la séance du conseil municipal a donc eu lieu à la fin du mois de mai).

Le 10.06.1878, la rupture est définitivement consommée entre les deux camps républicains, comme on le voit dans le compte rendu qui est fait par le PM : "Vendredi soir (c'est-à-dire le 7 juin), une réunion privée, composée de plus de 3,000 personnes, a eu lieu dans le vaste local de la fonderie à Cette. Tous nos conseillers municipaux avaient été convoqués, afin de fournir des éclaircissements sur les faits qui avaient amené la démission en masse du conseil. Une partie de nos conseillers parmi lesquels M. ESPITALIER, maire, n'ayant pas jugé convenable de déférér à l'invitation qui avait été rédigée, cependant, dans les termes les plus courtois. M. SALIS, conseiller général, au nom de douze de ses collègues présents, a donné à l'assistance toutes les explications désirables, explications qui ont été accueillies par une triple salve d'applaudissements et un cri unanime de : vive la République ! (...) Un comité a été formé ensuite, à l'effet de choisir les 27 noms qui devront figurer sur la liste des élections municipales prochaines. A la fin de la séance, un blâme sévère a été infligé à l'unanimité aux conseillers municipaux qui avaient cru devoir se dérober aux explications qui leur avaient été demandées. La réunion avait un caractère public puisque l'on avait distribué plus de 6,000 cartes."

La création du "Petit Cettois"

A la même date, le 10.06.1878, le PM indique qu'il a reçu le "premier numéro d'un journal républicain quotidien qui se publie à Cette, le Petit Cettois, organe des intérêts commerciaux et politique de cette ville." Il souhaite à son confrère "bienvenue et succès" et exprime sa satisfaction de "voir la cause républicaine compter un défenseur de plus.". En fait, c'est le nouveau journal dont FOURNAIRE est le directeur-gérant et qui va s'employer à faire gagner la cause des modérés face à celle des radicaux. Le plan va parfaitement fonctionner jusqu'à la fin de l'année 1878.

Le contexte municipal

En réponse à un article du MDM, le PC du 12 juin rappelle qu'elle était la situation avant la dissolution du conseil municipal : "Le correspondant cettois du MDM, M. J.P. insinue dans sa lettre à ce journal à la date du 6 courant, que l'élément intransigeant aux dernières élections municipales l'avait emporté sur la partie républicaine modérée, dont M. ESPITALIER, maire, est le chef. M. J.P. se trompe bénévolement. D'abord, la victoire d'un parti sur un autre implique nécessairement la lutte entre adversaires ; or, nous ne sachions pas qu'à l'époque, les intransigeants fussent opposés aux modérés ; tout le monde était d'accord pour voter sur la même liste sans distinction de nuances. De plus, les chiffres officiels de l'élection démentent cette assertion. - Les voici : M. ESPITALIER obtint 3,964 voix. M. SALIS 3,928 voix. Différence en faveur de M. ESPITALIER, 36 voix. Le Conseil municipal était composé de 15 membres du groupe ESPITALIER et 12 du groupe SALIS. Deux membres du groupe SALIS démissionnèrent quelque temps après l'élection et jusqu'à la dissolution du Conseil, la balance resta entre 13 Espitaliers et 12 Saliens (...)". L'article est signé J.K.


"Dans sa séance du 12.06.1878, le Conseil départemental de l'instruction publique de l'Hérault a désigné comme membres de la commission cantonale de l'instruction primaire MM. SALIS, ESPITALIER, le Curé doyen, le Pasteur, ESTÈVE négociant, EUZET, conseiller d'arrondissement, MATHIEU négociant et Eugène VIVAREZ, receveur au Bureau de bienfaisance et de l'hospice (...)" (PC du 7 juillet).

Le contexte journalistique

Les républicains modérés étaient soutenus par le Petit Cettois (PC), cependant que les républicains radicaux s'appuyaient sur le Sémaphore de Cette (SC) et sur les journaux radicaux de Montpellier, notamment le Frondeur (LF). "L'âme" du PC était son directeur, Henri FOURNAIRE. Quand celui-ci rentrera en disgrace (voir plus loin), on le retrouvera, en janvier 1879, comme rédacteur de la chronique cettoise dans un nouveau journal, L'idée moderne et la chronique du Midi (IMCM). C'est dans la chronique du 05.01.1879 de l'IMCM qu'il écrit à propos du SC : "dirigé dit-on par MM. THOMAS, SALIS et EUZET" que, le 29.06.1878, il "râlait son agonie et expirait en envoyant sa dernière bordée avant de couler". Effectivement, c'est peu avant, le 30.05.1878, que le PM apprenait à ses lecteurs cette prise en main : "à partir du 1er juin le Sémaphore de Cette deviendra la propriété exclusive de MM. SALIS, conseiller général, THOMAS et EUZET, conseillers municipaux. Nous sommes heureux d'annoncer cette bonne nouvelle à nos amis de Cette qui auront désormais à leur disposition un organe exclusivement local qui saura défendre leurs intérêts et défendre en même temps la République. Nous adressons au nouveau Sémaphore nos voeux les plus sincères de prospérité. Avec des inspirateurs tels que MM. SALIS, THOMAS et EUZET les éléments de succès ne manqueront pas." Ainsi, à la veille des nouvelles élections de juin 1878, les deux factions républicaines avaient chacune leur journal local pour défendre leurs idées : le PC pour les uns, le SC pour les autres.



Suite à la dissolution du conseil municipal, de nouvelles élections ont lieu le 23.06.1878. Le parti républicain est donc divisé en deux listes : celle des modérés qui s'appelle la "liste des candidats du comité républicain" (avec, à sa tête, le maire sortant, Joseph ESPITALIER) et la liste des intransigeants qui s'appelle la "liste du comité radical" (avec, à sa tête, Jacques SALIS). C'est un triomphe pour la liste des modérés qui remportent tous les sièges. La liste des 27 élus est la suivante (avec l'indication des métiers et du nombre de voix) : Joseph ESPITALIER (maire sortant, 3876 - rectifié en 3109, selon le PC du 14.08.1878), François BARRÈS (pêcheur, 3623), Jean BOUNY (charpentier, 3610), Jules BOURRAS (négociant, conseiller sortant, 3716 ), Emile CORNIER (employé de commerce, ex-conseiller municipal, 3690), Edouard DÉFARGE (serrurier, 3699), Amand DEJEAN (négociant, conseiller sortant, 3729), Jean Baptiste DEMAY (entrepreneur, conseiller sortant, 3752), Antoine FABRE (employé de commerce, conseiller sortant, 3619), Martin FRANÇOIS (employé de commerce, 3638), Jean GOUDARD (maître de chai, 3618), Jean GRANIER (capitaine au long cours, 3664), François GRENIER (tonnelier, 3628), Noël GUIGNON (tailleur de pierre, ex-maire, 3661), Georges JANSEN (négociant, conseiller sortant, 3596), Pascal LABRY (maître tonnelier, 3667), Auguste LACAVE (négociant, conseiller sortant, 3730), Alexandre MESTRE (négociant, conseiller sortant, 3695), Louis NEBLE (plâtrier, 3572), Théodore OLIVE (commissionnaire, conseiller sortant, 3682), Charles PALHON (propriétaire, conseiller sortant, 3571), Benjamin PEYRET (négociant, conseiller sortant, 3744), Philippe PEYRUSSE (modeleur, mécanicien, conseiller sortant, 3467), Léger PLUMIER (peintre, 3547), Jacques RIBES (négociant, conseiller sortant, 3627), Jean RIEU (employé de commerce, 3661), Pierre SIRGAN aîné (commis banquier,3521).

Les résultats de la liste du comité radical sont les suivants (avec l'indication du nombre de voix) : Jacques SALIS (1784 - rectifié en 1799, selon le PC du 14.08.1878), Honoré EUZET (1746), Sylvain AUBÈS (1597), Louis AUDEMARD (1809), François AYMÉRIC (1718), Isidore BADOIN (1745), Justin BESSIL (1654), Frédéric BOUNY (1659), Gabriel CARBONNEL (1696), Laroque CARCASSONNE (1715), Edmond CARON (1603), François CARTIER (1635), Louis CAVAILLIER (1661), Etienne CELLY (1609), Philémon DIDIER (1660), Joseph DUGAS (1717), François GAUSSEL (1667), Louis HÉBRARD (1677), Etienne LAURENT (1671), Philippe LUGAGNE (1621), Joseph MARMIÉS (1650), Louis MASSABIAU (1641), Joseph MOULINIER (1672), Etienne PRADINES (1692), Jean RICHARD (1642), Pierre THOMAS (1741), Louis VALLAT (1653).

L'appréciation par les radicaux, de la campagne électorale, de ces résultats et de ce qui a suivi, a été faite trois ans plus tard, aux élections municipales du 09.01.1881 (voir l'extrait repris du PM à cette date)

Dès le lendemain des résultats, profitant du succès de cette élection, les modérés poussent Jacques SALIS à démissionner du Conseil général et Honoré EUZET du Conseil d'arrondissement, puisque "le suffrage universel les repousse aujourd'hui, comme ayant démérité" (PC du 24.06.1878). SALIS prend très vite sa décision : "A la suite du résultat des élections municipales de dimanche, M. SALIS a donné sa démission de conseiller général (...)" (PC du 25.06.1878 et PM du 25.06.1878).

Une fois connue la démission de SALIS, la pression se fait d'autant plus forte sur le conseiller d'arrondissement. Une lettre apocryphe de démission est même publiée dans le PC du 27.06.1878. Puis, un certain J.G. fait publier une lettre témoignant du regret que beaucoup de lecteurs ont éprouvé, en apprenant que la lettre de démission était apocryphe et il ajoute : "il y avait lieu d'espérer, qu'après un blâme comme celui qui lui a été infligé dimanche, M. H. EUZET n'aurait qu'à se démettre" Et puis encore : "S'il tient trop aux honneurs pour se démettre, il nous fera croire qu'il pense aujourd'hui, autrement qu'il pensait pour d'autres il y a un an." (PC du 28.06.1878). Le 29, le PC constate qu'il est toujours en place. Puis, le 04.07.1878, le PC annonce que "cette fois-ci, c'est pour de bon, M. Honoré EUZET a donné sa démission de conseiller d'arrondissement du canton de Cette". Mais, un peu plus loin, le journal indique que sa démission "n'a pas été acceptée par le citoyen MARÉCHAL". On y revient encore le 14.07.1878 en annonçant que, cette fois, la démission est définitivement donnée. Tout ça pour constater, le 13.08.1878, qu'Honoré EUZET "n'a pas fait retraite", contrairement à Jacques SALIS ! De son côté, le MDM donne ses explications au fait qu'Honoré EUZET ne démissionne pas du conseil d'arrondissement : "Il se soucie fort peu de faire place à un opportuniste. Nommé il y a quatre ou cinq mois à peine, il tient, paraît-il absolument à faire son stage administratif et politique. Il apprécie sans doute qu'avant d'être quatrième roue au carosse, il faut commencer par en être la cinquième. M. EUZET a raison, et nous prouve par là qu'il connaît bien les attributions du conseil d'arrondissement. (...) Toujours est-il que, pour le moment, sa décision produit quelques déconvenues parmi ceux qui se promettaient son modeste héritage électoral. (MDM du 04.07.1878)

Quant à SALIS, les déboires continuent avec l'élection au conseil général du 11.08.1878. Il se présente, dans le canton de Sète, contre ESPITALIER mais celui-ci l'emporte largement avec 8109 voix contre 1809 pour SALIS (PC du 13.08.1878). Ainsi, pour un temps, les républicains modérés dominent la place de Sète.

Le contexte maçonnique

Le PC du 09.07.1878 permet de comprendre le rôle souterrain de la franc-maçonnerie, chez les républicains, qu'ils soient modérés, opportunistes (comme le maire Joseph ESPITALIER) ou intransigeant, radical (comme son concurrent malheureux, Jacques SALIS) : Nous ne sommes pas franc-maçon (écrit Henri FOURNAIRE) Nous avons même souri parfois, n'allant pas à la messe, de voir des hommes s'imposer des rites et des cérémonies aussi ... inutiles que celles de n'importe quelle église. Depuis que nous savons le beau, le noble rôle joué par les francs-maçons cettois dans la déplorable querelle qui vient de finir entre deux de nos personnalités politiques, nous ne rions plus de la franc-maçonnerie. MM. DIDIER, NICOLAU, JANSON, COUGNENC et AUBÈS délégués de la loge des Vrais amis fidèles se sont littéralement multipliés en démarches de toute sorte, en supplications touchantes et émues, en appels suprêmes de paix et de concorde adressés à leurs frères en maçonnerie MM. SALIS et ESPITALIER (...)"


Le Conseil d'arrondissement ouvre sa session le 15 juillet sous la présidence du doyen d'âge, GILODES. Le bureau est formé avec LAISSAC comme président, BERTIN comme vice-président, VIGOUROUX comme 1er secrétaire et EUZET comme 2ème secrétaire. C'est, ensuite, la mise en place des commissions. Honoré EUZET fait partie de la commission des Travaux publics (PM du 16.07.1878). Un voeu est présenté par Honoré EUZET, VIGOUROUX et ANTERRIEU au Conseil d'arrondissement : "(...) que le service de la gendarmerie départementale soit détaché des attributions du ministre de la guerre, pour être placé dans celles du ministre de l'intérieur (...)" (PM du 18.07.1878). Dans sa séance du 23 septembre, le Conseil d'arrondissement a adopté un voeu émis par Honoré EUZET, relatif aux stationnement en gare des wagons complets et aux taux du magasinage de ces wagons (PM du 26.09.1878). Le PC a raillé cette initiative qui devait surtout profiter aux marchands de fourrage ((ce qui était le cas de EUZET) et aussi parce que l'initiative réelle de ce voeu avait été prise antérieurement par le congrès des chambres syndicales, à Paris, en août ; pour autant, le PC approuvait cette mesure (PC des 28.09., 29.09. et 15.10.1878).

En octobre, Alfred NAQUET, député du Vaucluse, parcourt le département ; Béziers, Sète, Montpellier, sont autant d'étapes où il peut exposer son point de vue de républicain : "Arrivé hier jeudi dans l'après midi. A deux heures, M. NAQUET débarquait à Cette, où il a été reçu par des délégués des cercles républicains, à la tête desquels se trouvait M. EUZET, conseiller municipal. M. PERRÉAL, conseiller général l'accompagnait. Plusieurs centaines d'ouvriers s'étaient également rendus à la gare et lui ont fait cortège jusqu'au café Glacier où il a pris un peu de repos. (...) Six heures ont marqué l'instant du banquet. Ce banquet composé d'une trentaine de personnes, a été d'une intimité toute charmante. Les citoyens BOUDON, ODE, BLANCHART, EUZET, conseiller municipal, PERRÉAL, conseiller général, TAXIL, du Frondeur, DURANC, de La République du Midi, CABROL et BERNARD de L'Indépendant du Midi, Rodolphe EDWARS du Journal commercial, FÉROULD du Petit Languedoc, et LACROIX du Petit Méridional ont successivement porté des toasts. M. NAQUET en a clos la série par un toast à l'amnistie en faisant l'historique des guerres civile et internationale de 1870-1871. A huit heures et demie on s'est mis en route pour le local où devait avoir lieu la réunion. Là, plus de 3,000 personnes attendaient l'arrivée de M. NAQUET qui dans sa conférence a eu un succès extraordinaire. (...) Une tribune était spécialement réservée aux dames. (...) Le sujet du discours, "La question sociale" est entièrement repris dans le journal (PM du 25.10.1878). A la même date, le PC présente ainsi l'arrivée d'Alfred NAQUET et son compte rendu ajoute des détails intéressants : "Aujourd'hui au train de deux heures, M. Alfred NAQUET est arrivé dans notre ville, venant de Béziers. Il a été reçu à la gare par M. Honoré EUZET, conseiller d'arrondissement,(et non conseiller municipal, comme l'écrit le PM) et d'autres personnes n'ayant aucun caractère officiel. (il n'y a personne du conseil municipal) Une foule nombreuse stationnait dans la salle des Pas-Perdus et devant la gare pour voir et acclamer le savant député de Vaucluse. M. NAQUET a fait son entrée en ville donnant le bras à Honoré EUZET, (élément qui ajoute une touche personnelle au tableau) suivi par les personnes qui étaient venues l'attendre, au nombre de 250 environ, et passant sur le quai de la Bordigue et le quai de Bosc. Arrivé devant l'hôtel Barillon, il est entré dans le café Glacier pour prendre un peu de repos. Ce soir, la conférence qu'il doit donner, aura lieu dans le local de la tonnellerie mécanique et aura, pensons-nous, tout l'attrait qu'on doit attendre d'un homme de grande valeur. (remarque à souligner venant d'un journal républicain modéré pour un républicain radical) Beaucoup de cartes ont été distribuées ; on en distribuera encore à l'entrée de la salle de conférence (...)

La fin du "Petit Cettois"

"La distribution du journal à nos abonnés au moyen des enfants présentant des inconvénients dont ils ont raison de se plaindre, nous avons pris le parti, depuis hier, de faire opérer cette distribution par la voie de la poste" (PC du 22.11.1878). "A partir de lundi le Petit Cettois cesse de paraître" (PC du 24-25.11.1878). "Par suite de la suppression des annonces et autres revenus que le Petit Cettois avait acquis depuis sa fondation, la direction se trouve forcée de fixer le prix de vente à dix centimes au lieu de cinq" (PC du 07.12.1878). "Nous avons aussi décidé de ne plus faire d'abonnements en ville, à cause des difficultés que procure la distribution. Nous nous contenterons de la vente par crieurs autorisés. Un dépôt de notre journal sera établi au kiosque de la place de la Bourse" (PC du 07.12.1878). "La direction du Petit Cettois, désireuse de plaire au public, vient de fixer le prix de vente à cinq centimes le numéro ; elle espère qu'il lui sera tenu compte du sacrifice qu'elle fait pour lui être agréable" (PC du 14.12.1878). Ces avis montrent que le PC était financièrement aux abois en cette fin de l'année 1878. Le numéro du 14 décembre est le dernier et l'explication de l'arrêt se trouve dans le numéro du 7 décembre : "Depuis douze jours, l'inflexible Atropos a coupé le fil de la vie du Petit Cettois. Quand la vie d'un journal ne tient qu'à un fil, il n'est pas malaisé de le faire passer de vie à trépas ; il suffit de lui supprimer l'imprimerie. Le fil est rompu. Pour le renouer, il faut trouver une autre imprimerie (...) Au demeurant, le Petit Cettois reparaîtra une fois, deux fois ou trois fois par semaine, jusqu'à ce que l'installation d'une nouvelle imprimerie à Cette nous permette de l'éditer tous les jours (...) M. FOURNAIRE a fait et créé le Petit Cettois, les souscripteurs ont fourni leur argent, rien de plus naturel (...)". Dans ce dernier article, Henri FOURNAIRE vise le maire de Sète, Joseph ESPITALIER, comme il l'expliquera en 1879. Cet épisode aura des conséquences car le PC était la voix des républicains modérés de Sète.

1879

La création du "Nouveau Cettois"

Le premier numéro conservé (en ligne) du NC est du 06.03.1880 mais il porte le numéro 380 et les numéros suivants suivent cette numérotation (n° 381, 382, 383, etc.). Il ne s'agit donc pas d'une erreur, ce qui en reporte la création au tout début de l'année 1879, compte tenu des numéros dominicaux qui incluent les lundis. D'ailleurs, on en a la preuve par des articles du PM qui citent à plusieurs reprises le NC. Ainsi, dans son numéro du 05.02.1879 : "Le Nouveau Cettois du 4 février annonce la démission de M. LACAVE, notre second adjoint (...) Cette façon de congédier un bon soldat ne respecte ni la dignité, ni la reconnaissance dues à de si beaux états de service (...)". On peut encore donner en exemple le numéro du 19.02.1879 ; alors que dans son numéro du 17, le PM écrivait que le bruit de la retraite du maire de Sète courait en ville et s'accréditait d'heure en heure, le NC s'insurgeait contre ce bruit et critiquait SALIS supposé être l'auteur ou l'inspirateur de cet article : "On comprend aisément que ce bruit de retraite ait pu être désagréable à M. le maire. Avait-il l'intention d'accomplir un acte d'amabilité lorsque, au lendemain de sa victoire municipale, il écrivait à son rédacteur M. FOURNAIRE, qu'on ne blaguera absolument qu'EUZET et jusqu'à sa démission (...) Et là-dessus le Petit Cettois, dirigé par M. ESPITALIER, se faisait propagateur périodique de la retraite de notre sympathique conseiller d'arrondissement ; et cela, parfois, dans un style genre assez badin. Et si on rend aujourd'hui ce qui appartient à César, à qui la faute ? (...)". En fait, peu d'informations sur Sète sont signalées dans le PM en 1879. Seules exceptions, les critiques sur la ligne adoptée par le NC qualifié de "feuille réactionnaire" (PM du 27.02.1879). Ainsi, les numéros du PM des 12, 13, 17, 18, 19 et 20 avril se font longuement l'écho des disputes entre CHABRIER du NC (probablement son rédacteur en chef) et les deux directeurs du PM, SERENO et CAMOIN.

La création de "L'idée moderne et la chronique du Midi"

"Ainsi que je l'ai annoncé par la voie du Petit Méridional, le Petit Cettois cesse momentanément de paraître par la volonté de M. Joseph ESPITALIER, maire de Cette, conseiller général par la grâce du Petit Cettois et de son rédacteur en chef (...) Le public cettois a pris parti dans la lutte électorale du mois de juin, pour tel chef de file qui lui a paru présenter plus de garanties, de capacité, d'honnêteté et de vertus civiques. J'ai été le porte-parole autorisé d'un de ces chefs. Aujourd'hui, ce chef me lâche, suivant sa propre expression, pour faire appel à l'étranger. Les 3800 qui ont suivi le drapeau que j'ai hardiment déployé ont mille fois raison de me demander d'où peut provenir un tel revirement. Serait-ce moi qui ai démérité, ou bien lui qui aurait trompé ? (...)" (IMCM du 05.01.1879)

Henri FOURNAIRE donne ensuite sa version des évènements dans un article intitulé : Une lessive. "Le samedi 29 juin 1878, c'est-à-dire huit jours après les élections municipales, le journal le Frondeur, de Montpellier, arrivant à Cette par le train du matin, contenait un article de quelques lignes accusant M. ESPITALIER de compromissions avec les réactionnaires (...) Le même jour, à 5 heures du soir, le Sémaphore de Cette, dirigé, dit-on par MM. THOMAS, SALIS et EUZET, râlait son agonie et expirait en envoyant sa dernière bordée avant de couler. Le Sémaphore reproduisait purement et simplement l'article du Frondeur ; le trait était bien lancé (...) M. ESPITALIER se présenta aux bureaux de la rédaction du Petit Cettois, à 3 heures, le Frondeur à la main (...) Je connaissais l'article depuis le matin. M. ESPITALIER était naturellement très-vexé et très-irrité. Il prétendit d'abord que mon article de l'Heureux et fier du lendemain des élections était la cause malheureuse de l'attaque de TAXIL ; mais je lui mis l'article sous les yeux et il fut bien obligé de convenir que le sens en avait été défiguré par ce dernier et qu'en tout cas, quoique n'ayant pas tenu la plume pour le rédiger, l'article était le résultat d'un accord entre nous dans les circonstances que je précisais. A la suite de ce premier incident, je l'engageai vivement à se rendre à Montpellier par le train du soir à l'effet d'intenter une action correctionnelle au Frondeur et à son rédacteur. Ce fut chose convenue et il sortit. Le Sémaphore n'avait pas encore paru. - A cinq heures et demie, cependant il vit le jour pour la dernière fois, et l'article de TAXIL figurait tout au long dans ses colonnes. M. ESPITALIER ne reparut au Petit Cettois que le lundi soir et prétendit qu'à Montpellier un des employés chefs de la préfecture ne lui avait pas conseillé d'attaquer TAXIL. Ce même jour le Petit Cettois publiait un article d'un rédacteur irrégulier parlant des gifles que M. TAXIL avait reçues à Marseille de la part de M. ORUS." FOURNAIRE donne ensuite le texte des correspondances qu'il a échangées avec le maire à ce sujet. TAXIL avait exigé une rectification dans le journal et comme elle ne parut pas, il vint trouver FOURNAIRE avec deux témoins à son bureau. A la suite de ce nouvel incident, FOURNAIRE conclut, dans un courrier adressé à ESPITALIER : "Ce soir, je sortirai armé, dans le cas où on le pousserait contre moi." (IMCM du 05.01.1879).

Et puis encore, ces quelques mots : "Au moment de mettre sous presse, nous avons à peine le temps de dénoncer le fait suivant. M. Joseph ESPITALIER, maire de Cette, a interdit formellement à l'afficheur, qui est en même temps le Précon de la mairie, l'affichage d'un placard annonçant l'apparition de l'Idée moderne. Les maires de l'Empire sont dépassés. Nous en reparlerons." (IMCM du 05.01.1879) ... On n'en a pas reparlé !

En effet, ces article dans l'unique numéro conservé (en ligne) de ce journal constituent, en quelque sorte, le testament journalistique sétois d'Henri FOURNAIRE mais, à cause de ces evènements, pour les républicains sétois, Joseph ESPITALIER restera l'homme qui s'est compromis avec les réactionnaires. Ce journal que le PM appelle simplement "L'idée moderne" a continué à exister comme on le voit dans le PM du 08.02.1879. C'est l'époque de la création des comités dits de l'amnistie. Pour celui de l'Hérault, le PM donne les noms des représentants de la presse républicaine de Montpellier. En plus du PM, on y voit La commune libre, La République du Midi, Le Frondeur et le PM ajoute : "Auxquels nous pourrions ajouter sans doute, aujourd'hui, M. Th SERRE pour l'Idée moderne".

En tout cas, le PM ne manque pas de reprendre ces informations dans ses numéros des 8, 10 et 13 janvier 1879, sous le titre L'Honorable M. ESPITALIER : "On n'a pas oublié dans notre région, la querelle survenue il y a quelques mois, entre M. TAXIL et M. ESPITALIER. Comme on le sait, cette querelle se termina devant les tribunaux, mais elle fut précédée par une série d'incidents qui donnaient lieu à un échange de lettres très curieuses entre M. FOURNAIRE et M. ESPITALIER, maire de Cette et propriétaire du Petit Cettois". En fait, l'objectif du PM est alors de mener une campagne contre le maire de Sète, à la suite des documents révélés par Henri FOURNAIRE dans IMCM. Sont notamment repris, les parties de lettres adressées à FOURNAIRE qui montrent la manière de faire du maire de Sète : " (...) Que X..., au lieu d'épiloguer, prenne le train avec deux amis et aille claquer préventivement TAXIL dans un café avec intention bien arrêtée de ne pas se battre. On ne se bat pas avec des TAXIL. Voilà mon système à moi." Et encore, suite à la visite de TAXIL au bureau du PC : "Vous pouvez dormir bien tranquille. Si le chien faisait cependant mine d'aboyer, tapez dur et le premier, crevez moi ça comme un chien enragé". Evidemment, le PM ne manque pas de s'étonner de ces procédés : ""Sommes-nous dans un pays de sauvages ou dans un pays civilisé ? et, surtout : "Nous demandons à M. le préfet de l'Hérault ce qu'il pense de ce maire qui parle de crever les gens et qui traite les journalistes républicains de chiens enragés

Cependant, Le vrai "testament journalistique" de cette période, on le trouve dans la brochure intitulée : "Une page d'histoire à Cette" d'Henri FOURNAIRE. Le PM du 09.02.1879 s'en fait l'écho : "Nous avons aujourd'hui entre les mains la curieuse brochure de M. FOURNAIRE : Une page d'histoire à Cette, qui était impatiemment attendue et qui, par les détails piquants qu'elle contient, répond à cette impatience. Nous nous proposons un de ces jours, comme nous l'avons déjà promis de faire quelques emprunts à cette brochure. Il faut que nos lecteurs sachent de quelle manière l'honorable (?) M.ESPITALIER encore maire de Cette, a compris les devoirs qui s'imposent au premier magistrat d'une grande cité."

Henri FOURNAIRE : un journaliste efficace mais trop franc ... et donc incontrolable ?

On a déjà vu les démêlés d'Henri FOURNAIRE avec le JCM. Il en fut de même avec le PC, journal de combat qui permit aux modérés de gagner les élections mais qui laissa quelques souvenirs cuisants, comme il l'explique dans un article du PC du 14.12.1878 (dernier numéro paru), à propos de ces élections municipales de juin : "Le lendemain, à 9 heures du soir, le résultat des élections était chose certaine en faveur de la liste modérée, et le jour suivant parut l'article le triomphe de la raison, si vivement critiqué par les vaincus et les vainqueurs eux-mêmes, sous prétexte qu'il y était déclaré qu'on était heureux et fier d'une alliance avec les réactionnaires. Je m'empresse de prendre hautement la responsabitité de l'article ; c'est moi qui l'ai écrit ; mais avant de l'écrire, il a été inspiré et les mots incriminés ont été répétés à l'inspirateur, qui n'a rien trouvé à redire, (...) S'il faut dire la vérité, il n'y a jamais eu d'alliance et de compromission avec personne, du moins à ma connaissance ; mais secrètement, la plupart des meneurs de l'élection désiraient l'apport des 6 ou 700 voix réactionnaires qui ont voté (je le crois du moins), avec la liste des modérés ; ils ont été vexés de ce que le journal ait dit franchement la vérité. Il leur a semblé qu'on mettait à nu leurs plus secrètes pensées et quelques jours après, (...) un article réactif signé un clérical (...) parut à l'effet de tempérer la mauvaise impression première. L'élection finie, on aurait bien voulu me secouer comme un vieux paillasson et me déposer après devant la porte ; mais des incidents pouvaient encore survenir, une nouvelle élection était en perspective, on résolut, avant de me lâcher, de me brider ; des censeurs furent désignés pour venir tous les jours vérifier les articles avant de les donner à l'impression. Ces censeurs purent se convaincre par les originaux des manuscrits que j'étais toujours resté dans les limites raisonnables, et que si quelqu'un avait déraillé, ce n'était pas moi. Mais à leur tour, ils se mélèrent de fabriquer eux-mêmes de la copie, ce dont j'ai conservé les preuves. Je fus donc obligé de devenir le censeur des censeurs, et c'est grâce à l'un d'eux que la lettre contre Léo TAXIL, parlant de l'hyène à la gueule ensanglantée, fut publié malgré mon opposition."

On trouve encore, dans le PC du 20.06.1884, l'entrefilet suivant : "On télégraphie de Bastia que M. FOURNAIRE successeur de SAINT-ELME à la rédaction du Sampiero a été l'objet d'une violente agression à la suite de laquelle une vive agitation règne dans la ville". (la nomination de FOURNAIRE devait être récente car SAINT-ELME est décédé - en fait, assassiné - en 1884). Décidément, les mêmes causes produisent les mêmes effets, semble nous dire le PC nouvelle formule, une justification a posteriori en quelque sorte ... Quant à son adversaire journaliste le plus acharné, Léo TAXIL, son étoile fut ternie dès 1881 : "La République maçonnique publie un décret du conseil de l'ordre du Grand Orient de France ratifiant l'expulsion définitive de la maçonnerie du sieur Gabriel Jogand PAGÈS dit Léo TAXIL, prononcée par la loge du Temple des amis de l'honneur français dans sa tenue du 14 octobre 1881. Cette expulsion a été motivée par la condamnation pour plagiat, subie en police correctionnelle par le sieur Léo TAXIL" (PC du 14.03.1882), ce qui n'empêchera pas le PM de continuer à faire la plublicité du Frondeur (le journal de Léo TAXIL) pendant de longues années encore.

Mais, tel un phénix, FOURNAIRE reparaît avec le JCM, en 1886, toujours dans des relations conflictuelles, comme le montre une communication de J.B. VIVAREZ, publiée dans le JC du 04.08.1886 : "Le nommé Nemo (autrement dit Henri FOURNAIRE) dont l'autorité et la considération se valent, a jugé à propos de me prendre plusieurs fois à partie dans le Commercial d'une façon plus ou moins directe. Je me suis toujours promis de ne point répondre : on ne perd pas son temps pour si peu. Que pourrais-je, d'ailleurs, lui dire que tout le monde ne sache ? Il a injurié M. SALIS après avoir accepté ses invitations, M. ESPITALIER après avoir été à sa solde, M. Honoré EUZET après avoir été son associé, M. B. PEYRET qui l'a si souvent aidé dans des moments difficiles. Aujourd'hui, il se retourne contre moi, qui lui ai fait l'aumône quand il avait faim. Certes, je ne demande pas qu'un tel homme ait la reconnaissance du ventre. Mais devrait-il attendre au moins pour m'attaquer, d'avoir digéré le pain dont je l'ai nourri. Je ne fais pas appel à son honnêteté mais à son souvenir. Serait-ce encore trop exiger ?"

Le dernier sursaut connu se place en 1889 quand, pour une élection municipale complémentaire, il se présente (au premier tour) comme candidat indépendant. Il obtient péniblement 90 voix et disparaît, à nouveau, dans l'anonymat !



A propos de la visite de Louis BLANC à Sète, le 23.09.1879 LT écrit : "Louis BLANC était accompagné de son frère et de MM. SALIS et EUZET, qui étaient allés au devant de lui à Montpellier. Une foule énorme remplissait la gare et les arrivants ont été accueillis par les cris unanimes de : Vive Louis BLANC ! vive la République ! vive l'amnistie ! (...) Aujourd'hui, l'hôtel Barillon n'a pas désempli. Le maire et tout le conseil municipal sont venus souhaiter la bienvenue à l'illustre visiteur (...) Le soir a eu lieu la conférence dans un vaste hangar qui contenait quatre mille personnes, bien qu'une partie du local fût occupée par des machines. La séance était présidée par M. SALIS dont la courte allocution a été vivement applaudie (...) Le sujet du discours était : "Le peuple de février 1848 (...) A la suite de la conférence, M. Louis BLANC a été accompagné, dans le plus grand ordre, par la foule chantant le Chant du Départ et la Marseillaise. (Le Temps du 26.09.1879). On trouve aussi un compte rendu dans le PM du 24.09.1879 où l'on voit quelles délégations ont été reçues par Louis BLANC : "des déportés de 1851, de la Loge maçonnique, des cercles du Travail, des Droits de l'Homme, des Amis réunis, des Alliés, de l'Avant-Garde, puis des délégués des communes de Marseillan, de Narbonne, de Mèze, de Gigean, de Poussan" . De son côté, le MDM en profite pour ironiser sur les divisions dans le camp républicain : "La venue de Louis BLANC à Cette a mis à la fois sur les dents les radicaux et les opportunistes. Tout comme à Marseille, ce sont les premiers qui l'ont pour ainsi dire, accaparé, et se sont fait ses patrons ; mais les seconds n'ont pas voulu rester en arrière, et hier, à deux heures, le conseil municipal, maire en tête, est allé en grande pompe présenter les hommages au vieux tribun socialiste. Ce qui prouve que la démocratie a ses fétiches ; les uns vrais, les autres de convention, ou même forcés. C'était tout de même un spectacle assez curieux que celui d'une lutte à l'adoration d'une même personne, entre gens qui se haïssent cordialement. (...) Le soir, à huit heures et demie, la presque totalité des électeurs républicains cettois se pressait dans l'ancien local de la tonnellerie mécanique (...) A son entrée, le citoyen Louis BLANC est acclamé par une partie très-faible , mais très turbulente de l'auditoire. Quelques cris de : Vive l'anarchie ! Vive l'article 7 ! se font entendre. Cependant, personne n'a vu l'orateur quand tout à coup, il apparaît à sa place, à la tribune, sur laquelle très-certainement un escabeau a été placé. MM. LISBONNE et SALIS sont à sa droite ; MM. VERNHES et EUZET à sa gauche ; derrière beaucoup de notabilités radicales qui nous sont parfaitement inconnues. M. SALIS ouvre la séance par quelques paroles de remerciements à l'illustre député de l'extrême gauche (...)".

1880

La fin du "Nouveau Cettois" et la création du "Petit Cettois"

On a vu que le dernier numéro du PC est du 14.12.1878 (n° 143) et qu'il a été remplacé par le NC dès le début 1879. Le gérant responsable du NC est B. BRABET. On le retrouve, un peu plus tard, comme gérant responsable du PC (nouvelle formule). En effet, le 01.05.1880, le PC reparaît et s'intitule fièrement : Journal Républicain Libéral. Il annonce ainsi ses objectifs : "Le Nouveau Cettois ayant cessé sa publication, nous venons prendre sa place. (...) La ligne de conduite diffèrera peu de celle du Nouveau Cettois. Il défendra la République libérale ouverte à tous et voulant la liberté pour tous. (...) Nous pouvons ajouter que, sans attache d'aucune sorte, il nous sera facile d'étudier toutes ces questions (relatives à la gestion de la ville) avec une entière indépendance. (...)"

En 1880, paraît le rapport concernant "l'Enquête sur l'obligation, la gratuité et la laïcité de l'enseignement primaire", par Jean MACÉ et Emmanuel VAUCHEZ, pour le Cercle Parisien de la Ligue de l'Enseignement. Cette enquête lancée en 1872 a été interrompue à deux reprises, à cause des évènements du 24 mai 1874 et du 16 mai 1877. Elle a été envoyée à l'ensemble des élus (députés, sénateurs, conseillers généraux, conseillers d'arrondissement, maires, conseillers municipaux ...). Dans ces pages, sont reprises les déclarations des élus, par arrondissement. Celle de Sète est signée par le maire et conseiller général, J. ESPITALIER, par ses adjoints, PEYRET et DEJEAN, par Honoré EUZET, conseiller d'arrondissement, par vingt conseillers municipaux et par deux anciens conseillers municipaux (BLOEME et CORMIER). Les soussignés demandent "l'instruction primaire, obligatoire, gratuite et laïque, pour les deux sexes, dans toutes les écoles subventionnées par les communes, les départements et l'Etat" (Gallica)

Le maire de Sète, Benjamin PEYRET, postulant au Conseil général, le PC appuie sa candidature contre celle de Jacques SALIS soutenu par les journaux radicaux du département. Ainsi, dans son numéro du 01.08.1880, le PC rappelle les positions de SALIS lors de l'élection de 1874, estimant qu'une fois élu, il n'avait rien fait et, en plus, qu'il avait été à la tête de ceux qui s'opposaient à la grande jetée Régy qui aurait grandement amélioré le port de Sète. Mais, Jacques SALIS ayant remporté l'élection, "le conseil municipal à l'unanimité a donné sa démission" (PC du 05.08.1880). Le tableau des maires de la ville qui est à la mairie indique que Théodore OLIVE est devenu maire le 08.09.1880 (information reprise sur le site de MairesGenWeb). Cependant, les journaux sont silencieux sur cette nomination ou élection.

Heureusement, trois articles du PM permettent de lever un coin du voile ; le premier est du 31.08.1880 : "Un mot, non point au sujet de notre crise municipale, mais de notre comédie municipale. Voici l'histoire : Au lendemain de nos dernières élections au Conseil général, le candidat malheureux se démet de ses fonctions de maire, tout en conservant son mandat de conseiller municipal. Le conseil municipal, atteint par la défaite de son chef, démissionne en masse. M. le préfet, ne pouvant le faire revenir sur leur décision, force lui fut de consulter le dernier élu et premier représentant de notre cité, le citoyen SALIS. Après un court entretien, l'un et l'autre se déclarèrent ennemis de toute commission municipale ; il ne fut pris aucune décision ; nous fûmes tout simplement (chose impossible), menacés d'élections municipales en septembre. En ce temps-là, notre gouverneur était notre premier écharpé, le citoyen DEJEAN qui, sentant son trône, sinon s'effondrer au moins profondément vermoulu, déclara ne plus vouloir s'y asseoir. M. le préfet, de nouveau, entretint le citoyen SALIS de la situation de Cette et, sur ses instances, ce dernier, par devoir et par raison, consentit à essayer de former une commission municipale ; après force courbettes et révérences, une liste fut dressée et portée à Montpellier. Mais quel vent avait soufflé dans l'intervalle ? Nul ne le sait. Toujours est-il que M. le préfet déclarait au citoyen SALIS que M. le ministre se contenterait d'un triumvirat ; la commission municipale était bravement et sans autre forme de procès, jetée par dessus bord. Les citoyens DEJEAN, JANCEN et GUIGNON, conseillers démissionnaires, consultés et appelés même, dit-on, à Montpellier, acceptèrent les fonctions de triumvirs. La situation était sauvée, Cette allait pouvoir dormir sur ses deux oreilles. Mais les collègues du conseil municipal, consultés à leur tour, n'approuvèrent sans doute pas le zèle par trop inopportun des triumvirs qui, l'oreille basse, durent déclarer à M. le préfet ne pas être nés pour faire le bonheur de Cette et retirèrent leur adhésion au triumvirat. De là un gâchis croissant. Nouvel appel de M. le préfet au citoyen SALIS qui, cette fois se mit à sa disposition pour toute communication relative au Conseil général seulement ; après l'aventure de la commission municipale, il n'avait pas d'autre chose à faire. D'où embarras plus grand que jamais. M. le préfet, par dépêche de 9 heure du soir, et par l'intermédiaire du citoyen DUBARRY, secrétaire général de la mairie, à défaut de toute autorité municipale, invite les citoyens EUZET, conseiller d'arrondissement, et CARRON, électeur, à se rendre le lendemain matin, à 7 heures, à la préfecture ; ces deux citoyens ne purent répondre à l'honneur de si tardive et si matinale invitation. Et voilà comment, à Cette, ville de 30.000 habitants, nous n'avons plus ni conseil municipal ni maire, plus rien ; jusqu'à quand cela durera-t-il ? (...)

Le deuxième article du PM est du 05.09.1880 : "Notre situation municipale est toujours la même ; le citoyen OLIVE gouverne seul. Le cumul, pour ce digne républicain, est élevé à la hauteur de la plus respectable vertu démocratique : il est conseiller municipal, maire, premier adjoint, deuxième adjoint, tout, tout. Il ne doute de rien ; il a rêvé que cela pouvait être, et cela est ; il continue à commander à 30.000 citoyens avec la désinvolture d'un pur 16 mai. (...) Il est du devoir de M. le ministre de l'intérieur et de M. le préfet de mettre ordre, sans retard, à cet état de choses."

Le troisième article du PM est du 12.09.1880 : "Le citoyen OLIVE est toujours conseiller municipal, maire, premier et second adjoint ; il se cramponne au pouvoir avec une rage extra-diabolique (...) Cette est une ville de 30.000 âmes, respirant la prospérité, le travail, les affaires, le mouvement commercial et maritime ; on ne saurait donc impunément et sans coupable négligence suspendre plus longtemps sa vie communale. M. le préfet assumerait une grave et sérieuse responsabilité, il lui appartient et il est de son devoir de mettre un terme à ce profond et très préjudiciable désordre. Qu'il refuse carrément la démission du conseil municipal, si ce n'est point la pire des comédies, et qu'il l'oblige à remplir sa tâche ; ou qu'il l'accepte carrément aussi et qu'il cherche une solution prompte et favorable ; c'est son affaire à lui. Mais Cette ne peut pas ne pas vivre de la vie dont jouissent les 36.000 communes de France. (...)"

Et puis encore : "Toujours pas de conseil municipal, pas de maire, pas d'adjoint ! Un vrai gâchis municipal que M. le préfet tolère et paraît même favoriser. On se demande quand finira un pareil état de choses et s'il est permis de méconnaître plus longtemps les intérêts d'une ville aussi importante que l'est Cette" (PM du 03.10.1880)

1881

L'élection municipale du 09.01.1881 : la revanche des radicaux.

C'est quelques jours avant l'élection municipale que le Comité central républicain présente la liste de ses 27 candidats, dans la mouvance radicale : "Jacques SALIS, conseiller général ; Gaston ARNAUD, propriétaire ; Sylvain AUBÈS, ancien conseiller ; Joseph BEFFRES, entrepreneur ; Joseph BERGNES, comptable ; F. BOUNY, maître tonnelier ; Paul BRUEL, négociant ; François CARTIER, boulanger ; Jérôme CAYRON, ferblantier ; Pierre CHAUVET, maître de chais ; Henri DEFARGES, capitaine au long cours ; Philémon DIDIER, commerçant ; Emile DUCROS, négociant ; François GAUSSEL, ancien conseiller ; Marius LAGARDE, tonnelier ; G. LAUTHIER, tonnelier ; Alexis LEQUES, tonnelier ; Mathieu MAGIS, plâtrier ; Pierre MARQUES, coiffeur ; Louis MASSABIAU, entrepreneur, ancien conseiller ; Joseph NICOULAU, entrepositaire ; G. NOUGARET, calfat ; François PARENT aîné, mécanicien ; Etienne PRADINES, ancien conseiller ; Etienne ROQUES, commerçant ; Pierre THOMAS, ancien conseiller ; Marius VAREILLE, négociant." (PM du 05.01.1881). La liste est présentée, pour le comité, par le secrétaire CANET, le président AYMERIC, le vice-président TAQUET et le trésorier VAILLÉ. Evidemment, on ne peut qu'être surpris de l'absence du nom d'Honoré EUZET dans cette liste. Comment l'expliquer ? Il faut, peut-être, rechercher là la première raison des problèmes qui vont suivre entre lui et les radicaux.

De son côté, La liste républicaine (dans la mouvance des modérée) paraît le 8 : "Eugène ALMAIRAC, négociant ; Félix ARMEINGUIÉ, limonadier ; Simon BASSAS, entrepreneur ; BAYROU, négociant ; Joachim BERTRAND, tailleur de pierre ; Xavier BONNIEU, jardinier ; BROUILLONNET aîné, employé de commerce ; Théodore CAUSSE, négociant de la maison CAUSSE frères ; Jean COMBE, entrepreneur ; Auguste FALGUEIRETTES, négociant, président du Conseil des Prud'hommes ; Félix FONDERE, négociant ; Jean GRANIER, capitaine au long cours ; Pierre GRANIER, négociant de la maison VAILLARD et GRANIER ; François GRENIER, tonnelier ; Jean GOUDARD, tonnelier ; Georges JANSEN, négociant ; François MARTIN, employé de commerce ; Marius MAURIC, menuisier ; Louis NOELL, pharmacien ; Théodore OLIVE, armateur ; Charles PALHON, propriétaire ; Léger PLUMIER, peintre ; REY, camionneur ; SIRGAND aîné, comptable ; Emile TEULON, docteur en médecine ; Adolphe VEROLY, commis négociant ; Jean Baptiste VIVAREZ, courtier." (PC du 08.01.1881)

Pour bien comprendre la situation, il faut la comparer à celle de l'élection de 1878. C'est ce que fait le PM du 09.01.1881 : "Aux dernières élections municipales, en 1878, deux listes étaient en présence la liste radicale, se recommandait de la bonne moralité, de l'intelligence, du désintéressement et de la probité politique et républicaine de ses candidats. La seconde, le liste modérée, avait pour elle une alliance secrète avec la réaction, des promesses de places à ses agents électoraux, une presse achetée, chargée de noircir, de déconsidérer, d'injurier les candidats radicaux ; chargée de crier bien haut que les candidats radicaux ne rêvaient que révocations, que renversement de toute administration, qu'anéantissement de la société, qu'enfin les candidats radicaux étaient de purs ambitieux, des incapables. Voilà quelle était la situation aux élections de 1878, et comme la calomnie, généralement, triomphe au début, la liste dite modérée triompha. Les républicains se rappellent le cri du coeur qu'au lendemain de ce triomphe poussa le chef des modérés, le citoyen ESPITALIER ; il déclara par la voie de la presse, être fier et heureux de l'appui de la réaction. Républicains Cettois qui fûtes trompés ce jour-là, souvenez-vous en ! Le premier travail de ces républicains sans principes républicains fut le renvoi immédiat de quelques employés municipaux, républicains sincères et honnêtes pères de famille ; le second, la distribution de places grassement salariées à leurs agents électoraux en partie encore en fonctions. Après ces deux hauts faits d'armes les conseillers modérés firent semblant de se mettre à la besogne ; ils parlèrent beaucoup des écoles, des casernes, des crèches, des asiles, des rues privées telles que les rues AURIOL, etc. ... mais ils ne firent rien, et la preuve c'est que ni écoles, ni casernes, ni crèches, ni rues privées, rien n'est fait ; tout est à faire. Qu'ont-ils donc fait pendant ces trois années ? Ils ont oublié les intérêts de la ville. Leur chef de file, le citoyen ESPITALIER s'est mollement assis dans un fauteuil de receveur particulier et M. le Ministre de l'intérieur, dans une lettre publiée hier donne une idée de leur gestion, de leurs hautes capacités financières et économiques" :
"(...) Depuis trois ans les dépenses s'étaient accrues dans une proportion tout à fait anormale, de telle sorte que les ressources annuelles ne suffisaient plus pour y faire face. Une pareille situation ne peut se prolonger sans compromettre l'équilibre des finances municipales et sans créer, à bref délai, les plus grands embarras à l'administration locale
"

Sur le dernier argument financier, la réponse est la suivante dans le PC du même jour : "On a fait insérer dans le Petit Eclaireur une lettre du Ministère de l'intérieur au Préfet de l'Hérault d'où il résulte que les dépenses de la ville de Cette dépassaient nos ressources annuelles et par suite compromettaient l'équilibre qui doit exister dans tout budget bien administré. (...) On n'a peut-être pas remarqué que la lettre en question est du 26 juillet 1879 et que les irrégularités qu'elle relève se passaient depuis trois ans, c'est-à-dire en 1876. Or, à cette époque, c'était la municipalité SALIS, AYMERIC, THOMAS et tutti quanti qui était au pouvoir, d'où il suit que les reproches du Ministre de l'Intérieur s'adressaient à ces messieurs et non à la dernière administration. (...)" (lettre d'un électeur dans le PC du 09.01.1881)

Cependant, ce dernier contre-feu ne suffit pas et c'est la liste radicale qui passe en entier à la mairie. SALIS a le plus de voix (3447), VAREILLE en a 3320, ARNAUD 3214, DUCROS 3239, LAUTHIER 3143, NICOLAU 3178, THOMAS 3279, etc. Du côté de la liste républicaine, ALMAIRAC obtient 1900 voix, FONDERE 1914, CAUSSE 1904, etc. Sur 8227 inscrits, il y a eu 5224 votants (PC du 11.01.1881).

Par décret du Président de la République, en date du 09.02.1881, la mairie de Sète est ainsi composée : Maire, Jacques SALIS ; 1er adjoint, Marius-Simon VAREILLE ; 2ème adjoint, Pierre THOMAS. Le PM des 09, 10, 11, 12 et 13, donne par le menu le programme du nouveau conseil municipal, précédé d'un discours de Jacques SALIS. Ce programme paraît important, bien pensé à l'avance et redistribué dans les commissions : réforme du service des eaux et de la voirie, réorganisation du service des indigents, volonté de régler une fois pour toutes la question des rues privées AURIOL, etc. Vu le nombre des affaires, on prévoit tout de suite une session extraordinaire du conseil municipal, les commissions se réunissent tous les soirs, etc. Cependant, ce volontarisme de départ laisse percer rapidement l'inquiétude de voir retomber l'enthousiasme : "Il ne faut pas qu'il (le conseil municipal) se laisse arrêter dans ses travaux par les fluctuations de la politique, par les compétitions et les querelles intestines qui ont divisé trop souvent notre administration communale. Il faut qu'il produise quand même ; que la poussière des dossiers soit secouée, que ceux-ci soient étudiés avec soin et qu'une prompte solution leur soit donnée" (PM du 19.02.1881)

Jacques SALIS, maire de la ville de Cette
(photo probablement prise en 1903 quand il est député de la 3ème circonscription de Montpellier)
- Guide de l'Hérault 1904, vue 855 sur le site en ligne des AD 34 -



Les journaux de l'époque reproduisent souvent des lettres qui leur sont adressées sans que l'on sache qui, exactement, les a écrites. Ainsi, dans sa rubrique Tribune électorale, le PM du 14.10.1881 publie une lettre écrite le 13, concernant l'élection d'un conseiller général, suite à la démission de Jacques SALIS de cette assemblée : "Nous sommes l'écho d'un grand nombre de nos concitoyens en disant que pour mettre fin à la désunion qui vient encore diviser le parti radical et qui divisera sûrement notre conseil municipal, il serait nécessaire que le citoyen Honoré EUZET, conseiller d'arrondissement, qui d'après la hiérarchie démocratique a seul le droit d'aspirer aux fonctions de conseiller général, se présentât à nos suffrages. Elu deux fois conseiller municipal, conseiller d'arrondissement depuis quatre ans, le citoyen Honoré EUZET nous offre toutes les garanties possibles. Intelligence des affaires et convictions radicales éprouvées. Tous nos concitoyens connaissent son attitude ferme pendant les époques néfastes des 16 et 24 mai. De plus, nous sommes certains que son nom ramènerait l'union avec beaucoup de républicains qui ne se sont séparés de notre groupe que sous l'influence de deux personnalités rivales. Que le citoyen Honoré EUZET sorte donc de sa modestie habituelle ! Son nom s'impose ; qu'il se présente à nos suffrages, il sera vainqueur ; ou bien qu'il veuille bien nous donner les motifs de son refus. - Un groupe d'électeurs."

La réponse d'Honoré EUZET, est immédiate puisqu'elle se trouve dans le PM du 15.10.1881 : "Mes chers amis, je suis heureux que la lettre que vous avez publiée dans le Petit Méridional hier me fournisse l'occasion d'expliquer avec franchise pourquoi je n'ai pas cru devoir me rendre aux nombreuses sollicitations qui m'ont été faites, à l'effet de prendre part comme candidat à la lutte électorale du 16 octobre prochain. Plusieurs groupes d'électeurs avaient pensé que les quinze années de bons et loyaux services rendus à la démocratie cettoise, le mandat de conseiller municipal dont j'ai été investi à deux reprises, un stage de quatre ans dans le conseil d'arrondissement dont j'ai l'honneur d'être le vice-président, me donnaient des titres suffisants à la confiance de mes concitoyens ; ils avaient pensé aussi qu'il était bon que Cette fût représentée par un Cettois dans notre assemblée départementale où s'agitent des intérêts si divers. J'ai senti tout le poids de ces considérations et cependant j'ai cru qu'elles devaient céder devant des nécessités plus impérieuses encore. Ce n'est pas, en effet, au moment où notre parti donne le triste exemple des divisions personnelles que je dois venir jeter de nouveaux éléments de désordre. J'aurais volontiers autorisé mes amis à se servir de mon nom, si j'avais pu penser qu'il pût aider à reformer l'union du parti républicain cettois, dont je constate la division et le morcellement avec une tristesse qui sera partagée par tous les amis sincères de la démocratie. Mais ce résultat si désirable l'aurions-nous obtenu ? Il est pénible de le constater mais aujourd'hui le peuple trompé par des meneurs intéressés à nos divisions ne reconnaîtrait plus les siens. Voilà pourquoi, malgré les bruits qui ont couru avec persistance ces jours derniers, je ne briguerai pas le mandat de conseiller général. je me suis toujours tenu à l'écart de toutes les manoeuvres qui ont servi à nous diviser, et ce n'est pas sans une certaine fierté que je me rappelle que j'ai été l'élu de la démocratie cettoise dans un temps où elle était encore unie, où elle n'avait pas encore déserté le terrain des principes pour celui des personnalités. Il ne saurait donc me convenir de prendre une part quelconque aux querelles dont nous avons depuis quelques jours le décourageant spectacle. J'attends donc avec confiance l'expiration de mon mandat de conseiller d'arrondissement ; je soumettrai alors ma conduite et mes actes au verdict de mes concitoyens. Jusque là, je contribuerai dans le cercle modeste de mes attributions, à servir de mon mieux les intérêts de ma ville natale et de la République. Je vous assure, mes chers amis, de mon entier dévouement, H. EUZET, vice président du conseil d'arrondissement" Cette lettre fait référence à la candidature THOMAS (ex-sous-chef de la gare de Sète) - soutenue par les radicaux - contre celle de DUCROS - 2ème adjoint au conseil municipal. Le PM est rempli d'articles critiques contre Emile DUCROS. On comprends mieux pourquoi Honoré EUZET n'a pas voulu ajouter un élément supplémentaire de discorde. D'ailleurs, les résultats montrent que les deux candidats avaient chacun leurs partisans sans qu'aucun des deux ne se détache vraiment. En effet, le 18.10.1881, le PM indique que THOMAS l'a emporté avec seulement 2 voix de majorité, cependant que sur 9000 inscrits, il n'y a eu que 3200 votants. Le PM ajoute que "de nombreuses protestations se produisent qui amèneront infailliblement l'annulation de l'élection"

Dans sa lettre, Honoré EUZET indique qu'il est vice-président du conseil d'arrondissement. Effectivement, c'est dans sa première séance du 18.07.1881 que le conseil a tenu sa première séance sous la présidence du doyen d'âge, CAUSSE, assisté du plus jeune conseiller présent, GIRAUD. Au second tour de scrutin, c'est VIGOUROUX qui a été élu président par 6 voix contre 5 données à EUZET et 1 bulletin blanc (PM du 19.07.1881). Ensuite, EUZET a été élu vice-président par 8 voix. On voit, par ces votes, que notre Sétois avait pris du galon auprès de ses pairs. Il restait à transformer l'essai !

1882
Républicain indépendant, il s'oppose aux radicaux, échoue à être élu au Conseil général et, en conséquence, démissionne du Conseil d'arrondissement

Le contexte journalistique

Ce contexte est toujours celui d'une division entre les républicains radicaux [soutenus par l'Avenir Maritime, de Sète (AM) et le Petit Méridional, de Montpellier (PM)] et les républicains modérés [soutenus par le Petit Cettois) (PC), de Sète], cependant que les conservateurs [soutenus par l'Eclair (EC), de Montpellier] jouent les observateurs amusés et critiques des divisions républicaines. Un article du PC (le 18.02.1882) donne la tonalité de ces différences : "L'Avenir Maritime ayant eu l'occasion de parler de nous, hier, nous a traité de journal réactionnaire. Nous acceptons volontiers ce qualificatif - de la part d'un journal qui appelle l'Etre suprême Monsieur Dieu, - si ce journal a voulu dire que nous n'avons pas les mêmes principes que lui. Nous sommes, du reste, en trop bonne compagnie pour nous sentir blessé d'un terme qu'on n'a pas ménagé aux THIERS, aux DUFAURE, aux VACHEROT, aux Jules SIMON, aux VALLON, aux LABOULAYE, etc. Mais si notre confrère a voulu insinuer que nous sommes des partisans de l'ancien régime, des privilèges, - des ennemis de la liberté, nous n'acceptons pas l'épithète dont il nous gratifie, et nous lui répondons que nous sommes aussi libéral que lui, car nous voulons la liberté pour tout le monde, pour ceux qui pensent comme nous, comme pour ceux qui pensent autrement. Notre confrère pourrait-il en dire autant ? L'Avenir ajoute que les radicaux ne peuvent pas nous lire. Et pourquoi cela, s'il vous plait ? Est-ce que par hasard, il existerait dans le parti de l'Avenir un dogme qui interdirait à tous ses adeptes la lecture de journaux autres que les journaux radicaux ? Ce serait faire peu de cas de leur indépendance qu'on exalte si fort, pourtant. Ou bien, en alléguant cette prétendue impossibilité de nous lire dans laquelle se trouveraient ses amis, l'Avenir a-t-il voulu les mettre en garde contre la velléité qu'ils pourraient avoir à le faire, de peur qu'en nous lisant, leurs idées vinssent à changer ? Dans ce cas, ce serait faire peu de fond sur la fermeté de leurs convictions ? Quant à nous, nous avons une meilleure opinion de nos concitoyens, nous leur dirons au contraire : lisez tous les journaux, pesez, jugez, comparez en votre âme et conscience, et vous verrez ensuite quels sont ceux qui vous parlent le langage de la vérité, de la sagesse, du bon sens ; ceux qui veulent réellement votre bien, ceux qui sont vos vrais amis ? Nous ne redoutons pas cette comparaison le jour où le calme se fera dans les esprits et dans les coeurs, le jour où la raison règnera en maîtresse dans notre pays. L.C." Cependant, la situation n'est pas aussi claire qu'il y paraît. En effet, dans la campagne pour la conquête d'un poste de conseiller général, on voit alors le Sémaphore de Cette (SC), "organe de la démocratie radicale socialiste", soutenir à fond, Honoré EUZET, en tant que candidat radical socialiste contre Pierre THOMAS, le candidat radical officiel. Certes, les deux sont des candidats "républicains" mais il semble bien que le SC ait été créé à l'occasion du deuxième tour de cette élection au Conseil général, les résultats du premier tour ayant été invalidés par le Conseil d'Etat (l'exemplaire du 09.05.1882 n'est que le numéro 3, or, c'est justement dans ce numéro que l'on voit la profession de foi d'Honoré EUZET et la critique de son concurrent, Pierre THOMAS) ; ce nouveau journal est donc une machine de guerre des radicaux qui s'intitulent radicaux socialistes contre les radicaux tout court.


L'année 1882 marque un véritable tournant dans la carrière politique d'Honoré EUZET. Dès le mois de février, on s'aperçoit que les journaux radicaux commencent à mener une sorte de guerre d'usure contre lui et cette tension va aller crescendo jusqu'à la rupture. Ainsi, le PM du 13.02.1882 publie une réclamation critiquant l'absence d'EUZET à la réunion du 10 de la commission d'enquête pour les travaux du port de Sète (commission du conseil d'arrondissement) : "Le signataire affirme que les raisons de cette absence, données par le conseiller d'arrondissement qui s'était régulièrement excusé, sont fausses. Le protestataire nous semble trop affirmatif et il ne nous sied pas de le suivre sur ce terrain. Nous croyons que M. EUZET a été véritablement empêché parce que s'il en était autrement, il aurait une étrange façon de défendre les intérêts de la ville de Cette et de comprendre son mandat." C'est une attaque en règle mais c'est peut-être aussi le signe de l'esprit d'indépendance d'Honoré EUZET, surtout pour un sujet essentiel concernant sa ville (on se souvient que c'est à partir de ce même sujet que les attaques avaient été menées contre le maire Joseph ESPITALIER, en 1878). Il est clair que le parti radical ne supportait pas l'indiscipline. Le 16.02.1882, le PM publie la réponse d'Honoré EUZET (idem dans le PC du 15.02.1882) : "Je n'ai pas assisté le 10 à la première séance de la commission d'enquête sur les travaux du port de Cette pour cette seule raison : j'étais malade. M. X..., de l'Avenir Maritime prétend que je ne l'étais pas. C'est son droit, mais j'ai le regret de lui dire qu'il n'est pas en cela, d'accord avec mon médecin. J'avais cru jusqu'ici que ce dernier et moi, étions les meilleurs juges pour apprécier l'état de ma santé. Il paraît que je me trompais ; à l'avenir, si pareil cas se produisait, j'aurais le soin de prévenir M. X., en l'autorisant à se livrer sur ma personne à un examen médical (...)" Le PM répond alors, par l'intermédiaire d'une lettre d'un lecteur qui signe seulement d'un M : "J'avais cru, jusqu'ici, que lorsqu'une maladie empêchait un conseiller d'arrondissement de se rendre à la commission d'enquête sur les travaux du port de Cette, elle le dispensait également de se rendre au café ou au concert. C'était peut-être une erreur de ma part. Si cependant M. Honoré EUZET a transgressé les prescriptions du docteur pour se procurer quelques distractions, il aurait aussi bien fait, je pense, de se rendre là où le devoir l'appelait. Admettons, monsieur le conseiller, que j'ai tort en cette cisconstance, vous voyez bien que je suis conciliant ; cependant pourriez-vous me dire si c'est la même maladie qui vous dispense d'assister aux diverses commissions dont vous faites partie ? En ce cas, je le regretterais vivement ; mais comme les électeurs n'ont pas besoin d'un représentant qui, pour raison majeure, ne peut s'occuper de leurs intérêts, abandonnez un poste que vous remplissez si mal. Voulez-vous que je vous dise pourquoi vous ne manquez jamais aux séances du conseil d'administration ? C'est parce que votre absence serait signalée. Il n'en est pas de même pour les autres commissions, le compte rendu de séance n'étant pas publié. A bon entendeur, salut. - M." (PM du 17.02.1882)

Un autre débat a lieu à propos du tracé du chemin de fer, de la superficie à prendre par l'Etat et des indemnisations en conséquence. Une proposition d'Honoré EUZET est rejetée par la commission compétente (en particulier, l'Etat devrait prendre, dans le quartier des Pierres Blanches une superficie de 8 hectares au lieu des 16 demandées pour l'exploitation des carrières). Les conclusions adoptées par la commission fixent le chiffre à 14 hectares, étant entendu que les 2 hectares laissés à la ville devraient être contigus aux carrières déjà exploitées. Au passage, le journaliste du PM lance une pique à "notre ami Honoré EUZET", (...) "lui qui est rédacteur, depuis deux ou trois ans, au Petit Cettois" ... (PM du 20.02.1882)


"L'Avenir Maritime" contre "Le Petit Réveil" ou TAQUET contre EUZET

A la même date, le 23.03.1882, le PM et le PC tiennent le lecteur au courant sur le litige qui existe entre TAQUET (rédacteur en chef de l'AM) et EUZET. Le second reproche au premier des articles parus les 17 et 19 mars dans son journal (ces numéros n'ont pu étre retrouvés) et intitulés Types Cettois. Il estime s'être reconnu dans l'un d'eux, désigné sous le nom de Pipette (probablement en rapport avec l'usage de la pipe ou du moins du tabac). Il a envoyé ses témoins au domicile de TAQUET pour savoir si c'était lui qui était visé mais TAQUET a répondu qu'il n'avait pas nommé EUZET dans ses articles et donc qu'il n'avait pas à faire d'excuses. Au retour, les docteurs PEYRUSSON et BORDONE, missionnés par EUZET, ont fait leur rapport. A la suite, EUZET critique vertement TAQUET, en écrivant que s'il n'avait pas l'intention de le viser, il aurait dû avoir le courage de l'avouer et d'accepter les conséquences de sa déclaration. Du coup, TAQUET contre-attaque : "M. Honoré EUZET a cru devoir m'adresser des témoins pour me demander ou réparation ou rétractation de certaines paroles prêtées à à un personnage imaginaire que je désignais sous le nom de Pipette. D'après M. EUZET, ce personnage ne serait pas sans quelque ressemblance avec lui (...) Je refuse (...) formellement le duel proposé par M. Honoré EUZET à cause des articles parus dans l'Avenir, mais je lui demande réparation de la lettre insérée par le Petit Réveil de ce jour et je lui envoie mes témoins." Effectivement, le PM du 26.03.1882 donne le procès verbal fait par les deux témoins de TAQUET, AYMERIC et THOMAS, après avoir demandé à EUZET la "rétractation des outrages (...) ou une réparation par les armes". On voit que TAQUET inverse complètement la situation. En fait, chacun des deux dit être l'offensé et donc celui qui a le droit de choisir les armes et les conditions du duel (en plus, le seul fait du choix de THOMAS comme témoin de TAQUET montre que la compétition qui va suivre, entre EUZET et THOMAS, quant à l'élection au conseil général, avait probablement des ressorts plus personnels et plus anciens)

Honoré EUZET rend publique dans le PC des 26-27.03.1882, une lettre qu'il adresse à LEVÈRE et BLANCHET et qui souligne encore une fois la dégradation du climat au sein même du parti radical de Sète : "Mes chers amis. Il résulte du procès-verbal que vous avez bien voulu m'adresser, que les témoins de M. TAQUET et vous-mêmes aviez reconnu qu'à la suite de la polémique survenue entre lui et moi, une rencontre était inévitable. Ne pouvant vous mettre d'accord avec les témoins de M. TAQUET sur le point de savoir lequel de nous était l'offensé, vous aviez proposé de nous en remettre au sort pour le choix des armes. Les témoins de M. TAQUET ont reconnu que c'était là le moyen le plus simple de trancher la question. Consulté par vous, je me suis rallié à cette opinion et je vous ai donné carte blanche. M. TAQUET, consulté à son tour, n'a pas cru devoir accepter le moyen proposé par vous, accepté par ses propres témoins et par moi-même. Il a ainsi par ses prétentions non justifiées, rendu une rencontre impossible. Je me borne à constater les faits sans chercher à apprécier la conduite de mon adversaire, sachant bien que les gens de coeur l'ont déjà jugée avec la sévérité qu'elle mérite. J'ajoute qu'au fond, il m'importe peu d'avoir l'épée ou le pistolet comme arme de combat, aussi ai-je accepté spontanément la proposition que vous me faisiez de nous en remettre au sort pour le choix des armes. Mais ce que je repousse absolument, c'est le rôle odieux d'offenseur. Ce rôle appartient tout entier à celui qui tous les jours me diffame dans son journal, et qui, hier encore, au moment où vous discutiez avec les témoins les conditions d'une rencontre continuait ses lâches attaques au mépris des convenances les plus élémentaires. Ceci est mon dernier mot. M. TAQUET peut continuer sa vilaine besogne, ses attaques ne sauraient plus m'atteindre et encore moins m'émouvoir. Agréez, mes chers amis, avec mes remerciements, mes affectueuses salutations. H. EUZET." Cet article est utile à plusieurs titres, non seulement pour la connaissance des moeurs de l'époque mais, surtout, parce qu'il nous apprend l'existence de cette campagne de diffamation contre Honoré EUZET, organisée par l'AM, journal radical. Comment croire que ces attaques auraient pu se faire et se poursuivre sans l'aval de la hiérarchie radicale ? Comment expliquer que la lettre ci-dessus paraisse dans le PC et qu'elle ne soit pas dans le PM, autre journal radical qui suit de près la politique locale (par contre, le PM du 26.03.1882 donne le texte du procès verbal de rencontre entre témoins, par ceux de TAQUET : THOMAS et AYMERIC) ? A noter, pourtant, qu'un des deux témoins d'EUZET est LEVÈRE qui était président du comité radical de Sète (au moins en 1878) et qui apparaît dans la presse radicale comme participant aux réunions de la société de la Libre pensée (PM du 21.02.1882). Il est donc difficile de conclure sans avoir lu et étudié les articles incriminés de l'AM et du PR. Seule cette analyse permettrait de savoir quels sont réellement les faits qui étaient reprochés à TAQUET, d'une part, et EUZET, d'autre part. En tout cas, trouver la bonne explication permettrait de mieux comprendre ce qui va se passer tout au long de cette année 1882.

Le 31.03.1882, le PM publie le procès verbal du duel qui a finalement eu lieu : "A la suite du différend survenu entre M. Honoré EUZET, conseiller d'arrondissement, et M. TAQUET, directeur de l'Avenir Maritime, une rencontre a été reconnue inévitable entre les soussignés témoins des deux parties et aux conditions suivantes : 1/ Le duel aura lieu au pistolet demain matin à la frontière espagnole. 2/ Une balle sera échangée à vingt mètres au commandement et simultanément - Cette, 28 mars 1882 - Pour M. EUZET : L. BLANCHET, P. LEVÈRE - Pour M. TAQUET : L. DUPRÉ, B. MAGISTRE. Conformément aux conditions ci-dessus la rencontre a eu lieu à la frontière espagnole. Deux balles ont été échangées sans résultats. Les témoins ont déclaré l'honneur satisfait. Port Bou, 29 mars 1882 (signature des témoins) Le docteur ETIENNE, de Béziers, assistait les combattants."

L'élection du maire et des adjoints

Le 01.05.1882, le conseil municipal nomme comme maire Marius VAREILLE, comme premier adjoint Gaston ARNAUD et comme second adjoint Guillaume LAUTIER. "Ces nominations ont été le résultat d'une transaction. Notre conseil municipal était partagé, depuis quelque temps, en deux fractions à peu près égales, voulant, l'une, qu'il soit apporté dans l'administration de la Cité plus de décision, plus de volonté personnelle ; l'autre trouvant que le statu quo répondait heureusement à toutes les exigences de la situation présente : il n'est pas bon, en effet, que dans une assemblée délibérante, qui devrait avant tout ne s'occuper que d'affaires, un antagonisme trop accentué se produise ; que, sur un prétexte ou sur un autre, l'un tire à droite et l'autre à gauche." (PC du 02.05.1882) ; de son côté, le PM du 01.05.1882 donne le résultat des élections pour les communes importantes du département. En ce qui concerne Cette, il fournit les mêmes informations en précisant que "la séance a duré deux heures" et qu'il "n'y a pas eu de programme imposé". Le numéro du 1er mai du PC est manquant, ce qui empêche d'en savoir plus sur la liste des élus. De son côté l'Eclair donne les mêmes résultats en ajoutant que "ce résultat a surpris beaucoup de personnes" (EC du 01.05.1882) puis, le lendemain : "Il y aura encore de beaux jours pour M. NICAULAU, son camarade VAREILLE a été renommé maire, toutefois ce n'a pas été sans peine. Il paraît qu'il y a eu du tirage, la séance a été longue et orageuse et il n'a fallu rien moins que les efforts et l'éloquence du député de Cette pour faire prévaloir la transaction qui a amené le résultat que l'on connaît. Toutefois, l'accord n'aura pas été de longue durée, le bruit court que M. ARNAUD a déjà donné sa démission de premier adjoint." (EC du 02.05.1882). De son côté, l'AM explique longuement qu'ARNAUD avait espéré devenir maire, suite à différents contacts, et qu'il n'a pas retiré sa démission malgré une commission qui s'était rendue auprès de lui ; puis, le journal ironise : "M. ARNAUD voulait gravir le Capitole en chef et non en sous-chef" (AM du 05.05.1882)

L'élection au conseil général
(canton de Sète)

Le 27.04.1882, le PC signale que le Journal Officiel publie un décret convoquant pour le 14 mai les électeurs de Sète afin d'élire un conseiller général, "en remplacement de M. THOMAS, invalidé"

Dès le 06.05.1882, le PM commence ses attaques contre EUZET qui s'est porté candidat : "Depuis que la candidature de M. EUZET a été lancée, nous attendons sa profession de foi (...) Rien n'est encore venu et nous commençons à craindre que le candidat radical socialiste (le fait d'appuyer sur le mot socialiste est, sinon une critique, du moins une forme d'ironie) ne garde un mutisme complet (...) Les électeurs ont besoin d'une, même de plusieurs explications parce que M. EUZET n'était pas candidat au 16 octobre (...) Connaître si la candidature nouvelle est une simple fantaisie, un bon plaisir du condidat ou de ses amis, ou bien si ce candidat a des raisons, des titres ou des faits acquis qui militent en sa faveur (...) Nous sommes le 6 mai, les élections se font le 14, il ne faudrait pas attendre au dernier moment, car le procédé pourrait être discuté dans sa loyauté. Nous comprenons que le cas de M. EUZET est quelque peu embarrassant mais le silence n'est pas une excuse probante, et s'il ne veut pas que sa candidature tombe dans le domaine du risible et du puff, il faut qu'il en prouve le sérieux et donne des raisons valables."

C'est dans les quelques numéros conservés du SC que l'on voit en action le soutien qui est apporté à Honoré EUZET pour remporter le mandat de conseiller général. Ainsi, le 9 mai, le SC écrit en première page, en s'adressant aux électeurs : " Le comité républicain radical socialiste s'inspirant des principes démocratiques les plus avancés et des besoins de notre cité, recommande à vos suffrages le citoyen Honoré EUZET, ancien conseiller municipal, vice-président du conseil d'arrondissement. Le passé politique de cet honorable citoyen vous répond de la fermeté de ses principes ; les services qu'il a rendus dans les différents mandats dont vous l'avez investi, nous sont un garant qu'il saura tenir dignement sa place au conseil général. Citoyens, vous ne vous laisserez pas influencer par les manoeuvres intéressées de certaines coteries ; (...) Citoyens ! Depuis quinze ans, vous avez toujours trouvé le citoyen Honoré EUZET à l'avant-garde de notre parti ; sous l'Empire et pendant les périodes néfastes du 24 mai et du 16 mai, il était à la brêche. En l'envoyant siéger au conseil général, vous montrerez que vous savez distinguer les vrais serviteurs de la cause populaire, ceux qui dans les temps difficiles, n'ont jamais désespéré de l'avenir de la République, et ont tout fait pour en assurer le succès définitif. Vive la République démocratique et sociale. Pour le comité des groupes républicains, radicaux, socialistes. La Commission : AIGON Félix - BLANCHET Louis - HÉRAIL Louis - CROS Henry - LEVÈRE Pierre - BAGOT Jules.".

Suit, ensuite, la lettre du candidat aux électeurs radicaux : "Citoyens, en posant ma candidature au Conseil général, je cède aux instances réitérées de mes amis politiques. Ils ont pensé que sur mon nom pouvait se reformer l'union du parti républicain cettois, que des dissensions personnelles divisent si malheureusement depuis plusieurs années. Quelle que fût ma résolution de rester momentanément en dehors des luttes électorales je n'ai pu refuser de m'associer à une oeuvre de concorde républicaine. Si les efforts de mes amis et les miens ne devaient pas être couronnés de succès, je n'en considérerais pas moins comme un grand honneur d'avoir poursuivi un but si désirable. Mais j'estime, citoyens, que pour porter ses fruits, cette union ne saurait se faire que sur le terrain de vrais principes démocratiques. Je me présente donc à vos suffrages sous l'invocation des mêmes principes qu'en 1877, alors que je briguais le mandat de conseiller d'arrondissement. J'étais à cette époque, avec ceux qui pensent que la République ne serait qu'un leurre si elle ne nous servait à réaliser progressivement l'ensemble des réformes politiques et sociales qui doivent améliorer le sort des classes laborieuses. Ce que j'étais alors, je le suis aujourd'hui : mon programme n'a pas changé ; vous l'avez ratifié il y a quatre ans, je viens vous demander de lui donner une nouvelle consécration. Citoyens, dans les divers mandats dont vous avez bien voulu m'investir depuis 1872, tous mes actes, tous mes votes, je le dis avec fierté, m'ont été dictés par mon dévouement inaltérable à la cause républicaine et par le souci de la prospérité de ma ville natale. Comme membre du conseil municipal et comme membre du conseil d'arrondissement, j'ai eu l'occasion d'étudier toutes les questions qui se rattachent aux intérêts moraux et matériels de notre canton. Si vous m'envoyez au conseil général, je saurai mettre à profit l'expérience acquise pendant dix ans de vie publique. Citoyens, vous me connaissez. Enfant de Cette et républicain, c'est à ce double titre que je sollicite vos suffrages. A vous de voir si mes services antérieurs me rendent digne d'une nouvelle marque de confiance. Si votre verdict m'est favorable, vous trouverez en moi, comme par le passé, je vous le promets, un serviteur fidèle de vos intérêts, un défenseur énergique des droits du peuple. Si, au contraire, citoyens, votre décision ne répond pas à mon attente, je l'accepterai sans amertume, pour reprendre dans les rangs de la démocratie, la place modeste qu j'y occupais il y a quinze ans, alors que, tous unis, nous préparions l'avènement de la République. Vive la République démocratique et sosiale ! Honoré EUZET, ancien conseiller municipal, vice président du conseil d'arrondissement."

Plus encore que le soutien à Honoré EUZET, c'est la critique acerbe de Pierre THOMAS qui frappe dans ce numéro du 09.05.1882 du SC. Le journal rappelle l'élection du 16 octobre 1881, la cassation par le Conseil d'Etat le 18 mars 1882 et l'information de cette cassation le 18 avril 1882 puis, s'adressant à THOMAS, il est écrit : "Vous avez été invalidé parce que vous méritiez de l'être, parce que le dépouillement du scrutin s'était fait dans des conditions particulièrement scandaleuses (...)" et le journal ajoute : "si nous avons à nous plaindre de quelque chose, c'est que cette réparation ait été trop tardive, c'est que ayez pu vous parer pendant cinq mois d'un titre qui ne vous a jamais appartenu". Le même journal ne manque pas de souligner que le conseil municipal lui a refusé son appui par trois scrutins, alors que les édiles étaient élus par son comité et donc qu'ils ont pu apprécier ce qu'il valait.

Le 09.05.1882, le PM publie, à la demande d'Honoré EUZET, ses deux professions de foi, l'une adressée aux électeurs et, l'autre, aux électeurs radicaux. Le PM le fait, bien que, souligne le journal, il ait reçu les documents seulement la veille, "c'est-à-dire après leur publication dans d'autres journaux de la région." :

Le 11.05.1882, le SC continue l'appui à Honoré EUZET et accentue la charge contre Pierre THOMAS. Pour le premier, il écrit : "Honoré EUZET est un enfant du pays, Cette l'a vu naître, nous l'avons vu grandir, nous l'avons vu à l'oeuvre ; quoi de plus naturel et de plus logique qu'une mère défende son enfant ? Cette, défendra le sien c'est certain.". Contre le second, il écrit : "M. Pierre THOMAS, de Cahors, s'indigne contre M. le Préfet de l'Hérault, contre le Conseil de Préfecture, contre le Conseil d'Etat enfin, de ce que l'invalidation de son élection - le 16 octobre dernier, - est venue tromper ses plus chères espérances." ... alors que, le 16 octobre (explique le SC), les urnes contenaient 43 bulletins de plus qu'il n'y a eu de suffrages exprimés, bref, que les autorités administratives et judiciaires ont condamné des irrégularités. Le lendemain, le SC reprend les mêmes arguments, en particulier sur l'origine des deux candidats : "Tous les électeurs intelligents et impartiaux penseront qu'il vaut mieux choisir un cettois comme conseiller général, qu'un étranger (...)" (SC du 13.05.1882).

Plus intéressant encore est l'analyse de la situation portée par le MDM du 11.05.1882 : "La lutte sera circonscrite entre radicaux plus ou moins avancés (dans cette première appréciation, EUZET est donc qualifié de radical), et ni conservateurs ni même opportunistes, ne songent à se mettre sur les rangs ; c'est vous dire que nous sommes disposés à garder la neutralité la plus absolue. Les seuls compétiteurs qui jusqu'à ce jour sont sur les rangs sont, d'une part, M. EUZET, membre et vice-président du conseil d'arrondissement, qui se qualifie de démocrate-socialiste (c'est la première fois que l'on apprend comment il se qualifie lui-même) , et, d'autre part, ledit M. THOMAS, invalidé, qu'on ne désigne plus que sous le nom de candidat perpétuel et qui signe comme républicain radical. Il serait difficile de dire quelle est celle des deux affiches qui est d'un plus beau rouge ; et ce qu'il y a de plus surprenant, toutefois, c'est que la proclamation de M. EUZET, socialiste (on voit dans cette nouvelle appréciation que, pour les conservateurs, le socialisme n'est qu'une forme avancée du radicalisme), est relativement d'un caractère beaucoup plus modéré. Cette anomalie est facile à expliquer, c'est que M. EUZET, à qui l'on peut bien reprocher d'être un républicain utopiste, est toujours tel qu'on l'a connu sous l'Empire et n'a donc pas eu besoin d'exagérer sa nuance (cet argument, ce raisonnement, lui permettra de surmonter toutes les crises qui vont émailler sa carrière, à commencer par celle-ci), tandis que son concurrent, dont le passé remonte moins haut, a senti le besoin d'accentuer la sienne. Ce qui est encore plus étrange, c'est que M. THOMAS cherche à se faire un titre de la décision du conseil d'Etat qui l'a invalidé, et s'intitule le candidat de la protestation, espérant faire partager son irritation personnelle à la masse électorale (...)" Dans le même article, le MDM indique qu'un nouveau journal vient d'être publié, "en vue de soutenir la candidature de M. EUZET ; cette feuille a pris un titre déjà connu, le Sémaphore de Cette ; elle contient des articles fort spirituels, et laisse assez loin derrière elle ses soeurs en radicalisme. Quoiqu'il en soit, quand le MDM va publier les résultats de l'élection (MDM des 15 et 22.05.1882), ils présentera THOMAS comme radical et EUZET comme socialiste.

Le 12.05.1882, le PC reprend une lettre d'Honoré EUZET qu'il a adressée à THOMAS, son concurrent, par l'intermédiaire de deux de ses amis, BRUNEL (conseiller municipal) et LEVERE. Il propose à THOMAS une "réunion publique contradictoire", au théâtre. Il lui laisse le choix du jour et de l'heure mais il attend sa réponse le soir même. Après avoir rencontré THOMAS, les deux amis en question l'avertissent que celui-ci doit consulter son comité sur cette question et qu'il donnera sa réponse le lendemain matin, 10 mai, "dès la première heure". EUZET constate le 10 au soir qu'il n'a aucune réponse et déclare : "Cet incident que je considère comme clos, sera apprécié par le public" (cet épisode est passé sous silence dans le PM).

Il est certain que dans cette lutte fratricide, tous les coups ont été utilisés, même les plus discutables. Ainsi, dans une tribune électorale, le PM indique quelle fut la conduite de THOMAS pendant la guerre contre les Prussiens. En effet, le journal explique que "dans un but de discrédit, on écrit et on fait courir le bruit que grâce à la protection de M. GAMBETTA, le citoyen THOMAS a été nommé, pendant la guerre, officier de l'intendance, ce qui lui a permis de rester à Cette, les pieds sur les chenets, pendant que les hommes valides de son âge allaient se faire tuer à la frontière." Le journal décrit avec beaucoup de détails le parcours de THOMAS, parti alors qu'il n'était pas obligé et ayant accompli son devoir jusqu'en novembre 1871. Le journal rappelle aussi que, depuis 1871, il est membre du conseil municipal "où il a rendu dans des périodes autrement difficiles que celles d'aujourd'hui, des services signalés." (PM du 14.05.1882)

Le PM donne, le 15.05.1882, les résultats de l'élection (1er tour) destinée à remplacer THOMAS dont l'élection au conseil général avait été invalidée par le Conseil d'Etat : "THOMAS républicain 1976 voix ; EUZET républicain 1.115 voix ; FERRA 82 voix ; bulletins nuls 155 ; bulletins blancs 12 ; il y a ballottage." A noter que dans ces résultats, Honoré EUZET est présenté de la même manière que THOMAS : républicain.

"Le mal dit Républicain (nom ironique donné par le PM au MR) engage M. EUZET à continuer la lutte (pour se faire élire conseiller général). Il ne fallait pas moins attendre d'un journal qui est dirigé par l'ancien trappiste BERTHAULD. Le mal dit Républicain est un journal réactionnaire, qui fait les affaires de la réaction en essayant de diviser le parti républicain. M. EUZET consentira-t-il à être le complice de la mauvaise action commise par ce journal ? (PM du 18.05.1882 - on avait déjà trouvé ce type de critique par le PM, les 11 et 14 mai et on les retrouvera ensuite, le 30 mai)

De son côté, avant le scrutin de ballottage, le SC résume la situation ainsi, dans son numéro du 20.05.1882 : "Par la décision du 24 mars dernier, le Conseil d'Etat a réduit à 2226 les 2237 voix que M. VAREILLE, maire de la ville de Cette, avait cru acquises à M. Pierre THOMAS, candidat au Conseil général. Le dimanche 14 mai, M. THOMAS a vu ce chiffre de 2226 dégringoler à 1975 voix. Le dimanche 21 mai, justice sera faite au candidat de la protestation. - Un groupe de radicaux." Ce journal critique la candidature officielle de THOMAS qui rappelle celles du temps de l'Empire. A noter aussi une communication qui situe bien les positions respectives : "Quant à M. EUZET, son concurrent, s'il ne représente pas absolument nos idées politiques, nous estimons que par sa connaissance plus approfondie des affaires commerciales et administratives il peut défendre, d'une manière plus efficace, nos intérêts au Conseil général. Bien qu'il ait été, en d'autres occasions, notre adversaire, nous ne faisons aucune difficulté de reconnaître qu'il ne s'est jamais départi, à notre égard, de la courtoisie qu'on se doit entre républicains ; qu'il s'est tenu à l'écart des intrigues qui ont amené la déplorable situation actuelle. De plus, c'est un candidat indépendant, patronné par un comité indépendant ; son élection serait une protestation contre la candidature officielle. - Vive la République.". Il est indiqué que les signatures suivent mais aucun nom n'est donné à ce communiqué écrit, manifestement, par des républicains modérés. Conclusion : si le SC se présente comme l'organe de la démocratie radicale socialiste, on voit bien qu'il s'appuie aussi sur des républicains radicaux indépendants et des républicains modérés, face au bloc des républicains radicaux officiels.

Le PM, lui, fustige EUZET qui a décidé de maintenir sa candidature au second tour : "Malheureusement, nous avions compté, paraît-il, sans l'indiscipline de quelques groupes ambitieux et sans l'égoïsme de certains candidats qui, dans une lutte électorale, oublient le chapeau du parti qu'ils ont la prétention de représenter pour ne penser qu'à leurs intérêts personnels ; nous avions compté sans ces brouillons sempiternels que l'on voit surgir pendant toutes les périodes électorales et qui, volontairement ou non, font les affaires de la réaction" (PM du 19.05.1882 qui rappelle les affaires de Rochefort, Uzès, Montauban et, surtout, celle de Roujan, dans l'Hérault, où un bonapartiste a été élu conseiller général). Puis, le PM se fait plus précis : "M. EUZET compte-t-il sur les abstentions ? Mais tout le monde sait que les électeurs sont fatigués de voter, et que les abstentions constatées au premier tour seront peut-être plus nombreuses encore dimanche prochain. Nous avons beau chercher, nous ne trouvons rien, absolument rien qui justifie la conduite de M. EUZET mais nous voyons un candidat qui n'a pas su accepter sa défaite avec la modestie qui lui convenait, et dont la persistance peut assurer le succès d'une candidature réactionnaire posée au dernier moment."

"A l'heure où paraîtront ces lignes, le scrutin sera ouvert. Nous adressons un dernier appel aux électeurs républicains pour les inciter à se rendre en masse dans les salles de vote et à déposer dans l'urne le nom de M. THOMAS. Il s'agit aujourd'hui non seulement de voter pour un républicain sérieux, honnête, qui a donné des preuves incontestables de son dévouement à la ville de Cette et à la République, mais aussi de planter hardiment le drapeau de la discipline républicaine. M. THOMAS, nous le répétons, est le candidat de la discipline, de la loyauté républicaine, contre M. EUZET, le candidat des révoltés, des ambitieux, des brouillons, des dissidents. Il n'y a plus de démocratie possible si le parti républicain ne donne pas une leçon méritée aux indisciplinés comme M. EUZET qui se proclament radicaux et socialistes et se laissent patronner par les orléanistes et par les modérés. Nous avons confiance dans la démocratie cettoise et nous sommes certains qu'elle votera en masse, aujourd'hui, pour M. THOMAS. La démocratie cettoise n'oubliera pas que M. EUZET est le candidat des journaux dirigés par les cléricaux et de comités composés d'opportunistes, de modérés, de fruits secs du suffrage universel. Quand on est vraiment socialiste et radical, on repousse des alliances compromettantes ; c'est ce que M. EUZET n'a pas fait. Les électeurs s'en souviendront aujourd'hui. (PM du 21.05.1882)

Le PM donne, le 22.05.1882, les résultats du second tour de l'élection pour le conseil général "THOMAS candidat radical élu par 2190 voix ; EUZET candidat radical socialiste 1284 voix ; RIUS candidat socialiste 397 voix ; bulletins blancs 47 ; 3947 votants ; THOMAS a gagné 214 voix entre le premier et le second tour." A noter que dans ces résultats, Honoré EUZET est présenté comme radical socialiste (on peut voir là une première étape avant l'élection municipale de 1884). A noter aussi que 6030 électeurs se sont abstenus sur 9977 inscrits (PC des 21-22.05.1882), soit plus de 60 % d'abstention. Le même PC, dans ce numéro, donne des explications sur la candidature RIUS, lequel "se place sur le terrain des revendications de la classe ouvrière". Là-encore, on se rend compte de la montée en puissance d'une nouvelle force.

D'une certaine manière, on peut dire que tout ce combat électoral trouve sa conclusion dans un litige qui oppose SERENO (du PM) à BONNEL (du MR). Le second dit qu'il a infligé une gifle au premier et le premier dit que le second l'a calomnié. Des témoins se rencontrent - et c'est là que c'est intéressant pour notre sujet. En effet, les témoins du responsable du PM sont deux députés de l'Hérault : SALIS et VERNIÈRE, cependant que les témoins de BONNEL (responsable du MR) sont EUZET et ROMAN. Si l'on passe sur les détails (savoir qui est l'offensé, notamment), il faut surtout retenir qu'EUZET se trouve désormais face à SALIS et ce, dans la défense d'un journal de modérés, pour ne pas dire plus ! C'est, à tout le moins, un renversement d'alliance pour EUZET à qui, pourtant, personne ne dénie le titre de radical et qui, en plus, se dit socialiste. Il y a là un mélange des genres tout à fait surprenant qui tient, certainement, à la personnalité même d'EUZET, caractère qui lui permettra, plus tard, de gagner puis de conserver la première place à la mairie, plus qu'aucun maire avant lui.

Des démissions en chaîne

"A la suite de l'élection de dimanche dernier (pour le Conseil général), M. EUZET a adressé à M. le préfet sa démission de conseiller d'arrondissement pour le canton de Sète. (PM du 23.05.1882). Bien évidemment, dans un écrit du 26, le MDM porte un jugement critique sur cette démission : "On nous a annoncé que M. Honoré EUZET a donné sa démission de membre du conseil d'arrondissement ; c'est de tradition républicaine : il n'y a dans le personnel qui marche sous les drapeaux de la république française que des amours-propres féroces. l'un donne sa démission d'adjoint parce qu'il n'a pas réussi à se faire élire comme conseiller général, l'autre se démet de ses fonctions de conseiller d'arrondissement parce qu'il n'a pas été élu conseiller général. Mais il y a plus, le conseil municipal lui-même serait en plein désarroi : on nous annonce la démission de MM. DUCROS et BRUNEL comme conseillers municipaux ; et on ajoute que d'autres membres du parti DUCROS imiteront bientôt cet exemple." (MDM du 28.05.1882). Le PM donne les mêmes informations mais sans commentaires : "A la suite de l'élection de dimanche dernier (pour le Conseil général), MM. DUCROS et BRUNEL ont adressé leur démission de conseillers municipaux à M. le maire. D'autres conseillers municipaux ayant soutenu aussi la candidature EUZET doivent imiter MM. DUCROS et BRUNEL." (PM du 26.05.1882).

En septembre 1882, les démissions de conseillers municipaux se succèdent. Si celles de SALIS (député) et THOMAS (conseiller général) sont données pour, officiellement, "ne pas cumuler les fonctions électives" (PM du 22.09.1882), les autres sont clairement dues à la désunion qui règne au conseil municipal. Ainsi pour NICOLAU : "Le conseil municipal étant désuni et sa désunion ne pouvant que nuire à la bonne gestion des intérêts de la ville, je crois qu'il est de son devoir de se retirer pour ne pas tromper la confiance des électeurs" (PM du 22.09.1882) ; c'est aussi le cas de PRADINES qui maintient sa démission malgré les démarches faites pour qu'il reste en place : "attendu qu'il y a certains membres qui comptent sur les absents pour faire passer les affaires qui compromettent les intérêts de la ville et la dignité du conseil" (PM du 22.09.1882) ; le 25, on compte 8 démissionnaires sur les 27 conseillers et, en plus, "la majeure partie des membres restants ont prouvé mainte fois par l'opposition systématique qu'ils faisaient à toutes les propositions de l'administration, qu'un autre intérêt que celui d'une bonne gestion était leur but principal" (PM du 25.09.1882). Le PM appelle alors à une nouvelle élection générale et rappelle le précédent de 1878 : "En 1878, la question du port divisa en deux parties le conseil municipal. D'un commun accord les membres d'alors comprenant que cette désunion serait nuisible se retirèrent et le corps électoral trancha le différend. Aujourd'hui, c'est la question de l'eau qui est venue brouiller les esprits (...) Il n'y a qu'à faire comme en 1878, consulter le suffrage universel." (PM du 25.09.1882).

En effet, qui dit démission dit remplacement. Or, en ce qui concerne le conseil d'arrondissement, il s'agit de remplacer Honoré EUZET mais ce n'est pas le plus facile, comme le constate le MDM du 27.06.1882 : "Dans notre ville qui, d'après le dernier recensement, n'aurait pas moins de 35.000 âmes, il se passe un fait qui est très caractéristique et qui ne s'était pas encore produit. Les électeurs étaient convoqués pour aujourd'hui dans le but d'élire un conseiller d'arrondissement en remplacement de M. EUZET, démissionnaire. Aucune candidat ne s'est présenté et les électeurs se sont également abstenus." Le journal trouve deux causes à cette défection. D'une part, la lassitude des électeurs suite aux trop nombreux scrutins et, d'autre part, les fonctions de conseiller d'arrondissement qui sont jugées insignifiantes.

Dernière touche sociale à cette année 1882, le souvenir de l'insurrection de la Commune parisienne. Le PC du 23.03.1882 fait paraître une lettre d'un membre du Cercle catholique qui évoque un article paru dans AM, à propos de la Commune de Paris. Ce correspondant indique que, le 18 mars, "les communards de Cette fêtaient l'anniversaire d'une insurrection criminelle, faite en présence de l'ennemi" et puis, que "le Cercle républicain radical a brillamment fêté l'anniversaire de la Commune" (banquet, toasts, bal ...) : "soirée qui restera longtemps dans le souvenir des républicains socialistes qui y ont participé", écrivait-on dans AM. Evidemment, le correspondant catholique ne citait ces lignes que pour "en faire justice".

1883

Dès 1883, la presse radicale se fait l'écho de la formation d'un groupe socialiste, sans pour autant indiquer l'ampleur de ce mouvement naissant : "Conformément à une décision prise par les initiateurs pour la formation d'un groupe socialiste, les socialistes sans distinction d'école sont invités à se rendre à la réunion qui aura lieu samedi prochain, 3 mars, à 8 heures et demie du soir, dans une des salles du café de la Paix, rue de l'hospice. les initiateurs invitent les travailleurs à assister à cette réunion, convaincus que les ouvriers ne doivent plus compter que sur eux pour arriver à leur émancipation. Nous convions nos frères à venir en masse avec nous pour former une majorité compacte du parti des travailleurs." (PM du 01.03.1883).

Changement dans le petit monde des journaux, l'Avenir Maritime (AM) devient le Radical Cettois (RAC), aux ordres du président du Cercle Radical (PC des 30.09-01.10.1883), comme on le voit aussi dans une lettre adressée par Léopold CROS au PC : "Samedi, j'ai été grossièrement attaqué par la feuille de chou qui a pris la place de L'Avenir Maritime. Cela n'a rien d'étonnant quand on connaît les vrais inspirateurs de ce chiffon de papier" (PC du 23.10.1883) ou encore une lettre de J.B. MEISSONNIER qui critique un article paru dans le RAC : "le Radical Cettois, qui comme chacun sait, n'est autre que l'Avenir Maritime, transformé pour les besoins de la cause des boucaniers qui sont montés à l'assaut du pouvoir, dans la commune, et la traitent depuis lors en pays conquis." (PC du 24.10.1883)

Crise municipale : "M. le préfet a accepté cette démission (du maire et des adjoints) et a dit aux délégués qu'il choisirait la nouvelle municipalité parmi les premiers inscrits sur la liste municipale. Ceux-ci sont MM. THOMAS, DÉFARGES et PARENT (...) M. THOMAS ayant donné sa démission de conseiller municipal, ne saurait accepter logiquement les fonctions de Maire. Il est donc probable que ce sera M. DÉFARGES (...)" (PC des 24-25.12.1883) Aux mêmes dates, le PM indique qu'une délégation de 3 membres est allée trouver le préfet pour composer la nouvelle administration mais sans succès, et le journal ajoute : "Il paraît que le préfet songerait à notre conseiller général (SALIS) ou à notre conseiller d'arrondissement (EUZET) pour la mairie, mais nous ne savons pas si un de ces citoyens est disposé à se fourrer dans pareille bagarre" (PM du 24.12.1883). Dès le lendemain, on apprend que DÉFARGES (écrit DEFARGE) est désigné pour remplir les fonctions de maire (PM du 25.12.1883). Puis, le feuilleton continue du fait de l'absence (jusqu'au 25) de VAREILLE, maire démissionnaire, qui doit procéder à l'installation du maire provisoire (PM du 26.12.1883)

Au sein du conseil municipal, la division entre les radicaux et les modérés semble de plus en plus nette à la fin de l'année. A la dernière séance du conseil, sous la présidence de DÉFARGES, les radicaux envisagent une démission collective : "Dès l'ouverture de la séance, il a été donné lecture d'une lettre signée NICOLEAU, LAUTIER, DIDIER, PRADINES et deux ou trois autres membres protestant contre le blâme dont l'administration VAREILLE avait été l'objet et demandant presque au Conseil un vote de confiance envers cette même administration. Comprend-on cela : MM. NICOLEAU, LAUTIER et DIDIER se faisant donner un bon point par ceux de leurs collègues qui ne veulent plus d'eux ? M. DÉFARGES a accueilli cette proposition comme elle le méritait en disant simplement qu'il en prenait acte. (...) A la fin de la séance quelques membres du Conseil ont présenté une proposition tendant à ce que le Conseil se dissolve après le 6 janvier, époque à laquelle finit le mandat qui lui a été confié par les électeurs. Cette proposition ayant été repoussée par d'autres membres, il n'a été pris aucune décision." (PC du 28.12.1883)

1884
Il entre au conseil municipal et est élu 2ème adjoint, en juin

Le mandat des conseillers municipaux finissant le 6 janvier 1884, le préfet a dû proposer une prorogation de ce mandat mais les radicaux refusent cette offre comme on le voit dans la lettre adressée au préfet par treize conseillers municipaux, NICOLEAU, LAUTIER, BEFFRE, LAGARDE, NOUGARET, BOUNY, PRADINES, BERGNES, MARQUÈS, DIDIER, VAREILLE, AUBER et PARANT : "Les soussignés, élus au conseil municipal de Cette en 1881, pour trois ans, sont d'avis qu'ils exèderaient leurs pouvoirs s'ils acceptaient la prorogation qu'une disposition transitoire vient de leur offrir. Aussi, tout en remerciant les électeurs de leur honorable confiance, ils se font un devoir de les informer que, par respect pour le suffrage universel, ils cessent, dès ce jour, leurs fonctions municipales." (PM du 06.01.1884). Dans le même numéro du PM, le journaliste ajoute que le conseil municipal est ainsi réduit à huit membres et que le préfet devra prendre un arrêté pour des élections complémentaires. Il critique, ensuite, le jeu des personnalités et écrit : "après douze ans de travail, le parti républicain est des plus divisés" et en conclut : "La division ayant pris naissance dans les personnalités, tout ce qui a été mêlé en quoi que ce soit au mouvement doit être écarté dans l'avenir. Les choix doivent être faits parmi les non-compromis. La future liste doit être toute composée d'hommes nouveaux. C'est le seul moyen d'arriver vite à la conciliation et à l'union du parti (...)".

Manifestement, les commentaires du PM n'ont pas plu aux conseillers municipaux restants : "Il paraît que l'aéropage qui forme à la mairie le Conseil des Huit jusqu'à ce que de nouvelles élections soient venues en désigner d'autres, a donné, des ordres visant notre journal, et nous devons à l'avenir, ne pas attendre la moindre communication de nos gouvernants communaux; (...) Nous nous inclinons. (...)" (PM du 11.01.1884). La question posée était celle des communications des délibérations communales au PM. La réponse est le boycott du journal par la mairie.

Du côté des conservateurs, on raille l'équipe VAREILLE : "Quoiqu'il en soit, bien qu'on ne puisse attendre rien de bon du suffrage universel tel qu'il fonctionne et tel qu'il est dirigé, nous ne croyons pas qu'on puisse trouver plus mal que feu l'administration VAREILLE et compagnie." (PC du 08.01.1884). Le même journal précise que DÉFARGES fait fonction de maire (05.01.1884).

Entre également en jeu, un nouveau journal, le PRC avec un de ses rédacteurs : Honoré EUZET qui écrit sous le pseudonyme Quidam (voir l'explication dans l'article du PM du 02.05.1884 qui se trouve dans la partie "1863 à 1869" ci-dessus). C'est ainsi qu'en janvier se développe une polémique entre le PRC et le PM : "Le Quidam chevaleresque, dont l'ambition mal déguisée est d'obtenir une place en tête de la liste des candidats au Conseil municipal de Cette s'essouffle chaque samedi d'une façon invariable, pour accuser de gaspillage une administration (c'est le Conseil municipal dans son ensemble qui est visé, et donc sous la coupe de la majorité radicale, actuellement démissionaire) qui, certainement, ne lui a pas fait perdre le moindre grain (allusion à son activité de courtier en grains) (...) Tout préoccupé de consolider ses anciens tréteaux, Quidam oublie d'éclairer sa lanterne, c'est-à-dire de montrer les attestations, les témoignages (...) Ici pas une seule preuve (...) Dans quelques jours, l'administrateur dont l'écharpe empêche Quidam de dormir (il est connu de tous qu'Honoré vise le poste de maire), livrera sans doute à la publicité, conformément à la loi, son compte administratif de l'exercice 1883. Le moment sera venu de trouver dans ce document officiel et de faire connaître à la population la justification d'attaques si obstinément rééditées. Si le claivoyant Quidam néglige de le faire, comme il l'a négligé pour 1881 et 1882, il s'expose à se faire encore traiter publiquement de radoteur. Il serait difficile, en effet, de croire Quidam sur parole. Dernièrement, il lançait contre le conseil municipal, comme un pavé écrasant, une phrase que devait avoir prononcée notre député (il s'agit de Jacques SALIS) dans une réunion du cercle Radical. Or, il paraît que la phrase était une pure invention et que le député a déclaré par écrit qu'elle ne lui appartenait pas. (voir plus loin sur cette phrase où serait inclus le mot turpitude) certainement notre député a trop de tact et de bon sens pour avoir tenu le langage familier à Quidam. C'est dommage : Quidam avait tant sué pour rouler ce roc ! Plaignons Quidam-Sisyphe ! (PM du 18.01.1884)

Suite de cet épisode le 22.01.1884 avec une une lettre du radical BLANCHET au PM : "Ce n'est pas mon ami et collaborateur "Quidam" qui a fait le compte rendu de la séance du cercle républicain radical dans le numéro du Petit Républicain Cettois du 6 courant, et c'est en m'appuyant sur les dires de l'unanimité des membres et sur le texte du procès-verbal de la séance que j'ai, moi, attribubuée justement au citoyen SALIS, député et membre du cercle, les paroles que l'on essaye de nier aujourd'hui pour les besoins d'une cause perdue. J'atteste, et tous les membres du cercle présents à la réunion l'attesteront comme moi, que le citoyen SALIS a dit textuellement : "Il faut nécessairement que le prochain conseil municipal de Cette soit composé d'hommes intègres, intelligents et dévoués, dignes, en un mot, de la grande cité qu'ils représentent et auxquels on ne puisse pas reprocher les turpitudes dont se sont rendus coupables certains conseillers municipaux qui n'ont pas craint de faire passer leurs intérêts privés avant ceux de la commune" (...) Le cercle entier a applaudi et c'est avec plaisir que je me suis joint à lui pour approuver notre député." (PM du 22.01.1884) Le PM ne s'est pas avoué vaincu, au contraire, dans son numéro du 23.01.1884, il fait paraître une correspondance de SALIS qui déclare qu'il n'a pas prononcé la phrase incriminée. Du coup, le PM ironise sur BLANCHET et le PRC : "Il est certain que tant qu'il serait resté embusqué derrière sa feuille, il aurait pu tirer sur nous tout à son aise, comme il l'a fait à plusieurs reprises, nous aurions gardé le silence (...)" Par cet échange, on voit donc que le camp républicain de Sète est de plus en plus fragmenté en ce début 1884. Non seulement, il y a les modérés du PC (et les 8 conseillers municipaux restants) mais les radicaux eux-mêmes sont partagés entre ceux du PM (et les 13 conseillers municipaux démissionaires) et ceux du PRC (dont Honoré EUZET). Un peu plus tard, la situation se complique encore car le président et le secrétaire du Cercle républicain radical font publier dans les journaux l'extrait du compte rendu de la réunion du Cercle du 4 janvier, compte rendu qui reprend le discours de SALIS avec les mots qui accusent certains conseillers municipaux de turpitude. Si la publication de cet extrait ne surprend pas trop d'être dans le PC du 29.02.1884, on peut se poser d'autres questions de le voir publié sans commentaires dans le PM du 28.02.1884, exactement comme si le PM lâchait le député SALIS, parce que celui-ci avait soutenu les éléments les plus extrémistes du conseil municipal. Dit autrement, c'était convenir par le journal radical que le député radical de Sète avait menti !

Il faut dire que parmi les conseillers municipaux qui avaient démissionné, l'un d'eux était particulièrement critiqué en tant que vrai chef de file du groupe radical de Sète, NICOLAU (patronyme souvent écrit NICOLEAU dans les journaux). Le PM publie ainsi une lettre que ce dernier a adressé au directeur gérant du PRC à qui il reproche d'avoir écrit dans le n° 24 de ce journal : "Les hommes du clan NICOLEAU (...) Qu'ils président au scrutin, qu'ils usent des expédients déloyaux qui leur sont familiers, qu'ils abusent de leur qualité d'administrateurs pour exercer la pression officielle sur certains employés communaux, qu'ils transforment les autres en agents électoraux, comme ils l'ont fait dans d'autres circonstances !" ; il exprime ainsi sa réponse dans le PM du 27.02.1884 : "Comme je ne dispose ni d'hommes, ni de clan, c'est moi sans doute que vous cherchez à viser personnellement. (...) J'oppose en attendant mieux, un démenti formel. Je suis toujours prêt à rendre compte de mon mandat de conseiller municipal au comité qui m'a fait l'honneur de me présenter aux suffrages de mes concitoyens. (...)"

Quant à "Quidam" lui-même, on trouve sa défense dans une lettre qu'il adresseà AYMERIC et qui est reprise dans le PC des 20-21.01.1884. Il en profite pour rappeler les critiques qu'il a adressées à l'administration VAREILLE.

Toutes ces disputes entre républicains, toutes ces inimitiés personnelles, toutes ces "turpitudes" plus ou moins dénoncées et plus ou moins réfutées, expliquent probablement le fiasco des élections communales complémentaires prévues le 24 février. En effet, pour compléter le conseil municipal, il s'agit d'élire 19 nouveaux conseillers. Mais, dès le 16 février, le PM marque son scepticisme : "Nous ne croyons pas qu'il se trouve beaucoup de candidats ayant assez de générosité pour accepter le fardeau communal pour deux mois seulement, à moins que nous ne voyions éclore, ainsi qu'on nous l'a affirmé, une liste d'hommes d'affaires (...) S'il y a lieu, le scrutin de ballottage aura lieu le 2 mars."

Le résultat est édifiant, comme on le voit dans un article du PM du 26.02.1884, intitulé "Pas de candidats, pas d'électeurs". Le journaliste écrit que sur 9874 inscrits, 20 seulement se sont présentés, qu'un seul bureau sur quatre avait pu être constitué et ... qu'il n'y avait aucun candidat ! Même tonalité dans le PC du 26.02.1884 : "Aucun candidat ne s'est présenté et une vingtaine d'électeurs tout au plus ont pris part au vote, et encore ne l'ont-ils fait que pour s'amuser. Les bulletins trouvés dans l'urne n'étaient pas sérieux. (...)"

La seule possibilité qui restait était que le préfet nomme une commission puisque les élections complémentaires n'avaient rien donné. C'est pourquoi DÉFARGES, faisant fonction de maire, a présenté au préfet une liste de noms pour la formation d'une commission municipale mais le préfet l'a refusée, le procédé étant jugé anti-démocratique; Dans son numéro du 12.03.1884, le PM estime alors que le statu quo n'est pas acceptable et "si le gouvernement veut que les huit prennent toutes les responsabilités, il doit au moins leur donner les pouvoirs nécessaires" (car, le conseil municipal réduit ne peut traiter que des affaires courantes).

Le PM qui soutient les radicaux et qui critique la liste de l'Alliance républicaine fait part d'une lettre écrite le 24.04.1884 : "Dans un journal qui doit bien nous aimer puisqu'il parle souvent de nous un Quidam quelconque nous met en demeure de lui faire connaître les réactionnaires qui émaillent la liste du comité de la carte. La demande venant de quelqu'un autorisé pourrait nous trouver favorable à la réponse, mais accéder au désir ou se soumettre à l'ordre du premier Quidam venu ne peut nous plaire. La seule concession que nous accordions est de soumettre le cas à nos concitoyens ? Nous prions donc les électeurs républicains de bien vouloir désigner au Quidam dont s'agit quels sont les réactionnaires compris dans la liste que, grâce à un correspondant qui voulait nous mater, nous avons publiée dans notre numéro d'hier." (PM du 25.04.1884).

"Un groupe d'électeurs indépendants vient, au nom de la conciliation, de faire une liste prise dans les deux affiches et de présenter 30 candidats ou plutôt un pur compromis pour les électeurs d'aujourd'hui. Il nous semble que cette résolution est très sage. (PM du 04.05.1884). Cette tentative des républicains radicaux appuyés par le PM ne séduit pas les républicains modérés appuyés par le PC, avant même la sortie de la liste en question : "Est-ce un signe de découragement ou un ballon d'essai ? Le correspondant du Petit Méridional annonce qu'une troisième liste est en préparation, laquelle serait composée en majeure partie de commerçants. (...) A moins que les citoyens AYMERIC et Cie, en présence du fiasco qui attend leur liste introuvable, ne préfèrent voir surgir une liste de commerçants à laquelle ils seraient heureux de se raccrocher afin d'empêcher les républicains modérés de passer (...) Les Nicolistes, comme les appelle un journal local, redoutent plus les investigations des républicains modérés sur les actes de feue l'administration VAREILLE que celles des commerçants." (PC du 01.05.1884).

"Au cours du dépouillement, les radicaux, s'apercevant que la liste de l'Alliance républicaine avait la majorité, ont brisé les tables et déchiré deux listes d'émargement. La police a été impuissante à faire évacuer la salle. Le dépouillement a été suspendu. Les bulletins non dépouillés sont restés enfermés dans l'urne, qui a été scellée et confiée à la garde d'agents de police." (EC du 05.05.1884). De son côté, le PM évoque ces troubles dans le dépouillement, par le moyen d'une lettre d'électeurs adressée au maire :"pendant la séance du 4 mai courant, au moment des opérations électorales, les diverses salles det sections de vote et notamment la première section ont été brusquement envahies et troublées par une foule nombreuse, irritée contre certaines fraudes qui, paraît-il, auraient été commises pendant le dépouillement des urnes." La lettre indique, ensuite, qu'une des urnes, remplie de bulletins, a été enlevée de la salle de la première section et portée sur la place de la mairie, que les listes d'émargement ont été déchirées, que des bulletins ont été détruits, et donc qu'il faut annuler ces élections (PM du 06.05.1884)

"Une dépêche préfectorale parvenue dans la journée d'hier annonçait que les élections de dimanche étaient renvoyées et priait le maire d'afficher cet avis de renvoi" (PM du 10.05.1884). Cet avis est venu après les troubles lors du dépouillement des votes de l'élection municipale et après que le maire provisoire, DEFARGES, ait annoncé et fait afficher qu'un second tour aurait lieu comme prévu le dimanche suivant, alors que les résultats du premier tour n'avaient pas été proclamés. Evidemment, cette proclamation annonçant un scrutin de ballottage avait provoqué des protestations (PM des 06, 08 et 09.05.1884).

Finalement, la liste de l'Alliance républicaine (opposée à la liste Radicale) est élue tout entière (30 noms) : "AIGON Félix, boulanger 2573, ARNAUD-BLOEME, négociant 2734, AIMARD Raphael, camionneur 2694, AUZIER François, tonnelier 2705, BERTRAND Joachim, tailleur de pierres 2748, CAVALIER Louis, négociant 2740, CONQUET Michel, épicier 2544, COTHENET aîné, négociant 2725, DÉFARGES Henri, capitaine au long cours 2750, EUZET Honoré, courtier 2707, FALGUEIRETTES Auguste, négociant, président du Conseil des prud'hommes 2777, GAUSSEL François, maître de chai 2709, GAUTIER Edouard, négociant 2758, GRANIER Pierre, négociant 2705, LAUTIER François, mécanicien 2739, MARTEL Lucien, entrepositaire 2762, MATHIEU (jeune) Edouard, négociant 2765, MAURY François, charcutier 2603, NÈBLE François, entrepreneur 2715, OLIVE Théodore, armateur 2782, PERRIN Marius, employé de commerce 2750, PEYRET Benjamin, négociant 2752, SOULOUMIAC Etienne, maître tonnelier 2567, TEULON Emile, docteur en médecine 2562, THER Joseph, gérant du camionnage P.-L.-M. 2732, TICHY Hippolyte, docteur en médecine 2781, TRIAIRE Etienne, négociant 2756, VAILHÉ Joseph, propriétaire 2682, VÉROLY Adolphe, employé de commerce 2728, VIVAREZ Jean Baptiste, courtier en vins 2708." (PC du 17.06.1884) Les noms de cette liste avaient été indiqués par le PM du 24.04.1884, puis du 25.04.1884, suite à une proclamation adressée aux électeurs par le Comité central de l'Alliance Républicaine.

Dans la séance d'installation du conseil municipal, les votes donnent les résultats suivants : PEYRET élu maire (26 voix - 2 bulletins blancs), OLIVE élu premier adjoint (27 voix - 2 bulletins blancs), EUZET élu deuxième adjoint (27 voix - 2 bulletins blancs) ; PEYRET remercie DÉFARGES qui a "rempli les fonctions de maire depuis la démission de l'ancien conseil". (PC du 24.06.1884). A propos de DÉFARGES, le MDM du 24.06.1884 précise qu'il faisait fonction de maire depuis plus de six mois.

Le second semestre est marqué par l'épidémie de choléra qui frappe le sud de la France, particulièrement à Marseille et à Toulon. A Sète, on met en place des mesures préventives contre l'épidémie;. C'est une instruction adressée au directeur de la compagnie des chemins de fer PLM, à savoir "d'installer dans les deux gares de petite vitesse et grande vitesse des salles de désinfection, comme il en existe sur bien des points, notamment à Paris" (PC du 09.07.1884). C'est la décision de "faire aménager le Lazaret pour recevoir les malades, en cas d'épidémie" (PC des 13-14-15.07.1884). C'est un arrêté ordonnant que "tous les voyageurs et bagages provenant des régions où le choléra aura été officiellement constaté, subiront dans les gares, avant d'entrer à Cette, des mesures de désinfection." (PC du 16.07.1884) C'est l'interdiction "par les gares de grande et de petite vitesse, ou par toute autre voie, l'entrée de tous les meubles ou objets de literie ayant servi, qu'ils soient expédiés par colis séparés, ou qu'ils fassent partie des bagages des voyageurs arrivant des départements atteints par l'épidémie cholérique. Est également interdite l'entrée sur le territoire de la ville des chiffons, vieux habits, crins, plumes ayant servi ainsi que des débris organiques de toute nature, quelle qu'en soit la provenance." (PC du 23.07.1884)

Si le texte concernant le Lazaret a été discuté dans la séance de la commission d'hygiène du 11.07.1884, sous la présidence du maire, Benjamin PEYRET, les arrêtés relatifs à la lutte contre le choléra ont été signés par "l'adjoint délégué, pour le maire empêché : Honoré EUZET". De même, c'est lui qui apporte le démenti de la municipalité quand le PR fait courir la rumeur selon laquelle un "cas douteux de choléra se serait produit au Lazaret" (PC du 22.07.1884). Il faut se rendre compte qu'il importait de ne pas créer des mouvements de panique, alors que le choléra se rapprochait (il est à Gigean, selon le PC du 09.08.1884). C'est encore Honoré EUZET, le 11.08.1884, qui, "pour l'administration municipale" écrit un article critique vis-à-vis du MDM, lequel prétendait que "les eaux de l'Issanka qui servent à l'alimentation de la ville pouvaient être mises en communication avec celles de la Vène" (PC du 12.08.1884). Ainsi, dans cette lutte contre le choléra, Honoré EUZET est en première ligne, là où on aurait attendu le maire lui-même. Plus tard, on saura se souvenir du rôle actif qu'il a joué dans ces évènements.

On ne peut que mettre en parallèle l'effacement du maire. En effet, si l'annonce de l'ordre du jour des séances du conseil municipal du 3 et du 10 juillet sont encore sous la signature de Benjamin PEYRET, on constate que le conseil municipal du 12.07.1884 est présidé par Théodore OLIVE, le premier adjoint, "en l'absence de M. PEYRET" (PC du 12.07.1884) puis, le conseil municipal du 19.07.1884 s'est aussi tenu sous la présidence du premier adjoint, Théodore OLIVE, "en l'absence de M. PEYRET empêché" (PC du 22.07.1884). Un mois plus tard, le PC du 19.08.1884 déplore que la mairie n'avise plus le journal de la tenue des séances du conseil municipal et que le PC soit obligé de se renseigner auprès d'autres journaux. On comprend qu'il a dû se passer quelque chose d'important entre les conseillers : "Avant-hier, 3ème séance de la session du conseil municipal. M. le maire étant absent ainsi que beaucoup de conseillers municipaux, c'est M. OLIVE, premier adjoint, qui a ouvert la séance et occupe le fauteuil présidentiel". En fait, le maire ne va plus venir aux réunions du conseil municipal et, semble-t-il non plus, aux séances des commissions. Le PC ne va même plus indiquer des excuses pour son absence, le conseil municipal étant toujours présidé par OLIVE (par exemple, ceux du 17 septembre, 31 octobre, 14 novembre, 16, 17 et 20 décembre). On ne peut qu'être frappé par cette attitude bizarre du premier magistrat de la commune, alors que son deuxième adjoint se répand dans les médias et est en première ligne dans la lutte contre le choléra. PEYRET va, désormais, rester chez lui, tout en ne démissionnant pas et en gardant un certain contrôle à distance sur ses conseillers. Cette situation unique s'expliquera en partie grâce aux débats qui se tiendront en 1886 et les explications qui seront données par Honoré EUZET (PM du 10.05.1886).

Il n'en demeure pas moins que l'attitude du maire tient d'abord à son caractère comme on le voit dans l'affaire de l'église Saint Louis (la mairie avait fait envoyer la troupe pour empêcher toute procession autour de l'église, et ce pendant trois jours). L'EC qui ne fait pas de cadeaux aux républicains évoque à ce propos une anecdote : "Hier, votre correspondant a parlé de l'administration PEYRET, je regrette que beaucoup de catholiques aient voté pour cet homme, qui a, le premier, interdit les processions à Cette, par faiblesse, dit-on, mais qui ne les a pas moins interdites pour cela. Les hommes faibles sont plus dangereux quelquefois que les radicaux, parce qu'ils se laissent mener par la queue de leur parti." EC ajoute une conversation entendue à l'époque des élections : "Un de nos amis rencontrant dans la rue M. B., un des plus chauds partisans de l'administration actuelle, lui dit : Est-ce vrai que vous voulez nommer M. PEYRET, maire ? Il me semble que vous pourriez faire un meilleur choix dans votre liste. M. B. répondit : Nous avons choisi M. PEYRET, parce que c'est une nullité administrative et que nous lui ferons faire ce que nous voudrons. Cette parole, dont nous garantissons l'exactitude, devrait faire ouvrir les yeux à M. PEYRET et lui faire comprendre qu'il est des responsabilités devant lesquelles certains de ses amis reculent et qu'on a voulu lui faire endosser. (...)" (EC du 18.08.1884). Evidemment, ce qui est dit ici à propos des processions et de l'envoi de troupes, vaut probablement aussi pour son attitude de ne plus aller à une quelconque réunion à la mairie. Quel conseil a-t-il donc reçu pour aboutir à cette impasse ?

Au conseil municipal du 20.08.1884, alors que l'épidémie de choléra est à Gigean, un des médecins chargé du constat des décès donne sa démission. Honoré EUZET explique que son remplacement est déjà assuré, "mais le conseil peut lui infliger un vote de blâme". Conformément à cette proposition, le conseil, à l'unanimité, inflige un blâme sévère à ce médecin et décide que cette partie du procès verbal sera communiquée aux journaux locaux (PM du 24.08.1884)

Les autres séances du conseil municipal sont dévolues à des questions de pure gestion municipale. Ainsi, dans sa séance du 14.11.1884 (présidée par OLIVE, le maire, absent, n'étant pas excusé), il y a un débat à propos de la tenue du marché sur la place de la mairie et des risques encourus à cause des tramways et omnibus ; Honoré EUZET "demande l'application rigoureuse de l'arrêté de 1872 exigeant que le commerce tienne le marché sur la place de la Mairie" ; sa proposition est adoptée par 13 voix contre 5 (PM du 16.11.1884). dans la même séance, EUZET présente un long rapport sur la construction d'un nouveau collège ; est également examinée la question du prix du pain ; EUZET lit une pétition des ouvriers sur ce sujet mais c'est rejeté par le conseil (le PC des 16-17.11.1884 qui rapporte ce débat rappelle que le pain est moins cher sur le marché et à la boulangerie du Cercle catholique). Au conseil municipal du 16 décembre, la discussion porte sur un rapport de la commission des travaux, prévoyant des adjudications, ce qui est adopté ; par contre, le marché relatif aux promenades est prévu de gré à gré, ce qui est combattu par DÉFARGES et EUZET, comme antidémocratique et devant entraîner des dépenses plus chères qu'avec une adjudication. Mis aux voix, personne ne soutient ces conclusions du rapport, pas même les membres de la commission qui a émis ces conclusions (PC et MDM du 18.12.1884, le conseil étant présidé par OLIVE, le maire absent et pas excusé)

1885

L'année 1885 est une année de gestion "normale", c'est-à-dire sans élection locale pour Sète, mais elle se caractérise toujours par une forte anomalie pour le conseil municipal. En effet, le maire, Benjamin PEYRET, ne préside jamais son assemblée qui est donc laissée à la responsabilité du 1er adjoint, Théodore OLIVE, ou, rarement, à celle du 2e adjoint, Honoré EUZET, jusqu'au moment où le premier donne sa démission, en octobre, pour la reprendre en novembre et continuer à présider le conseil municipal.

Le 09.01.1885, les sociétaires de la caisse des écoles se réunissent en assemblée générale annuelle sous la présidence d'Honoré EUZET, adjoint. Parmi les décisions, il y a la constitution du bureau avec comme vice président NICAULAU, comme trésorier MATHIEU et comme secrétaire ALLEGRE (PM du 22.01.1885 - des détails sont donnés dans le JC du 20.01.1885, en particulier tout ce qui concerne la distribution de livres).

Au conseil municipal du 06.02.1885, il est décidé de maintenir les anciennes commissions sans changer leur composition, sauf si des membres voudraient permuter, ce qui serait accepté. Honoré EUZET demande, à ce sujet, d'avoir voix délibérative dans les commissions qu'il préside ou auxquelles il assiste. Il demande, en outre, à faire partie des commissions des Finances, de l'Instruction publique, des Beaux Arts et des Travaux publics. Le conseil adopte ses propositions (JC du 06.02.1885). On se rend compte, ainsi, de son désir d'être partout, au moment même où le maire, Benjamin PEYRET, fait la politique de la chaise vide. La nature a horreur du vide ! En mars, un journal annonce même que le maire aurait envoyé sa démission au préfet mais on n'en parle plus ensuite (JC du 23.03.1885)

La question de la laïcisation

Le 13.01.1885, Honoré EUZET est l'un des cinq conseillers municipaux (avec TEULON, ARNAUD, VÉROLY et MATHIEU) qui s'opposent au projet de bail à loyer de locaux vacants du Lazaret pour être annexés à l'hospice. L'objectif était de loger les baigneurs indigents des départements voisins qui sont envoyés à Sète chaque année et que l'hospice ne pouvait recevoir, à cause de l'insuffisance de locaux. L'autorité militaire étant favorable à cette opération, un projet de bail a donc été établi. Les opposants ont argué du fait que la dépense pourrait devenir importante. C'est par 14 voix contre 5 que le projet est, finalement, adopé (PM du 15.01.1885). Le JC donne encore la précision suivante : "la soeur Marthe, supérieure de l'hospice, dont le dévouement ne saurait être trop exalté, possède une somme de 3000 francs qu'elle a offerte pour cette oeuvre, et au besoin, elle ferait appel à la charité publique" (JC du 15.01.1885). On peut se demander si ce dernier argument n'était pas trop à l'opposé des conceptions idéologiques de certains opposants, notamment EUZET ... (bien qu'ils n'aient argumenté que sur l'aspect financier)

En effet, il se fait l'apôtre de la laïcisation auprès du conseil municipal, suite à la démission du conseiller ARNAUD, à l'hospice ; il s'agit donc de trouver un remplaçant : "il fait observer qu'il serait heureux de savoir s'il y a un candidat pour ce poste, attendu qu'ayant l'intention de demander la laïcisation de l'hospice, il ne voudrait voter que pour un candidat qui s'engagerait à poursuivre la mesure de laïcisation. M. EUZET prétend qu'avec l'organisation actuelle de l'hospice, la liberté de conscience n'est pas assez garantie et que sous peu il lui soumettra un projet de laïcisation dont il prendra hautement la responsabilité, espérant que le conseil républicain dont il fait partie lui donnera satisfaction. (...)" Le vote a lieu au scrutin secret et c'est par 15 voix sur 23 que FALGUEIRETTES est élu membre de la commission hospitalière. (JC du 06.02.1885) On comprend pourquoi, plus tard, ses opposants l'ont affublé du surnom de laïcisateur. C'est le MDM (dans son numéro du 08.02.1885) qui critique le plus la position d'EUZET : "C'est avec un profond regret que nous avons vu un membre de l'administration que nous avions considéré jusqu'ici comme un esprit sérieux, se lancer avec tant d'apparat dans cette rengaine démodée de la laïcisation, qui a produit partout de si piètres résultats, et que les médecins les plus éclairés, en même temps que les plus libéraux, répudient avec éclat (...)"; le journal approuve le conseil municipal qui a eu la sagesse de ne pas l'écouter en nommant FALGUEIRETTES, "très-brave homme, que nous ne croyons pas disposé à appuyer la laïcisation."

Un communiqué d'Honoré EUZET est repris dans les différents journaux : "L'Eclair annonce dans son numéro de ce jour, 20 mai, que les casernes seront bénites dimanche par M. le curé de Saint-Louis. C'est inexact. La municipalité de Cette se passera dans cette circonstance du concours du clergé qui est d'ailleurs parfaitement inutile. Messieurs du clergé ne seront point invités à la cérémonie." (JC du 23.05.1885). Après avoir écrit que le JC avait oublié de publier le communiqué le 22 (mais était-ce bien un oubli ?), les responsables du journal rectifient le tir, si ce n'est sur le fond, du moins sur la forme : "Nous ne voyons pas la nécessité d'une pareille rectification, dans tous les cas, il nous semble que M. EUZET aurait pu y mettre un peu plus de termes. Bien que M. EUZET parle au nom de la mairie, nous voulons croire que M. PEYRET et M. OLIVE ne l'ont pas autorisé à tenir un pareil langage.". Il est évident que dans cette question de l'inauguration des nouvelles casernes, EUZET a voulu se positionner comme un anticlérical de stricte obédience. Cette marque lui restera longtemps, face aux républicains modérés représentés, dans la presse, par le JC. Pour sa part, l'autre journal modéré, le MDM trouve qu'il aurait pu simplement démentir le fait, "sans se montrer si ... impoli. Mais il faut voir là le désir de poser et de faire sa cour à cette catégorie d'électeurs qui peuvent être sensibles aux charmes d'un pareil style." (MDM du 22.05.1885). Cependant, il est clair aussi qu'Honoré EUZET veut apparaître comme un homme qui sait décider, qui sait le faire savoir et ce, dans des termes durs qui tranchent avec le vocabulaire des dirigeants de l'époque. Ainsi, en tant qu'adjoint délégué à l'instruction publique, il intervient dans le débat sur les heures d'ouverture des salles d'asile qui ne seraient pas respectées par certaines responsables : "Si une des directrices des écoles communales viole cet arrêté (sur les horaires d'ouverture), qu'on veuille bien la faire connaître à l'administration qui saura faire son devoir. (PM du 25.10.1885) A bon entendeur, salut ! C'est sans appel ...


C'est en tant qu'officier de l'Etat civil, qu'il prononce le divorce de Françoise JALBY et de François Esprit DAVID, "ex-négociant, séparé de corps et de biens depuis plusieurs années qui a bénéficié (si on peut appeler cela un bénéfice) des effets de cette loi", c'est-à-dire de la loi de 1884 sur le divorce, appliquée pour la première fois à Sète. Le journal qui relate les faits ne donne que les initiales des nom et prénom de l'intéressé et ajoute "L'épouse a fait défaut. En revanche, une foule de curieux avait envahi la porte de la Mairie pour assister à un spectacle aussi curieux qu'inusité." (JC du 15.03.1885). Comme pour d'autres questions, en cette année 1885, on a l'impression qu'Honoré EUZET tient à se montrer à l'avant-garde de l'innovation juridique et sociale.

Le 20.03.1885, à la séance du conseil municipal, TRIAIRE lit un rapport dans lequel il demande la suppression du conservatoire de musique. TICHY lit ensuite un contre-rapport dans lequel il conclut au maintien du conservatoire. EUZET fait prévaloir que la convention n'est pas en vigueur, car le ministre ne l'a pas signée. Il estime donc qu'il vaudrait mieux ajourner cette question à deux mois. Le vote qui suit lui donne raison par 15 voix contre 10. De plus, il est procédé à la nomination de quatre membres, afin d'étudier sérieusement l'organisation du conservatoire (JC du 22.03.1885 et PM du 23.03.1885).

La question des locaux du théâtre

- Au conseil municipal du 08.04.1885, TEULON lit un rapport de l'architecte sur le danger qu'offre le théâtre actuel (c'est-à-dire le théâtre Jeannin, dans la Grand'rue) pour la sécurité publique. Le conseil est d'avis de nommer une commission extra municipale comprenant deux membres compétents du conseil pour examiner l'état des lieux et émettre son avis sur les mesures à prendre. (PM du 10.04.1885 et JC du 01.04.1885).

- Un mois plus tard, au conseil municipal du 08.05.1885, la question revient. Au nom de cette commission, EUZET donne lecture du rapport qui "conclut à la conservation du théâtre actuel, moyennant quelques travaux de consolidation et d'aménagement qui, à son avis, n'excèderaient en aucun cas la somme de 8000 francs." La discussion qui suit est très vive et très longue. Les opposants font remarquer que le bail qui reste à courir vient à terme dans 15 à 18 mois, que le coût dépassera 8000 francs et qu'un particulier a pris, à ses risques et périls, l'initiative de la construction d'un théâtre dans un lieu central, place Delille. Finalement, par 13 voix contre 7, le conseil décide la fermeture du théâtre (MDM du 12.05.1885, JC et PM du 10.05.1885).

- Pourtant, c'est un revirement complet de la situation, au conseil municipal du 01.06.1885 car, sur "sur 13 conseillers qui avaient voté la fermeture du théâtre, il s'en est trouvé un seul, M. THER (...) qui a eu le courage d'élever la voix et de rappeler le conseil au respect de sa dignité" (JC du 03.06.1885). THER critique FALGUEIRETTES car il est le cousin du cafetier du théâtre (et a donc des intérêts personnels à conserver le théâtre actuel). Finalement, le rapport d'EUZET est adopté par 12 ou 13 voix (selon le JC) : "c'est à peu près le même nombre de voix qui l'avait repoussé la première fois" et le JC conclut : "le théâtre Jeannin sera donc sauvé de la ruine qui le menaçait et la ville dépensera 8 à 10.000 francs si ce n'est davantage pour favoriser quelques intérêts particuliers".

- Nouvel affrontement au conseil du 09.06.1885 quand OLIVE fait la lecture du procès verbal de la séance du 1er juin où fut votée la réouverture du théâtre Jeannin. THER demande au président de lire une protestation contre ce qui s'est fait et qui lui a été adressée par un de ses collègues absent. " Le citoyen EUZET prend la parole et du ton sec et impérieux qu'on lui connaît, il dit qu'il s'oppose à cette lecture, sous prétexte qu'un membre absent à une séance n'a pas le droit de protester contre ce qui s'y passe. Cette thèse pourrait être soutenable si on n'était pas revenu sur un vote acquis et auquel le protestataire avait pris part (...) M. OLIVE allait soumettre la question au conseil, c'était ce qu'il y avait de plus sage à faire, mais le citoyen EUZET ayant de nouveau fait opposition, M. le président a cédé et a refusé à M. THER la permission de lire la protestation de son collègue." Le JC qui fait le compte rendu de ces interventions indique ensuite que THER proteste en son nom et qualifie le vote du 1er juin d'escamotage. MARTEL s'oppose à lui et demande qui sont les escamoteurs et le JC ajoute : "M. THER aurait pu lui répondre que les escamoteurs sont ceux qui profitent de l'absence de plusieurs de leurs collègues dont ils connaissent l'opinion sur la question du théâtre, ont interverti l'ordre du jour afin d'enlever cette question qui, en bonne règle, n'aurait pas dû venir ce jour-là." La dispute reprend de plus belle. Ainsi, à propos d'une interpellation d'ARNAUD contre l'administration de la ville (en fait, contre EUZET, estime celui-ci), "le citoyen EUZET se répand violemment en invectives contre les drôles, les cafards, etc. qui ont insinué jésuistiquement qu'il avait joué un rôle déloyal dans ce qu'il appelle le malentendu du 1er juin". le JC insiste sur le langage inapproprié qu'il emploie en plein conseil et termine sur le président OLIVE qui d'un ton courroucé ordonne de faire évacuer la salle. En conclusion, le JC fait une supposition sur le rôle des deux adjoints : "Peut être faut-il attribuer l'irritation de M. le président au rôle effacé que l'autoritaire EUZET voudrait lui imposer." (JC du 11.06.1885) Enfin, si l'on veut comprendre ce qui s'est passé, il faut se reporter à ce qu'en dit le journaliste de l'EC pour la séance du 05.06.1885 : "M. ARNAUD, l'un des membres les plus intelligents, les plus honorables du conseil a protesté contre le fait que voici : le lundi matin, jour pour lequel était convoqué le conseil, on adressa une note à tous les conseillers en disant qu'à l'occasion des funérailles de Victor HUGO la séance n'aurait pas lieu le soir. Là-dessus, certains conseillers s'absentèrent ou disposèrent de leur soirée. Mais il paraît que dans l'après-midi, on envoya un agent chez certains conseillers pour dire que la séance aurait lieu. Qui ne devine tout de suite la stratégie ? On avait voulu tout simplement écarter les conseillers qu'on savait hostiles à la réouverture du théâtre de la Grand'Rue. C'est contre cette manoeuvre que proteste M. ARNAUD qui ne veut pas, dit-il, qu'on puisse l'accuser d'être de connivence dans ce qui s'est fait et veut dégager sa responsabilité. Pendant que M. ARNAUD parle ainsi, M. EUZET n'a pas l'air d'être à son aise. M. OLIVE répond d'une façon très embarrassée qu'il ignorait ce qui s'était passé et, tout en exprimant ses regrets à M. ARNAUD, pour sortir de ce mauvais pas, il s'empresse de demander qu'on passe à l'ordre du jour. M. ARNAUD a ajouté, croyons-nous, qu'il saisirait la presse de sa protestation. Cette oontestation est la confirmation de ce que nous avons dit, à savoir que le vote de lundi n'avait été obtenu que grâce à à un coup avorté, à une manoeuvre déloyable, et que c'était un véritable escamotage" (EC du 07.06.1885 - Le même texte se retrouve dans le JC du même jour)

- Un rapport est adressé au maire par la commission d'examen des locaux du théâtre. Cette commission est présidée par Honoré EUZET et ses membres sont COULON, NÉBLE, BERTRAND, MARQUEROL et DELMAS jeune. Cette commission était chargée d'examiner les locaux du théâtre afin de savoir si les conditions de sécurité étaient réunies. Effectivement, des travaux ont été entrepris (galeries consolidées, plafond refait, strapontins supprimés, passages du parterre élargis, issues sur le jardin crées, bureaux du contrôle reculés, mise aux normes de l'éclairage et des prescriptions de secours contre l'incendie) ; la commission a témoigné sa satisfaction à l'architecte de la ville qui "avec des ressources minimes a transformé cette salle à l'aspect délabré et d'accès difficile, en une salle d'un aspect gai et d'un accès commode." En conclusion, la commission déclare que le public peut désormais fréquenter sans crainte le théâtre (PM du 26.09.1885 et JC du 27.09.1885).

Le jeu de rôle qui a été joué dans cette affaire montre bien les caractères des trois partenaires principaux. Le maire, PEYRET, est aux abonnés absents. Il ne compte pas. OLIVE, le premier adjoint, préside le conseil à sa place mais c'est un mou qui ne souhaite pas d'affrontements et surtout pas avec le 2ème adjoint. Ce dernier, EUZET, profite de la situation en tentant d'imposer ses vues, même avec des moyens déloyaux et en usant d'un langage et d'un ton qui le font classer dans la catégorie des gens autoritaires. Plus exactement, il est accusé (probablement à juste raison) d'autoritarisme. Sur le fond, on s'aperçoit aussi qu'EUZET est, certainement, un excellent technicien de la chose publique, alors que les conseillers municipaux compétents semblent rares !

La gestion courante du conseil municipal



Le JC n'est pas tendre pour Honoré EUZET, même si les piques sont parfois à fleurets mouchetés. Ainsi, le compte rendu du conseil municipal paru dans le numéro des 12-13-14.07.1885 fait part au lecteur que la séance est "sous la présidence du deuxième adjoint", sans préciser son nom, ce qui est inhabituel. Par contre, à la suite du compte rendu, il y a un PS qui, lui, rappelle bien qui est ce président de séance : "On a remarqué que l'expression d'autoritarisme dont nous avait gratifié, il y a quelque temps, le citoyen EUZET n'était pas surfaite. Lui qui empiétait continuellement sur les attributions de M. OLIVE n'entend pas qu'on empiète sur les siennes lorsqu'il préside."

En dehors des affaires et des réactions purement politiciennes, les journaux de 1885 montrent surtout le travail habituel des conseillers municipaux, y compris dans les domaines les plus terre à terre. Honoré EUZET intervient à propos des égouts (de la route Nationale), des logements insalubres (il s'occupe de l'assainissement des impasses de la rue Villefranche et de la rue Pascal), de la propreté des rues privées, de la caisse des écoles (qui distribue des livres et autres fournitures aux élèves des écoles communales), du budget du collège (il demande une augmentation du traitement des professeurs et la création d'une salle d'étude) ; il propose encore un projet de surveillance des enfants, il vote pour le projet de construction des Halles à l'emplacement des anciennes casernes, etc. Toutes ces affaires de la gestion quotidienne forment le coeur du métier et ne doivent pas être masquées par les questions plus polémiques, comme celle du théâtre (on peut retrouver les interventions ci-dessus dans les n° du PM des 22 janvier, 13 mai, 26 juillet, 12 novembre et 17 décembre, du JC du 25 mars, etc.)

De fait, il prend une place dominante dans ce conseil mais son style ne lui vaut pas que des amis, comme on le voit lors de la séance du conseil municipal du 24.07.1885, à propos du procès verbal de la séance précédente, ARNAUD présente des observations au sujet de l'égout de la route nationale dont le conseil a voté la construction depuis plus d'un an : "En présence de la lenteur apportée par l'administration supérieure à accorder l'autorisation pour ces travaux, M. ARNAUD est d'avis qu'on adresse aux journaux locaux une note tendant à dégager la responsabilité du conseil (...) Le citoyen EUZET demande la parole, et du ton cassant qui lui est particulier, il déclare que l'administration n'accepte pas de faire des communications à la presse au sujet de cette affaire. On pourrait se demander de quel droit ce conseiller, qui n'est que deuxième adjoint, parle au nom de l'administration tout entière ; mais on sait que le maire ne compte pas et que M. OLIVE est un peu comme PONCE-PILATE ; il ne faut donc pas s'étonner que le deuxième adjoint impose sa manière de voir." En fait, dans le cas précis, il n'a pas imposé son point de vue car le vote qui a suivi a été en faveur de la proposition du conseiller ARNAUD, par 12 voix contre 4 et 5 abstentions. (EC du 27.07.1885)

C'est dans le JC du 14.10.1885 que l'on apprend qu'OLIVE, le premier adjoint, a remis sa démission entre les mains du préfet, "depuis cinq ou six jours". Le JC le regrette car il était considéré "à bon droit comme un homme honnête et impartial" ... qualités, ajoute le journaliste, "qui l'on rendu suspect aux intrigants" et qui ont, par tous les moyens, rendu la situation impossible. Enfin, le JC s'étonne que le conseil n'ait pas été convoqué pour prendre une décision en conséquence. La suite est donnée par le PM : "Il y a eu vendredi soir réunion officieuse de notre assemblée communale (...) Une délégation de sept membres qu'accompagnera M. EUZET, 2ème adjoint, doit se rendre chez M. OLIVE et le prier de retirer sa démission des fonctions de 1er adjoint, donnée, on le sait, il y a déjà quelques jours (...)" (PM du 17.10.1885) Cette médiation a dû être efficace puisque, dès le conseil municipal du 12.11.1885, on revoit OLIVE présider l'assemblée - comme il l'avait fait depuis le début de l'année. Dans cette séance, EUZET présente, au nom de la commission de l'Instruction publique, le projet de budget, qui est adopté.

Au conseil municipal du 30.12.1885, il démontre ("avec raison", dit le J.C.) que si l'on veut fournir aux directeurs du théâtre le moyen de faire leurs affaires, il convient de ne pas leur créer de concurrents et donc qu'il faut refuser les autorisations d'installation aux cirques et théâtres forains. Pourtant, la majorité décide d'accorder ces autorisations aux spectacles forains, "se plaçant à un faux point de vue d'égalité" (JC du 31.12.1885)

1886

Situation de la presse, en 1886 :

Le PM annonce dans son numéro du 02.05.1886 qu'il vient de créer à Sète un "bureau-succursale, situé rue Pascal, 9, au coin de la rue Louis Blanc, derrière la place de la Mairie" et que son "rédacteur-correspondant, M. Firmin PUECH, se tiendra désormais dans ce bureau" à la disposition des lecteurs du journal. Il est évident que cette situation nouvelle permet, désormais, au PM d'avoir une information plus fournie et plus ciblée sur la politique locale et sur ses habitants.

Les numéros du JC qui sont en ligne permettent de se rendre compte que le combat politique le plus rude se situe, en 1886, entre le JCM et le JC. Ainsi, cet article du JC du 18.09.1886 : "Le journal du petit Frédéric, qui n'a de Commercial et de Maritime que le titre, publie un entrefilet dû à la plume d'un officieux déçu et chagrin, où il est dit que la commission de la caisse des écoles a donné raison à M. EUZET, en maintenant comme trésorier de la caisse, M. FIOURY, contrairement à la sage décision prise, il y a quelques mois, par M. le Maire. Le journal du petit COMBES oublie, ou plutôt ignore, que si la commission a donné raison à M. EUZET, elle donne tort à la loi et aux cinq-cents législateurs qui l'ont élaborée. Mais qu'importe la loi quand on s'appelle Frédéric COMBES ? Sait-on même s'il en existe ?"

Le 15.01.1886, EUZET préside l'assemblée générale annuelle du comité de la Caisse des Écoles, assisté des membres fondateurs et souscripteurs : "Après avoir exprimé la vive satisfaction qu'il éprouve du zèle apporté par les sociétaires, il informe les membres présents que, conformément à l'article 6 des statuts, il va être procédé au remplacement de trois membres démissionnaires et d'un membre sortant, par voie de tirage au sort." ; ensuite, a lieu l'élection d'un vice-président et d'un trésorier ; NICOLAU est élu vice-président, MATHIEU trésorier et ALLEGRE secrétaire ; la situation financière de l'oeuvre est ensuite examinée (nombre de livres en stock, nombre de livres distribués, projets de nouvelles distributions de livres) ; EUZET estime, qu'en 1886, des livres pourront être distribués à la moitié des élèves et il espère qu'en 1887, on pourra distribuer des livres gratuitement à tous les élèves, sans distinction (PM du 19.01.1886)

Le 25.02.1886, sur le rapport de GAUTHIER, le conseil municipal vote une subvention de 2100 francs pour venir en aide à la Société des fourneaux économiques, "dont le budget est en déficit par suite de la misère qui règne depuis quelque temps". De plus, sur la proposition d'EUZET, il est alloué 2000 francs aux ouvriers sans travail, somme qui sera convertie "en bons de pain, de viande et de légumes, distribués par les conseillers municipaux aux familles nécessiteuses" (MDM du 26.02.1886)

Des relations excécrables entre le maire, Benjamin PEYRET, et son 2ème adjoint, Honoré EUZET

A une séance du conseil municipal en mai, présidée par OLIVE, premier adjoint, un conseiller municipal, COTHENET, demande la parole pour faire une proposition : "il regrette vivement que M. le maire n'assiste jamais aux séances du conseil et à celles des commissions. Si M. le maire persiste à s'absenter, il demandera au conseil d'exiger sa démission." Un autre conseiller municipal, CONQUET, demande un vote de confiance en faveur du maire mais EUZET intervient : " il dit vouloir rétablir la vérité et déclare que le véritable motif donné par M. le maire à la délégation qui avait été le trouver pour le prier de retirer sa démission n'était pas l'état de sa santé, mais le reproche qu'il croyait devoir adresser à M. EUZET, qui cherchait à empiéter sur ses attributions de maire. M. EUZET ajoute que M. le maire avait plusieurs fois fait volontairement abandon de sa prérogative. M. CONQUET proteste contre les paroles de M. EUZET et le prie de ne pas attaquer M. le maire lorsqu'il est absent. M. EUZET réplique que si la thèse soutenue par M. CONQUET était adoptée, le conseil ne prononcerait jamais le mot M. le maire, M. le maire étant toujours absent ; pour son compte, il ne croit pas que la délégation l'ait dispensé d'assister aux séances ; dans tous les cas, ce serait une violation de la loi. M. THER déclare que, tout en accordant sa confiance à M. le maire, il regrette qu'il soit absent à toutes les séances. Divers membres font la même déclaration et notamment M. COTHENET. M. COTHENET n'a aucune méfiance à l'égard de M. le maire ; il ne comprend pas qu'on réclame un vote de confiance en sa faveur. M. le maire a toute son estime, mais il n'hésite pas à déclarer au conseil qu'à l'ouverture de toutes les séances, si M. le maire persiste à s'absenter, ainsi que plusieurs autres de ses collègues, il demandera qu'on exige leurs démissions par application de la loi. On passe au vote par appel nominal et par vingt voix contre une, celle de M. EUZET, le conseil accorde sa confiance à M. le maire." (PM du 10.05.1886). Des précisions sont aussi apportées par le JC des 09-10.05.1886 : "M. CONQUET prend à son tour la parole, il rappelle qu'il y a cinq ou six mois, le Maire ayant donné sa démission, une délégation du conseil lui fut envoyée pour l'engager à retirer sa démission. M. PEYRET, touché de cette marque de sympathie de la part de ses collègues, consentit à revenir sur sa détermination, mais à la condition qu'on ne l'obligerait pas à présider les séances du conseil municipal." Sur les explications données par EUZET, le JC ajoute : "Je répondis au maire que puisqu'il me faisait ce reproche, (l'empiètement sur ses fonctions) il voulut bien m'indiquer lui-même quelles étaient mes attributions. Non seulement M. PEYRET n'a jamais voulu les définir, mais dans certaines circonstances, ajoute EUZET, il était bien aise de se décharger sur moi de ses propres directives. Ainsi, un jour, des dames étaient allées lui demander la permission de faire des processions. M. PEYRET qui était présent à la mairie, fit répondre à ces dames qu'il n'y était pas et me les envoya, afin de ne pas prendre la responsabilité d'un refus." Mais, selon les conservateurs, ce type d'argument se retourne contre lui quand il reproche au maire "de lui laisser les ennuis et la responsabilité des résolutions anticléricales. Il nous semble que M. EUZET devrait au contraire remercier le maire de faire ainsi son jeu puisque jusqu'à présent il a édifié une popularité sur une hostilité systématique contre les catholiques." (MDM du 10.05.1886). Et plus tard encore, ce journal élargit le raisonnement en constatant la foule nombreuse, présente aux funérailles du Frère Jacques BARDY : "Une cérémonie de cette nature est bien faite pour faire réfléchir M. EUZET, notre second adjoint ; et si comme on l'assure, c'est un homme intelligent, il comprendra qu'en dépit des apparences, notre classe ouvrière, qui manifeste tant de sympathie pour les hommes dévoués à l'éducation de ses enfants, n'a pas tant de tendances qu'il pourrait le croire pour les idées de laïcisation." (MDM du 02.06.1886)

D'autres querelles enveniment encore la même séance du conseil municipal, notamment sur le sujet de la surveillance des enfants dans les écoles, le jeudi. En effet, la proposition adoptée du conseil n'ayant pas été envoyée au préfet, EUZET s'en étonne et déclare que c'est parce que le maire ne veut pas la signer. Il déclare encore "qu'il n'a rien fait relativement à l'enseignement sans être d'accord avec le maire ; il lui a même soumis le discours qu'il a prononcé à la distribution des prix des écoles communales" mais il ajoute : "non au point de vue de la forme, car s'il avait un discours à faire apprécier sous le rapport littéraire, ce n'est pas à M. PEYRET qu'il s'adresserait, mais il a voulu lui soumettre son programme.". Evidemment, ces dernières paroles soulèvent des protestations de la part de conseillers qui prennent le parti du maire. Devant le tumulte, la séance est levée (JC des 09-10.05.1886.

Le PM du 15.05.1886 relate les points discutés au conseil municipal (la date n'est pas indiquée mais c'est, probablement, le 11). La séance est présidée par le 1er adjoint (OLIVE) et le maire est absent excusé. M. EUZET dit : " Je tiens à constater que M. le maire a senti le besoin de se faire excuser, que ses excuses sont la preuve que mes amis et moi, nous avions raison quand nous disions que M. le maire ne se conformait pas à la loi en refusant d'assister aux séances des commissions et du conseil, sans se faire excuser et qu'il se mettait dans le cas de faire prononcer légalement sa déchéance." Le PM indique qu'il y a des interventions d'un grand nombre de conseillers municipaux mais que, malgré cela, il continue à parler : "Le conseil a le droit d'accepter cette situation, mais je veux dégager ma responsabilité ; M. le maire en n'assistant pas à nos délibérations, ne connaît pas suffisamment nos projets pour les défendre utilement auprès de l'administration supérieure. C'est une fâcheuse situation que vous avez consacrée en acceptant ses excuses." Le conseiller VIVARÈS estime que le maire n'est pas dans l'illégalité car l'absence n'entraîne la démission qu'au bout de trois sessions et non au bout de trois séances. La séance est levée, son président estimant que l'incident est clos. Cependant, d'autres précisions sur cet incident sont données par le JC du 13.05.1886 (qui concernent, effectivement la séance du 11) : il est dit que le maire n'avait pas besoin de s'excuser "attendu que lorsqu'il donna sa démission, il invoqua par écrit comme principale raison l'impossibilité où il se trouvait d'assister aux séances du conseil". A la suite de ces explications, EUZET déclare : "qu'il ignorait l'existence de cette lettre mais qu'en tout cas, s'il a constaté l'absence du Maire, ce n'est pas par animosité contre lui, mais dans l'intérêt de la bonne gestion des affaires municipales. Il est impossible, dit-il, de bien défendre les intérêts de la ville lorsqu'on n'assiste pas aux séances du conseil ni à celles des commissions.".

Suite à l'intervention précédente, il est clair que les relations entre le maire et son deuxième adjoint ne se sont pas améliorées. On peut même dire qu'elles sont devenues excécrables : " La Tribune du Midi a publié hier l'entrefilet suivant : On nous annonce que M. PEYRET et M. Honoré EUZET, deuxième adjoint, ne peuvant s'entendre, le bureau de ce dernier a été transféré au secrétariat" Le PM qui rapporte ces mots ajoute qu'EUZET adresse les lignes suivantes : "Il est bon d'ajouter, afin de compléter cette information, que c'est sur le désir formel exprimé par M. EUZET que son bureau a été transféré au secrétariat. M. EUZET a à se plaindre de la grossièreté de M. PEYRET, et il a voulu fuir les occasions qui lui étaient offertes, de sortir du calme dont il ne doit pas se départir, à l'égard du Maire doublé d'un vieillard." (JC du 25.05.1886)

La crise la plus forte est, certainement, celle du mois de juin. Reprise par toute la presse, on en trouve un bon résumé dans le MDM et on peut ainsi noter de larges extraits de ce journal (que l'on pourrait définir comme conservateur-modéré) : "C'est sans la moindre émotion que nous voyons les républicains de diverses nuances se chamailler entre eux ; toutefois nous nous étonnons de voir notre pétulant adjoint M. EUZET, qui aurait certes cent raisons de garder une prudente réserve, s'acharner contre le maire de Cette, et l'appeler avec arrogance à la barre, comme s'il était son justiciable. M. EUZET ne veut pas approuver le compte administratif, parce qu'il impute au maire les irrégularités qui se sont produites sur ce compte. Il lui reproche notamment d'avoir toléré que le receveur municipal eût deux caisses distinctes, l'une pour les fonds communaux, l'autre pour les fonds de la caisse des écoles. Il croit que cette négligence du maire sera cause de la perte de 7.115 francs éprouvée par la commune, ne sera pas garantie par le cautionnement du receveur municipal. Nous ne partageons pas le point de vue de M. le deuxième adjoint (...) M. EUZET fait le naïf, et il sait très-bien qu'en fait de compte administratif la responsabilité du maire n'est que fictive et de pure forme, et c'est même pour cela qu'on nomme un receveur grassement rétribué et astreint à déposer un fort cautionnement. Les maires du temps passé n'ont jamais fait, et ceux de l'avenir ne feront pas autrement que M. PEYRET. Mais si l'on descend au fond des choses, on verra que les vrais coupables, ne sont pas là où les voit M. le second adjoint. Il faut les chercher parmi les sectaires fantastiques dont M. EUZET est un des types les plus accomplis, qui, sous prétexte d'épuration, ont trouvé moyen de fourrer la politique dans un milieu d'où les vrais intérêts communaux auraient dû l'exclure, et de substituer à un agent-comptable, dont le zèle, l'aptitude et l'intégrité étaient exemplaires, un politicien ou agent électoral, qui était à peu près privé de toutes ces qualités, et qui a trouvé tout naturel de se prévaloir de son attitude de bon républicain pour en agir avec la plus grande liberté vis-à-vis de la caisse qui lui était confiée. Conclusion, M. EUZET me semble faire à son chef beaucoup de querelle d'Allemand, et si quelque chose m'étonne, c'est que ce dernier supporte si patiemment une pareille attitude." (MDM du 16.06.1886). Quelques jours plus tard, le MDM fait paraître le texte d'une lettre d'Honoré EUZET qui accuse le maire d'avoir toléré ces deux caisses et de ne pas avoir assuré la surveillance qui incombait à lui-seul. A la suite, le MDM persiste dans son raisonnement, pour dire que le seul vrai contrôle est celui qui est fait par un délégué du Trésorier Payeur Général. Quant à la situation créée par ce conflit, le MDM conclut, à nouveau : "Mais une situation qui n'est pas correcte et que le public a peine à comprendre, c'est le profond antagonisme qui existe entre le maire et M. EUZET, deuxième adjoint. Il y a là une anomalie qui est fâcheuse au point de vue d'une bonne administration, et qui semble ne pas pouvoir se prolonger indéfiniment." (MDM du 23.06.1886). Dans les autres journaux qui relatent cette crise, on peut noter encore les postures des divers intervenants. Par exemple, DEFARGE qui dit qu'il n'est le mandataire de personne (c'est-à-dire du maire ou de ses amis) et, bien sûr, EUZET : "M. EUZET dominant le bruit, dit que quel que soit le nombre de ses adversaires, on ne l'empêchera pas de défendre ce qu'il croit juste et on ne le fera pas départir du calme qu'il s'est résolu à conserver." (JC du 13.06.1886) ou c'est encore le président OLIVE qui n'obtient le silence qu'après avoir agité sa sonnette pendant plus de dix minutes ... on voit d'ici la scène ! (PM du 13.06.1886)

"Les relations entre le maire et M. EUZET, 2ème adjoint, sont maintenant tellement tendues que M. PEYRET vient de retirer toutes ses délégations à M. EUZET. Le PM du 04.07.1886, qui donne cette information, ajoute simplement que "ces conflits sont profondément regrettables au point de vue de la marche régulière des affaires municipales."

Le MDM s'étonne, qu'à la séance du conseil municipal du 10.08.1886 qui voit le renouvellement des membres des diverses commissions (comme chaque année), le nom d'EUZET ne figure dans aucune de ces commissions. Le commentaire de ce journal conservateur qui, d'habitude, n'est pas tendre pour les radicaux, est révélateur de la réputation du 2ème adjoint : "n'étant pas dans le secret des dieux, nous ne connaissons pas les motifs de cette élimination, car notre impartialité nous oblige à reconnaître que la présence de M. EUZET, deuxième adjoint, et homme très-intelligent, aurait pu être de quelque utilité dans une ou plusieurs de ces commissions" (MDM du 14.08.1886) Il faut certainement relier ces observations à celles que l'on trouve quelques jours avant sur les séances officieuses : "Nous connaissions encore les séances extraordinaires, qui ont lieu dans l'intervalle, avec l'autorisation de M. le préfet ; mais nous n'avions jamais entendu parler des séances officieuses : qu'es aco ? Il paraît que ce sont tout simplement des réunions de famille entre quelques conseillers (et qu'on ne saurait empêcher), ayant pour but de s'entendre sur la conduite à tenir dans les séances règlementaires. Cela certes ne peut faire de mal à personne ; mais comme ces réunions n'ont rien de légal et ne sont pas autorisées, on ne peut y prendre aucune délibération valable. Par suite, comment se fait-il que nos confrères croient devoir en rendre compte compendieusement ? et qu'on y lit à tout moment : l'assemblée a résolu ; l'assemblée a pris une délibération ; elle a modifié les résolutions sur tel ou tel point : cela est tout simplement ridicule et aucune de ces décisions ou délibération n'a la moindre valeur. Nous comprenons que M. EUZET qui préside ces réunions et qui est l'inspirateur officieux de certaines feuilles, cherche à donner à ces assemblées privées plus d'importance qu'elles n'en méritent." - sous-entendu, c'est le moyen qui lui reste d'exister puisque le maire a interdit sa nomination dans toutes les commissions. (MDM du 11.08.1886)

En fait, on voit bien qu'elle est la politique du maire par rapport à son second adjoint. Ainsi, alors qu'OLIVE, le premier adjoint, est absent, il revient présider le conseil pour empêcher EUZET d'en assurer la présidence, ce que le MDM appelle un "tour de Jarnac" : "Par suite, la session ordinaire du mois d'août étant ouverte depuis le 10, M. EUZET avait l'espoir de présider les séances du conseil ; mais cette espérance a été déçue par le tour de Jarnac que lui a joué, au dernier moment, M. PEYRET, maire, en se décidant, contre ses habitudes, à présider lui-même le conseil municipal, et il faut convenir, du reste, qu'il ne s'en est pas trop mal tiré. (MDM du 13.08.1886). A la suite de cet épisode, le MDM tire quelques conclusions sur les deux hommes et le portrait qu'il donne de PEYRET est plutôt flatteur, ce qui, a contrario, n'est pas à l'avantage d'EUZET : "Ce qui est vrai, c'est que parmi toutes les variétés de républicains que nous avons vu défiler devant nous, M. PEYRET, maire, est un de ceux que nous accepterions le plus volontiers, à cause de son impartialité, de sa rectitude d'esprit et de son incontestable probité. Indépendant par position, il voulait se retirer pour des motifs de santé. Le conseil l'a prié de rester, et il n'a consenti à se rendre à ses voeux qu'à la condition d'être dispensé de présider régulièrement les séances du conseil municipal. Mais cela ne l'empêche pas, quand M. OLIVE, premier adjoint, est absent, ce qui est fort rare, de présider l'assemblée, s'il se trouve dispos. M. EUZET se méprend et s'abuse lui-même, quand il affecte de croire qu'il a obligé le maire à remplir les devoirs de sa charge." (MDM du 15.08.1886) Auparavant, le MDM avait, d'ailleurs, bien marqué sa préférence pour le maire PEYRET : "M. PEYRET, à la tête de l'administration, est un gage de modération, de droiture et d'impartialité." (MDM du 10.05.1886)

En fait, l'analyse des comptes rendus des séances du conseil municipal montrent qu'EUZET a pu les présider entre janvier et mars 1886 et ces séances ont pu se dérouler sans le moindre problème, y compris pour le renouvellement des membres des commissions au conseil du 12 février. Que s'est-il donc passé en mars ou avril pour arriver à une telle tension entre le maire et son second adjoint ? On peut noter, cependant, que si un voeu a été émis à l'unanimité par le conseil municipal le 16 février, une pétition sur le même sujet a été adressée aux députés et aux sénateurs par cinq conseillers municipaux seulement : EUZET, COTHENET, THER, VÉROLY et AYMARD. Le JC du 28.03.1886 indique que ces cinq conseillers municipaux ont écrit un mémoire pour démontrer la nocivité de la loi du 27.05.1885 qui permet désormais aux repris de justice libérés de s'installer à Sète. Le texte souligne qu'ils sont environ 600, "une véritable armée" qui cause beaucoup de dommages, car la police est insuffisante. Le mémoire ou pétition propose de revenir à la situation antérieure qui interdisait aux libérés de séjourner à Sète. Le sujet est, évidemment, important mais on peut se demander pourquoi ni le maire ni le premier adjoint n'en sont signataires. Il est évident qu'il y a là matière à fâcherie. Evidemment, peut-être que le maire ne voulait pas écrire à tous les élus nationaux mais, dans ce cas, la minorité du conseil aurait dû passer par un canal politique. Faire autrement voulait dire que le maire était marginalisé, à la limite de l'incompétence. Plus tard, le PM rappelera le voeu du conseil municipal en en reprenant une partie ("Qu'il plaise au gouvernement de comprendre la ville de Cette au nombre des villes dont l'entrée est interdite aux condamnés libérés ou tout au moins de lui accorder une subvention suffisante qui lui permette d'être en l'état de défense contre les nombreux méfaits dont elle est victime et qui sont souvent suivis de meurtre.") et en ajoutant que ce voeu fut appuyé par une pétition " très bien motivée" et signée par les cinq conseillers municipaux dont les noms sont repris dans le journal (à noter qu'AIGON est indiqué comme signataire, au lieu de THER). Il est évident que si le PM du 01.09.1886 évoque cette pétition plusieurs mois après, c'est pour mettre EUZET en avant. On est alors en septembre, après toute une série d'escarmouches depuis le mois d'avril.

A la séance du conseil municipal du 19.11.1886, COTHENET et EUZET demandent qu'il soit nommé de nouvelles commissions, "certains membres du conseil ayant été exclus systématiquement de celles qui existent". Le premier adjoint, OLIVE, propose de nommer les membres des commissions à la majorité relative. EUZET répond que ce n'est pas légal. "En présence de ce désaccord, le conseil renvoie à une séance ultérieure la nomination des commissions afin que les conseillers aient le temps de se concerter d'avance sur les noms à proposer." (JC du 19.11.1886)

Au conseil du 22.11.1886, le maire, PEYRET, est présent et préside, en l'absence d'OLIVE, le premier adjoint. Il est évident qu'il veut empêcher EUZET de présider. Dès le début, la séance commence mal. En effet, si GAUTIER est élu secrétaire, quand il demande à lire un voeu, le maire s'y oppose, en disant que l'on doit s'en tenir à l'ordre du jour car c'est une séance extraordinaire. GAUTIER lui répond que sur les convocations, il était indiqué que c'était une séance ordinaire. Le maire lui rétorque que c'était une erreur. Du coup, GAUTIER refuse de remplir les fonctions de secrétaire du conseil. Un nouveau vote a lieu et c'est VÉROLY qui prend sa place. Ensuite, EUZET demande la parole et rappelle qu'à la séance précédente, il avait adressé une question à l'administration mais qu'il n'a pas eu de réponse. Puisque le maire est présent, il réitère sa question. PEYRET lui répond qu'il ignore ce dont il s'agit mais qu'OLIVE, qui présidait, lui a promis de lui répondre. Par conséquent, EUZET n'a qu'à attendre la réponse d'OLIVE. Suite à cela, EUZET se retire, suivi par GAUTIER, THER, COTHENET, AIGON et NÈBLE. Un peu plus tard, la séance est levée "au milieu de l'émotion produite par le brusque départ des membres susnommés" (JC du 24.11.1886). Et le JC ajoute : "Décidément, cela se gâte"

Les idées d'Honoré EUZET et de la minorité, au conseil municipal


De nombreuses questions techniques sont débatues au conseil municipal, en 1886, et, souvent, Honoré EUZET croise le fer avec une partie de ses collèques. Ainsi, au conseil du 21.10.1886, un débat a lieu sur les appointements du nouveau commissaire de police. GRANIER, MARTEL et EUZET estiment qu'il faut les augmenter et ils s'opposent à FALGUEIRETTES (proposition rejetée - JC du 23.10.1886) ; au début de l'année, GAUTIER et EUZET sont pour le maintien des cours de travaux manuels malgré le peu de succès, dû, d'après eux, aux heures qui leur sont consacrées ; de nouveaux horaires sont proposés (proposition adoptée) ; il insiste pour que soit payé, à compter du 1er janvier, le professeur de piano au Conservatoire et s'oppose à MARTEL (renvoi à la commission des Beaux-Arts) ; il propose le transfert d'une école enfantine de l'avenue de la gare à la rue de la Charité et demande le crédit correspondant (proposition adoptée) ; il propose d'organiser la surveillance des enfants dans les écoles le jeudi, ce qui suppose un crédit important ; à ce sujet, une vive discussion s'élève mais il appuie la proposition par des arguments politiques : "il croit que certaines familles mettent leurs enfants aux écoles congréganistes parce que dans ces écoles on les garde le jeudi ; si vous en faites autant, dit-il, ces parents retireront leurs enfants des écoles congréganistes et les mettront aux écoles laïques dont le niveau des études est supérieur, et d'ailleurs, ajoute-t-il, il importe d'élever les nouvelles générations dans les idées républicaines" ; les réparties sont vives, en particulier de VIVARES qui rappelle que la loi a prévu que les écoles vaqueront les dimanches et jeudis, afin de permettre aux enfants dont les parents le voudront de suivre l'instruction religieuse : il faut donc respecter la liberté de conscience des parents : la question fait l'objet d'un vote et est adopée par 14 voix contre 7 (JC du 30.01.1886, débats au Cm du 28.01.1886) ; cet exemple montre que la minorité qui a EUZET (2ème adjoint) pour porte-parole sait se faire entendre par ses idées, face à la majorité dirigée par OLIVE (1er adjoint) qui préside toujours le conseil, à la place du maire, absent excusé ou non ; on le voit bien dans cette séance du 28 janvier quand EUZET présente son rapport au nom de la commission de l'Instruction publique : il "présente un rapport reflétant ses idées personnelles et celles de la minorité de la commission".

Les fonctions d'Honoré EUZET, en tant que délégué cantonal


En tant que délégué cantonal, Honoré EUZET fait la tournée des écoles communales. "On nous assure que beaucoup d'autres délégués ne tarderont pas à suivre son exemple" (PM du 29.06.1886). Cette fonction a fait grincer quelques dents, comme on le voit dans l'article suivant du MDM : "Dans ces temps où le choléra fait des progrès chez nos voisins d'Italie ...", il serait utile de s'occuper des " mauvaises exhalaisons qui s'échappent des bouches d'égout sur toute l'étendue de nos quais. M. le maire fera bien de confier cette surveillance à l'infatigable activité de son deuxième adjoint, M. EUZET. Cette mission, s'il voulait s'en charger, serait tout aussi utile que celle qui consiste à aller visiter les écoles au point de vue pédagogique." (MDM du 30.06.1886). Ou aussi cette intervention parue dans le MDM du 11.08.1886 : "Nous voyons encore que c'est M. EUZET (...) qui a présidé les séances d'examen des élèves des écoles laïques et des institutions libres, ainsi que des jeunes personnes fréquentant les cours secondaires des jeunes filles. Nous n'avons aucun motif d'être désagréable à M. EUZET qui est, comme on dit vulgairement, un bon zigue ; mais nous nous demandons avec quelque anxiété quel titre pédagogique il pourrait invoquer pour présider des examens de cette nature ? Concourt-il lui-même aux interrogations ? Cela nous semblerait un peu drôle.". L'intéressé fait répondre par l'intermédiaire du JCM : "Le Journal commercial et maritime nous répond au nom de M. EUZET et sur un ton de parfaite urbanité, que depuis dix ans M. EUZET fait partie de la commission cantonale de l'instruction publique et qu'il est permis de supposer qu'il a rempli son mandat à la satisfaction de tous, puisque depuis ce temps, et sous toutes les administrations, il lui a été maintenu. Nous n'avons pas à contredire en quoi que ce soit à ces assertions de M. EUZET". (MDM du 13.08.1886)


1887

Comme les années précédentes, le premier adjoint, OLIVE, assure la présidence du conseil municipal et chacun semble en avoir pris son parti, au point que le MDM écrit, le 23.03.1887, qu'OLIVE est "plus spécialement chargé d'administrer la ville de Cette" ! Il semble aussi que la guerre d'usure entre le maire et son second adjoint se soit calmée. Le début de l'année 1887 est plus calme au conseil municipal. A la séance du 03.01.1887, le compte rendu de la séance précédente est adopté sous réserve d'une observation d'EUZET quant à l'entreprise de l'arrosage de la ville. Comme toujours, il n'hésite pas à donner son point de vue quel que soit le sujet technique abordé. Ainsi, en ce qui concerne le contrat d'assurance avec l'incendie, il pense qu'il serait plus équitable et plus rentable que la police - dont le montant s'élève à 1.200.000 francs - soit répartie entre diverses compagnies. Cependant, comme le contrat actuel court jusqu'en 1891, il faut souscrire avec la Paternelle (le Progrès National ayant vendu son portefeuille à la Paternelle). Il émet le voeu qu'à l'avenir, la répartition d'assurance se fasse d'une manière plus conforme aux intérêts de la commune. A noter que 9 conseillers sont absents : GAUTIER, COTHENET, NÈBLE, THER, TRIAIRE, DEFARGE, AUGIER, AIMARD et AIGON (PM du 05.01.1887) Même discours , mêmes arguments, un mois plus tard, par rapport à la technique de l'adjudication qui devrait toujours se substituer au marché de gré à gré (cette fois en ce qui concerne l'achat de machines prévues pour le marché d'adduction des eaux de la source d'Issanka). Le ton monte d'un cran quand il s'agit de nommer un membre de la commission scolaire, en remplacement de MARTEL, démissionnaire (PM du 18.02.1887). Enfin, sur le même sujet de l'adjudication, une longue discussion a lieu, le 09.11.1887, au sujet de ces machines pour l'adduction d'eau et à cause du contrat de gré à gré qui est proposé au conseil municipal. Le PM reprend cette discussion en mettant en avant l'argument d'économie développé par Honoré EUZET. La majorité ne le suit pas et le projet de marché est adopté par 12 voix contre 6 (PM du 12.11.1887). Cependant, la question essentielle reste celle du théâtre.

La question de la construction d'un nouveau théâtre

C'est le 19.02.1887 qu'arrive au conseil municipal la discussion sur l'opportunité de construire ou non un théâtre municipal. Cette discussion est provoquée par la position de la commission des Beaux-Arts. Le maire est absent et la séance est - comme d'habitude - présidée par le premier adjoint, Théodore OLIVE mais il y a aussi 10 conseillers absents (TICHY, FALGUERETTES, TRIAIRE, NÈBLE, AUGIER, AIMARD, VAILLIÉ, SOULOUMIAC, AIGON et CONQUET) : "M. DEFARGES, au nom de la commission des Beaux-Arts, demande au conseil de supprimer la subvention au directeur du théâtre pour l'année 1887-88 et de ne pas renouveler le bail du théâtre Jeannin qui expire le 30 septembre. Les principaux arguments invoqués par le rapporteur en faveur des décisions de la commission sont : 1/ que le nombre de places du théâtre Jeannin étant trop restreint, les recettes ne peuvent pas suffire à payer les appointements d'une bonne troupe, malgré la subvention de 23.000 francs accordée par la ville au directeur ; 2/ que le directeur ne pouvant pas engager des artistes à 1500 ou 1800 francs par mois, le public cettois étant exigeant déserte le théâtre et il s'en suit que presque tous les directeurs se sont ruinés et que tous se ruineront si la ville continue à donner de l'argent pour l'exploitation du théâtre Jeannin ; que dans ces conditions le conseil municipal doit être assez consciencieux pour ne pas continuer à encourager un directeur à prendre une entreprise ruineuse en lui accordant une subvention. M. DEFARGES dit que ce qui a encouragé la commission à prendre cette décision, c'est que ne comptant plus sur le théâtre Jeannin, un nouveau théâtre remplissant toutes les conditions voulues sera construit par une société ou par l'administration et qu'alors seulement on aura un théâtre digne d'une ville ayant une population de 40.000 habitants. Il conclut en disant : ayez un théâtre confortable et alors vous pourrez avoir une bonne troupe ; vous pourrez en un mot vous montrer exigeants sans ruiner un directeur. M. EUZET combat les conclusions du rapport ainsi que les considérants ;" Sur la question de la rentabilité pour le directeur du théâtre, il déclare (qu'il) "trouve que le rapporteur a un peu été dans la voie de l'exagération en disant que tous les directeurs s'étaient ruinés ; il cite M. DELPARTE comme ayant gagné de l'argent et si les autres en ont perdu dans l'exploitation du théâtre, c'est qu'ils n'étaient pas aptes à prendre la direction. M. EUZET ose espérer que le directeur actuel, s'il ne gagne pas de l'argent, il n'en perdra pas non plus, surtout s'il continue à nous donner de bonnes représentations comme il le fait depuis quelques temps. L'orateur est de l'avis du rapporteur en ce que le théâtre Jeannin n'est pas un théâtre pour une ville de 40.000 habitants mais en attendant d'en avoir un plus confortable et que les finances de la ville permettent de le construire, il faut conserver celui-là." (PM du 21.02.1887)

Dans une réunion officieuse, le conseil municipal est réuni sous la présidence de Théodore OLIVE, qui donne lecture d'une lettre adressée par M. DUSSOL Celui-ci fait connaître à l'administration qu'il lui fait parvenir un plan descriptif de son théâtre mais que ce plan pourra être modifié conformément aux désirs de la ville. Lucien MARTEL estime que ce projet est trop vague et qu'il faudrait connaître "le coût du loyer de son théâtre et quel temps il lui faudra pour le construire". Le président répond que suite à une consultation qu'il a eue avec M. DUSSOL, il "faudrait sept mois pour la construction de son théâtre et comme prix du loyer, il demanderait 25.000 francs". Jean Baptiste VIVARÈS estime que M. DUSSOL aurait dû donner ces renseignements par écrit et qu'il est impossible de discuter sur ces paroles qui ne constituent aucun engagement. Joseph THER et Adolphe VÉROLY demandent que le conseil veuille faire introduire M. PÉCHEUR, fondé de pouvoir de M. DUSSOL, afin qu'il éclaire le conseil sur cette offre. Une fois introduit, M. PÉCHEUR dit qu'il ne peut répondre sur le prix du loyer car le devis estimatif n'a pas été dressé et le conseil n'a pas fait connaître les modifications qu'il proposerait d'apporter. "Il croit cependant pouvoir affirmer que le coût du loyer ne dépasserait pas 25.000 francs". Dans la discussion qui suit, Henri DÉFARGES déclare : "Avec la somme de 30.000 francs inscrite chaque année au budget pour les dépenses théâtrales, on pourrait payer l'annuité nécessaire à un emprunt de 600.000 francs environ, somme à peu près nécessaire pour l'édification d'un théâtre sur un terrain communal." Puis, Auguste FALGUERETTE demande la nomination d'une commission composée de 8 membres pour étudier toutes les propositions d'édification d'un théâtre. Cette proposition est acceptée et sont nommés membres au scrutin secret : FALGUERRE, GRANIER, MARTEL, DÉFARGES, THER, CONQUET, TICHY et MATHIEU. Dans la foulée, FALGUERETTE en est nommé vice-président. A la suite de ce compte-rendu, le PM donne son point de vue : "Nous nous plaisons à constater que tous nos édiles veulent doter notre ville d'un théâtre, mais faut-il encore que tous soient disposés à la doter d'un théâtre confortable, construit dans toutes les conditions voulues, digne en un mot d'une ville de 40.000 habitants. Malgré ce que peuvent en dire les pessimistes, nos finances sont dans un état florissant : en conséquence que la commission se mette résolument à l'oeuvre pour la construction d'un théâtre par la ville et qu'elle n'invite pas la commission précédente, nommée il y a trois ans, sur la proposition de M. EUZET, laquelle ne s'est jamais réunie. Il est vrai que nous avions alors le théâtre Jeannin. Aujourd'hui, il ne doit y avoir ni théâtre Jeannin ni théâtre Dussol. Il ne doit y avoir qu'un théâtre municipal, et nous espérons que nos édiles y pourvoiront." (PM du 28.03.1887)

A la date du 04.06.1887, la majorité du conseil présente une motion concernant le théâtre (reproduite dans le JC du 18.12.1888, afin d'appuyer la solution consistant à construire un théâtre provisoire) : "Les soussignés, conseillers municipaux, en vertu de la délibération prise à la date du 7 mars 1887, et surtout après la terrible catastrophe de l'opéra-comique de Paris, de vouloir bien interdire au public le théâtre Jeannin qu'ils considèrent comme insuffisant, dangereux et insalubre, ainsi que le disait le docteur TICHY dans son rapport du 28 mars 1885. Ils estiment qu'en cas d'accident, un jour de spectacle, la responsabilité de l'administration serait immense et qu'il appartient d'ores et déjà aux conseillers soussignés de dégager la leur. les soussignés reconnaissent qu'un théâtre est indispensable dans une ville aussi importante que la nôtre, à la condition cependant qu'il offrira au public toute la sécurité désirable exigée par la loi ; ils pensent avec raison qu'il vaut mieux pour une année en priver la population qui saura comprendre le sentiment qui les guide, que de l'exposer à être brûlée ou à être écrasée sur des décombres. C'est pourquoi les soussignés invitent instamment l'administration à fermer définitivement le théâtre Jeannin et à prendre un arrêté à cet égard, conformément à l'article 97 de la loi municipale de 1884. Ont signé : J. THER, M. DEFARGE, J.B. VIVARÈS, M. CONQUET, A. VEROLY, F. LAUTIER, F. MAURY, G. GRANIER, E. TEULON, GAUSSEL, VAILLÉ, AUZIER, Ed. MATHIEU jeune, E. TRIAIRE, H. TICHY."

Au conseil municipal du 21.10.1887, toujours sous la présidence OLIVE, parmi les absents, le maire PEYRET est (pour une fois) indiqué. A propos du théâtre, le président demande le rejet pur et simple d'une proposition des nommés DIOSE, père et fils, de Lyon, pour la construction d'un théâtre municipal. EUZET déclare que "tout en étant opposé à la fermeture du théâtre Jeannin, la saison théâtrale est trop avancée", il suit donc cette demande mais veut établir les responsabilités de la fermeture. Ainsi, il est donné lecture du rapport de la commission nommée par le préfet ; cependant, cette lecture est interrompue par le bruit de personnes qui n'ont pas pu prendre place aux bancs qui sont réservés au public. Suite au tumulte qui ne cesse pas, le président lève la séance." (PM du 24.10.1887)

La suite de l'histoire est à l'avantage d'OLIVE et de la majorité, au grand dam d'Honoré EUZET : "Dans un long discours, M. EUZET critique vivement l'administration à propos de la question du théâtre. Il établit avec le rapport de MM. les experts nommés par le préfet que, contrairement à ce que dit M. OLIVE dans son arrêté, le théâtre Jeannin est solide et qu'il n'est pas insalubre et que s'il y avait quelques issues à créer, cette dépense est insignifiante. Si l'administration, dit-il, avait consulté les hommes compétents avant de prendre son arrêté, c'est-à-dire au mois de mai dernier, on aurait eu le temps depuis de faire les réparations et nous ne serions pas privés de théâtre. A présent, il est trop tard pour réparer la faute commise. Il conclut par une énergique protestation en son nom et au nom de ses amis, ajoutant qu'il n'aura pas la naïveté de réclamer un blâme contre M. OLIVE, certain que la majorité du conseil ne le suivrait pas." (PM du 12.11.1887) Ce qui suit, dans la même séance du conseil du 9 novembre, montre que sous des aspects vifs mais policés, existe une forte opposition de personnes entre le premier et le second adjoint : "M. OLIVE, président : Je ne réponds pas aux attaques dont je viens d'être l'objet, surtout de la part qu'elles me viennent. - M. EUZET : J'ai pour devoir de respecter le président ; mais à M. OLIVE, je lui dis qu'à ses paroles dédaigneuses, j'oppose mon plus profond mépris. ... Et la discussion reprend, ensuite sur un autre sujet (les pétitions tendant à obtenir le transfert du marché de l'Esplanade). La séance est levée quand plusieurs conseillers quittent la salle.

Les innovations du conseil municipal

Au premier trimestre, la ville de Sète voit se développer un conflit professionnel dans la boulangerie, à cause de l'augmentation du prix du pain. Or, la mairie tente d'intervenir pour aboutir à une conciliation entre les parties. Cette intervention politique est critiquée par le MDM au nom de la liberté commerciale : "On dit que M. EUZET et quelques uns de ses amis, assez mal inspirés à notre avis, ont insisté afin que le conseil municipal intervienne dans la question de la boulangerie et du prix du pain (...) Le conseil municipal s'est ingéré abusivement dans une question qui ne le regarde nullement et son intervention est une atteinte à la liberté commerciale. Certainement on peut croire que M. EUZET était animé d'excellentes intentions et qu'il aurait fait des propositions relativement modérées ; mais il est bien évident qu'il voulait par là se montrer agréable au club radical, afin de rester, au moins en apparence, le chef de ce parti à Cette, au point de vue de sa popularité et de son action politique. Mais il serait peut-être survenu un autre politicien ultra-radical, qui aurait demandé que les boulangers vendent au pair, et puis d'autres auraient prétendu qu'un homme, quand il a faim, a le droit de prendre un petit pain gratis, là où il se trouve, à le devanture du boulanger. Certes, nous conviendrons que dans une société bien organisée, il devrait y avoir un principe de solidarité en vertu duquel personne ne serait exposé à mourir de faim, surtout lorsqu'il en est qui ont de quoi nourrir des régiments. Mais c'est la collectivité tout entière qui doit faire les frais de cette solidarité et non point le boulanger seul." Finalement, les boulangers modèrent la hausse, avec un prix du pain qui n'augmente que de 5 centimes les 2 kilogs. Le MDM estime qu'ils ont été intimidés par l'agitation qui s'est faite autour d'eux. Quoiqu'il en soit, on se rend compte que ce conflit révèle deux conceptions de la vie en société. On peut, remarquer aussi qu'Honoré EUZET est, comme d'habitude, à l'avant-garde des idées nouvelles qui vont se développer par la suite, avec ce que l'on a appelé le socialisme municipal. (MDM du 06.04.1887)

La gestion courante du conseil municipal

Voici quelques interventions et délibérations concernant la gestion courante :

Dans la séance du 07.07.1887, le PM s'étend longuement sur des discussions relatives au Bureau de bienfaisance. Certains de ses immeubles ont été affectés à d'autres missions communales, en particulier avec la création d'une école laïque. Or, dertains de ces immeubles sont arrivés dans le patrimoine du Bureau de bienfaisance par l'intermédiaire de donations entre vifs, à la condition qu'ils devaient servir à l'établissement d'un Bureau de bienfaisance. La mairie s'expose donc à des revendications des héritiers. Ceux-ci sont défendus, en conseil municipal par le conseiller VIVARES, cependant que l'autre point de vue est défendu par EUZET. Celui-ci déclare, notamment : "Quand l'ancienne administration décida la création de l'école laïque Jeanne d'Arc, c'est qu'elle avait prévu l'invasion des cléricaux dans ce quartier, et qu'elle avait senti qu'à leurs organisations formidables il fallait imposer une digue. Cette digue fut la laïcisation de l'école Jeanne d'Arc qu'en ce moment l'on nous propose de supprimer. On parle de spoliations lorsque nous n'avons emprunté à l'immeuble Baissade qu'une simple cour et que non seulement le bureau de bienfaisance, mais encore la commune a amélioré cette partie en l'élevant d'un premier étage, pour y installer un dortoir à l'usage du bureau de bienfaisance". D'autres arguments sont encore avancés de part et d'autre. Finalement, le conseil rejette la demande du Bureau de bienfaisance et donne raison à Honoré EUZET (PM du 10.07.1887).

Le PM, toujours prompt à mettre en avant les initiatives de son poulain, indique dans son numéro du 11.07.1887 que "dans sa séance en comité secret qui a eu lieu avant-hier, le conseil a décidé de se réunir vendredi prochain, 16 courant, pour examiner une question qui a trait aux saisies de vins, soi-disant falsifiés. C'est sur la proposition de M. EUZET que cette décision a été prise."

Même quand ce sont les affaires courantes qui sont en jeu, la malice des conseillers est toujours là. Le PM du 23.07.1887 indique, par exemple, qu'une nouvelle fois, le quorum n'a pas été atteint pour pouvoir valablement délibérer : "M. EUZET est entré dans la salle du conseil au moment où la séance venait d'être levée."

Au conseil municipal du 30.09.1887, Honoré EUZET obtient le renvoi à la commission des Travaux publics, des cahiers des charges et des borderaux de prix de six entreprises, pour les années 1888-1889-1890 (PM du 03.10.1887)

Au conseil municipal du 28.11.1887, Honoré EUZET demande et obtient le renvoi à la commission des finances de la question de la subvention aux Dames de saint Maur (PM du 01.12.1887).

Au conseil municipal du 07.12.1887, Honoré EUZET propose d'étudier les voies et moyens pour mettre à exécution le projet de pavage de l'avenue de la gare ; il soutient aussi que deux emprunts soient réunis en un seul ; les deux affaires sont renvoyées. (PM du 10.12.1887)

Au conseil municipal du 16.12.1887, Honoré EUZET remercie l'administration (de la ville) d'avoir soumis le devis relatif au pavage de l'avenue et mis les moyens financiers pour réaliser le projet (qui est renvoyé, sur sa proposition, aux commissions des finances et des travaux publics, les deux commissions devant se réunir le lendemain). Par contre, il s'oppose à la vente d'une baraquette qui est au quartier du Lazaret. En effet, "cette baraquette est destinée à être traversée par le boulevard du tour de la montagne et, en outre, elle avoisine l'emplacement sur lequel doit être édifié le nouvel abattoir". Il en résulte que le lieu doit, avant peu, acquérir une plus-value et que, donc, la ville n'a pas intérêt à vendre. Le conseil, à l'unanimité repousse la vente (PM du 20.12.1887).

L'organisation de la mouvance socialiste

1887 est aussi une année où commence à se structurer la mouvance socialiste, comme on le voit dans le PM du 04.03.1887. Une convocation est adressée par voie de presse aux "citoyens membres du groupe socialiste", pour une réunion à leur siège qui est "au café débit du Parc, rue Grand Chemin, géré par le citoyen André TITÉ". L'objectif de cette réunion est de bâtir un programme "qui doit servir de ligne de conduite politique à ce groupe en formation."



Pour terminer cette année 1887, un clin d'oeil amusant aux moeurs de l'époque : on voit, de temps en temps, dans les journaux, que les chiens non tenus en laisse sont abattus (arrêtés municipaux). Aussi, des chasseurs ont fait un communiqué qui est paru dans le MDM du 28.07.1887 : "Nous aimerions mieux saluer le chapeau de M. EUZET, deuxième adjoint, que l'observer les ukases de M. OLIVE. - un groupe de chasseurs" ...

1888
Il s'oppose à la construction d'un théâtre provisoire

L'année commence avec un conseil municipal qui ne peut se tenir, à cause des absences non motivées, d'après le Petit marseillais qui donne les noms, repris par le JC du 20.01.1888. On trouve onze noms : EUZET, COTHENET, GAUTHIER, AIGON, NÈBLE, TEULON, VAILLÉ, AIMARD, FALGUEIRETTE, MARTEL et BERTRAND.

Le vote pour la construction d'un nouveau théâtre

La question majeure de l'année est celle de l'édification d'un théâtre provisoire ou définitif à Sète. - JC du 13.01.1888 : "Le conseil municipal se réunit demain, vendredi, pour décider si, l'état des finances ne lui permettant pas de voter la construction d'un théâtre définitif, il ne conviendrait pas de s'en tenir à celle d'un théâtre provisoire, qu'on édifierait, par exemple, sur le vacant situé avenue Victor Hugo, en face de l'école Paul Bert. Nous ne croyons pas que Cette, une grande ville désormais, puisse se passer pendant plus longtemps, d'un théâtre définitif ou provisoire. Il serait préférable de voter un théâtre définitif, l'argent que coûterait un théâtre provisoire devant être de l'argent perdu ; mais, comme il est peu probable qu'avant une dizaine d'années les finances de la commune permettent d'y affecter les deux millions qu'il coûterait bien certainement, il faut bien savoir se contenter du provisoire projeté. Seulement, pourquoi le conseil municipal voterait-il dare, dare, l'achat du théâtre provisoire de Montpellier ? Il faudrait, d'abord, le démolir pièces par pièces, ce qui ne se ferait pas sans dommages ; il faudrait, ensuite, le reconstruire en sciant, coupant, de manière à le mettre à la mesure de l'emplacement choisi, et la perte ne serait pas petite ! Les planches, la brique, le plâtre et le carton-pâte ne sont pas chers à Sète ; aussi croyons nous que, pour un prix inférieur à celui du théâtre provisoire de Montpellier, on y en construirait un, également provisoire, ayant un aspect beaucoup plus monumental, beaucoup mieux aménagé ... et neuf. Que ne fait-on pas avec 100 et même 80.000 francs intelligemment employés ? Nous sommes d'avis, par suite, et puisque on ne saurait faire autrement, que le conseil municipal décide, en principe, la construction, sur l'emplacement de l'avenue Victor Hugo, d'un théâtre provisoire ; mais qu'il se refuse absolument de traiter l'achat du théâtre de Montpellier avant d'avoir demandé à l'architecte de la Ville un plan et un devis lui permettant de se rendre compte si, en faisant cette acquisition, il ne consentirait pas un marché de dupe, dont les finances municipales feraient naturellement les frais.

- JC des 15-16.01.1888 : "Le conseil municipal s'est réuni hier soir, en comité secret, pour s'occuper de la question du théâtre provisoire, et si nous nous en rapportons aux indiscrétions qui sont venues jusqu'à nous sur ses décisions, il aurait décidé 1/ que le théâtre serait construit 2/ qu'il serait fait une démarche pour savoir à quel prix le propriétaire du théâtre provisoire de Montpellier consentirait à le céder et à le reconstruire à Cette 3/ que, si l'accord sur son prix ne se faisait pas, la Ville en ferait construire un, sur un plan et un devis à arrêter. Nous persistons à croire que le conseil municipal, après avoir décidé, en principe, la construction d'un théâtre provisoire, aurait dû s'en tenir à cette dernière résolution."

C'est un peu plus tard que l'on apprend comment la ville a pu continuer à avoir des représentations théâtrales, alors qu'il n'y avait ni théâtre provisoire ni théâtre définitif. En effet, la municipalité avait fait fermer, pour des raisons de sécurité, le théâtre Jeannin mais avait fait venir de Bordeaux le théâtre du sieur Piétro BONO, ce qui permettait de faire taire les mécontents. Or, celui-ci "a tenu rigoureusement sa promesse en donnant au public cettois cinq représentations par semaine composées principalement de nouveautés. En même temps, sa présence a donné du temps à la municipalité pour prévoir la saison suivante. C'est pourquoi Piétro BONO demande alors une subvention au conseil municipal, ce que le JC approuve fortement (JC des 29-30.01.1888). Cependant, au conseil municipal suivant, Honoré EUZET demande si la ville a pris des engagements à l'égard de Piétro BONO. Il lui est répondu que la ville l'a simplement autorisé à s'établir à Sète, "à l'exclusion de tout autre établissement de ce genre". Après discussion, le conseil repousse la demande d'indemnité (JC du 16.02.1888).

En même temps, l'hypothèse de l'achat du théâtre provisoire de Montpellier est abandonnée ; suite à une demande d'Honoré EUZET, le président lui répond que : "l'achat de ce théâtre présente de sérieuses difficultés, qu'il appartient par partie à des mineurs, qu'il doit se vendre en conséquence par licitation, et que cette vente n'est pas près d'avoir lieu. La ville n'a donc pas à compter sur cette acquisition." (JC du 04.02.1888)

A la même date, à l'occasion de la demande de remboursement par l'architecte CARLIER pour son expertise sur le théâtre Jeannin (le montant étant, d'ailleurs, jugé disproportionné), on apprend que "l'Administration de la ville ayant décidé la fermeture du théâtre Jeannin, et celui-ci ne s'étant pas opposé à cette fermeture et n'ayant formulé aucune plainte pour infirmer la décision administrative, on a dû légalement faire nommer une commission." (JC du 04.02.1888). Manifestement, il ne restait plus qu'une solution : bâtir un théâtre provisoire, mais le conseil municipal avait-il une majorité pour soutenir un tel projet ?

C'est justement sur ce sujet que 11 conseillers municipaux démissionnent, en mars. "La question du théâtre de l'avenue de la Gare est venue jeter la désorganisation au sein de notre conseil municipal. Nos lecteurs savent que, dans la séance des commissions des finances et des travaux publics qui a eu lieu mercredi dernier, la majorité de deux voix a été acquise à l'édification du théâtre Carlier. Les membres de la minorité ont fait remettre hier matin à M. le préfet la lettre de démission ci-après : M. le préfet, le conseil municipal étant sur le point de prendre une décision que nous considérons comme funeste aux intérêts de la commune, nous avons l'honneur de vous remettre notre démission afin de dégager notre responsabilité. Permettez-nous d'espérer, M. le préfet, que, conformément à la promesse que vous avez bien voulu faire à nos délégués, vous voudrez bien convoquer le corps électoral dans le plus bref délai pour lui permettre de se prononcer sur cette question délicate. Agréez, etc. - Signé EUZET, FALGUERETTE, MARTEL, MATHIEU, COTHENET, GAUTIER, AIMARD, BERTRAND, AUZIER, NEBLE, AIGON" (PM du 11.03.1888)

Au conseil municipal qui suit, les 14 conseillers municipaux restants votent, à l'unanimité, le rapport sur le théâtre Carlier, avec une dépense évaluée à 322.000 francs ; dans cette séance, le maire Benjamin PAYRET est présent mais c'est toujours Théodore OLIVE qui préside (!) ; ce dernier lit ensuite la lettre de démission des 11 et dit que cette démission est regrettable d'autant que "nous n'avons rien fait pour la provoquer" ; sur sa proposition, une délégation se rendra auprès des démissionnaires pour les engager à revenir sur leur décision. Font partie de cette délégation : OLIVE, TICHY et TEULON (PM du 13.03.1888).

Le préfet a bien du mal à trouver une position définitive dans ce conflit (probablement poussé en coulisses par chacune des parties) : " Cette, le 29 mars. - M. le préfet a bien voulu se décider à mettre à l'enquête le projet de théâtre de Cette (...) Le Petit Méridional nous annonce (...) que cette enquête de commodo et incommodo aura lieu du 21 au 23 avril prochain, presque en même temps que les élections municipales. Mieux vaut tard que jamais. Pour un homme habile, M. le préfet est un homme habile ; il veut, dans cette circonstance, ménager la chèvre et le chou. La chèvre, c'est l'administration actuelle ; le chou, c'est EUZET. Qui résistera de la chèvre ou du chou (?) Qui le sa ! (...) Pendant ce temps-là, les bons cettois attendront une salle de spectacle convenable ; les partisans de la salle Jeannin se prennent à espérer, car s'ils arrivent à l'Hôtel-de-Ville, vous pouvez compter qu'ils feront des pieds et des mains pour ouvrir cette rôtissoire (?). Un moment on avait cru que le projet Carlier rallierait tout le monde par ses bonnes dispositions, son aspect élégant, son bon marché et la célérité avec laquelle cet architecte s'engageait à le construire, c'était une erreur." (MDM du 30.03.1888)

Le sujet revient dès le début du nouveau conseil ; en effet, le 22.06.1888, à la suite de l'exposé du rapport GUIRAND, le conseil municipal finit par voter à la majorité les conclusions du rapport qui prévoient la construction d'un nouveau théâtre : "M. GUIRAND, rapporteur de la commission des beaux-arts, donne lecture de son rapport, concluant : 1/ A la construction d'un théàtre définitif sur une place qui serait située entre la rue Nationale et la rue Grand'Chemin et sur le prolongement de l'avenue de la Gare. Frais d'expropriation pour l'emplacement : 1.600.000 francs ; frais de construction : 1 million de francs. Total de la dépense pour la construction du théàtre : 2.600.000 francs. 2/ Au prolongement de l'avenue de la gare jusqu'au quai d'Alger ; montant de la dépense : 2.400.000 francs ; total général de l'évaluation des frais à faire pour l'exécution de ce projet grandiose : 5.000.000 francs." Le PM donne beaucoup de détails sur cette séance car il s'agit de montrer l'opposition des conseillers municipaux les plus radicaux : "M. BLANCHET combat les conclusions du rapport de M. GUIRAND. Il demande au conseil de construire le théâtre sur l'emplacement actuel des bureaux et des chantiers des ponts et chaussées. M. EUZET se prononce aussi énergiquement contre les conclusions du rapport. Il dit que l'exécution de ce grand projet entraînera la ville dans une dépense de 6.000.000 de francs au minimum. Il ne voit d'autres combinaisons pour contracter un emprunt de cette somme que le vote de 56 centimes additionnels (...) (le JC du 24.06.1888 indique le chiffre de 62 centimes, soit une augmentation de 30 %) y compris les 8 centimes additionnels qui viennent d'être votés. Quant aux avantages que les ouvriers de Cette en retireraient, M. EUZET n'est pas de l'avis du rapporteur. Ce sont les ouvriers étrangers dit-il, qui en profiteront, car les ouvriers cettois sont tonneliers ou portefaix. L'orateur conclut en demandant au conseil d'ajourner ce projet ruineux pour la ville, pensant qu'il serait préférable de construire un abattoir, un hôpital, une bourse et un théâtre définitif sur un emplacement dont le coût ne serait pas de 1.600.000 francs. M. COMBES, 1er adjoint, appuie les conclusions du rapport. Sur la demande de MM. VITOU, ROCCANTI, FABRE, FALGUERETTES, MARTEL, Francois MARTIN, EUZET, MAGISTRE, COLLOT CAVALLIER, CAYROL, GIRARD, BLANCHET, RICHARD, GINOUVÈS, le vote a lieu par appel nominal et les conclusions du rapport sont adoptées par 16 voix, contre 11 et 2 abstentions. Ont voté pour : MM. AUBÈS, AUSSENAC, COMBES, FABRE, AULOY, PLANCHON, GINOUVÈS, BOUDON, GIBERT, CHAUVET, GAUTHIER, GUIRAND, GOUDAL, SÉNÉGAS, MOULIN, JEANNOT. Ont voté contre : MM. BLANCHET, RICHARD, François MARTIN, MARTEL, FALGUERETTES, VITOU, ROCCANTI, GIRARD, CAVAILLER, EUZET. Se sont abstenus : MM. COLLOT et MAGISTRE. Absent : M. DURAND. (PM du 24.06.1888) A noter que le JC du 24.06.1888 donne des détails sur le contre projet présenté par BLANCHET, lequel souligne les manques d'infrastructures à Sète : "Notre ville qui l'existe pour ainsi dire que d'hier, a eu des développements si rapides qu'elle manque à peu près de tout ce que possèdent des villes d'importance bien moindre. Un théâtre définitif, un nouvel abattoir, l'hospice hors de la ville, une cale de radoub, une bourse, s'imposent certainement (...) Nous pouvons réaliser ces cinq projets avec une somme bien moins forte (...)"

Cependant, les débats du conseil municipal du 02.10.1888 montrent une nouvelle évolution ; en effet, il est dit que la commission compétente s'est occupée sérieusement d'arriver, dans le plus bref délai possible, à la réouverture du théâtre Jeanin, mais qu'il reste à obtenir l'autorisation du préfet. Ces débats sont plutôt houleux car certains estiment que le préfet est de mauvaise volonté (PM du 04.10.1888).

Le 16.10.1888, un article du PM fait le point de la situation, pour la nouvelle municipalité : "Nous n'avons jamais pensé que la réouverture du théâtre Jeanin était une solution définitive. Ce n'est là qu'une solution provisoire qui permettra aux Cettois de satisfaire leur goût et de ne pas être privés d'une distraction si agréable jusqu'au jour où un grand théâtre véritablement digne de Cette aura été édifié. C'est à ce but si vivement désiré par tous que doivent tendre tous les efforts. Aussi avons-nous été heureux d'apprendre de la bouche même du vice-président de la commission, M. FALGUERETTES, que tous les membres étaient unanimes pour hâter autant que possible le projet d'édification d'un théâtre définitif. Mais en attendant, il faut promptement un théâtre provisoire à Cette. Il y a donc nécessité urgente d'en finir avec cette question, d'obtenir l'autorisation de M. le préfet, sans toutefois qu'il faille compromettre les finances de la ville, qui n'ont certes pas besoin de grosses dépenses nouvelles. Si, comme le semble espérer la commission, M. le préfet autorise la réouverture de la salle Jeanin moyennant une dépense de 11.000 francs, il sera facile de donner la première représentation dès les premiers jours du mois prochain, ainsi que nous en avons déjà formulé le voeu. Le plus court moyen serait de traiter avec la troupe du théâtre de Béziers, qui pourrait venir donner trois représentations par semaine, sans quoi on risque de n'avoir qu'une troupe médiocre et dont le directeur serait loin de faire fortune."

Les élections municipales

Le premier tour des élections municipales

Un article du JC du 05.05.1888 fait un point très critique sur la liste des radicaux (dite de la concentration). Sous la signature d'un électeur du bon coin, sont particulièrement égratignés, AYMERIC et EUZET. Le premier, parce qu'il semble désigné pour être maire, alors qu'il n'est pas un enfant du pays et que, n'étant pas Cettois, il repartira quand la ville ne lui donnera plus d'avantages. Quant à EUZET, il est vu comme un "candidat usé, trop usé, qui veut toujours de la timbale municipale. Il ne la lâche pas depuis bientôt 20 ans et soit avec les écarlates, les rouges, les bleus, les mauves, il faut qu'il soit toujours à la mairie." Bref, c'est un caméléon et, en plus, quand on analyse les critiques réciproques passées entre AYMERIC et EUZET, on se demande où est la cohérence dans cette liste. L'auteur ajoute qu'il ne comprend pas l'intérêt qu'ont les BLANCHET, VITOU ou AULOY "à devenir les suivants de tels potentats"

Résultats du premier tour des élections municipales du 6 mai (9282 inscrits et 5206 votants) :

1/ Liste de la concentration républicaine radicale : ALBERGE Emmanuel, tonnelier 1671 - AULOY Emile, ingénieur 1911 (1800, selon le JC) - AYMERIC François, négociant en vins, ancien conseiller municipal 1902 - BÈFRE Joseph, entrepreneur, ancien conseiller municipal 1682 - BLANCHET Joseph, 2048 - BLAZY François, négociant 1776 - BRIFFAUD Baptiste, camionneur 1904 (1595, selon le JC) - CAVALIER Pani, négociant en vins 1795 (1792, selon le JC) - CAYROL Antoine, fabricant de caissons 1851 - COLLOT Louis, ancien conseiller d'arrondissement 1846 (1843, selon le JC) - COMBES Louis, négociant en vins 1774 - COTHENET Jean, négociant en vins, ancien conseiller municipal 1830 - CRÉMIEUX Napoléon, négociant en tissus 1767 - EUZET Honoré, courtier, ancien adjoint 1949 - FABRE Antoine, commis-négociant, ancien conseiller municipal 1886 - FALGUEIRETTES Auguste, négociant en vins, ancien conseiller municipal 1901 (1001, selon le JC) - FERRAND Pierre, capitaine marin 1723 - FRANÇOIS Martin, négociant en vins, ancien conseiller municipal ... (1904, selon le JC) - GALIBERT François, menuisier 1744 - GAUTIER Edouard, courtier, ancien conseiller municipal 1892 - GINOUVÈS Camille, maître de chaix, ancien conseiller municipal 1841 - GIBERT Louis, employé de commerce 1784 - GIRARD François, employé de commerce 1792 - JANSON Auguste, employé de travaux publics 1687 - MAGISTRE Barthélémy, pharmacien 1967 - MARTEL Lucien, négociant, ancien conseiller municipal 1921 - RICHARD Michel, négociant en vins, ancien conseiller municipal 1899 - ROCHE-FRANCHE Louis, épicier, président du syndicat 1711 - RONCATI Henri, maître de chaix 1849 - VITOU Prosper, propriétaire 1923 (PM et JC du 08.05.1888). Trois résultats sont très différents dans le JC par rapport à ceux qui sont donnés dans le PM (AULOY, BRIFFAUD et FALGUEIRETTES). Ils doivent donc être pris avec prudence. Le résultat pour FRANÇOIS n'est donné que dans le JC. Le meilleur score est celui de BLANCHET mais EUZET arrive en deuxième position.

2/ Liste de l'Alliance républicaine : BARTHÈS Victorin, propriétaire, capitaine au long cours 1493 - BRESSY Jules, propriétaire, ancien juge au tribunal de commerce 1565 - BRIFFAUD Emile Pierre, camionneur 1592 (1360, selon le JC) - CAUSSY Victor, négociant consignataire 1541 - CONQUET Michel, commerçant, conseiller sortant 1496 (1540, selon le JC) - DÉFARGE Henri, capitaine au long cours, conseiller sortant 1442 - DÉJEAN Bernard, boulanger 1427 (1429, selon le JC) - FRAISSINET Emile, agent de la compagnie marseillaise de navigation à vapeur, membre de la chambre de commerce, ancien conseiller municipal 1661 (1669, selon le JC) - GAUSSEL François, maître de chaix, conseiller sortant 1515 - GRANIER Pierre, ancien négociant, conseiller sortant 1518 - HERVÉ Charles, ex-chef de dépôt des chemins de fer du Midi, ancien conseiller municipal 1560 (1563, selon le JC) - LABRY Louis, négociant en vins 1614 - LACROIX Jean, entrepreneur de débarquements 1542 - LAUTIER François, mécanicien, conseiller sortant 1536 - MATHIEU Edouard, négociant, ancien conseiller municipal 1569 - MAURY François, conseiller sortant 1447 - MOUREAU Antoine, entrepreneur de débarquements, ancien conseiller municipal 1459 (1499, selon le JC) - NÈGRE Hyppolite, négociant en charbons 1558 - OLIVE Théodore, armateur, premier adjoint faisant fonction de maire 1598 - RIBES paul, négociant en vins 1644 - RIMBAUD Henry, négociant en vins 1599 - RIVIÈRE Bertrand, maître serrurier 1499 (1495, selon le JC) - ROCHE Marius, employé de commerce 1589 - SAUVAIRE Sylvestre, conseiller d'arrondissement 1601 - THER Joseph, gérant des camionnages des chemins de fer P.L.M. et Midi, conseiller sortant 1566 - VAILLÉ Emile fils, employé de commerce 1459 (1499, selon le JC) - VÉROLY Adolphe, conseiller sortant 1566 - VIVARÈS Jean Baptiste, conseiller sortant 1524 (PM et JC du 08.05.1888) Là aussi, beaucoup de différences de chiffres entre le PM et le JC. A noter, particulièrement le cas de BRIFFAUD.

3/ Liste du comité socialiste ouvrier (ou "Liste socialiste ouvrière", selon le PM) : AILLAUD Jean, prud'homme des ouvriers, portefaix 1357 - AUBÉS Frédéric Sylvain, coupeur, ancien conseiller municipal 1575 - AUSSENAC Antoine, président de la Fédération des chambres syndicales ouvrières, ancien conseiller municipal 1521 - BALMAIN Alexandre, secrétaire de la chambre syndicale des portefaix 1388 (1588, selon le JC) - BOUDON Pierre, employé aux chemins de fer du Midi 1435 - BOYER Achille, maître de chaix 1366 - CAUCANAS François, tonnelier 1314 (1374, selon le JC) - CHAUVET Pierre, courtier, ancien conseiller municipal 1415 (1412, selon le JC) - COMBES Henri, ingénieur civil 1535 - DIÉGELMANN Claude, serrurier-mécanicien 1373 - DONNADIEU Pierre, trésorier de la chambre syndicale des portefaix 1456 (1600, selon le JC) - DURAND Modeste, ancien membre de la commission municipale en 1870 1421 - GALANT Joseph, tailleur 1388 - GOUDAL Paul, soutireur, trésorier de la chambre syndicale des tonneliers 1392 - GRANIER père, ancien membre de la commission municipale en 1870 1410 - GRANIER Barthélémy, plâtrier ... (1395, selon le JC) - GRANIER Jules, tonnelier 1389 (1388, selon le JC) - GUIRAUD (GUIRAND, selon le JC) Marius, typographe 1398 - JANNOT Casimir, fabricant de futailles 1415 - LACOSTE Joseph, horloger 1375 - MAGIS Mathieu, plâtrier, ancien conseiller municipal 1383 - MOULIN Pierre, président de la chambre syndicale des tonneliers 1409 - PLANCHON François fils, limonadier, trésorier de la Fédération des chambres syndicales ouvrières 1427 - PRADINES Etienne, ancien conseiller municipal 1402 - PRAT Louis, tonnelier 1391 (1591, selon le JC) - SARRAZIN Joseph, camionneur 1391 (1591, selon le JC) - SELLEZ Jean, tonnelier 1372 - SÉNÉGAS Martial, imprimeur-lithographe, secrétaire de la Fédération des chambres syndicales ouvrières 1410 (1411, selon le JC) - SOULIER junior, boulanger, ex-gérant de la coopérative P.L.M. 1394 - VALLAT Pierre, tonnelier 1410 (PM et JC du 08.05.1888). Là encore, quelques différences notables qui sont dues, parfois, à la confusion de lecture de certains chiffres (le 3 et le 5, notamment).

A l'issue de ce premier tour, le JC tire, au-delà du cas de Sète, des leçons plus générales sur le suffrage universel : "Les élections municipales d'hier ont été chaudement disputées : le nombre de votants a été considérable ; le chiffre de 5200 votants a dépassé les prévisions. Il semblait pourtant d'après le peu de mouvement des jours précédents, que la lutte ne serait pas ardente ; on semblait fatigué de voter depuis longtemps, parce que plus ça change plus c'est la même chose, disait-on (...) Le suffrage universel est versatile comme un grand enfant que l'on a gâté par toutes sortes de câlineries et de promesses ; il aime toujours le nouveau et ce qu'il lui faut, c'est le changement. Quelque soit le bien que l'on ait fait ; que l'on ait administré avec sagesse ou non, on n'échappe pas à cette loi fatale. Et depuis 1870, (...) cette marche n'a pas été modifiée ; il n'est pas de cas que l'on puisse nous citer, qu'une administration ait été réélue, immédiatement, deux fois de suite, malgré les retouches à sa composition. Le suffrage universel élit une fois les républicains dits modérés, la fois d'après c'est au tour de ceux qui se disent plus radicaux, et ainsi de suite ; pourtant ce sont des républicains de même nuance au fond qui changent de camp par suite de divisions personnelles, voilà tout (...) Mais cette fois il y a eu des complications. Une liste socialiste s'est produite, et comme celle-ci d'un républicanisme plus extrême encore, est du fruit plus nouveau que les deux fractions qui se disputent le pouvoir depuis bientôt vingt ans, c'est elle qui devrait bénéficier des faveurs du suffrage. Et cependant depuis 1870, il faut l'avouer, pas un seul conseil municipal n'avait pu arriver au terme de son mandat, pas un n'avait fait autant de besogne, pas un n'avait été composé de gens aussi intègres (...) Le vrai succès de la journée est seul pour les socialistes et leur programme. Ils ont nettement défini ce qu'ils voulaient et on pense qu'ils tiendront leurs promesses. Comme ils n'ont jamais été au pouvoir, ils ne peuvent être ni jugés ni discrédités, et leur triomphe est une chose certaine et positive pour dimanche prochain si comme on le dit, les électeurs qui ont voté pour l'Alliance reportent leurs voix sur la liste socialiste. Quoique fasse la Concentration, qui n'arrive qu'avec une faible majorité sur celle de l'Alliance, elle ne pourra pas empêcher l'appoint des mêmes voix (...)" (JC du 08.05.1888). On ne peut qu'être impressionné par ce "diagnostic démocratique" mais dans cette analyse, c'est encore le mot positif qui est le plus inattendu (le triomphe des socialistes : "une chose certaine et positive"). Il fallait vraiment que la politique anticléricale (notamment) des radicaux ait choqué grandement une partie de la population pour que les modérés préfèrent se jetter dans les bras des socialistes !

Le pronostic du JC (journal des républicains modérés) est également partagé par EC (journal des conservateurs) : "Le courant se dessine de plus en plus en faveur de la liste socialiste pour le deuxième tour de scrutin qui aura lieu dimanche prochain. Ainsi que nous l'avons dit, les candidats de la liste de l'Alliance se sont désistés et la plupart des voix données à cette liste iront aux socialistes. D'autre part, on dit aussi qu'un certain nombre de modérés sont décidés à voter pour la liste socialiste afin d'empêcher la liste radicale de passer. On ajoute, non sans raison, que les socialistes n'étant pas encore passés au pouvoir, ne sont pas usés, discrédités, n'ont fait de mal à personne, tandis que plusieurs membres de la liste radicale, dont on ne connaît que trop le passé, soulèvent de grandes antipathies, et sont beaucoup plus redoutés que les socialistes. Etant donné cette situation, nous ne serions nullement surpris que, dimanche prochain, les socialistes ne triomphent avec une importante majorité. Ce serait nouveau et original à la fois." (EC du 10.05.1881)

Le second tour des élections municipales

"A la suite de M. OLIVE, tous les conseillers municipaux en exercice, ont donné leur démission, et nous les approuvons. Un conseiller de préfecture vient tous les jours de Montpellier pour expédier les affaires courantes." (JC du 10-11.05.1888)

"Tribune électorale : Ouvriers, frères et amis ! Les candidats de la liste de l'alliance républicaine se retirent honorablement de la lutte qu'ils avaient engagée dimanche dernier. Il ne reste plus en présence que les socialistes et les concentrés. Dans ces circonstances, nous faisons appel, nous socialistes, à tous les hommes de bon sens et de bonne volonté, c'est-à-dire à tous les dévouements. La liste de la concentration représente des haines, des vengeances, des appétits, des convoitises, des ambitions, sans compter les incapacités. Les candidats nous arrivent les uns de Carcassonne, comme AYMERIC ; les autres de Lyon comme ROCHE-FRANCHE ; ceux-ci de Perpignan, comme BÈFRE ; ceux-là de Martigue, comme FERRAND. Nous y voyons des processionnaires comme GAUTIER, des laïciseurs comme EUZET. Inconnus ou trop connus, honnêtes ou non, sobres ou intempérents, ils forment un accouplement bizarre autant qu'hybride. Arriver au pouvoir c'est pour eux impitoyablement frapper. N'ayant aucun courage, ils poussent en avant des ivrognes et des voleurs qui, sans respect pour l'autorité insultent M. OLIVE dans l'exercice de ses fonctions d'adjoint. Certes ! nous ne partageons pas les opinions de M. OLIVE, mais nos principes nous obligent à les respecter. (...) A dimanche frères ouvriers ! Que chacun soit à son poste. la victoire est certaine ! Pour un groupe socialiste, Pertufas." (JC des 10-11.05.1888)

"Tribune électorale : Le journal opportuniste de Montpellier, le Petit Méridional qui oublie qu'il doit en grande partie aux républicains de toute nuance de Cette son succès et sa vie, ne se contente pas de refuser d'insérer nos communications, alors qu'il insère complaisamment toutes celles de la liste dite de concentration, mais il va jusqu'à conseiller aux électeurs de voter pour cette dernière liste, sous prétexte qu'elle a obtenu la majorité des voix tépublicaines. Le Petit Méridional trompe sciemment ses lecteurs. Trois listes républicaines étaient en présence : Deux de ces listes ont obtenu ensemble 3200 voix environ, tandis que celle de la concentration n'a obtenu que 1800 voix en moyenne et on sait comment elle a obtenu ces 1800 voix, donc cette liste ne représente pas la majorité des républicains à Cette. S'il plait aux électeurs de l'alliance de voter pour la liste socialiste au deuxième tour de scrutin, nous ne voyons pas en quoi les socialistes commettent un acte monstrueux en acceptant ces voix qui sont toutes des voix républicaines. Ah ! si les électeurs de l'alliance votaient pour les AYMERIC, EUZET et tutti quanti, il est probable que ceux-ci ne dédaigneraient pas un tel appoint et ne le trouveraient pas monstrueux (...) Nous avons tenu à relever l'attitude partiale du Petit Méridional, comme nous avons relevé celle de M. SALIS, et nous engageons tous nos amis, les socialistes de Cette comme ceux du département à cesser de soutenir un journal qui se dit républicain et n'est, comme le Commercial de Cette, qui a refusé aussi d'insérer nos communications, que l'organe d'une coterie d'ambitieux et d'incapables (...). L'article est signé : B. VÉZY (JC du 12.05.1888)

Le jour même des élections pour le second tour, le JC publie une tribune électorale qui montre le clivage entre les radicaux et les socialistes. Publiée dans le JC, elle montre aussi que les libéraux, les modérés sont en faveur des socialistes : "Le Petit Méridional dans une de ses correspondances dit que la liste socialiste pour laquelle nous sollicitons vos suffrages, se compose d'ignorants et d'incapables. C'est ainsi, ouvriers, que nous traitent les concentrés, ces républicains de pacotille, qui oublient que nous les avons faits ce qu'ils sont et croient avoir le droit aujourd'hui de nous jeter à la face le mépris. Nous sommes des incapables ! - Mais où sont les capacités de la concentration ? Sont-ce les FERRAND, les BOUNY, les MAGIS, les BÈTRE, les CRÉMIEUX, etc. ? Est-ce que par hasard, ils valent mieux que nos amis SARRAZIN, AUBÈS, DURAND, PLANCHON, AUSSENAC ou P. GRANIER ? Au moins il y en a ici qui ont donné des preuves éclatantes de leur dévouement à tous ceux qui souffrent, qui ont subi des persécutions, qui ont été emprisonnés et proscrits pour ce bon peuple dont ils ont pris la défense et qui toujours sur la brèche n'ont jamais failli à leur mission. Quand les prétendus démocrates de la concentration parlent avec dédain de la classe ouvrière et qu'ils écrivent qu'on ne peut parmi nous trouver une administration éclairée, nous répondons que nous avons déjà vu GUIGNON et MICHEL à l'oeuvre et qu'ils ne se sont pas plus mal que d'autres acquitté de leurs mandats. (...) Pour trois groupes d'ouvriers. - Jacques L." (JC des 13-14.05.1888)

Les résultats du second tour des élections municipales sont donnés dans le JC du 15.05.1888 : noms, nombre de voix et appartenance (soc pour socialistes et c pour concentration), : AUBÈS 2488 (soc), BLANCHET 2474 (c), COMBES 2430 (soc), AUSSENAC 2420 (soc), MAGISTRE 2384 (c), RICHARD 2372 (c), COLLOT 2371 (c), FABRE 2368 (c), MARTEL 2368 (c), FRANÇOIS 2368 (c), AULOY 2365 (c), CAYROL 2363 (c), FALGUEIRETTES 2359 (c), VITOU 2355 (c), PLANCHON 2351 (soc), GINOUVÈS 2349 (c), RONCATY 2348 (c), BOUDON 2344 (soc), MOULIN 2342 (soc), GIBERT 2341 (c), JANNOT 2340 (soc), CHAUVET 2338 (soc), GAUTIER 2338 (c), GIRARD 2334 (c), SÉNÉGAS 2334 (soc), DURAND 2329 (soc), CAVALIER 2328 (soc), EUZET 2325 (c), GUIRAND 2324 (soc), GOUDAL 2321 (soc)." Et le JC de conclure : "En somme, la liste socialiste a obtenu 69728 voix, ce qui représente une moyenne de 2324 voix par candidat et la liste de la concentration a obtenu en tout 69635 voix, ce fait une moyenne de 2321 voix par candidat. Donc, on peut dire que dans l'ensemble la liste socialiste a eu la majorité des suffrages exprimés." Cependant, le résultat, en nombre de candidats élus, est de 13 socialistes et 17 de la concentration (on peut aussi traduire ce résultat en disant que l'addition des voix socialistes et modérées l'emporte sur les voix purement radicales. C'est, probablement, une leçon qu'EUZET ne devait pas oublier, quelques années plus tard, d'autant qu'en plus, cette fois-ci, il a failli ne pas faire partie des 30 élus.

(voir l'analyse de ces élections dans le JC du 01.05.1892)

L'élection du maire et des deux adjoints

Il faut reprendre l'intégralité du compte rendu du PM du 20.05.1888 pour se rendre compte du caractère tout à fait exceptionnel de cette élection (deux autres comptes rendus, plus brefs, se trouvent dans le n° de la veille) : "A 8 heures et demie du soir, au moment de l'ouverture des portes au public, un vacarme épouvantable s'est produit ; des insultes ont été proférées à l'adresse du nouveau conseil. Aux insultes succèdent les menaces et enfin les voies de fait. Des morceaux de brique ou de plâtre sont lancés aux conseillers : trois d'entre ces derniers sont atteints à la tête et aux mains. On voit le sang couler en abondance, quoique les blessures soient légères et sans aucune gravité. En présence de cette agression, tous les conseillers réclament M. le commissaire central ; la présence de deux agents aux tribunes publiques suffit pour rétablir le calme. Il était temps, car le public avait envahi l'enceinte réservée au conseil municipal et avait pris place à côté des élus, derrière eux, sur les fenêtres. On procède enfin à l'élection du maire sous la présidence du doyen d'âge, le citoyen DURAND Modeste. Au 1er tour de scrutin, M. BLANCHET est élu par 17 voix contre 12 obtenues par le citoyen AUSSENAC. M. le maire prend place au fauteuil de la présidence et, après avoir remercié ses collègues de l'avoir appelé aux fonctions de premier magistrat de la ville de Cette, il invite le conseil à élire le premier adjoint. 1er tour de scrutin : M. EUZET 15 voix ; M. AUSSENAC 15 voix. 2e tour de scrutin : M. EUZET 15 voix ; M. AUSSENAC 15 voix. M. EUZET demande la parole : Si j'avais accepté la candidature, dit-il, aux fonctions de premier adjoint, c'est que les dix-huit élus de la liste de concentration avaient pris l'engagement de m'accorder leurs voix. Trois de mes collègues ayant manqué à cet engagement, je retire ma candidature en présence de cet acte malhonnête. Applaudissements. M. BLANCHET, maire, dit : Si j'ai accepté les fonctions de maire, c'était par dévouement et aussi parce que j'avais lieu d'espérer que j'aurais à mon côté un homme d'expérience, M. EUZET. Celui-ci retirant sa candidature, je donne ma démission de maire, ne pouvant compter sur l'appui de nos trois collègues, devenus des transfuges aujourd'hui. Applaudissements unanimes. Le citoyen Modeste DURAND, doyen d'âge, reprend le fauteuil de la présidence et invite l'assemblée à élire le maire. Bulletins blancs 17, M. MAGISTRE 13 voix. M. MAGISTRE s'empresse de retirer sa candidature. Il est ensuite procédé à un autre tour de scrutin : M. AULOY 13 voix ; bulletins blancs 17. M. BLANCHET : M. AULOY accepte-t-il d'être candidat ?.. M. AULOY : - Oui ! (stupéfaction générale). M. BLANCHET : - M. AULOY accepte-t-il encore d'être candidat aux fonctions de maire ?.. M. AULOY garde le silence. On vote encore : M. PLANCHON 17 voix ; M. AULOY 12 voix. Le président proclame M. PLANCHON, maire. Celui-ci refuse.

Sur la proposition d'un membre, la séance est suspendue et les conseillers se retirent dans la salle des mariages afin de s'entendre pour la nomination de l'administration. Les socialistes demandent qu'il leur soit accordé le maire et le 3ème adjoint et déclarent que cette demande est le minimum de leurs revendications. Sur la proposition de M. EUZET, les 18 élus de la liste de concentration se retirent dans le cabinet du maire pour délibérer. On décide d'accorder aux socialistes le 1er et le 3ème adjoint et l'on insiste auprès de M. EUZET pour qu'il accepte les fonctions de maire. M. EUZET s'y refuse absolument. Il ne serait pas digne de lui, dit M. EUZET, d'accepter des fonctions que son ami, M. BLANCHET, vient d'abandonner si noblement. D'ailleurs, en présence de ce qui vient de se passer, peut-on pour administrer, compter sur une majorité ? On recherche de nouvelles combinaisons mais MM. RICHARD, MARTEL, VITOU se refusent à accepter les fonctions d'adjoint. Enfin, on s'arrête à une dernière résolution : laisser aux socialistes toute l'administration, en leur promettant un concours dévoué. M. EUZET est chargé de leur faire cette déclaration au nom du groupe. On rentre de nouveau en séance.
" Plusieurs tours de scrutin ont lieu successivement. Le maire est élu par 29 voix et les adjoints par 30 voix. Antoine AUSSENAC, élu maire, prend place au fauteuil de la présidence et déclare que, lui, modeste travailleur, est appelé aux fonctions de maire, par suite de circonstances inattendues.

C'est dans le PM du 22.05.1888 qu'Emile AULOY s'est justifié de son changement de vote lors de l'élection du premier adjoint, disant qu'à la suite du désistement de BLANCHET, il avait repris sa liberté d'action. En réalité, on voit bien, tant par les deux tours de scrutin pour le vote du premier adjoint que dans son explication, il s'est opposé à l'élection d'Honoré EUZET. Il voulait bien de BLANCHET comme maire mais il s'opposait à EUZET, non seulement comme adjoint mais encore plus comme maire. Il fut suivi par deux de ses collègues, rendant ainsi impossible la gestion de la ville par les radicaux. Tous les journaux se font l'écho de ce changement de situation. Ainsi, le MDM estime que "le désarroi le plus complet règne dans le camp radical" et, surtout, le journal reprend l'analyse des radicaux sur la traîtrise qui vient d'avoir lieu : "Nous affirmons que dans la séance préparatoire du jeudi 17 mai présidée par notre camarade GINOUVÈS, il a été pris l'engagement d'honneur de voter pour MM. BLANCHET, EUZET, MAGISTRE et CAVALIER comme maire et adjoints. MM. COLLOT et FABRE ont seuls faits des réserves pour le deuxième et troisième adjoints (et déclaré qu'ils voteraient en blanc). M. AULOY, quoiqu'il en dise, a accepté, ainsi que nous tous, ce pacte verbal. Dans les diverses réunions préparatoires, M. AULOY, comme les deux amis qui l'ont suivi dans sa défection, se sont montrés d'une violence peu commune vis-à-vis des socialistes et se sont opposés à toute conciliation, et si à la première séance du conseil de vendredi ils nous ont trompés, c'est qu'une heure avant ladite réunion, M. AULOY et un de ses amis étaient en conférence avec nos douze collègues de la liste socialiste, qui leur promettaient une place dans l'administration - texte signé par les radicaux, dont EUZET" (MDM du 26.05.1888)

Le MDM qui fait part de la sérénade par les sociétés de musique (l'Harmonie Cettoise, la Chorale des Touristes et la Fanfare des Ecoles - mais la Lyre Sainte-Cécile n'est pas présente) ironise quelque peu sur l'accueil de la population au nouveau maire. Après avoir constaté que son discours, sur le balcon de l'Hôtel-de-Ville a été fort applaudi et qu'il n'y a pas eu le moindre incident, il est dit : "Notre nouveau maire devient décidément très à la mode : AUSSENAC for ever" (MDM du 23.05.1888

Le 02.06.1888, les nominations se font pour les commissions et les délégations. Honoré EUZET devient membre de la commission des finances, de la commission des travaux publics, de la commission des eaux et de l'éclairage, de la commission des logements insalubres et de la commission scolaire ; il est aussi élu administrateur du bureau de bienfaisance, soit 7 représentations sur les 13 qui sont attribuées (PM du 05/06/1888).

Les affaires courantes

Le 20.08.1888, le PM donne quelques éléments d'une discussion, au conseil municipal du 17, sur l'organisation et l'avenir du bureau de bienfaisance. Certains souhaitent une meilleure distribution des soins (il n'y a que quatre docteurs) et d'autres veulent que l'établissement soit laïcisé dans le plus bref délai. Sur ces deux points, Honoré EUZET donne son point de vue. Pour le premier, il craint que si l'on diminue les appointements des médecins (pour en augmenter le nombre), on ne trouve pas de docteurs. GINOUVÈS propose alors qu'il n'y ait pas d'attachés à l'établissement, ce à quoi il répond "que l'essai en a été fait sous l'administration VAREILLE et que le résultat a été mauvais" ; cette répartie, mise en avant par le PM, montre l'expérience qu'il a acquise au fil des années. Il demande aussi l'ajournement de cette question "par déférence pour l'administration du bureau de bienfaisance", ce qui est adopté. Pour la laïcisation, il démontre qu'elle entraînera la ville dans de grandes dépenses que le budget actuel ne pourrait pas supporter. "tout en déclarant qu'il est partisan de la laïcisation (...), il dit qu'il croit devoir, en sa qualité d'administrateur, déclarer loyalement qu'il n'est pas possible de laïciser immédiatement cet établissement humanitaire". Là aussi, son avis est suivi par les autres conseillers municipaux. Ces discussions, qui ont lieu au conseil municipal du 20.08.1888, sont reprises sous un angle différent par le MDM : "La dernière séance, à laquelle il nous a été impossible d'assister, a présenté ce seul fait intéressant, que M. EUZET, membre du conseil, délégué à l'administration du bureau de bienfaisance, était présent. M. EUZET, qui depuis le triomphe si inattendu des socialistes et la défection de quelques-uns de ses anciens alliés, a adopté pour système de ne jamais se rendre aux séances du conseil municipal, a tenu cette fois à y assister pour tâcher d'empêcher ses collègues d'entamer une nouvelle campagne de laïcisation contre cet établissement hospitalier. Ce n'est pas que M. EUZET soit ennemi de la laïcisation, bien au contraire ; mais, pour cette fois, il fait fléchir ses principes, en présence des difficultés et des charges qui en résulteraient pour la commune." En effet, il explique que certains dons et legs importants, reçus par le bureau, ont eu pour condition que l'établissement soit dirigé par des religieuses. Dans le cas contraire, les héritiers pourraient récupérer les immeubles et le montant du remplacement serait énorme. Il insiste aussi sur le coût salarial (une religieuse est appointée à 515 francs alors qu'une dame laïque reviendrait, au moins, à 1500 francs). Le journal conclut : "Quand le bon sens et l'esprit d'économie sont aussi bien d'accord, il est permis de manquer aux engagements les plus absurdes. Nos compliments à M. EUZET (MDM du 21.08.1888) Enfin, dans la même séance, il s'oppose à JEANNOT qui voudrait prohiber l'entrée de futailles de Mèze et de Marseillan car, dit-il, elles portent un grand préjudice au commerce des futailles de Sète. EUZET lui répond "qu'un voeu identique avait été formulé il y a quelques années à la municipalité. Il est illégal de vouloir protéger les produits industriels d'une cité au détriment d'une autre. Ce serait vouloir créer des douanes intérieures/" (JC du 19.08.1888). Là encore, il démontre sa connaissance des affaires et il apparaît comme, le sage, celui qui a la mémoire de l'institution.

Le 02.10.1888, le secrétaire général de la mairie, de PLEUC, présente le rapport de la commission des finances, en l'absence de son rapporteur. Honoré EUZET fait alors plusieurs interventions : "(...) Je tiens à faire observer que sur l'état des dépenses soumis au conseil, figurent les traitements de plusieurs mois de deux employés. Je demande à M. le maire de régulariser cette situation. Si ces deux employés sont utiles, vous n'avez qu'a demander au conseil la création de ces deux emplois mais de telles dépenses qui ont un caractère permanent ne doivent pas figurer au chapitre des dépenses imprévues." Le maire lui répond qu'il a dû remplacer un employé malade mais, qu'à l'avenir, il tiendra compte de ses observations. Un peu plus tard, Honoré EUZET fait une autre intervention à propos des bouches d'égout, après avoir constaté qu'il a été beaucoup réalisé pour l'assainissement de la ville qui est, aujourd'hui, très propre : "mais les bouches d'égout sont très défectueuses. Leur transformation coûterait 25.000 francs environ. L'état actuel de nos finances ne me permettent pas de vous proposer immédiatement ce crédit. J'invite l'administration à imiter celle qui l'a précédée, en reprenant son projet qui consistait à inscrire chaque année au budget une somme de 5000 francs pour la réfection des bouches d'égout." Le maire lui répond qu'il s'engage à inscrire la somme de 5000 francs sur le prochain budget, conformément à ses désirs. Honoré EUZET a aussi insisté sur l'énormité des crédits supplémentaires qui ont déjà été votés par le nouveau conseil (105.000 francs) et il demande à l'administration d'y réfléchir (PM du 04.10.1888). Evidemment, le PM met en valeur les interventions techniques et pratiques d'EUZET pour montrer son sérieux mais on se rend compte, par là-même, de l'étendue de ses connaissances dans la gestion quotidienne de la mairie. Il est évident que cet aspect jouera, plus tard, dans son élection au fauteuil de maire, en plus de ses antécédents républicains sous l'Empire et de son adhésion au radicalisme puis au radical-socialisme.

Technicité reconnue donc mais aussi emploi de tactiques politiques pour user peu à peu l'adversaire : "On peut déjà constater un grand découragement parmi les membres les plus modérés de notre administration communale. M. EUZET, l'absent par système, et aussi peut-être par calcul, va trouver de nombreux imitateurs ; il est même permis de présumer que d'ici à un mois les séances du conseil municipal ne seront plus suivies que par les douze ou treize membres qui composent la minorité socialiste." (MDM du 14.09.1888) Du coup, le journal s'interroge sur la question théâtrale, alors qu'aux dernières élections, tous les candidats, sans exception, avaient mis cette affaire au premier plan. Cet absentéisme voulu se retrouve même dans les commissions. Ainsi, la commission des finances du 27.09.1888 ne peut se tenir, compte tenu des absents, cetains excusés et d'autres non (Honoré EUZET se trouvant dans cette dernière catégorie). (MDM du 28.09.1888) Un autre journal, le JC, insiste encore plus sur ces absences. A propos de la commission des finances, au conseil du 18 septembre, JEANNOT se plaint que la question de l'emprunt n'a pu être traitée à cause des absences répétées et non excusées de certains de ses membres. "M. EUZET se sentant visé, répond que, s'il n'assiste pas aux réunions de la commission, c'est qu'il prend ses vacances. Et avec quelle permission ? lui demande le premier adjoint. Je n'ai de permission à demander à personne, riposte M. EUZET et mes vacances ne cesseront que quand il me plaira. M. COMBES dit que, lui-aussi, aurait besoin de vacances, mais que le devoir le retient au poste." AUSSENAC intervient alors pour faire cesser ces échanges dignes d'une cour de récréation : "M. le maire déclare l'incident clos et dit que l'esprit d'unité et la concorde doivent régner entre les membres des commissions. (JC du 20.09.1888). Cette sage intervention n'empêche pas, un peu plus tard, de nouveaux échanges acerbes entre COMBES et EUZET, à propos de l'Exposition de Sète ... et des absences d'EUZET aux séances du conseil municipal.

En fait, du côté des socialistes, plus l'année avance, plus il est difficile de tenir le conseil et le public qui assiste aux séances. Cela tient, en partie, au maire qui déclare que "les mesures coercitives lui répugnent". C'est le MDM du 24.06.1888 qui le constate alors que la séance du 23 juin vient de se dérouler avec le public qui a assisté en faisant un vacarme insupportable. Le journal conservateur ne peut s'empêcher de souligner : "On a beau être socialiste, il faut bien cependant être respecté, surtout quand on est le premier représentant d'une cité".

1889

L'année 1889 va voir se dérouler, au conseil municipal, des débats plus ou moins houleux, non seulement entre radicaux et socialistes mais aussi entre socialistes, le maire arrivant difficilement à calmer ses troupes. En fait, plus que sur le plan des idées, ces disputes sont révélatrices de formations initiales trop disparates chez les conseillers municipaux. Bien entendu, les conservateurs n'ont pas manqué d'ironiser sur l'inculture de certains d'entre eux, comme on le voit avec cette réflexion d'EUZET et les commentaires du MDM : "M. JEANNOT pourrait parfaitement discuter avec moi sans se mettre en colère. Que voulez-vous, répond JEANNOT, Je n'ai pas usé mes fonds de culotte sur les bancs du collège, et chacun il parle avec son tempérament. Bravo, citoyen JEANNOT, vous avez dit là une bien grande vérité, que, du reste, savaient déjà tous ceux qui vous ont entendus en compagnie de votre copain PLANCHON. L'un et l'autre vous êtes d'excellents ouvriers plâtrier et tonnelier, mais vous faites des capitouls détestables et même ridicules. Vous êtes ignorants comme des carpes et parlez le françaix comme des vaches andalouses ; vous feriez donc bien de rester chez vous." (MDM du 13.03.1889)

Le problème financier posé par la diminution des recettes de l'octroi.

A la séance du conseil municipal de 8 mars, un rapport est présenté sur les recettes de l'octroi. Le conseiller municipal GIBERT explique que pendant les quatre premiers mois de 1888, l'excédent a été de 22674 francs et que, si cette progression s'était maintenue jusqu'à la fin de l'exercice, on aurait eu une augmentation de 68.468 francs, alors que l'excédent n'a été que de 36.468 francs. Or, il y a eu de grandes fêtes en août et un concours musical qui a attiré à Sète un grand nombre d'étrangers, ce qui a forcé les industriels à faire des approvisionnements en conséquence. Les recettes de l'octroi auraient dû s'en ressentir. Ce n'est pas le cas. Il faut donc rechercher les responsabilités de cette situation, savoir notamment si les agents se sont bien acquitté de leur fonction. C'est d'autant plus indispensable que le service de l'octroi rapporte au budget 800.000 francs de recettes et donc qu'il constitue le plus clair des revenus de la ville. La discussion qui suit cette présentation devient confuse entre les socialistes et les radicaux. Finalement, Honoré EUZET intervient : "Je ne puis voter l'ordre du jour présenté par M. GIBERT, lequel contient implicitement un blâme contre l'administration, sans indiquer les causes d'une décroissance dans les recettes de l'octroi. Je demande donc que la lumière soit faite par une commission d'enquête nommée par le conseil municipal avec mandat de déterminer les responsabilités. Je ne puis, dit-il, être suspecté de tendresse pour l'administration, mais je ne puis la condamner sans qu'il soit fait une enquête sérieuse." La proposition est mise aux voix et adoptée à l'unanimité (PM du 11.03.1889). A noter que le PM, dans son compte rendu, ironise sur la majorité socialiste du conseil en écrivant, à plusieurs reprises : "le groupe du conseil dit socialiste" ou encore "plusieurs membres du groupe, dit socialiste", ce qui en dit long sur les relations entre les deux parties du conseil municipal.

Il faut attendre le conseil municipal du 05.04.1889 pour connaître les conclusions de la commission d'enquête. Le rapport présenté par GIBERT fait ressortir la désorganisation du service de l'octroi et l'indiscipline d'un certain nombre d'agents. Les préconisations sont, surtout, de rétablir le poste de préposé en chef adjoint (pour la surveillance active du service) et de redonner au préposé en chef toute l'autorité nécessaire, sous le contrôle de l'administration (c'est-à-dire de la mairie), pour obtenir l'obéissance et le fonctionnement régulier du personnel (environ 85 personnes). Le rapport dédouane le préposé en chef qui avait été mis en accusation par une partie du personnel. Ces conclusions sont, cependant, rejetées par 13 voix contre 10, les socialistes votant contre et les radicaux (dont EUZET) votant pour. La discussion qui suit prend, ensuite, un tour assez violent car les socialistes veulent mettre tous les torts sur le préposé en chef (interventions de JEANNOT, de CHAUVET, de PLANCHON). Ce dernier est particulièrement agressif : "Si l'on ne veut pas le révoquer, qu'on le pende. Il ne cesse de conspirer contre l'administration avec M. OLIVE, et M. GIBERT s'est fait leur complice." BLANCHET résume la situation en disant que le vote ayant rejetté les conclusions du rapport ne fait que consacrer les errements commis par l'administration (PM des 07 et 08.04.1889). On comprend alors que l'unité est définitivement rompue entre les deux groupes formant le conseil municipal.

La révocation d'employés : un système des dépouilles à la mode sétoise ?

Un autre débat anime le conseil municipal, le 8 mars. En effet, suite à la demande du premier adjoint, Henri COMBES, de voter une pension de retraite aux agents MAGNÉRI, MURATEL et CABANIS, dont l'emploi a été supprimé, Honoré EUZET fait une longue déclaration : "Je constate à regret que le conseil ne se réunit pas une seule fois sans être appelé à délibérer sur les demandes de liquidations de retraites ou d'indemnités formulées par des employés injustement révoqués. Sans parler des procès qui sont pendants, les sommes qu'il faudra inscrire au budget par suite des agissements de l'administration seront très onéreuses pour les finances de la commune. Dans le cas particulier qui nous occupe, quatre agents de police ont été révoqués par l'administration sans que celle-ci en eût le droit, et, depuis huit mois environ, il faut payer des agents sans que ces derniers remplissent leurs fonctions. L'administration, croyant sortir de cette impasse, a eu recours à un expédient : elle a fait voter par le conseil la suppression des emplois de ces quatre agents, emplois qu'il faudra rétablir plus tard ; mais les droits à la caisse de retraite de ces quatre employés communaux n'en existent pas moins. Or, comme la caisse de retraite ne fonctionne pas encore, c'est le budget communal qui devra servir les retraites et les charges seront très onéreuses pour celui-ci. De cette situation, il résulte que ce seront les contribuables qui aurant à supporter les conséquences des rancunes de l'administration. M. EUZET conclut en demandant au conseil de voter la liquidation des retraites demandées par M. COMBES, 1er adjoint, et en invitant l'administration à bien peser à l'avenir les conséquences des révocations et des suppressions d'emploi." La discussion qui se poursuit montre que les mentalités restent inchangées. A une interpellation de Casimir JEANNOT qui rappelle que le nombre de révocations était supérieur sous l'administration précédente, EUZET répond que la situation n'était pas la même et que, dit-il, "En tous cas, j'ai toujours été opposé aux révocations" ; quant à François PLANCHON, il déclare qu'"il y a encore de nombreux réactionnaires en place et l'administration donnera un bon coup de balai" ; il rappelle, ensuite, à Honoré EUZET qu'il a promis son concours à l'administration, ce à quoi celui-ci répond : "Je ne me considère plus comme lié à l'égard de l'administration qui a fait une véritable hécatombe d'employés, malgré les engagements pris." Le conseil finit par voter la liquidation de ces retraites et est aussi autorisé à se défendre devant le conseil de préfecture, dans l'action intentée à la ville par divers employés révoqués (PM du 11.03.1889)

Au conseil municipal du 19.03.1889, au nom de la commission des finances, GIBERT lit un rapport concluant au vote d'une indemnité correspondant à un mois de traitement, en faveur de trois employés communaux révoqués : ALLES, AUBERT et MIRAMOND ; un peu plus tard, une indemnité de 58 francs est accordée au garde du château d'eau révoqué, Jacques NOËL. (PM du 21.03.1889)

Le PM du 01.06.1889 estime que le conseil municipal se réunira dans le courant de la prochaine semaine et donne l'information suivante : "M. EUZET a demandé à M. le maire de porter à l'ordre du jour de cette séance les revendications des employés révoqués et de ceux dont l'emploi a été supprimé. Si M. le maire ne tenait aucun compte des désirs de M. EUZET, ce dernier interpellerait l'administration à ce sujet et demanderait la nomination d'une commission pour fixer le chiffre d'indemnité à accorder aux intéressés." Le PM du 18.06.1889 donne connaissance d'une communication d'employés communaux révoqués, BESSIL et Salomon PUECH : "En réponse à une lettre de M. MARTEL, publiée dans le Petit Méridional, nous déclarons qu'il est complètement faux que M. MARTEL nous ait dit qu'il s'abstiendrait de prendre part au vote sur la proposition de transaction faite par M. EUZET. Au contraire, après un long entretien que nous avons eu avec lui, nous avions acquis la certitude qu'il voterait en notre faveur, selon ses propres déclarations."

Une élection municipale complémentaire

Le PM du 26.06.1889 annonce la tenue de l'élection complémentaire : "C'est dimanche prochain que les électeurs devront nommer cinq conseillers municipaux afin que, selon la loi, le conseil municipal soit complété, pour élire deux adjoints". Le journal conclut, après analyse des candidatures que c'est toujours la même idée qui revient : "la dissolution du conseil".

Un retour inattendu, celui d'Henri FOURNAIRE, l'ancien journaliste, qui se positionne - seul - dans l'élection municipale complémentaire : "En sollicitant vos suffrages pour être nommé conseiller municipal, je n'ai qu'un but : continuer dans une autre sphère d'action le dévouement que j'ai toujours montré dans la presse pour le bien public et surtout celui des classes laborieuses dont je fais partie. Parmi les nombreuses questions à résoudre pour le conseil municipal, j'estime que la principale de toutes est l'homogénéité de sa composition". Il insiste sur le désarroi du corps électoral et sur le fait que tout le monde veut la dissolution du conseil. Dans sa conclusion, il se présente comme quelqu'un né à Sète et donc à même de comprendre et résoudre les problèmes locaux. (PM du 27.06.1889)

Les résultats du premier tour (9508 inscrits, 3600 votants), d'après le PM du 01.07.1889 :

- Liste boulangiste : MM. BOULANGER 1350, LAGUERRE 1302, NAQUET 1305, LAISANT 1287, DEROULÈDE 1303
- Liste socialiste : MM. ANDRÉ 1260, BROUZON 1268, MOLINIER 1271, MOLLE 1269, VIALAN 1270
- Liste des employés révoqués : MM. BÉHIL 765, BÉNÉZECH 762, GAYRAUD 769, PUECH 754, VAILLARD 754
- Candidat indépendant : M. FOURNAIRE 90

"Faisons remarquer qu'il y a, en chiffres ronds, 2000 voix antiboulangistes contre 1300, les socialistes ayant fait une déclaration antiboulangiste."

Les résultats du second tour (9508 inscrits, 3986 votants), d'après le PM du 08.07.1889 :

- Liste républicaine : MM. ANDRÉ 2443, BROUZON 2450, MOLINIER 2444, MOLLE 2441, VILAR 2441
- Liste boulangiste : MM. BOULANGER 1459, LAGUERRE 1454, NAQUET 1443, LAISANT 1435, DEROULÈEDE 1443

"Les votes obtenus par les socialistes, qui sont élus, appartiennent à toutes les fractions du camp républicain ; les boulangistes n'ont obtenu que les voix réactionnaires. Constatons ici un point important : malgré la propagande effrénée faite par les boulangistes entre le premier et le second tour de scrutin, malgré les photo-lithographies de BOULANGER, distribuées à profusion, les boulangistes ont perdu une centaine de voix. C'est bon à noter, n'est-ce pas ? Car cela démontre une fois de plus que seuls sont boulangistes les ennemis de la République et que s'il y a pu avoir quelques mécontents parmi les républicains, qui, au premier tour, ont voté pour la liste de la boulange, chacun a compris, au second, ce qui lui restait à faire, et chacun a fait son devoir."

A l'issue des élections, il s'agit donc d'installer les 5 nouveaux conseillers élus et de nommer les 2ème et 3ème adjoints au maire. Le Cm se réunit d'abord en séance officieuse, le 25.07.1889 pour s'entendre sur ces nominations. 26 membres sur 30 sont présents mais la séance commence mal car l'un des nouveaux élus demande la démission du maire et celle de CHAUVET, qui refusent. Dans le PM qui se fait l'écho des débats, il est écrit que "pendant plus d'une heure, ce n'a été qu'un débordement d'injures réciproques et d'épithèques les plus grossières". Enfin, par 24 voix contre 2 abstentions, il est décidé qu'il n'y a pas lieu de procéder à la nomination de deux adjoints. Honoré EUZET propose alors à ses collègues de démissionner en masse. Le maire appuie cette proposition mais les socialistes la combattent. Dès lors, la séance officielle du conseil municipal qui était prévue le 26 juillet est reportée à une date ultérieure (PM du 27.07.1889).


Le 03.11.1889, le PM donne des informations sur les finances de la ville, par l'intermédiaire d'une communication : "On nous écrit : Nous sommes heureux d'apprendre que suivant le voeu du public, dont le Petit Méridional a été l'interprète, et sur la proposition du maire, le conseil a décidé qu'un exemplaire du rapport de M. EUZET, concluant à l'adoption : 1/ du compte administratif pour 1888 ; 2/ des chapitres additionnels du budget de 1889 sera, ainsi qu'une copie de ces documents, distribué à la presse et déposé dans les divers cercles de notre ville" Après ces louanges, le PM souligne, cependant, que l'important est de connaître les résultats de la "gestion PEYRET-OLIVE jusqu'à juin 1888 et la gestion AUSSENAC du jour de la prise de possession du fauteuil jusques à fin 1888". Il faut encore connaître, dit le PM, les recettes d'octroi et autres recettes, jusqu'à fin octobre 1889, ainsi que les crédits supplémentaires depuis le 1er janvier. Tout cela pour savoir à qui il faut imputer la situation financière de la ville. Un autre article indique qu'il présente, au nom de la commission des finances, un rapport sur le budget 1890, lequel présente un solde positif de 1595 francs. Il subit les critiques du conseiller JEANNOT qui estime ne pas avoir assez eu le temps de l'examiner alors qu'EUZET conclut à son adoption ; mis aux voix, le rapport est adopté sous l'influence du président AUSSENAC, ce qui ne manque pas d'entraîner un échange acerbe entre JEANNOT et AUSSENAC (JC du 01.01.1890).

Un article ironique du MDM montre qu'en cette année 1889, de par sa compétence technique (et probablement son sens tactique), il est devenu indispensable aux conseillers municipaux socialistes, pourtant majoritaires : " Nous apprenons et de bonne source, que le préfet de l'Hérault, M. POINTU, aurait refusé, d'une façon carrée, la démission de six ou sept membres radicaux" (du conseil municipal). Le journal estime que leur retour apporterait inévitablement des troubles, alors que le conseil "qui, pour être fort amputé, n'en coule pas moins des jours tranquilles et heureux, sous la houlette de son berger, M. Honoré EUZET. C'est au résumé, une histoire drôlement curieuse que celle de ce conseil municipal panaché, qui n'a commencé à se diviser en deux camps des plus haineux qu'à cause de M. EUZET dont les socialistes ne voulaient pas pour premier adjoint et qui, aujourd'hui, en très forte majorité socialiste, se laisse conduire par lui, par le bout du nez. Ceci prouve donc qu'on est parfois plus gêné par ses amis que par ses adversaires." (MDM du 11.12.1889). Evidemment, une autre explication possible est qu'Honoré EUZET s'est rendu compte qu'il pouvait travailler avec les socialistes qui, de fait, étaient nettement moins compétents que lui. D'une certaine manière, cette période a probablement constitué un banc d'essai, avant de prendre le pouvoir.

Ce qui apparaît aussi, c'est l'entente - de fait - entre le maire AUSSENAC et EUZET. le premier est amené à soutenir le second contre les autres conseillers socialistes et il est évident que cette entente, cette confiance, prendra tout son poids dans l'élection de 1895. A titre d'exemple, au conseil du 07.06.1889, à propos des employés révoqués qui ont intenté un procès à la ville, EUZET propose la création d'une commission qui examinerait les motifs des révocations et qui leur accorderait des indemnités en conséquence. Suite aux protestations de certains conseillers, il ajoute qu'il "ne conteste pas les droits de l'administration mais une transaction lui paraît préférable à un procès". AUSSENAC est d'accord avec lui, alors que Modeste DURAND, JEANNOT et PLANCHON sont d'un avis contraire. De même, GIBERT s'oppose à la nomination d'une commission car, dit-il : "si vous entrez dans la voie qu'on vous propose et accordez des indemnités aux employés révoqués, vous reconnaîtrez par là que vous avez eu tort en les frappant et l'on dira que vous n'avez pas su ce que vous faisiez (Bravos dans l'auditoire)" Mais, ce qui est à souligner, c'est la réponse d'AUSSENAC : "Le président répond qu'il n'y a pas de mal à reconnaître ses torts, lorsqu'on vous prouve que vous vous êtes trompé". Evidemment, ce type de réaction entraîne de fortes critiques chez certains conseillers et même dans l'auditoire qui traitent le maire de Judas (EC du 10.06.1889). Ainsi, AUSSENAC devient suspect aux socialistes les plus extrémistes, comme le constate le MDM du 19.05.1889 : dans la séance du 17 mai, JEANNOT et PLANCHON critiquent l'administration municipale pour la dépense faite lors de la réception du ministre des travaux publics, Yves GUYOT. Honoré EUZET prend alors la défense du maire et la discussion s'envenime entre les trois conseillers. Le MDM écrit : "M. AUSSENAC reste à peu près impassible mais il est aisé de reconnaître que lui aussi devient suspect à la majorité des socialistes." En réalité, la division se fait entre ceux qui veulent administrer la ville au mieux de ses intérêts et ceux qui en restent à l'idéologie.

Les démissions de conseillers municipaux continuent en cette fin 1889 mais le préfet fait de la résistance : "Si nos renseignements sont exacts, quelques uns des conseillers qui ont vu leur démission refusée, ou plutôt encore non acceptée par M. le préfet, qui ne leur a pas même accusé réception de leur lettre, traduisent des velléités de retourner au conseil municipal. C'est sans doute la bonne harmonie qui y règne qui les attire. Quant à M. AUSSENAC, il verrait avec le plus vif plaisir revenir une à une toutes ses brebis égarées. Le bercail une fois à peu près complet, M. le maire les recommanderait à la garde vigilante de M. Honoré EUZET, son premier pastourel, et tout irait pour le mieux dans le plus profond des déficits jusqu'en 1892 et sans qu'aucune élection complémentaire vienne obscurcir l'horizon municipal." (MDM du 28.12.1889)

1890

L'année 1890 voit peu à peu s'effondrer l'équipe municipale en place et, du coup, les querelles républicaines pour s'emparer du pouvoir reprennent de plus belle. Quelles en sont les causes ? La raison première semble bien être le caractère même du maire, Antoine AUSSENAC. Un seul exemple que l'on trouve dans le JC du 22.07.1890 quand le journaliste écrit que le maire ne démissionnera pas : "Nous en avons pour preuve le caractère inflexible, violent même, quand il s'agit de défendre son petit boursicot - qu'il a révélé dans la séance mémorable où MM. PLANCHON et JEANNOT, alors en opposition avec lui, voulaient lui faire donner sa démission. Non, s'écria-t-il, avec une fureur indiscible qui contrastait avec le caractère patelain qu'on lui connaît, je ne ferai pas ce que vous voulez que je fasse, je me moque de vous tous, et en donnant un coup de poing formidable sur le bureau, je lève la séance, dit-il (...)". Le résultat, c'est le JC du 11.07.1890 qui le donne, sous forme d'interrogation : "Est-ce que tout ce qui est un peu propre, intelligent et instruit du dernier conseil ne l'a pas déserté ? Un à un sans s'être donné le moindre mot d'ordre, les meilleurs membres sont partis d'eux mêmes." On le voit, c'est en même temps une critique plus feutrée qui vise les illettrés du conseil municipal, le maire peut-être mais sans le nommer. C'est plus net, encore, dans une chronique du JC du 12.07.1890, intitulée : Ce que devraient être les prochaines élections municipales : "Il est donc nécessaire et urgent que les illettrés n'arrivent qu'en très petit nombre dans le futur conseil". En fait, c'est un procès en incompétence qui est fait à l'équipe AUSSENAC. Finalement, dit le JC du 01.06.1890, "13 conseillers sur 30 sont démissionnaires ou ont quitté le pays ou sont incapables de siéger pour cause d'infirmité" et donc il faut compléter le conseil. A tout cela, s'ajoutent les positions des radicaux, ce qui complique encore la situation.

Le PM annonce encore plus de démissions dans son numéro du 18.07.1890 : "Ainsi que nous l'avions annoncé, les conseillers démissionnaires, au nombre de 16, ont reçu de M. le préfet un accusé de réception des lettres par lesquelles ils sont résigné leurs fonctions de conseillers de la ville de Cette. Le conseil se trouve par ce fait disloqué et la séance qui devait avoir lieu ce soir, est renvoyée à une date qu'il est impossible de prévoir aujourd'hui, c'est-à-dire qu'elle n'aura lieu qu'après les élections complémentaires. Par suite des démissions inattendues, telles celles de MM. EUZET et MAGISTRE, qui ont été seulement remises mardi dernier ; par suite aussi de la demande faite par la préfecture à M. BAUDOU, domicilié aujourd'hui à Alais, de vouloir bien donner sa démission, M. le préfet devra prendre un nouvel arrêté de convocation."

(à compléter)

Dans le camp radical, la discorde ne trouve pas sa source seulement dans un conflit de personnalités, c'est davantage celui d'un conflit de génération. Pour s'en convaincre, il n'y a que l'embarras du choix en cherchant dans les nombreuses chroniques électorales parues dans le JC. Certaines sont très critiques mais d'autres font appel à la raison entre vieux routiers de la politique, comme cet article signé MAZEL : "Depuis longtemps et tout particulièrement on ne veut plus d'AYMERIC, on ne veut plus d'EUZET ; depuis 1870, ils ont joué assez de rôles : ils ne voient pas que le corps électoral populaire ne veut plus d'eux, qu'ils le fatiguent. Tous les deux d'ailleurs ont peut-être bien quelques mérites, ils sont de plus de nos amis, mais ce n'est pas une raison pour qu'ils se croient indispensables et supposent que les autres n'ont pas de talents." L'auteur de cet article constate ensuite que le PM du même jour aboutit aux mêmes conclusions en demandant des hommes nouveaux et même entièrement nouveaux, n'ayant aucun passé politique compromis. Il conclut en disant : "Depuis vingt ans, les jeunes de 1870-71 sont devenus des hommes : ils veulent s'affirmer sans se mettre dans les souliers des autres, l'avenir leur appartient." (JC du 27.07.1890)

Tous ces éléments poussent le préfet à décider d'élections municipales complémentaires qui concernent 16 puis 15 conseillers municipaux à remplacer. La liste de ces conseillers est donnée par le préfet pour le premier tour de l'élection (le 3 août - le 2ème tour étant prévu le 10 août) : CHAUVET Pierre, FALGUEIRETTES Auguste, VITOU Prosper, BLANCHET Joseph, RICHARD Michel, MARTEL Lucien, GIBERT Louis, SÉNÉGAS Martial, MARTIN François, GINOUVÈS Camille, FABRE Antoine, DURAND Modeste, COLLOT Louis, MAGISTRE Barthélémy et EUZET Honoré. (JC du 20.07.1890)

C'est le 03.08.1890, dans le PM, qu'Honoré EUZET répond vertement aux attaques du comité de la ligue républicaine, opposée aux radicaux : "Au mépris de toutes les règles et les convenances, vous, candidats, vous prenez la liberté de me juger dans un placard signé de vous. Il n'est donc pas inutile de vous rappeler que je me disais républicain par mes actes, alors qu'il y avait danger à agir ainsi. Laissez-moi vous dire que pendant vingt ans j'ai servi mon pays avec le désintéressement le plus complet ; que je n'ai jamais sollicité et ne solliciterai jamais aucun poste rétribué par l'Etat, le département ou la commune. Il n'est pas de gouvernement assez riche pour me payer ma chère indépendance ! J'ai donc le droit de mépriser les injures des hommes qui ne viennent à la République que lorsque tout danger a disparu et qui, comme vous, ne voient dans la politique qu'un moyen de se faire une position. - Honoré EUZET

Evidemment, ces mots sont l'illustration que, plus on approche des élections, plus le climat se crispe. Pour mieux comprendre, il faut alors analyser les forces en présence.

Elections municipales complémentaires (communication de la Ligue Républicaine) : "(...) Ennemis des questions de vie privée, nous nous contenterons momentanément d'esquisser la vie politique du chef de liste du comité radical, de celui qui, par son entêtement à vouloir rester sur les rangs, a causé la scission du parti républicain de notre ville. Nous verrons par là ce qu'a pu faire l'ambition chez cet homme qui n'a cessé pendant 18 ans de parcourir en tous sens le parti républicain, ballotté comme une épave par tous les courants et venant échouer piteusement après tant d'efforts dans une liste composée d'éléments hétérogènes. M. Honoré EUZET a été nommé conseiller municipal dans une élection complémentaire en 1872 sous l'administration MICHEL. Il démissionna quelque temps après, ne pouvant s'entendre avec ses collègues. Comme membre du conseil ESPITALIER, il a été avec le président actuel de son comité, M. AYMERIC, l'un de ceux qui ont le plus contribué à diviser le parti républicain. Il a combattu avec un acharnement inexplicable M. Marius VAREILLE, dont l'honnêteté ne faisait doute pour personne. Elu en 1884 sur la liste de M. PEYRET, M. EUZET est devenu le membre le plus turbulent pour ne pas dire le plus néfaste du conseil. Si M. EUZET a pu considérer ses oppositions incessantes comme des services rendus, il faut croire qu'il n'a pas la notion vraie des mots, ni le sens réel des choses. Les services qu'il faut lui reconnaître ce sont ses fréquentes démissions. M. EUZET a été tour à tour républicain radical contre M. ESPITALIER, républicain socialiste contre M. THOMAS, aux élections du conseil général, républicain opportunistes contre M. VAREILLE, républicain nimportequiste contre M. PEYRET, enfin républicain boulangiste contre M. SALIS aux dernières élections législatives. Que peut-on penser de cet homme en politique ? Il n'y a qu'un mot pour le qualifier : c'est un Caméléon. Après cela, tirez l'échelle et recherchez les vrais radicaux." (JC du 10.08.1890). Cette tribune est signée par CAUSSIGAL, LABRY, GIBERT et RIBES ROCHE).

Elections municipales complémentaires : "Il est absolument impossible de prévoir les surprises que ménage le scrutin d'aujourd'hui. Plus que jamais les haines personnelles qui sont, on peut le dire, le fléau des élections municipales à Cette, se sont manifestées au dernier moment, avec une violence inouïe que rien ne faisait prévoir ces jours-ci. Des affiches, dont quelques unes à la main, sont placardées à toute heure du jour et toutes ne visent que M. AYMERIC et M. EUZET. Une d'entr'elles accuse M. EUZET d'avoir fait de la propagande boulangiste et porte les signatures de MM. BOISSIER et Aimable DIEBOLT. Ce dernier nous adresse à ce sujet la protestation suivante : Je proteste énergiquement contre l'abus que l'on a fait de mon nom, je n'ai jamais autorisé M. BOISSIER à faire afficher une accusation de boulangisme contre M. EUZET, quand il m'a demandé mon acceptation je la lui ai formellement refusée, je trouve donc son procédé absolument déloyal (...). (PM du 11.08.1890)

Elections municipales complémentaires : "On ne connaît pas encore le résultat complet du 2ème tour de scrutin qui a eu lieu hier, les noms des élus ayant été seulement communiqués au public (...) Ce qui ressort le plus clairement de ce vote, c'est l'écrasement du parti radical dans la personne de ses chefs et l'on peut ajouter que le succès relatif des socialistes est dû surtout aux divisions des républicains." Un "poème" adressé aux nouveaux conseillers municipaux résume l'ambiance à ce moment-là :
"L'électeur a voté - place aux nouveaux élus :
Feront-ils leur devoir mieux que les vieux édiles ?
Puissent-ils nous prouver par des travaux utiles
Qu'ils savent protéger nos biens et nos écus.
Moralité :
Quant aux vaincus, aux brouillons Euzettistes
Il était temps d'étouffer ces fumistes.

Signé : "Populus" (JC du 12.08.1890)

Elections municipales complémentaires : "Il est probable que les élections de dimanche dernier seront annulées. On nous assure qu'une partie des bulletins déclarés nuls ou blancs par les procès-verbaux ont été détruits contrairement à la loi au lieu d'être envoyés à la préfecture pour y être contrôlés. Parmi ceux qui n'ont pas été détruits, il en existe qu'il est impossible de déclarer nuls et appartenant à la liste de la Ligue ce qui déplacerait quelques noms pour les élus. On parle aussi de 280 bulletins en plus des émargements constatés. Une protestation signée par plusieurs électeurs a été adressée à M. le préfet (...)" (PM du 14.08.1890). Dans le même numéro, il est dit que le conseil municipal se réunira samedi prochain pour l'installation des 15 nouveaux élus et la nomination des 2ème et 3ème adjoints. Cependant, dans son numéro du 15.08.1890, le PM revient sur le sujet : "Contrairement à ce qui avait été annoncé, l'annulation des élections municipales de dimanche dernier n'a pas été demandée ; la protestation envoyée à la préfecture ne vise que les bulletins déclarés blancs ou nuls par le procès-verbal et qui ont été détruits au lieu d'avoir été envoyés à la préfecture pour y être contrôlés. Les conclusions de la protestation tendent à faire proclamer élus deux candidats de plus de la liste de la Ligue, M. GIBERT et M. ROUX."

1891

La ville prend, dès 1891, l'initiative d'un sanatorium maritime (voir le rapport du Conseil général, dans sa séance du 23.08.1901).

1892

Le 21.04.1892, LC annonce la parution prochaine d'un nouveau journal, à Sète. Il s'agit de La Concentration Socialiste, "organe des républicains avancés". C'est donc d'un journal créé pour les élections par les socialistes de la future liste qui va s'appeler Liste des candidats du parti ouvrier socialiste. Concentration socialiste, dans laquelle on va trouver Honoré EUZET qui quitte donc les bancs des républicains radicaux. Dans cette liste, il cotoie le maire Antoine AUSSENAC (ce qui n'est qu'une demie surprise, compte tenu de la bonne entente entre les deux hommes) mais aussi Casimir JEANNOT et François PLANCHON (ce qui est plus cocasse, étant donné les batailles homériques passées au conseil municipal).

Quatre listes sont en présence pour l'élection municipale de mai 1892 : Liste 1 : liste républicaine, dite aussi des groupes républicains réunis. Elle est connotée opportuniste ou opportuno-radicale par le journal EC ; Liste 2 : liste libérale indépendante. Elle est connotée réactionnaire par le journal PM ; Liste 3 : liste de concentration républicaine, avec le maire AUSSENAC. Elle est connotée socialiste par le journal EC ; Liste 4 : liste socialiste indépendante qui apparaît comme dissidente de la liste de concentration républicaine, avec seulement 9 noms alors que les trois autres listes en ont 29 ou 30. Il y a encore un candidat indépendant, BARTHEZ (capitaine au long cours) et un candidat socialiste révolutionnaire, Joseph LACOSTE.

Le LC qui, manifestement, fait la part belle aux libéraux, donne la profession de foi de la liste libérale indépendante. Celle-ci se refuse à présenter un programme mais indique qu'elle est un rassemblement d'hommes qui mettent leur intelligence et leur dévouement à la défense des intérêts matériels et moraux de la ville de Sète. La particularité est, certainement, le refus d'un positionnement politique : "Quant à la politique, elle sera mise absolument de côté. La politique engendre la désunion et la discorde. Une ville commerçante comme la nôtre n'a pas besoin de politiciens. Il lui faut des hommes d'affaires, choisis parmi les plus honorables, sans distinction de partis et capables de bien gérer nos affaires (...) Cette a fait la triste expérience des politiciens, elle doit aujourd'hui appeler à la diriger des hommes nouveaux, indépendants, intègres et désintéressés." (LC du 24.04.1892)

A la même date, La LRM fait paraître la communication du parti ouvrier socialiste (concentration socialiste) : "Chers concitoyens, Vous êtes appelés à élire, le 1er mai, vos conseillers municipaux. Nous recherchons l'honneur de vous représenter. Citoyens, Nous sommes très connus de vous comme d'anciens et dévoués serviteurs de la démocratie, aussi est-ce avec confiance que nous nous présentons à vos libres suffrages. Nous voulons l'union de tous les républicains d'avant-garde, de ceux qui réclament le développement progressif et régulier des institutions républicaines et des réformes sociales qui s'imposent pour l'amélioration du sort des classes laborieuses (...) La lutte qui s'engage n'est que le prélude de batailles plus importantes et plus décisives, mais il apparaîtra au moins claivoyant que les candidats du parti ouvrier socialiste, maîtres de la mairie, pourront, dès les prochaines luttes politiques, agir avec plus de force et de cohésion pour le triomphe de la vraie république. C'est pourquoi, nous le déclarons franchement, nous voulons nous emparer de cette citadelle. Ceci dit, Citoyens, nous estimons que les questions ouvrières devront être étudiées par nous avec le plus grand soin et le plus grand dévouement. Nous favoriserons la création de Syndicats professionnels, des Sociétés de secours mutuels et de caisses de retraite pour les ouvriers. Les questions qui intéressent notre port et notre commerce doivent être pour vos élus l'objet d'études incessantes. Contribuer au perfectionnement de l'outillage de notre port, au au développement de notre commerce, n'est-ce-pas préparer le bien-être qui doit résulter pour l'ouvrier d'un travail régulier et rémunérateur ? Nous réclamerons et et favoriserons la création d'une cale de radoub. Nous demanderons la suppression des tarifs différentiels qui font au port de Bordeaux une situation privilégiée et ont porté un coup fatal au commerce des grains, si florissant naguère. (...) Enfin, nous ferons tous nos efforts pour appeler à Cette, par tous les moyens, les établissements industriels (...) Nous créerons l'enseignement primaire supérieur, un collège de jeunes filles. Nous nous engageons à maintenir l'Ecole de musique, en y apportant d'importantes améliorations. Nous maintiendrons la surveillance du jeudi, établie malgré l'opposition d'une minorité rétrograde (...) Nous faciliterons aux sujets d'élite l'entrée dans les lycées, les collèges et les écoles spéciales (...) Des crèches seront créées pour l'enfance ouvrière (...) Nous nous efforcerons de doter notre ville, sans imposer de nouvelles charges aux contribuables, d'un théâtre, d'une Bourse du Travail, d'une Bourse du Commerce, d'un abattoir et d'un lavoir public et gratuit (...) En un mot, nous nous engageons à défendre d'une manière énergique le programme élaboré au congrès de Lyon qui est celui du parti socialiste. Suit la liste des candidats, par ordre alphabétique (LRM du 21.04.1892)

Les résultats, à l'issue du premier tour sont les suivants, selon le PM du 03.05.1892 :

- Liste 1 : AUQUIER 2728, BROUILLONNET 2700, BARBUT 2162, CRÉMIEUX 2466, DEFARGE 2687, DELGAR 2499, ENCONTRE 2491, ENGEL 2784, ESTEVE 2782, FABRE 2496, FERRIER 2618, FIGUIER 2665, GELY 2603, GOUDARD 2613, ICARD 2699, ISSANJOU 2626, JULIEN 2669, MARQUÈS 2509, NOELL 2834, PARPIEL 2604, PEYRE 2560, PEYRUSSE 2487, REMÈGE 2611, RIBES 2783, RIEUNAUD 2596, ROCHE 2807, ROQUE 2325, SCHEYDT 2838, VIEU 2628, VILBAR 2429.
- Liste 2 : AMADOU 1314, BAILLE 1318, BEAULIEU 1233, BOISSIERE 1191, BONNIEU 1242, CAFFAREL 1471, CANTAN 1218, CASTANIER 1218, CLAVERIE 1260, CONGEFIAT 1367, COTTALORDA 1291, COURTES 1381, DOUMET 1401, EUZET Henri 1317, FIGARET 1351, GAUTHIER 1431, GASSMANN 1317, GINTRAND 1198, GLEIZES 1300, GOUDARD 1272, JULLIAN-RÉCOULY 1194, LEMASSON 1248, NOZIÈRE 1211, PAÈS 1273, PALMADE J.B. 1224, PIOCH-AUZUECH 1235, REBOUL 1266, ROUBIÈRE 1197, VERGNES 1227.
- Liste 3 : AUSSENAC 1996, ALBERT 1809, ANDRÉ 1850, AUBÈS 1993, BARRAUDON 1793, BOISSIER 1853, BOUDET 1826, BOYER 1850, BRUNIQUEL 1852, CARTIER 1850, CAYROL 1918, CHANOINE 1863, COMBES 1829, DIDIER 1855, Honoré EUZET 1843, GIRARD 1817, GUIN 1836, JEANNOT 1800, LEQUES 1845, MADIERE 2831 (probablement 1831), MANDAVIALLE 1898, MGRAVAL (probablement MAGRAVAL) 1839, MOLLE 1847, PELLETIER 1882, PLANCHON 1832, ROUSTAN 1868, THOMAS 1825, VALETTE 1825, VAREILLE 1773.
- Liste 4 : GAZALOT 99, BASTIDE 100, BOUDET 127, ESPIE 109, ISOIRD 110, PRADAL 99, SÉNÉGAS 137, BARTHEZ (candidat républicain indépendant) 182, LACOSTE (socialiste révolutionnaire) 70.

Les résultats, à l'issue du second tour sont les suivants :

"La liste opportuno-radicale a obtenu une moyenne de 2600 voix, la liste socialiste une moyenne de 1850 voix et la liste libérale une moyenne de 1820 voix., pour 10.209 inscrits et 6.029 votants (EC du 03.05.1892)

(à compléter)

"Le conseil municipal se réunira dimanche prochain (le 15.05.1892) à dix heures du matin pour nommer le maire et trois adjoints. M. AUSSENAC ayant refusé d'expédier les affaires courantes jusqu'à dimanche, M. le préfet en a chargé M. BOURREL, adjoint, qui présidera à la nomination du maire. (PM du 12.05.1892)

(à compléter)

Il écrit au SC une lettre publiée dans le JC, qui montre, notamment, son implication dans les réflexions locales menées par le parti socialiste local : "Monsieur le Directeur, Je constate avec regret que malgré mes dénégations énergiques et répétées, on persiste à m'attribuer certaines attaques dirigées, dans le Socialisme Cettois contre diverses personnes : deux d'entre elles, des adversaires politiques, peut-être, mais sûrement deux amis personnels, sont venues aujourd'hui même à ma grande stupéfaction m'apporter leurs plaintes. Tout cela est fort ennuyeux. Pour en finir, je déclare qu'à partir de ce jour, je cesse de collaborer au journal le Socialisme Cettois. Je me ferai un devoir et un plaisir d'offrir de nouveau ma collaboration quand le journal se bornera à traiter des questions sociales, politiques et celles d'administration municipale. C'est avec le plus vif regret que je prends cette détermination et mes amis peuvent être assurés que je serai heureux, lorsque ce journal aura l'allure que je désire lui voir prendre dans l'intérêt de notre cause, de continuer sous ma signature, la publication de mes articles d'études sociales et de commencer ainsi que je l'avais promis la publication que j'ai cru devoir ajourner jusqu'ici d'une série d'articles de critique rationnelle des actes de notre municipalité. Bien à vous. Honoré EUZET" (JC du 14.09.1892)

1893

Une grande réunion est organisée le 1er mai pour la fête du travail. La commission d'organisation se réunit "au siège social de la Libre-Pensée, Grand'Rue, 63". Un bureau est élu. "Par acclamation, sont élus les citoyens AUSSENAC, président ; EUZET et PLANCHON, assesseurs ; Henri COMBE, secrétaire." AUSSENAC (président de la fédération des chambres syndicales) fait un discours après avoir remercié l'assistance au nom du parti socialiste puis, c'est le tour du député SALIS. Deux des thèmes majeurs abordés sont la journée de 8 heures et la construction d'une Bourse du Travail à Sète - si possible avant la fin de 1893 (PM du 02 05.1893). Le même journal complète le compte rendu des discours et des manifestations de la journée dans son numéro du 3. Ces informations sont reprises dans le MDM du 02.05.1893, mais sans plus de commentaires.

Ici, pour mieux comprendre les rôles respectifs des protagonistes, il faut citer des extraits de la thèse de Claude WILLARD sur les Guesdistes, lequel souligne que SALIS, réélu député, récompense de leur appui quelques collectivistes. D'abord, p. 640, en ce qui concerne François PLANCHON : "Né à Cette, le 23 février 1850, fils d'un plâtrier. Plâtrier lui-même, puis cabaretier. Fondateur et dirigeant du premier groupe collectiviste de Cette (1886). Elu conseiller municipal en 1888, non réélu en 1892. Délégué au Congrès national de Marseille (1892). Contribue à la réélection du député radical-socialiste SALIS (2e Montpellier) qui, semble-t-il le récompense en lui procurant un emploi à Paris. Il appartient un moment au groupe socialiste cettois de Paris, puis se retire de toute activité militante. Décédé à Cette le 25 juin 1925." On lit encore, p. 296 (note 6) : "PLANCHON, créateur du premier groupe cettois, en 1886, semble, en dépit d'un démenti de sa part, avoir obtenu, grâce à SALIS, un emploi lucratif à Paris (Le Socialiste Cettois, 25 novembre 1893, p. 3)." C'est, ensuite, le cas de "l'ancien maire AUSSENAC, candidat en 1893 dans la première circonscription de Nîmes, (qui) obtient une recette buraliste (Le Socialiste Cettois, 18 novembre 1893, p. 3) ; il disparaît, alors, de la vie politique militante." (p. 296, note 6)

Dans la même page 296 de sa thèse, Claude WILLARD explique le contexte : "Dans plusieurs circonscriptions, les collectivistes s'effacent, dès le premier tour, devant les radicaux. L'exemple est donné en 1893, par les socialistes de Cette : au congrès électoral le 30 juillet, ils acclament la candidature du radical SALIS socialiste sincère, honnête et profondément dévoué au prolétariat (Le Socialiste cettois, 5 août 1893, p. 3)". Il est délégué au congrès national de Paris et est revendiqué comme député collectiviste (le Socialiste du 26.08.1893). De même, les socialistes "annexent les voix de TÉDÉNAT (Béziers) et THÉRON (Carcassonne)". On voit donc que l'évolution d'EUZET doit aussi se comprendre dans ce mouvement d'ensemble.

1894

Le PM du 19.08.1894 et EC du 20.08.1894 donnent les résultats de l'élection municipale complémentaire. Il s'agit d'élire 8 conseillers municipaux et il y a deux listes en présence : la liste socialiste de protestation municipale (que EC nomme simplement liste socialiste) et la liste républicaine. Il y a 9557 inscrits et 3591 votants. Les socialistes, obtenant plus de la moitié des suffrages exprimés, sont élus. Ce sont : Onésime BRUNIQUEL (boucher), Honoré EUZET (représentant de commerce selon EC, courtier selon PM), JULLIAN (vétérinaire), LEJARD (secrétaire général de la chambre syndicale des employés de chemin de fer), MOLLE (président de la chambre syndicale des pêcheurs de l'étang de Thau), Philippe VAILLARD (conseiller prud'homme pour la tonnellerie), Etienne GUIGUES (mécanicien à la compagnie du Midi) et Elie VAREILLE (comptable, agent d'assurances). Dans le numéro du 19.08.1894 de EC, à la veille des élections, on voit qu'il y a eu un revirement chez les socialistes : "Les socialistes qui avaient déclaré n'apporter la lutte que si les partisans de l'administration formaient une liste, viennent de faire afficher à leur tour la liste suivante qu'ils intitulent : Liste de protestation municipale". Ce changement de tactique va s'expliquer par ce qui suit, dès le lendemain des élections.

En effet, dès le 22.08.1894, le PM annonce la démission des 8 conseillers municipaux socialistes qui viennent d'être élus. Chacun d'eux envoie sa lettre de démission au préfet, à peu près dans les mêmes termes. Le PM publie celle d' Honoré EUZET : "Monsieur le préfet, J'ai l'honneur de vous remettre ma démission de conseiller municipal. Elu sur la liste socialiste de protestation municipale, je ne saurais siéger auprès de ceux que le suffrage universel a si justement condamnés. Veuillez agréer, etc. Honoré EUZET". On comprend mieux, alors, pourquoi, dès que les résultats des élections avaient été proclamés, des cris de Démission ! et de Vive la République sociale ! avaient fusés dans la salle des mariages où avait lieu le recensement général. EC avait noté que ces cris provenaient d'électeurs du parti socialiste. Des explications sont encore données dans le numéro du PM du 24.08.1894 : "Ce n'était pas pour siéger que les huit conseillers s'étaient présentés aux électeurs, car ce petit groupe n'aurait rien changé aux décisions du conseil ; mais bien pour faire prononcer les électeurs sur la conduite des membres de la majorité qui n'était pas conforme à leur programme ni au mandat dont on les avait chargés - Un républicain impartial" Ces explications sont encore reprises dans la proclamation des huit élus socialistes (dont Honoré EUZET), dans le PM du 25.08.1894.

1895
Il est élu maire pour la première fois

L'année commence par une élection municipale complémentaire ...


"Elections municipales complémentaires - Le deuxième tour de scrutin (en fait, le premier tour) qui aura lieu aujourd'hui ne s'annonce pas devant être très animé. Le parti au pouvoir n'a pas encore présenté de liste. Voici la composition de la liste socialiste : Honoré EUZET, Elie VAREILLE, CAYROL, BRUNIQUEL, JULIAN, CAUCANAS, GUIGUES, LEJARD, MOLLE." (EC du 27.01.1895). Le journal a rectifié le lendemain, en donnant les résultats du premier tour de scrutin : "Le premier tour qui a eu lieu hier n'a donné aucun résultat. Il y a eu 117 votes qui se sont portés sur divers noms plus ou moins fantaisistes. C'est pour le deuxième tour de scrutin que les socialistes présenteront la liste que nous avons publiée hier." (EC du 28.01.1895)

Les résultats du second tour de scrutin sont donnés dans EC du 04.02.1895. Pour 9441 inscrits,, il n'y a eu que 1939 votants. Tous les candidats de la liste socialiste sont élus : Alphonse JULIAN, 1881 ; Etienne GUIGUES, 1874 ; Onésime BRUNIQUEL, 1873 ; François CAUCANAS, 1871 ; Antoine CAYROL, 1870, Emile MOLLE, 1870 ; Elie VAREILLE, 1870, Armand LÉJARD, 1867 ; Honoré EUZET, 1866 ; plus, 20 blancs, 30 nuls et 32 divers. On peut noter que le plus mal élu est Honoré EUZET, ce qui ne manque pas de surprendre, compte tenu de la suite, dans cette même année 1895.

Cet épisode se termine par une autre démission, celle du conseiller PEYRE, de la majorité. Dans une longue lettre adressée au maire de Sète (EC du 06.02.1895), il rappelle qu'il a plusieurs fois attiré l'attention sur cette élection en estimant que la mairie ne devait pas rester neutre, compte tenu de son caractère lié aux démissions des minoritaires ("pouvaient-on, en effet, méconnaître ou feindre d'ignorer dans quelles conditions se présentaient ces élections complémentaires ?"). Ces appels n'ont pas été entendus et la majorité a été désavouée. Il a, pourtant, rappelé "cette campagne de mensonges, de calomnies, d'insultes des plus grossières qu'une certaine presse que je ne qualifierai pas, sous le voile de l'anomymat, dirigeait contre nous, depuis notre arrivée aux affaires" et qui, selon lui, devait recevoir la réponse qui s'imposait du corp électoral. Le contraire s'étant produit, il donne sa démission. De fait, la situation revient à celle de 1894, avant les démissions des minoritaires, à cette différence près que le parti socialiste se trouve conforté par le suffrage universel.

... et se termine par une élection municipale générale


Les socialistes et les syndicats se réunissent, fin août, pour savoir s'ils doivent prendre part au vote du 1er septembre pour la constitution d'un nouveau conseil municipal. Des opinions différentes s'expriment. POUJOL et AUDOYE estiment que le moment n'est pas opportun, le temps à courir jusqu'au renouvellement (en 1896) étant insuffisant pour mener à bien les réformes projetées. SALIS puis PERIER proposent la nomination d'une commission mais SALIS croit qu'il faudrait éviter la lutte. "Le citoyen EUZET, invité par le citoyen LEBLANC à s'expliquer croit que le parti socialiste doit, en l'état, rester tranquille et ne pas servir de bouche-trou. Il dit qu'il existe actuellement un déficit considérable évalué à 6 ou 700.000 francs et qu'il y a ensuite une foule de créanciers qu'on ne pourra pas payer, attendu qu'on n'aura pas le temps pendant ce court espace qui nous sépare des élections générales et qu'on n'aura pas non plus l'autorité nécessaire pour diriger les affaires de la ville. Il termine en disant qu'il ne faut pas voter, car ce serait tomber dans le piège qui est tendu au parti socialiste.". Après d'autres interventions, le président met aux voix pour savoir s'il faut prendre part au scrutin ; à main levée, la réponse est négative et il est convenu de se réserver pour le mois de mai 1896 (PM du 25.08.1895).

Résultats du 1er tour de scrutin de l'élection municipale : "Aucune liste de candidats ne s'étant présentée pour le renouvellement de notre conseil municipal démissionnaire, le résultat du premier tour de scrutin est négatif. Quelques votes se sont égarés sur des noms divers." (EC du 02.09.1895)

"Nous apprenons aujourd'hui que, pour le deuxième tour de scrutin, les socialistes sont dans l'intention de présenter une liste de cinq candidats seulement. Ces candidats auraient pour mission de gérer les affaires de la ville jusqu'aux élections générales qui auront lieu au mois de mai prochain, afin qu'elles ne soient pas gérées par des étrangers. Si M. le préfet n'accepte pas cette combinaison, les cinq candidats donneront leur démission et nous continuerions à être administrés jusqu'au mois de mai par la délégation nommée par le préfet." (EC du 03.09.1895)

EC donne la liste des 30 candidats présentés par le comité socialiste ; voir ci-après, quelques variations dans la graphie de certains noms qui sont dans la liste indiquée par le PM. (EC du 07.09.1895)

Résultats du 2ème tour de scrutin de l'élection municipale, le 9 septembre. Candidats du "Comité central de tous les groupes corporatifs socialistes de la ville de Cette", sont élus (noms, prénoms, professions, nombre de voix) : "AUDOYE, tonnelier, 1623 ; BRUNIQUEL Onésime, boucher, 1650 ; BARRAL Louis, contre-maître, 1621 ; BOYER Achille, 2140 ; CAYROL Antoine, négociant, 2145 ; COMBES Victor, président de la chambre syndicale des boulangers, 2122 ; CAUSSE, employé de commerce (le chiffre des voix n'est pas indiqué) ; DAVID François, président de la chambre syndicale des pêcheurs de la Courantille, 2146 ; EUZET Honoré, courtier en grains, 1632 ; GAUSSEL François, fabricant de futailles, 1615 ; GIRARD François Balth., employé de commerce, 1643 (son nom est écrit GIFFARD dans la liste de l'EC) ; JULLIAN, vétérinaire, 2112 (son nom est écrit JULIAN dans la liste de l'EC) ; GRANIER Albert, employé de commerce, 1640 ; LEJARD, secrétaire du syndicat des employés du chemin de fer, 213 (le chiffre des voix est tronqué - son nom est écrit LEJART dans la liste de l'EC) ; LAMOUROUX, comptable, 1624 ; LEQUES Antoine, tonnelier, 1624 ; MADIÈRE Charles, 1627 ; MANDAVIALLE, prud'homme, soutireur, 1637 (son nom est écrit MANDAVIALE dans la liste de l'EC) ; MARAVAL, tonnelier, 1630 ; MOLLE Emile, pêcheur, 2123 ; MOURAILLE, employé au PLM, 1610 (son nom est écrit MOURAILLES dans la liste de l'EC) ; MOLINIER, serrurier, 1623 ; PELLETIER, architecte, 1637 ; JEANNOT Gustave, jardinier, 1632 ; ROUSTAN Jean, tonnelier, 2144 ; SALIS, dépositaire de journaux, 2133 ; SANSONNET Alexis, président de la fédération des chambres syndicales, 1627 ; ROSSIGNOL Marius, négociant, 1641 ; VALLAT Pierre, tonnelier, 1610 ; VAREILLES Elie, comptable, 2143 (son nom est écrit VAREILLE dans la liste de l'EC)." (PM du 09.09.1895)

L'EC donne aussi les résultats de l'élection ; celles-ci, écrit-il "ont eu lieu sans animation ni enthousiasme, et cela se conçoit, la lutte étant circonscrite entre les socialistes qui, se voyant sans adversaires, se sont divisés sur le choix de quelques noms. Deux listes étaient en présence : celle de M. EUZET, qui a déjà rempli les fonctions d'adjoint dans une précédente administration, et celle du docteur PEYRUSSAN, récemment nommé conseiller d'arrondissement. Voici les résultats : inscrits, 9663 ; votants, 2380. La liste EUZET (comité central) est élue entièrement, MM. CAYROL et DAVID en tête de liste, par 2146 voix. M. PEYRUSSAN est arrivé en tête de la liste du prolétariat avec 587 voix." (EC du 09.09.1895)

Les détails des résultats de la liste menée par le docteur PEYRUSSAN (Liste socialiste militante du parti ouvrier) sont les suivants : "PEYRUSSAN Paul, docteur en médecine, conseiller d'arrondissement, 587 ; GUIGUES Etienne, employé du Midi, président du syndicat des chemins de fer, 551 ; FABRE Germain, propriétaire, 531 ; SÉNÉGAS Martial, ex-adjoint au maire, 524 ; DOMINIQUE Pierre, limonadier, 504 ; BARTHEZ Victorin, capitaine au long cours, 529 ; COUDERC J., directeur de l'école des Beaux-Arts, 521 ; VALETTE F., Vice-président du syndicat des pêcheurs, 531 ; PRADEL Adolphe, boucher, 522 ; MALATERRE J., trésorier du syndicat des menuisiers, 530 ; LABAIL Jules, propriétaire de tramways, 490 ; GUYARD Jean, officier retraité, 525 ; VAILLARD Ph., président des prud'hommes, 534 ; ISOIRD J., président des pêcheurs de l'étang de Thau, 528 ; ROBERT, patron coiffeur, 513 ; LOUBET René, employé de commerce, 528 ; AZÉMA Simon, plâtrier, 527 ; BONAMI Ch., président du syndicat des tailleurs, 518 ; CASTEL, appareilleur de maçonnerie, 524 ; RICARD, employé de commerce, 512." (EC du 10.09.1895)

L'installation de la nouvelle municipalité se fait le 14 septembre. Le président de la délégation spéciale ouvre la séance et donne les résultats de l'élection devant les 30 conseillers municipaux. Le doyen d'âge, LAMOUROUX, prend ensuite la présidence et demande la nomination d'un secrétaire provisoire et de deux assesseurs. C'est ensuite l'élection du maire. Sur les 30 votants, Honoré EUZET est élu par 28 voix (2 bulletins blancs). Celui-ci s'installe alors dans le fauteuil de la présidence. Le public et le conseil applaudissent. C'est ensuite l'élection des deux adjoints. BRUNIQUEL est élu 1er adjoint par 27 voix (3 bulletins blancs) et JEANNOT est élu 2ème adjoint par 24 voix (5 bulletins blancs et 1 voix pour MOLINIER). Ce compte rendu détaillé est donné par le PM du 15.09.1895 qui ajoute les élément d'ambiance : "La façade de la mairie est brillament illuminée. L'Harmonie et l'Espoir ont donné une sérénade à la nouvelle administration. L'enthousiasme de la population est indescriptible." C'est, pour Honoré, le couronnement de la marche vers le pouvoir, lui qui fut conseiller municipal pour la première fois en 1872.

Discours d'Honoré EUZET, au conseil municipal : "Messieurs, Au nom de mes honorables collègues de l'administration, je vous offre de chaleureux remerciements pour l'honneur que vous nous faites en nous désignant pour présider à vos travaux ; ce témoignage de votre confiance et de votre sympathie nous touche jusqu'au fond du coeur, je vous exprime notre reconnaissance. Il est superflu de vous dire que nous mettrons à votre disposition toutes nos forces et toute notre bonne volonté. Nous vous demanderons de nous accorder, en échange, votre concours dévoué. Nous comptons surtout sur votre esprit de conciliation afin de conserver parmi nous une union utile, indispensable. Je n'exposerai pas de programme, je vous donnerai seulement un conseil qui est celui-ci : négliger, abandonner momentanément les discussions politiques pour nous consacrer entièrement à l'expédition des affaires. Vous trouverez sur ce dernier terrain à employer toute votre activité. Nous avons, en effet, à dresser le budget pour 1896 et un budget honnête, sincère ; nous avons, d'un autre côté et surtout à liquider la situation financière de la commune, c'est-à-dire dresser le bilan et créer de nouvelles ressources, afin de payer les nombreux créanciers de la commune et sortir notre cité de la position humiliante où elle se trouve. Telle est la tâche que vous avez à accomplir. Je vous ai demandé votre concours et offert tout notre dévouement, mais nous serions impuissants si nous ne pouvions compter sur l'appui bienveillant du pouvoir central. Cet appui, M. le Préfet ne le refusera pas, nous l'espérons, à des hommes de bonne volonté qui, tout en se réclamant avec énergie des idées sociales les plus larges et les plus hardies n'en poursuivent le triomphe que par les moyens honnêtes et légaux. Vive la République démocratique et sociale ! Avant de lever la séance, je tiens à remercier ces Messieurs de la délégation spéciale du tact et de l'esprit large et conciliant qu'ils ont apporté dans l'exercice de leur mission. La population tout entière gardera de leur séjour à Cette le meilleur souvenir et les saluer à leur départ avec sympathie et respect." (PM du 16.09.1895)

Discours d'Honoré EUZET, sur le balcon de l'Hôtel-de-Ville : "Mes chers concitoyens, Au nom de la municipalité et du conseil municipal, je vous remercie de la chaleureuse sympathie que vous voulez bien nous témoigner. Nous trouverons dans vos encouragements la force nécessaire pour accomplir la tâche difficile qui nous est confiée. Nous gérerons les affaires de la commune avec fidélité et honneur. Nous nous efforcerons, en un mot, de bien faire, afin de provoquer, quand nous quitterons la mairie, autant de regrets que nous recueillons aujourd'hui de marques d'estime et d'amitié. Encore une fois merci et Vive la République démocratique et sociale !" (PM du 16.09.1895)

La placette, son bassin et l'Hôtel-de-Ville


De son côté, l'autre liste adresse une lettre de remerciements à ses électeurs : "Les candidats de la liste militante du Parti ouvrier viennent remercier, par la voie de la presse, les nombreux électeurs qui ont bien voulu nous honorer de leurs suffrages ; nous leur adressons nos plus sincères remerciements au nom de la République démocratique et sociale. Donc, merci à tous les électeurs cettois ! - Pour les candidats, GUIGUE." (PM du 15.09.1895)

La principale préoccupation du nouveau maire est d'assainir les finances de la ville. Dans la séance du conseil municipal du 5 octobre, il "propose de nommer une commission spéciale chargée de rédiger un manifeste exposant la situation financière vraie, lequel sera adressé à la population, afin qu'on ne fasse pas retomber sur l'administration actuelle le gâchis laissé par ses prédécesseurs." (EC du 07.10.1895). Un peu plus tard, avec ses deux adjoints, il rend visite au préfet pour lui exposer la situation financière de la ville. "M. le préfet, après l'exposé de M. le maire, a promis son concours pour le projet d'emprunt dont il a reconnu l'urgence." (EC du 15.10.1895)

Le PM du 23.12.1895, dans un article intitulé Emprunt et imposition extraordinaire, reprend l'exposé des motifs sur le projet financier de la municipalité : "La ville de Cette sollicite l'autorisation 1/ d'emprunter à un taux d'intét n'excédant pas 3,80 % une somme de 640.200 francs remboursable en 25 ans, et destinée, tant à combler le déficit budgétaire qu'à acquitter une subvention promise, en vue de l'établissement d'une station zoologique à Cette 2/ de s'imposer extraordinairement la même période de temps, 7 centimes 97/100 additionnels pour rembourser l'emprunt. Le déficit auquel il s'agit de pourvoir s'élève à 575.176 francs. Le budget primitif de l'exercice courant a été réglé en équilibre, mais par suite de la crise commerciale que traverse la ville, diverses recettes, notamment le produit de l'octroi et de l'entrepôt des douanes, donneront une moins-value que l'on peut, dès maintenant, fixer à 106.640 francs, en tenant compte des crédits à annuler faute d'emploi, et de plus-values sur quelques autres recettes. Les opérations du budget primitif, présenteront en réalité un déficit de 72.925 francs qui vient s'ajouter à celui de 502.261 francs accusé par le budget supplémentaire. Ce dernier déficit provient surtout des dépenses ordinaires, qui devraient en principe, être acquittées au moyen de ressources normales de la caisse municipale, mais à raison de son chiffre élevé, on ne saurait demander en une seule année, aux contribuables, la somme nécessaire pour y faire face. Il est d'ailleurs formé par des déficits accumulés depuis 1890. Dans ces conditions, il est urgent d'assurer le paiement des dettes arriérées et le recours à l'emprunt paraît nécessaire. La ville s'est engagée en 1893 à fournir une subvention de 75.000 francs, en vue de la création à Cette, d'une station zoologique, il importe de mettre la municipalité en mesure de faire face à cette dépense (...)"

1896

Le début de l'année est marqué par des discussions sur la construction d'une cale de radoub. Le 16 janvier, une délégation syndicale est reçue à la chambre de commerce. Celle-ci ayant voulu mettre de côté cette question, une réunion des chambres syndicales ouvrières avait eu lieu le 23.12.1895, dans la grande salle de la mairie pour parvenir à une résolution en faveur de la construction d'une cale de radoub. C'est ce qui est repris et expliqué en janvier. Le président de la chambre de commerce, ESTEVE, en donne acte et assure les délégués de tout le dévouement de la chambre et il ajoute que cette question va, à nouveau, être mise à l'étude (EC du 19.01.1896).

Le conseil municipal, dans sa séance du 31.03.1896, vote un projet d'emprunt de 75.000 francs destiné à l'érection d'un nouveau bâtiment pour la station zoologique de Sète. La préfecture donne son accord, alors qu'elle l'avait refusé quand le conseil municipal l'avait voté une première fois dans la séance du 07.03.1893, sous l'administration du docteur SCHEYDT. (p. 17 du livre de Louis CALVET sur La station zoologique de Cette, paru en 1905) C'est, certainement, grâce à sa connaissance des procédures administratives et des gens en place qu'EUZET a pu faire accepter cet emprunt par l'autorité de tutelle. C'est tout un réseau d'influences que le professeur SABATIER (correspondant de l'Institut, Doyen de la Faculté des Sciences de Montpellier, Directeur-Fondateur de la Station zoologique de Sète) a rappelé dans son discours, lors du 25ème anniversaire de la création de la Station, le 23.05.1904 : "MM. LISBONNE et LAISSAC, comme présidents ; MM. SCHEYDT, EUZET, comme membres du Conseil général ; M. ROUVIER, comme membre de ce Conseil et rapporteur du budget, ont été de précieux amis de la Station." (p. 89 du livre de Louis CALVET sur La station zoologique de Cette)


La Station zoologique de Sète

"Nous apprenons que sur les instances de l'administration municipale, M. le préfet a revêtu de son approbation la délibération en vertu de laquelle 1000 francs, convertis en bons de pain, de viande et des fourneaux économiques, seront distribués par les soins des conseillers municipaux aux pauvres de la ville à l'occasion du premier mai" (PM du 01.05.1896).

Paris, le 3 mai : dans toutes les communes de France, il y a des élections pour le renouvellement intégral des conseils municipaux (les fois précédentes, c'était : le 04.05.1884, le 06.05.1888 et le 08.05.1892 (chronique électorale du PM, le 04.05.1896)

Juste avant les élections municipales L'Eclair se moque des socialistes : "Ne nous plaignons pas, car si nous avons des élections exclusivement socialistes, nous avons aussi des élections joviales. D'abord, on nous présente une liste composée d'un candidat unique qui nous est recommandé par le comité d'érection du kiosque de l'avenue de la gare ; puis une liste complète d'opposition comprenant comme chefs de file MM. le docteur PEYRUSSAN et RENAUD, ancien chef de gare. Avec eux, au moins, le corps électoral est sûr d'être à l'abri des dévoiements et des déraillements ! Les socialistes composant cette liste sont les adversaires de l'administration municipale actuelle et ne le cachent pas dans leur manifeste où ils appellent M. EUZET, maire : un homme néfaste qui rappelle (sic) les plus mauvais jours de l'Empire ! Enfin, il y a la liste officielle de la mairie, qui comprend avec M. EUZET et les adjoints tous les conseillers municipaux sortants. C'est pour cette liste que devront voter les douaniers, les employés d'octroi et toute l'armée, si nombreuse aujourd'hui, des employés communaux. Dans la coulisse, les radicaux, les opportunistes, les ralliés et ceux qui ne le sont pas, assisteront à cette lutte épique à laquelle vont participer 2000 à 2500 électeurs sur les 9000 inscrits à l'Hôtel-de-Ville !" (EC du 03.05.1896)

A Sète, "la liste EUZET, maire, et les conseillers sortants est élue par 3000 voix" (PM du 04.05.1896). Le jour suivant, des précisions sont données : la liste du Comité central socialiste, dite liste EUZET, est élue par 3600 voix. Honoré EUZET, maire sortant a 3727 voix, Onésime BRUNIQUEL, adjoint sortant, a 3720 voix, Gustave JEANNOT, adjoint sortant, a 3624 voix, cependant que Louis AUDOYE a 3676 voix et Pierre VALLAT 3655 voix ; la tête de liste de l'autre liste dite d'Union du parti ouvrier socialiste cettois, le docteur PEYRUSSAN, a 840 voix (PM du 05.05.1896)

Au conseil municipal suivant, EUZET est élu avec 26 voix, BRUNIQUEL (premier adjoint) avec 24 voix) et CAYROL (2ème adjoint) avec 24 voix. Le maire développe son programme politique puis remercie la foule sur le balcon de la mairie ; la façade est illuminée, les trois sociétés musicales exécutent des morceaux, le public applaudit (PM du 16.05.1896).

Le PM reprend la discours-programme d'Honoré EUZET : "Nous vous promettons de rester tels que nous nous sommes montrés durant les huit mois de notre première gestion : des socialistes, ardents et énergiques, des administrateurs laborieux et honnêtes (...) Un nouvel abattoir et un marché à bestiaux nous paraissent indispensables. Nous pensons aussi que la ville de Cette doit être dotée d'un théâtre digne d'elle. Des plans et devis ont déjà été dressés ; ils nous paraissent acceptables ; nous les étudierons et nous serons en mesure de les soumettre d'ici à trois mois à votre approbation, ainsi que les moyens d'exécution. Nous joindrons à ces deux importants projets celui qui a trait à l'appropriation de nos rues. Un projet de création de Bourse du travail vous sera soumis aussi ; 13.000 francs affectés à cette création sont déjà disponibles. Nous ferons de l'ancien abattoir, l'entrepôt réel des douanes, afin d'économiser 12.000 francs de loyer et 4000 francs de surveillance douanière. Enfin, nous vous réclamerons le vote d'une somme que nous ne pouvons déterminer encore, afin de subvenir aux frais d'étude du projet d'adduction des eaux de l'Hérault (...) Nous ne pouvons vous cacher que nous prévoyons de très nombreuses difficultés à surmonter (...) Nous souhaitons que vous soyez bien pénétrés de cette idée qu'il serait imprudent de lier ce projet à ceux purement locaux qui ne doivent point provoquer l'intervention de nos voisins et dont l'exécution est relativement facile. Si dans votre ardeur, vous vouliez tout entreprendre, vous vous condamneriez à l'impuissance (...) Il faut dire, au contraire, avec le personnage de Beaumarchais, que la difficulté de réussir ne fait qu'ajouter à la nécessité d'entreprendre (...) Dans le domaine politique (...) nous défendrons, en toute circonstance, les principes socialistes avec toute notre énergie. Mais nous refuserons de servir les rancunes, les haines et les appétits (...). Enfin, s'il est vrai, messieurs, qu'un conseil municipal doit surtout traiter les affaires locales et être apte à les résoudre, il faut aussi qu'il soit, en restant dans les limites de la loi, une assemblée politique. C'est aux conseils municipaux qu'il appartient de montrer, par une application forcément restreinte, mais utile, le sens pratique des idées socialistes ; nous avons le droit, en effet, d'introduire, dans nos traités avec les entrepreneurs de la commune, toutes les clauses qui proscrivent l'exploitation humaine, qui sauvegardent les droits des travailleurs et diminuent, limitent les heures de labeur. Nous avons le droit de favoriser le développement des syndicats. En un mot, nous ne faillirons à aucun de nos devoirs et de "Cettois" et de "Socialistes" (...)" Suit un discours sur le balcon de la mairie : " (...) Notre ambition est que vous puissiez dire de nous, quand nous quitterons la mairie, ils furent désinteressés et honnêtes. (...)" (PM du 17.05.1896)

"Mardi soir a eu lieu au Café de la Nouvelle France le punch offert par le groupe collectiviste (Parti Ouvrier Français), aux nouveaux conseillers élus (...) Le citoyen VALLAT a souhaité la bienvenue aux conseil socialiste et l'a félicité de son succès (...) M. EUZETa remercié le groupe de son aimable invitation (...) et a montré quelle était la tâche du nouveau conseil (...) Les citoyens ROUSTAN et AUDOYE ont aussi pris la parole (...) Des toasts ont été portés au rétablissement de la santé de Jules GUESDE." (PM du 21.05.1896)

Les tramways électriques : "La commission spéciale nommée par le conseil municipal dans sa dernière séance pour examiner cette question a nommé dans sa première réunion son bureau." MOURAILLE en est le vice président (le maire étant président de toutes les commissions), PELLETIER en est le secrétaire (PM du 29.05.1896). Puis, en octobre, le choix de la commission s'arrête sur trois compagnies dont les propositions sont basées sur le fil aérien (PM du 13.10.1896). Puis, en novembre, le conseil municipal est convoqué, en séance officieuse pour entendre le rapport de la commission, les trois concurrents et les ingénieurs qui sont allés prendre des renseignements à Montpellier (PM du 11.12.1896).

Le 08.06.1896, L'Eclair reprend le texte d'une lettre du maire, Honoré EUZET, à la compagnie du Midi. En fait, il avait déjà écrit le 26 mai et une réponse de la compagnie lui avait été faite. C'est la réponse à celle-ci qui est reprise dans le journal : "M. le directeur de la Compagnie des chemins de fer du MIdi, Paris. Par votre lettre du 3 juin, laquelle répond à celle que j'avais eu l'honneur de vous adresser le 26 mai, à propos de la non inscription de la ville de Cette au nombre des stations balnéaires pour lesquelles il est délivré des billets d'aller et retour (individuels et de famille), vous voulez bien me donner des raisons qui, selon votre administration, justifient cette sorte d'interdit dont notre ville est injustement frappée. Vous alléguez, en effet, que l'examen de la question vous a amenés à reconnaître que des billets d'aller et retour de 25 ou 33 jours, délivrés pour la destination de Cette, seraient utilisés couramment au lieu et place des billets ordinaires, par des voyageurs se rendant pour leurs affaires ou leurs plaisirs dans la région sud du réseau de la compagnie de Lyon. Vous ajoutez que la perte qui résulterait de votre Compagnie, du fait de ces agissements, a été évaluée à 200.000 francs par an. (...) J'ai le regret de vous dire que les raisons invoquées par vous ne me paraissent point justifier la mesure de rigueur prise contre Cette. J'ajoute, et je vous demande la permission d'affirmer, que les précautions prises par votre Société contre la ville de Cette resteront illusoires tant que les stations de Balaruc-les-Bains et Agde seront inscrites au nombre des stations balnéaires jouissant du tarif réduit que nous réclamons." (...) En effet, "votre Compagnie n'a pas moins à redouter les conséquences des mêmes actes commis par des voyageurs passant par Agde ou Balaruc. Vous admettrez sans doute, Monsieur le directeur, qu'un voyageur partant d'un point quelconque du réseau du Midi peut utiliser un billet de station balnéaire jusqu'à Agde ou Balaruc-les-Bains, faire timbrer là son billet à prix réduit, prendre ensuite, moyennant 0,30 s'il se trouve à Balaruc ou 1,20 francs s'il se trouve à Agde, un billet pour Cette, pour se diriger de là sur un point quelconque du P.L.M., à moins qu'il ne préfère se diriger de Balaruc sur Montpellier, sans toucher à Cette. Dans ces conditions, les précautions prises par votre Société ne me paraissent point de nature à sauvegarder ses intérêts, tandis qu'elles portent un préjudice ènorme à la ville de Cette (...) Une ville qui, comme la notre contribue pour une grosse part à la prospérité de votre Société puisque le rapport du Conseil d'administration accuse pour 1895 un trafic de 1.431.885 tonnes de marchandises et le passage de 712.419 voyageurs." En conséquence, il demande à que ses "justes revendications" soient examinées avec impartialité.

Dans une séance officieuse, le conseil municipal vote la somme de 400 francs pour terminer la construction du chemin de fer de Sète à Balaruc (PM du 22.06.1896).

Une protestation est affichée sur les murs de la ville par la Lyre Sainte-Cécile, relative à l'exclusion de cette société des fêtes locales : "Au nom de ses membres actifs, fondateurs et honoraires et de ses nombreux amis, la Lyre Sainte-Cécile proteste énergiquement contre la mesure prise par la municipalité l'excluant de la fête patronale. La Lyre Sainte-Cécile composée d'enfants de Cette, a toujours prêté son concours à toutes les fêtes organisées par les diverses municipalités sans exception. Elle ne croit pas avoir démérité de ses concitoyens. C'est donc à regret qu'elle se voit mise à l'index à la suite du concert franco-espagnol, dont elle avait pris seule l'initiative quinze jours à l'avance sans qu'elle eût pu prévoir que des jaloux intéressés réussiraient, par une contre manifestation organisée à la dernière heure, à détourner le courant sympathique de la population cettoise à son égard. - La Lyre Sainte-Cécile." (EC du 24.08.1896). La réponse ne se fait pas attendre, même si elle est simplement signée "d'un contribuable" : "Le manifeste de la Lyre Sainte-Cécile ayant paru sans signatures, M. H. EUZET, maire, n'a pas cru devoir y répondre. mais comme il convenait toutefois, pour que l'opinion publique fut éclairée de relater les faits qui s'étaient produits, je me suis rendu chez M. H. EUZET et d'après son entretien je me permets de livrer à la publicité les lignes suivantes : - Jeudi dernier, M. SASSY, président du conseil d'administration de la Lyre Sainte-Cécile se présentait accompagné d'une délégation devant le maire de Cette et lui exprimait son etonnement de l'exclusion dont était l'objet cette société musicale. M. le maire répondit que pour des motifs qu'il n'avait pas à apprécier la population cettoise avait témoigné de son hostilité contre la Sainte-Cécile, dans une circonstance récente, que des désordres graves s'étaient produits, que les rapports qui lui parvenaient signalaient encore une certaine surexcitation des esprits, que par suite il ne saurait consentir lui magistrat responsable de l'ordre, à réclamer pour la fête, le concours de la Sainte-Cécile, qu'il ne serait pas pardonnable si par suite de la sortie de cette Société les désordres qu'il pressent se produiraient, qu'il serait humiliant pour notre ville que les étrangers qui y viendront en foule durant nos fêtes assistassent à des scènes qui, seraient-elles seulement bruyantes ne laisseraient pas de produire une très mauvaise impression au dehors. Bref, tout en exprimant de vifs regrets le maire maintint sa décision, en promettant toutefois de réfléchir à cette facheuse situation et de faire appeler M. le président de la Lyre s'il trouvait le moyen de la dénouer à la satisfaction de tous. Les délégués parurent se retirer enchantés puisqu'ils remercièrent le maire à plusieurs reprises de son excellent accueil, ce qui amena celui-ci à leur répondre que tous ceux qui se présentaient à la mairie poliment étaient reçus avec la même courtoisie et que MM. les délégués ne lui devaient pas de remerciements. Le lendemain matin, vendredi, M. le maire fit appeler M. le président de la Lyre et lui tint à peu près ce langage : Je suis d'autant plus ennuyé de cet incident qu'en raison des opinions politiques connues de votre Société on peut m'accuser d'injustice, de partialité ; aussi je vous propose de donner un concert à la Plage, dimanche soir. cette sorte d'expérience que je consens à tenter pour vous être agréable, me permettra de juger de l'état d'esprit de la population et s'il vous était favorable, comme je le souhaite, vous pourrez participer à la fête de la Saint-Louis. Nous avons modifié le programme pour l'Orphéon L'Espoir, nous le modifierons pour vous. Je vous avoue que nous avons besoin d'une musique pour les courses vélocipédiques, l'Harmonie ne pouvant y assister, mais il n'entre point dans ma pensée de vous offrir seulement ce rôle effacé ; je vous ferai participer encore aux autres concerts. Il est bien entendu que je demanderai pour vous une subvention à la commission des fêtes et moi-même je contribuerai à augmenter cette subvention. Sur la réponse de M. le président que c'était trop tard pour organiser un concert le dimanche suivant, M. le maire offrit de mettre le personnel de la mairie à la disposition de la Lyre Sainte-Cécile, pour faire le service des convocations. Enfin, pour calmer les hésitations de M. SASSY, M. le maire lui dit à peu près textuellement ceci : J'agirai avec vous comme avec l'Harmonie et L'Espoir, si vous me déclarez que vous consentez à donner le concert que je vous demande, je vous inviterai ; de cette façon votre amour-propre sera sauvegardé et l'invitation de la municipalité pourra constituer pour votre Société une sorte de protection. Veuillez réfléchir et assurer à vos amis du conseil d'administration de la Lyre Sainte-Cécile mes meilleurs sentiments. M. SASSY remercia, et promit de donner une réponse dans la soirée. On sait le reste. Maintenant la population cettoise appréciera, en cette circonstance, la conduite de M. le maire qui a tout fait pour tout concilier, et arriver à une entente, laquelle n'a pu aboutir, les administrateurs de la Lyre Sainte-Cécile ayant été de l'aveu même de leurs propres amis, on ne peut plus mal inspirés dans leur décision." (PM du 27.08.1896). A la suite des incidents qui se produisirent lors du passage des orphéonistes espagnols à Sète et des positions respectives de la mairie et de la Lyre, le président de celle-ci démissionne : "Une partie de la population attribua à M. SASSY, président de la Lyre Sainte-Cécile, la responsabilité de ces incidents et témoigna d'une certaine hostilité contre lui. M. SASSY, craignant que cette hostilité ne rejaillisse sur la Société qu'il présidait, a jugé à propos, dans l'intérêt de cette Société, de donner sa démission (...)" Le conseil d'administration de la Lyre accepte cette démission et nomme président par interim, Louis CAFFAREL. (PM et EC du 12.09.1896)

Cet épisode est survenu alors que le contexte est fortement défavorable aux conservateurs, comme on le voit avec la décision du conseil municipal de supprimer la subvention aux écoles congréganistes maternelles, plus précisément celles des rues de la Darse, Franklin et du quartier haut : "par conséquent, ces écoles seront supprimées et on mettra à leur place des écoles laïques. Enfin, il sera créé une nouvelle école laïque au quartier haut." (EC du 12.09.1896)

Dans le même numéro de ce journal (et aussi dans le PM du 11.09.1896), on voit que le conseil municipal adopte (en séance officieuse) le projet de construction d'un théâtre sur le terre plein de l'avenue Victor Hugo, "dont le coût sera de 600.000 francs". C'est le docteur SCHEYDT (conseiller général) qui est nommé "commissaire enquêteur" pour les grands travaux, en particulier la construction du théâtre (PM du 16.10.1896).

Un réseau téléphonique doit relier les divers bureaux de l'octroi, les services municipaux et le domicile du maire, "afin d'éviter les lenteurs et de simplifier le service" (PM du 11.09.1896)

Le Cm du 29.11.1896 ratifie la nomination des délégués sénatoriaux : Honoré EUZET, BRUNIQUEL (le premier adjoint) et plusieurs conseillers municipaux (EC du 30.11.1896)

Le bureau de bienfaisance crée un service d'accouchements gratuits pour les indigents, à partir du 1er décembre (PM du 02.12.1896).

1897

"La cour d'assises de l'Hérault a condamné, hier, par défaut, à cent francs d'amende et un franc de dommages-intérêts, Le Télégramme et son correspondant à Cette, M. ROCHE, pour diffamation à l'encontre de M. EUZET, maire de cette ville. Cet arrêt nous a causé quelque surprise et a besoin d'être expliqué : si notre gérant et M. ROCHE ne se sont pas représentés devant le jury, c'est qu'aux termes de l'assignation à eux notifiée, ils étaient cités pour le 19 et non pour le 13 février. Rien ne pouvait donc leur indiquer qu'ils dussent se trouver hier, à Montpellier." Ils font donc les plus expresses réserves (EM du 15.02.1897)

Les 05 et 06.04.1897 tous les membres du conseil municipal, y compris le maire et les adjoints, font publier une longue communication pour défendre et expliquer leur politique financière : "En rentrant à la mairie, nous trouvâmes un déficit de 650.000 francs. Nos concitoyens n'ont jamais eu la naïveté de croire que nous allions le combler sans créer de nouveaux impôts. Est-il juste de nous reprocher aujourd'hui d'avoir demandé ces impôts absolument indispensables ? (...) Voici ce que le préfet de l'Hérault, VINCENT, écrivait à M. le maire de Cette, à la date du 03.02.1896 : (...) Vous savez, monsieur le Maire, que le déficit du budget de Cette provient en grande partie de ce fait : que la valeur du centime communal a diminué. Le produit des centimes affectés au service des anciens emprunts ne suffit plus à payer les annuités prévues dans les contrats d'emprunts. Il en résulte une différence qui retombe à la charge du budget ordinaire. C'est ainsi que le déficit devient permanent. Donc, citoyens, les augmentations réclamées soit aux contributions directes, soit à l'octroi étaient absolument indispensables et pour combler le déficit ancien et pour équilibrer les budgets futurs. Nous affirmons sur notre honneur, qu'à cette heure, à part 6000 francs réclamés à l'octroi et qui restent en réserve pour la construction du théâtre, il n'a pas été créé un centime d'impôt de plus qu'il n'était nécessaire (...) Lettre du préfet VINCENT du 09.12.1896 (ayant pour objet de signaler le danger des crédits supplémentaires) : je suis heureux de reconnaître que vous avez puissamment contribué à les surmonter, qu'elles ont été les difficultés rencontrées pour mettre de l'ordre et apporter quelque sécurité dans la marche des services financiers de la ville (...) (...) Il est vrai, citoyens, qu'en notre qualité de Cettois, nous souhaitons pour notre ville, un théâtre digne d'elle ; nous ne voulons plus rester tributaires de nos voisins (...) La construction du théâtre aura pour conséquence une augmentation d'impôts de un franc par habitant (...) Le conseil municipal n'a jamais eu à intervenir dans la fixation du contingent dû par la ville de Cette (pour le cote mobilière) Quant à la répartition nouvelle individuelle qui a été faite cette année, ce n'était peut-être pas de bonne politique de la tenter ; mais c'était un acte juste et honnête (...) En ce qui concerne le reproche de n'avoir pas supprimé les droits d'octroi,, cette suppression constituerait une folie (...) Les communes ne peuvent remplacer les droits d'octroi que par des centimes additionnels (...) Or, le produit net de l'octroi est, suivant la moyenne des dernières années de 560.000 francs et la valeur du centime à Cette étant de 5200 francs, il faudrait donc créer 107 nouveaux centimes additionnels ; ce qui revient à dire que celui qui paie 50 francs paierait 117,50 francs, celui qui paie 100 francs paierait 235 francs (...)"

Le 10.04.1897, les socialistes défendent la politique du maire, pour le théâtre, l'emprunt et l'octroi : "Oui, M. EUZET, le maire actuel, s'opposa en 1888, à la construction du théâtre et cette opposition est tout à son honneur. Alors qu'on prétendait prélever les 400.000 francs nécessaires à cette construction (sur le boni des entreprises de l'adduction d'eau et de la halle), M. EUZET s'écriait : Si vous êtes sincères, vous êtes des imprudents ; si non, vous êtes des canailles. Et il avait raison. Au lieu du boni que l'on faisait luire, l'entreprise de l'eau seule, se solda par un excédent de dépenses de près de 600.000 francs. Comme vous auriez ri, Messieurs les cléricaux, si grâce à l'opposition de M. EUZET, cette insigne folie n'eut pas été évitée." Ensuite sur l'emprunt : "Oui, M. EUZET, Maire de Cette, a combattu l'emprunt projeté par l'administration SCHEYDT ; mais il s'agissait, il ne faut pas l'oublier, non pas d'un modeste emprunt de 600.000 francs, mais de 2.800.000 francs et il faut que vous soyiez de mauvaise foi pour établir un parallèle entre ces deux projets d'emprunt." Et enfin sur le service de l'octroi : "Quant à la suppression de l'Octroi, l'administration actuelle est la seule depuis 1870, qui l'ait étudiée sérieusement et en ait exposé nettement les conséquences devant le corps électoral. L'administration municipale a dit à ses concitoyens : Nous vous avons indiqué les dangers de la suppression de l'octroi ; notre conscience se refuse à l'exécuter. Cependant, si vous le voulez, prononcez-vous nettement ; nous sommes prêts à nous incliner. N'est-ce pas clair ?" L'article est signé : Un groupe de Socialistes (LPSC, n° 12, 3ème année ; cependant, il est écrit au crayon, à côté de l'indication du numéro et de l'année de parution : Réapparition)

EUZET "informe ses administrés qu'un crédit de 6000 francs, pour l'ouverture des chantiers communaux, vient d'être autorisé. Il invite, en conséquence, les ouvriers sans travail, désireux d'être occupés, à se faire inscrire à la mairie." Une commission recevra les candidatures. (PM du 22.04.1897)

Le 26.04.1897, le PM rapporte qu'au conseil municipal du 22, EUZET donne lecture du projet de traité avec la compagnie d'électricité (pour les tramways électriques) ; dans la même séance, le conseil accorde 300 francs de subvention à chacune des sociétés musicales, L'Harmonie et La Lyre, et "accepte à l'unanimité la mesure de suppression d'eau et de gaz de certains établissements religieux prise par l'administration".

A Sète, l'avant-projet concernant les tramways électriques est entre les mains de l'ingénieur en chef des ponts et chaussées : "Espérons que tout ira bien et que dans quelques mois notre ville sera dotée de tramways grâce à l'activité de M. EUZET" (PM du 01.06.1897). A Montpellier, des retards dans la mise en exploitation des tramways électriques. La mise en état du réseau est commencée depuis quelques jours ; les tramways devraient pouvoir rouler en octobre ; 6 lignes sont prévues (LVMR du 18.07.1897).

"L'emprunt ayant été approuvé par les deux Chambres, nous croyons savoir que l'on s'occupera immédiatement de la construction du théâtre. On va procéder immédiatement à des sondages pour l'établissement des fondations de l'édifice." (PM du 22.07.1897) "Le Journal Officiel promulgue la loi adoptée par les deux Chambres autorisant la ville de Cette à emprunter à un taux d'intérêt n'excédant pas 3,80 % une somme de 735.000 francs, remboursable en 30 ans et destinée à pourvoir à diverses dépenses énumérées dans une délibération communale du 12.02.1897, notamment à la construction d'un théâtre et à la réfection du pavage des rues. La ville de Cette est également autorisée à s'imposer extraordinairement pendant 30 ans, à partir de 1898, 6 centimes 66 centièmes additionnels, au principal de ses quatre contributions directes." (PM du 08.08.1897)

Le 29.09.1897, le conseil municipal de Sète vote, à l'unanimité "l'envoi de M. EUZET à Paris, comme délégué au Congrés de protestation des communes de France contre la taxe sur les blés." Il lui vote une indemnité de 500 francs à cet effet. Le maire remercie le conseil de cette marque de confiance, "car il a trop conscience dit-il, du mal fait au pays par les nouveaux tarifs douaniers pour ne pas accepter avec empressement l'occasion de les défendre. D'autres pourront, dit-il, promettre de le faire avec plus d'éloquence, mais non avec plus de conscience et d'énergie." (PM du 01.10.1897)

1898
Il est élu conseiller général

C'est le 23.07.1898 que le Parti républicain et socialiste adopte la candidature d'Honoré EUZET pour le canton de Sète au Conseil général, à l'issue d'une réunion qui a lieu au Café de la Nouvelle France, dans la Grand'Rue. Un bref compte rendu de la séance est donné par le PM du 25.07.1898 par le secrétaire, MOLINIER. Le journal fait ensuite paraître la profession de foi du candidat : "Chers concitoyens, le 3 mai 1896, vous avez consenti par près de 4000 suffrages, à renouveler le mandat que vous m'aviez confié une fois et qui peut être résumé ainsi : Liquidation de l'ancienne dette ; Relèvement de nos finances ruinées ; Défense énergique des idées républicaines et des intérêts cettois. je crois pouvoir affirmer, sans presomption, que je n'ai point trompé votre attente. Puissamment soutenu, en effet, par mes amis de la municipalité, par les honorables membres du conseil municipal socialiste, j'ai appliqué dans la limite de mes attributions, sans défaillance, avec fermeté, le programme républicain socialiste, tout en me gardant des extravagances qui déconsidèrent les partis. Les discussions au sein du conseil municipal ont toujours été empreintes de courtoisie et de dignité, et c'est ainsi, j'ose le dire, que le parti socialiste cettois a gagné ici de nombreuses sympathies et acquis bon renom au dehors. L'ancienne dette a été liquidée, et l'état de nos finances est si bien amélioré, que nous pourrons bientôt réaliser de nouvelles et importantes améliorations, sans recourir à de nouveaux impôts. J'affirme que notre oeuvre, dans son ensemble, a été telle qu'on doit l'attendre d'excellents républicains et surtout de bons cettois qui n'ont pu encore se résigner à voir la ville de Cette déchoir au rang de village ; qui ont foi en son avenir et qui, dans cet esprit, ont cru devoir, malgré les difficultés de l'heure présente, entreprendre certains travaux réclamés depuis longtemps d'ailleurs et indispensables en ce qu'ils font, qu'ils complètent la grande Cité. mais une autre tâche incombe au conseil municipal actuel ; d'autres projets doivent être réalisés sans je me hate de le dire, que nous ayons à réclamer un centime d'impot et avec nos seules ressources ordinaires. Construction d'un abattoir ; Réfection des trottoirs de l'avenue Victor Hugo ; Edification d'une Bourse de Travail ; Remplacement des bouches d'égout des quais par des appareils inodores. Il faut enfin négocier avec la Compagnie du Creusot qui, j'en ai la certitude, viendra sous peu s'installer à Cette. Discuter les sacrifices que la Ville devra consentir à cette importante Compagnie ; il faudra obtenir certains avantages réclamés déjà par les communes voisines ; user de toute notre influence et de toute notre énergie pour l'emporter sur celles-ci. Il faudra notamment obtenir pour nos pauvres pêcheurs les compensations qui leur sont dûes en raison du préjudice considérable qui leur est causé. Chers concitoyens, cette tâche, je suis prêt à l'entreprendre, mais je veux savoir si j'ai toujours votre confiance ; si vous approuvez les actes de mon administration et s'il vous convient de me confier encore la défense de vos intérêts. Vous trouverez juste et légitime que je pose nettement la question ; il faut, en effet, que j'aie la certitude que je n'ai pas démérité à vos yeux, que je suis soutenu par l'opinion publique, afin de puiser dans cette nouvelle investiture les forces et surtout l'autorité qui me sont indispensables pour l'accomplissement de la tâche fort honorable mais fort difficile à laquelle je suis prêt à me consacrer, si je me sens soutenu par vous. C'est pourquoi, citoyens, je sollicite aujourd'hui vos suffrages. Si vous voulez bien me les accorder, soyez assurés que je serai au Conseil général, comme je le fus à la mairie, le défenseur ardent des intérêts cettois, que je défendrai, soutiendrai au sein de l'assemblée départementale les principes républicains socialistes qui ont été ceux de toute ma vie. Si au contraire, citoyens, vous pensez que tout autre puisse être plus utile, je suis prêt à me retirer sans qu'il reste dans mon coeur, je vous en donne l'assurance, la moindre trace d'amertume. - Vive Cette ! Vive la République démocratique et sociale ! (l'affiche correspondante - de couleur rouge - se trouve dans le dossier 4 M 1108, aux AD 34). Comme on le voit, c'est tout autant une profession de foi pour la mairie que pour l'assemblée départementale, ce qui s'explique en partie parce que le canton de Sète ne comporte que la commune de Sète. Mais, c'est aussi pourquoi ses deux adversaires pour cette élection vont axer leurs critiques, non seulemnt sur la personnalité d'Honoré EUZET, mais aussi sur sa gestion municipale.

Les critiques de ses deux adversaires : Pierre PAUL, de la même mouvance politique, et E. AULOY. Pour le second, la profession de foi d'Honoré EUZET est plutôt celle d'un maire que celle d'un conseiller général. Il critique la gestion budgétaire du maire car, entre 1896 et 1898, il note une augmentation de 62.264,41 francs dans les dépenses extraordinaires, d'où sa remarque : "Connaissant les grandes qualités administratives de notre maire, nous avons lieu d'être surpris de cette énorme augmentation. Il est vrai que figure dans cette somme environ 20.000 francs pour augmentation d'appointements d'employés et cela, bien entendu, dans le but d'en faire des électeurs complaisants en prévision des mandats qu'il est susceptible de solliciter. Nous nous étonnons d'autant plus de cette augmentation que, d'après le maire lui-même, le nombre d'habitants de notre ville a diminué de 8.000. Tous les gens qui raisonnent doivent, comme moi, trouver que les frais d'administration auraient dû diminuer dans les mêmes proportions. En un mot, que le maire aurait dû, pour défendre les intérêts de la ville, savoir faire des économies." (PM du 29.07.1898). Pour le premier, Pierre PAUL, il écrit le 27.07.1898 dans le PM : "On n'incrimine pas un homme qui fut porte-drapeau d'un parti, d'une ville. On le remplace. Nous nous honorons du bien qu'il a pu faire et nous lui reprocherons seulement celui que son autoritarisme lui a empêché de faire" Et encore : "Si vos concitoyens se détournent de vous, citoyen EUZET, c'est que mettant en balance les qualités que vous avez et celles qui vous manquent ils ont trouvé que ces dernières l'emportaient (...) Votre nom n'étant pas sorti lors de la réunion des délégués du peuple vous vous insurgez contre la décision prise. Vous vous dites socialiste et vos actes démentent vos paroles. Le vrai socialisme ne veut pas de cumul (...) Admettre le cumul (...) c'est admettre l'homme fatal, indispensable. C'est revenir aux petits tyrans locaux, après avoir lutté pour l'anéantissement des gros (...)". La tonalité de la critique est claire, c'est l'idée de se débarrasser des " "politiciens purs" au profit des "véritables travailleurs".

Résultats des élections au Conseil général pour le canton de Sète : inscrits 8013 ; votants 3757 ; élu : EUZET avec 2771 voix, contre Pierre PAUL (739 voix) et AULOY (710 voix), selon le PM du 01.08.1898.

Le 02.09.1898, EC indique quels sont les voeux adoptés par le Conseil général, émis par Honoré EUZET (cette communication vise, peut-être, à répondre aux critiques de ceux qui voyaient dans son programme plus celui d'un maire que d'un conseiller général). Le premier voeu concerne la protection du travail : "qu'une législation réellement protectrice du travail intervienne au plus tôt sur les bases de la journée de huit heures, de l'interdiction du travail de nuit, du repos obligatoire d'un jour par semaine et de l'élection par les ouvriers et ouvrières, constitués en collège corporatif, des inspecteurs et inspectrices du travail et du conseil supérieur du travail" ; le deuxième voeu concerne le service militaire de deux ans. Après avoir constaté que, dans les faits (du service de trois ans), il y a trop de dispenses, de renvois anticipés ou d'affectations dans des fonctions non militaires, il propose : "que le temps du service dans l'armée active soit réduit à deux ans et qu'il soit égal pour tous, les soutiens de famille étant seuls exceptés" En cas de refus par les Chambres, il faudrait au moins que les seules dispenses ne concernent que les soutiens de famille ; le troisième voeu vise à la suppression des quatre contributions directes (l'impôt personnel et mobilier, l'impôt sur les portes et les fenêtres, l'impôt sur la propriété bâtie et l'impôt des patentes, ces quatre impôts pesant beaucoup plus sur les pauvres que sur les riches, et il ajoute : "que le demi-milliard de ressourses ainsi disparues soit demandé à un impôt personnel général et progressif sur les revenus supérieurs à 3000 francs et à une accroissement également progressif des droits de succession et de mutation par décès sur les héritages supérieurs à 20.000 francs."

Une communication d'un lecteur de EC paraît dans ce journal (à la rubrique de Mèze) : "Je lis dans L'Eclair du 30 courant à la chronique de Cette, le compte rendu des joutes régionales dont la finale dit ceci : "Les jouteurs des environs, inscrits en petit nombre ..." Je ne puis laisser passer cette phrase sous silence ; il convient de faire connaître au public que le maire de Cette a envoyé une lettre au maire de Mèze, dans laquelle il le prie, vu le grand nombre d'inscrits, de ne lui donner le nom que de deux jouteurs mézois. Quand on fait un concours régional, on fixe une date pour l'ouverture et la fermeture des inscriptions et on applique ensuite à chaque localité le nombre de jouteurs au prorata de leur population. Or, lisez la liste des jouteurs et vous verrez que sur 50, il y a 42 cettois, 2 de Balaruc, 4 de Frontignan et 2 de Mèze. Dans cette circonstance, le maire de Cette a mis en vigueur la méthode bismarckienne : "Nous vous écrasons par le nombre". Veuillez ..." (EC du 02.09.1898)

Le 30.09.1898, le journal L'Aurore cherche à connaître l'opinion des Français de province sur l'affaire DREYFUS. Le journaliste arrive ainsi à Sète et le journaliste estime que pour être renseigné sur l'état de l'opinion, le mieux est encore d'interroger celui qui la représente, le maire de Sète, Honoré EUZET. A une première question sur le sentiment de ses concitoyens, celui-ci répond : "Ah ! Je ne pourrais pas vous dire que l'on a été, de tout temps, dreyfusiste ici. Ceux-ci étaient même très rares au début ; la population de Cette, laborieuse et honnête, a longtemps refusé de croire qu'un officier condamné pût être innocent et qu'il ait pu y avoir à l'Etat-Major des officiers indignes. L'affaire HENRY a été une révélation douloureuse pour la masse et on est aujourd'hui partisan de la révision - une révision au grand jour. Voilà ce que je crois, en toute conscience, être l'opinion de l'immense majorité de mes concitoyens." Au journaliste, il déclare encore toute sa déception pour ROCHEFORT qu'il trouvait "des plus sympathiques" et qu'il avait vu la dernière fois au banquet d'inauguration de la Verrerie ouvrière. "Jamais je n'aurais pensé à ce moment que cet homme marcherait un jour avec les faux patriotes, avec la Libre Parole et toutes les Croix. Il a perdu ici toute sa popularité. Dernièrement, les membres du conseil municipal, tous républicains ardents, votèrent des flétrissures à ce renégat ; je crus devoir refuser de signer moi-même, par respect pour sa vieillesse simplement". Inversement, il fait l'éloge de JAURÈS ("ici, on le trouve simplement admirable et il y a des ouvriers qui se feraient hacher pour lui") et aussi de CLÉMENCEAU, à côté duquel il dit avoir combattu en des époques difficiles et qui a fait son admiration au cours de cette campagne.

Le 04.12.1898, LVMR annonce que, le lendemain, dimanche, à l'Hôtel-de-Ville, aura lieu, "sous la présidence d'honneur de M. Honoré EUZET, maire et conseiller général", la remise solennelle du drapeau aux membres de la section de Sète des Vétérans des armées de terre et de mer. Le journal ajoute que "les sociétés musicales et de gymnastique prêteront leur concours à cette solennité". Un article du journal Le Vétéran décrit cet évènement dans son numéro n° 1 de janvier 1899 : "La manifestation de la remise du drapeau à notre Section de Cette, qui a eu lieu le dimanche 4 décembre, a pris le caractère d'une véritable solennité patriotique. Au cortège avaient pris part l'Harmonie de Cette, la Lyre Sainte-Cécile, la Fanfare scolaire et la Cettoise, cette dernière sortant pour la première fois le drapeau de la Fédération des sociétés de gymnastique du Rhône et du Sud-Est, drapeau dont elle a la garde, comme on sait, depuis la fête de gymnastique du mois d'août dernier. (...) L'allocution des plus heureuses prononcée par M. Honoré EUZET, maire, en remettant le drapeau à M. le commandant BUFFEL, président de la Section, a été couvert d'applaudissements. Le commandant BUFFEL a répondu en ces termes : En recevant ce drapeau de vos mains, et au nom des vétérans de la 78ème section, dont vous êtes le premier membre inscrit, je vous remercie chaleureusement pour les belles paroles que vous venez de prononcer (...) Sous les balcons de la mairie, les musiques exécutent la Marseillaise et le Salut au drapeau devant une affluence énorme de personnes (...) Un banquet a eu lieu dans la grande salle du Grand Café (...)"

1899
Ses deux priorités : l'avancement des travaux de construction du théâtre et l'installation des tramways électriques


"On annonce que les pièces complémentaires du projet d'installation des tramways électriques sont toutes arrivées à la mairie et viennent d'être transmises à M. GUIBAL, ingénieur en chef des ponts et chaussées du département de l'Hérault" (JC du 28.01.1899)

Au conseil municipal du 3 février, le conseil municipal "décide de substituer à la pierre de Brouzet la pierre des Estaillades, qui lui est bien supérieure, pour construire la façade principale du théâtre et les façades latérales jusqu'aux escaliers d'honneur. Une commission de six membres se rendra à la carrière des Estaillades pour s'assurer si les livraisons sont faites assez promptement, afin de ne pas ralentir la marche des travaux. Un crédit de 12.000 francs prélevés sur les rabais consentis dans les diverses entreprises a été voté à cet effet." (JC du 07.02.1899)

Au conseil municipal du 21 avril, "un projet de décoration de la scène du nouveau théâtre, projet qui s'élève à 26.235 francs, est approuvé." (JC des 23-24.04.1899)

" On annonce que M. le directeur des tramways électriques s'entendra aujourd'hui avec M. le Maire afin de régler certains détails concernant les travaux d'installation des tramways électriques" (JC du 04.05.1899)

"Dans quelques jours, on va mettre la main aux travaux d'installation des tramways électriques. Une partie du matériel est arrivée à Cette" (JC du 16.05.1899).

Au conseil municipal du 22 septembre, Honoré EUZET propose de voter le renouvellement du bail du théâtre de la Grand'rue afin de permettre aux troupes de passage d'y donner des représentations "en attendant la construction du nouveau théâtre" ; malgré les critiques du conseiller COMBES, le renouvellement du bail est voté. (JC des 24-25.09.1899)

"Cette, le 4 octobre. A l'issue de la réunion publique qui a eu lieu le 22 septembre 1899, le conseil municipal s'est réuni hors session pour entendre la lecture du rapport de M. MALLAT, délégué du Conseil au congrès d'Epernay (...) M. EUZET déclare qu'il approuve toutes les résolutions prises au congrès d'Epernay. Il félicite les congressistes des sentiments humanitaires qui les ont guidés, mais il se sépare d'eux sur ce point particulier qu'il admet que le parti socialiste doit s'emparer du pouvoir politique en acceptant non seulement des fonctions électives, mais encore qu'un ou plusieurs de ses membres rentrent dans un ministère républicain. Il rappelle qu'un socialiste au ministère, s'il sait rester sur le terrain des revendications ouvrières, peut rendre de grands services ; il cite l'interprétation par MILLERAND de la loi sur les accidents, interprétation qui eût pu être moins favorable aux ouvriers si le titulaire du ministère du commerce n'eût pas été un socialiste. Il cite aussi le décret du 10 août 1899 sur la règlementation du travail qui assure en matière de travaux publics du département, à l'ouvrier un minimum de salaire, limite les heures de travail, etc. C'est là encore un bienfait. M. EUZET ajoute qu'il estime en outre que, se plaçant au point de vue politique, MILLERAND a bien agi en entrant dans les circonstances difficiles que nous traversons, dans un ministère républicain. En conséquence, il demande au conseil municipal, réuni hors session, d'approuver la conduite de MILLERAND et de lui renouveler l'assurance de son dévouement. Le Conseil qui a donné tout le temps des marques d'approbation, se rallie à cette proposition et décide que cette résolution sera communiquée à M. MILLERAND." (La Lanterne du 06.10.1899)

A l'occasion de la présentation du projet de budget 1900 de la ville, Honoré EUZET fait le point sur le nouveau théâtre en construction : "Il faut que nous réservions sur nos économies une somme de 69.000 francs qui est indispensable pour achever les travaux du théâtre (...) Nous dépenserons 850.000 francs environ, il est vrai, pour la construction d'un théâtre digne de notre ville, et sur cette somme, nous n'avons réclamé à l'emprunt que 600.000 francs. Nous avions donc raison de compter sur votre esprit d'économie, d'avoir eu confiance dans l'avenir, dans le relèvement de notre ville. Quoiqu'il en soit, il fallait que nous puissions faire taire la malveillance en présentant à la fin de notre mandat, un état détaillé des dépenses effectuées pour le théâtre, des dépenses à faire, des sommes disponibles et que nous puissions affirmer sur notre honneur, que ceux, quels qu'ils soient, qui auront la charge de terminer les travaux soient à l'abri de tout mécompte." (JC du 12.11.1899)

"M. le Maire demande au conseil d'approuver le contrat passé entre la ville et M. INJALBERT, sculpteur, pour la décoration du nouveau théâtre - Adopté." (JC du 14.11.1899)

"Depuis quelques jours et sur divers points de la Ville on a déjà donné les premiers coups de mains à l'installation de nos lignes de tramways. Sur le terre plein de l'avanue Victor Hugo on procède actuellement à des épreuves d'aiguillage et l'on continuera par le même travail rue des Pêcheurs. (...) Du côté du pont Sadi-Carnot on est en train de découper les traverses de bois qui doivent supporter les rails." (article intitulé : "Nos lignes de tramways" dans le JC du 22.11.1899)

"C'est à la suite d'une conférence tenue par MM. GUIBAL, ingénieur en chef, EUZET maire de Cette, HERMANN ingénieur ordinaire, PETIT, directeur de la compagnie des tramways de Cette et CAILIÈS, ingénieur en charge des travaux à Cette, que les dernières difficultés touchant les tramways de notre ville ont été aplanies. A la suite de cette conférence, M. le directeur des tramways de Cette a adressé à M. le maire de Cette la lettre ci-après :
Lyon, le 17 novembre. M. le maire de la ville de Cette, Nous avons l'honneur de vous informer que nous avons l'intention de commencer dès maintenant les travaux de pose de voie des tramways de Cette. Etant donné que le décret d'utilité publique n'est pas encore sorti, nous avons l'honneur de vous faire savoir que ces travaux seront engagés sous notre propre responsabilité et que nous déchargerons entièrement celle de la municipalité si ce décret ne devait pas sortir ; et dans ce cas, nous prenons en outre l'engagement de débarrasser nos voies et de remettre les chaussées en état. Dans ces conditions, nous pensons que rien ne s'oppose au commencement des travaux et vous prions, Monsieur le maire, de vouloir bien nous faire connaître vos observations s'il y avait lieu. Veuillez agréer etc. Le Directeur. PETIT.
Il est inutile d'ajouter que M. le maire a répondu favorablement à cette demande. C'est donc une affaire complètement réglée.
" (JC du 28.11.1899) On doit saluer ici le volontarisme et le savoir faire d'Honoré EUZET ; dans un pays de forte centralisation, il a su dépasser les difficultés administratives pour faire réussir un projet technique au service de sa cité.

"Nos quais et nos artères principales regorgent de fer et sont presque encombrés des matériaux nécessaires à l'installation de nos trams. C'est un remue-ménage partout, qui va s'accentuer sous peu. Nous avons l'air d'être à la veille d'une grande foire" (Petite chronique du samedi dans le JC des 10-11.12.1899)

"C'est aujourd'hui lundi qu'à commencé, à l'avenue de la gare, les travaux de pose des rails des tramways électriques. Ces travaux n'excèderont pas une durée de cinq mois." (JC du 12.12.1899)


le 20.08.1899, c'est l'ouverture de la session d'août du Conseil général ; LAISSAC est élu président ; les vice-présidents sont MONTAGNÉ et AUDIBERT ; les secrétaires, ABBES, EUZET et GAUZY ; il est aussi désigné comme faisant partie de la commission des finances et du budget (EC du 22.08.1899).

1900
Il est réélu maire, en mai

La période qui a précédé les élections municipales de Sète du 6 mai se caractérise par un nombre important de communications qui sont reprises dans le PM. D'un côté, on trouve le Comité de discipline républicaine et socialiste, soutenu par le PM et donc par les radicaux et la franc-maçonnerie et, d'un autre côté, le Comité central socialiste des groupes politiques et corporatifs, qui appuie le conseil municipal sortant et son maire, Honoré EUZET (probablement soutenu par le JC mais l'année 1900 de ce journal n'est pas en ligne). Ainsi, on peut apprécier la gestion de ce conseil municipal depuis sa prise de fonction, en prenant les sujets principaux qui font l'objet de critiques ou de bilan élogieux, selon l'un ou l'autre comité. Quant aux conservateurs, EC les tient au courant de ce qui se passe, tout en se moquant, comme dans ce numéro du 02.05.1900 : "A la veille des élections, nos sociétés ont tenu à donner un peu déclat à leur fête du 1er mai, dite du travail sans doute parce qu'on la célèbre en ne travaillant pas. Cependant que la fanfare scolaire donnait une sérénade, dans la matinée, sous les balcons de l'Hôtel-de-Ville, un petit scénario qui avait été arrangé pour les circonstances amenait à la mairie une soi-disant délégation de la classe ouvrière qui voulait apporter ses doléances à monsieur le maire ! Celui-ci les a reçus avec sa courtoisie habituelle que l'approche des élections a dû rendre sans doute plus aimable, et leur a débité un de ces petits boniments dont il a le secret et qui a dû les combler d'aise, si les bonnes paroles peuvent suffire pour satisfaire leurs revendications. Ensuite; monsieur le maire, ceint de son écharpe et suivi d'un groupe de travailleurs s'est rendu à la Bourse du Travail en construction dans la rue Jeu-de-Mail, où a eu lieu la pose de la première pierre ! M. le premier adjoint, qui présidait cette cérémonie (?) a prononcé un autre boniment que les journaux du parti ne manqueront sans doute pas de reproduire. Le soir, la façade de la mairie scintillait sous un ruissellement de lumières, d'éclatantes fanfares rettentissaient dans les airs et chacun se sentait heureux et fier d'être citoyen de cette citadelle avancée de la démocratie ! "

Avant les élections municipales, le Comité central socialiste des groupes politiques et corporatifs fait une communication parue dans le PM pour présenter le bilan du groupe socialiste du conseil municipal. "Entrés à l'assemblée communale alors qu'une situation financière très obérée semblait devoir nous paralyser, nnous avons pu, cependant, réaliser les travaux ci-après :" ; suivent, dans les détails la liste des travaux menés sur la voirie (éclairage, ponts, agrandissements, pavages, réfections ...) ; les points forts sont la construction d'un théâtre,, la construction des lignes de tramways électriques, la captation des sources d'Issanka ("ce travail a eu pour résultat d'éviter la nécessité de supprimer ou de mesurer l'eau à la population, mais bien au contraire de la lui fournir en abondance"), la contribution à l'achèvement de la Station zoologique, l'aménagement de l'Ecole du commerce et de l'industrie ("Nous avons eu la bonne fortune, avec l'aide de notre ami MILLERAND, auquel nous sommes heureux d'adresser nos remerciements fraternels, de créer une Ecole professionnelle du commerce et de l'industrie, appelée à rendre aux enfants du peuple d'inappréciables services. Cette école coûtera 100.000 francs, mais nous ne le regrettons pas, puisqu'elle doit contribuer à former d'excellents ouvriers et à faciliter aux humbles l'entrée des grandes écoles de l'Etat"), il a créé la magnifique Bourse du Travail "dont les travaux sont actuellement en exécution et dont la remise aux syndicats sera faite solennellement au cours de l'année" ... Sont encore passés en revue les actions relatives à l'hospice et au Bureau de bienfaisance (notamment, la création d'un service d'accouchement gratuit pour les indigents), l'Instruction publique (bourses, distribution gratuites de livres ... subventions diverses ... D'un point de vue économique, c'est encore la "facilité d'établissement à Cette des importantes usines du Creusot en cédant à cette société des terrains primitivement réservés, dans l'étang des eaux blanches, à la construction d'un abattoir et en votant en sa faveur le dégrèvement d'une somme de 300.000 francs de droit d'octroi" ; ce sont encore les secours en faveur des grévistes, les crédits pour les congrès ouvriers, la création d'un cabinet de consultations juridiques gratuit ... (PM du 15.04.1900)

Résultats de l'élection municipale, à Sète : "inscrits 9620, votants 5501, liste EUZET élue avec 3422 voix" (PM du 08.05.1900). EUZET a le score le plus élevé avec 3389 voix mais les deux conseillers municipaux qui vont être de farouches opposants obtiennent aussi de bons résultats : Pierre VALLAT avec 3270 voix et, surtout, Louis AUDOYE avec 3370 voix. Les résultats pour chaque liste et pour chacun de ses membres sont donnés dans EC du 08.05.1900 : liste du conseil municipal sortant, liste du comité d'union républicaine (soutenu par EC) et liste du comité de discipline républicaine et socialiste. Dans le même numéro, il est annoncé pour le 12 mai l'installation du conseil municipal élu et l'élection du maire et des adjoints. Cette installation fait l'objet d'un compte rendu dans EC du 14.05.1900 : les mêmes sont reconduits avec EUZET comme maire, BRUNIQUEL comme premier adjoint (il avait obtenu 3325 suffrages) et CAYROL comme second adjoint (il avait obtenu 3422 suffrages), chacun avec 28 voix et un bulletin blanc. Le journal ironise à partir du discours du doyen d'âge (CAYROL) qui a du mal à lire son papier : "il adresse son salut à ses amis du ministère dreyfusard qui, d'après lui, ou plutôt d'après les paroles qu'on lui fait dire, est le nec plus ultra des ministères et n'est insulté et calomnié que par les réactionnaires ! (sic). Ces dernières paroles qui sont aussi audacieuses que mensongères, démontrent quel est l'état d'esprit qui anime ce nouveau conseil et ce qu'il faut attendre de lui au point de vue politique !"

Les travaux d'installation du tramway électrique

Le Comité central socialiste des groupes politiques et corporatifs produit son manifeste général dans le PM du 15.04.1900, en indiquant simplement parmi les travaux réalisés : "la construction des lignes de tramways électriques". Le Comité de discipline républicaine et socialiste entreprend la critique de ce point dans le PM du 25.04.1900 : "Le grand manifeste signale, pompeusement, la construction des lignes de tramways électriques, comme si cette innovation était due à notre maire. Les pourparlers concernant l'installation des tramways électriques, remontent à une précédente administration, ceci n'est qu'un détail secondaire, car, qu'elle qu'ait été l'administration siégeant à la mairie, une compagnie qui voyait dans Cette un champ d'exploitation fructueux pour ses capitaux, aurait demandé cette concession. Dans toutes les villes, tant soit peu importantes, il existe aujourd'hui ce système de locomotion à bon marché. Ce qui nous échappe cependant, c'est qu'on ait accordé cette exploitation à la Compagnie actuelle, alors que d'autres Compagnies aient été laissées de côté, quoique offrant des conditions plus avantageuses. - Pour le comité, le secrétaire, Marius IMBERT."

Nouveau doublé des deux comités dans le PM du 27.04.1900, sur le même sujet. H. GODEAU, le secrétaire du Comité central socialiste des groupes politiques et corporatifs écrit : "A propos des tramways électriques, nos adversaires contestent à la municipalité le droit de mettre à son actif les avantages que la cité recueillera de la construction des lignes électriques. "Elle n'en a pas eu l'idée," disent-ils ; "les pourparlers remontent à l'administration précédente". Il est absurde de raisonner de la sorte. C'est comme si l'on reprochait à une administration de faire des chemins, trottoirs, un théâtre, sous prétexte qu'une administration précédente avait eu l'idée de faire un théâtre, des trottoirs, des chemins. Mais l'idée n'est quelque chose que par l'exécution. N'est-il pas vrai qu'un plan ne vaut que par la mise en oeuvre ? Ah ! le fameux capitaine qui tracerait de merveilleux plans de bataille et qui serait toujours battu à plate couture ! Et nos adversaires ont beau dire, le plan des tramways a été magistralement exécuté. La compagnie concessionnaire choisie, compagnie essentiellement française, quoique on veuille bien en dire (voir la lettre de l'honorable maire de Belfort), a fait des concessions qu'aucune autre n'aurait pu faire. Le public peut se convaincre de ce que nous affirmons en allant à la mairie consulter le dossier des tramways. Il aura facilement la preuve, à la lecture de ce dossier, que la Compagnie d'électricité donnera à la ville, durant la période de la concession, plus de 500.000 francs de bénéfices." Ce à quoi Marius IMBERT, le secrétaire du Comité de discipline républicaine et socialiste répond : "Pour revenir aux tramways électriques, des précisions ne seront pas déplacées : Disons donc que la compagnie Cauderay, dont le système est bien plus avantageux que le système adopté (car il constitue le dernier perfectionnement) s'engageait à payer intégralement les droits d'octroi sur toutes les marchandises employées, de plus, elle devait verser une indemnité de 10.000 francs en faveur des cochers spoliés et s'engageait à payer un minimum de salaire de 4 francs aux employés sous ses ordres. Pourquoi a-t-on préféré la Compagnie Herdt ?

Le PM et, parfois, EC permettent de suivre l'évolution des travaux d'installation de ces tramways électriques. Ainsi, le PM du 28.01.1900 indique-t-il que l'on allait commencer la "construction de l'usine qui fournira la force motrice utile à la marche des travaux. Cette usine sera construite sur des terrains situés sur la route de Montpellier, immédiatement après le bureau de l'octroi. Des hangars et des voies de dégagements permettront de garer ; les voitures utiles au service des voyageurs seront aussi aménagées dans le même enclos. Complétons cette nouvelle par un renseignement. Les tramways suivront la route de Montpellier jusqu'au passage à niveau du chemin de fer. Il est peu probable qu'ils aillent jamais plus loin, à cause de l'opposition de la Compagnie P.L.M." Dans la même idée des luttes d'influences industrielles et de l'extension de ce moyen de transport, on note dans le programme électoral du Comité central socialiste des groupes politiques et corporatifs : "Nous poursuivrons notamment la construction d'une ligne de tramways partant de la Pointe Courte pour aboutir au coeur de la concession du Creusot" (PM du 05.05.1900). On commence, ensuite, à évoquer la fin des travaux : "MM. PETIT, HANQUEZ et CERNEZ, ingénieurs de la compagnie des tramways électriques, étaient hier dans notre ville. Ils ont assuré à plusieurs personnes que les tramways seraient terminés dans les premiers jours de juillet et que les tramways commenceraient à marcher le 14 juillet." (EC du 12.05.1900)

Le théâtre

En ce qui concerne le théâtre, le Comité de discipline républicaine et socialiste communique : "Le temps s'écoule, revenons au manifeste. (c'est-à-dire, le manifeste du Comité central socialiste des groupes politiques et corporatifs, qui indiquait la construction d'un théâtre parmi les travaux lancés par la municipalité, dans le PM du 15.04.1900) Saluons la plus grande pensée du règne de M. EUZET, c'est-à-dire la construction du théâtre municipal. L'historique de cette construction s'impose : Dans tous les conseils municipaux antérieurs dont il avait fait partie, soit comme adjoint soit comme conseiller, M. le maire, malgré les goûts artistiques de nos concitoyens, avait combattu tout projet d'édification d'un théâtre - à une époque où la population de notre ville était plus importante et les finances plus florissantes. Il affirmait alors que contracter un emprunt à cet effet c'était une folie, un luxe inutile et un désastre pour nos finances. Sous l'administration PEYRET-OLIVE, M. CARLIER, architecte de Montpellier, fut chargé de dresser un plan en vue de la construction d'un théâtre, sur le même emplacement. Le devis s'élevait à une somme relativement modérée. Ce plan échoua par l'opposition très vive de M. EUZET, et il alla moisir dans les cartons municipaux. Le premier acte de M. EUZET, maire, fut de changer son fusil d'épaule, en confiant à l'architecte de la ville l'étude d'un projet de théâtre, maintenant indispensable et précieux pour développer les goûts artistiques des Cettois. Ce projet fut adopté, mais, à ce moment, M. CARLIER rappela qu'il était l'auteur d'un plan pour lequel il exigeait une rétribution. Effectivement, à la suite d'une transaction amiable, M. CARLIER fut désinteressé. C'est ainsi qu'avant d'avoir posé la première pierre, le maire avait dépensé une somme superflue pour la conception d'un monument dont l'exécution aura des conséquences funestes pour les finances de notre ville. - Pour le comité, le secrétaire, M. IMBERT." (PM du 01.05.1900)

En réponse, le Comité central socialiste des groupes politiques et corporatifs déclare : " On reproche au maire son attitude à propos du théâtre provisoire CARLIER ; cette accusation n'est pas nouvelle. Il nous suffira pour la réduire à néant de rappeler la lettre de M. EUZET du 8 octobre 1896. Dans cette lettre M. EUZET rappelle sa déposition écrite, remise à M. BOULIECH, conseiller général, commissaire enquêteur, le 23 avril 1888 et dans laquelle il dit textuellement ceci : "Je ne veux pas parler de l'emplacement" et plus loin "Tout en reconnaissant qu'un théâtre à Cette est d'une utilité absolue, je réclame l'adjudication." Je ne vois rien dans cette déclaration qui soit en contradiction avec mon attitude d'aujourd'hui. Si je me suis opposé à la construction du théâtre CARLIER, c'est que je considérais le traité de gré à gré de 350.000 francs comme illégal, onéreux pour la commune et constituant un acte de favoritisme. Mon opinion n'a pas changé. Je critiquais surtout la combinaison financière. On comptait pour faire face à la dépense sur les rabais consentis par les entrepreneurs de la nouvelle adduction d'eau, soit 137.004, 81 francs et des halles 83.720,53 francs. - Total 220.835,34 francs [sic]. Le solde devait être payé par annuités de 30.000 francs. M. EUZET se demandait comment on pourrait prélever annuellement 30.000 francs quand les recettes sont en diminution constante. Il se demandait s'il n'y aurait pas d'aléas dans les travaux importants que l'on venait d'ouvrir et si l'intégralité des rabais résisterait. Les ressources ont constamment diminué depuis 1888 et les rabais des Halles et de l'adduction des eaux ont non seulement été absorbés mais encore il a fallu emprunter 403.000 francs pour achever l'adduction des eaux d'Issanka. Il a fallu faire deux emprunts depuis 1888 rien que pour combler le déficit. M. EUZET terminait sa lettre en disant qu'il avait raison de s'écrier : "Vous vous trompez, vos ressources n'existent que sur le papier, vous serez dans l'impossibilité de tenir vos engagements". Quant à cette allégation, que M. CARLIER aurait été payé des honoraires qu'il réclamait, elle constitue un nouveau mensonge au passif de nos piètres adversaires. Il est vrai que M. CARLIER a réclamé des honoraires que le Conseil municipal lui a refusé et que le Conseil de préfecture, devant lequel il s'était pourvu, l'a débouté de sa demande. - Pour le Comité et par ordre : le secrétaire H. GODEAU." (PM du 02.05.1900)

Bien entendu, toujours dans le PM du 02.05.1900, le Comité de discipline républicaine et socialiste appuie encore ses critiques afin d'avoir le dernier mot, d'où la communication suivante : "Sur l'emprunt de 735.000 francs, une somme de 600.000 francs était affectée à la construction du théâtre, d'après le plan dressé par M. l'architecte de la ville. Voilà plus de deux ans que les travaux ont commencé et on affirme que les travaux exécutés à ce jour, ont déjà absorbé presque la totalité de cette somme. D'aucuns, même, soutiennent que la dépense nécessaire pour achever ce monument, s'élèvera à la somme de 2.000.000 -deux millions. Ne voulant pas être taxés d'exagération, nous évaluerons au double de la somme prévue, le crédit indispensable pour terminer la construction de ce théâtre - ce qui représentera une annuité d'environ 70.000 francs à inscrire pour une période de trente années, au budget communal. Nous aurons une belle cage. Nous dirons demain ce que l'on mettra dedans. - Pour le comité, le secrétaire, M. IMBERT."


A l'occasion de sa visite à Sète de Pierre BAUDIN, ministre des Travaux Publics, Honoré EUZET, maire et conseiller général, le reçoit et prononce à la mairie un discours dans lequel il rappelle l'ancrage à gauche de ses concitoyens depuis la Révolution : "La ville de Cette fut toujours républicaine. Elle a affirmé à maintes reprises durant la période révolutionnaire ses sentiments démocratiques. En 1848, Cette donnait la majorité à LEDRU ROLLIN contre BONAPARTE. En décembre 1851, les électeurs cettois votaient en majorité contre le plébiscite et en 1870, ils refusaient en masse leur vote à l'Empire. C'est vous dire, M. le ministre, que mes concitoyens sont venus au socialisme par une évolution toute naturelle, sont restés fermement attachés à la République, c'est-à-dire à la liberté - ce merveilleux et sûr instrument d'émancipation, car ils savent qu'il en coûte pour la conquérir - et qu'ils sont tous groupés à cette heure sans distinction de nuance ou de doctrine, autour du gouvernement de défense républicaine, unis, confondus en un même sentiment, l'amour de la République." (PM du 18.10.1900)

Un seul numéro conservé (pour 1900) d'un journal qui se veut le défenseur de la classe ouvrière, Le Réveil Cettois (RC) donne le ton des échanges acerbes avec la municipalité, par l'intermédiaire du journal de celle-ci, L'Avant-Garde (AG). Le 03.11.1900, le RC écrit à propos de l'AG : "Les rédacteurs de ce journal, fonctionnaires municipaux, évoluant sous les ordres de M. le Maire, ont puisé dans les bas fonds, que connaissent seuls les habitués des tripots et des lupanars, les injures les plus viles et les plus grossières à l'égard des citoyens qui ont commis le crime d'assister à une réunion publique (...) Les séides de M. le Maire ont maltraité et diffamé 1.400 contribuables cettois, formant le public habituel des conférences (...) C'est toujours la même tactique que suivent envers leurs adversaires aux potentats d'un jour ; hier, pour acquérir le pouvoir, ils déversaient leurs immondices sur la tête des bourgeois honorables qui constituaient l'administration SCHEYDT ; aujourd'hui, pour conserver l'assiette-au-beurre, ils couvrent de boue les prolétaires qui ne veulent plus de leur despotisme (...) Oh honte ! Ils prétendent représenter à la mairie le socialisme et la classe ouvrière. Quelle duperie ! Cette, noble cité, fière des services rendus à la cause de la République et à la liberté, gardienne jalouse de ton indépendance et de ta dignité, souffriras-tu d'être plus longtemps dirigée par une poignée de forbans qui te déshonorent ? (...) Le groupe d'études sociales". Dans le même numéro du RC, des critiques sont apportées contre le maire, Honoré EUZET à propos de l'octroi et aussi à cause des dépassements de crédits pour les travaux du nouveau théâtre, accordés sans consultation du conseil municipal (le RC comme l'AG avaient sorti leur premier numéro le 18.08.1900 - selon le PM des 16 et 17.08.1900)

Quant à la presse, EC et PM, qui sont conservés et en ligne, ne représentent qu'une partie des journaux en circulation à Sète, à cette époque. Ainsi dans une communication d'un certain MARECHAL (ancien officier de marine) où il se plaint de critiques portées contre lui, il écrit au directeur de L'Avant Garde : "On me met sous les yeux le numéro de votre journal du 3 courant où je suis violemment attaqué, je ne sais dans quel but, n'ayant jamais fait de politique et ne voulant pas en faire. Je ne donnerai pas cette satisfaction aux anciens polémistes du Socialisme cettois, de répondre à leurs insultes anonymes (...)" (EC du 06.11.1900).

Conseiller général, il intervient à plusieurs reprises dans l'année. Il s'oppose à la création d'une chambre de commerce à Béziers mais la commission qui a étudié le projet y est favorable ; EUZET parle du "désintéressement indiscuté de la chambre de commerce de Sète" mais le projet est adopté. A la séance du 23.08.1900, avec AUDIBERT ; il renouvelle le voeu demandant l'attribution aux communes du service des inhumations (EC du 24.08.1900). De même, le 22, le conseil général renouvelle un voeu de sa part tendant à la création d'écoles coloniales dans les ports de mer et demandant au ministre de hâter la solution de cette demande (EC du 23.08.1900)

Le 24.12.1900, le maire de Sète, agissant pour le compte des hospices de la ville, obtient la cession du Lazaret et d'un lot comprenant plus de quatre hectares de terrain pour construire un sanatorium maritime (voir le rapport du conseil général, dans sa séance du 23.08.1901)

Un haut fourneau du Creusot à Sète : "La société Schneider, du Creusot, avait jeté son dévolu sur 300 hectares de surface remblayable où elle installa en 1900 un haut fourneau, et où elle projetait l'aménagement d'un chantier de constructions navales, projets malheureusement avortés par suite de circonstances bien étrangères à l'admirable situation qui avait séduit leurs auteurs." (Le port de Cette, en 1918, par la Chambre de commerce de Sète)

C'est surtout en 1901 que l'on verra se multiplier les actions des conseillers municipaux de la minorité d'opposition, AUDOYE et VALLAT mais le PM du mardi 23.10.1900 montre qu'ils sont déjà offensifs en cette fin 1900 : "Samedi soir a eu lieu au théâtre une réunion publique donnée par les citoyens AUDOYE et VALLAT. La réunion composée de 1400 citoyens adopte à l'unanimité un ordre du jour approuvant pleinement les déclarations des citoyens AUDOYE et VALLAT dans le compte rendu de leur mandat ; les engageant à soutenir la lutte de propagande engagée contre les membres du conseil actuel ; blâmant les agissements de la majorité du conseil."

1901

Les lignes en activité du tramway électrique

"Tramways électriques. - l'inauguration de la ligne principale de la gare au môle a été faite hier au milieu d'un grand concours de population. Le va et vient continuel des cars électriques, chargés de monde, donnait à notre cité l'aspect des grandes villes. Les tramways ont dû faire de belles recettes et tout le monde paraissait heureux de cette innovation qui rendra certainement de grands services. (...)" (EC du 25.01.1901)

"Tramways électriques. - Toutes les lignes sont actuellement en activité et fonctionnent dans de bonnes conditions. Quelques défectuosités dans le service, obligatoires dans un début, commencent déjà à disparaître. C'est ainsi que la ligne des casernes au pont Viria, vient d'être prolongée jusqu'au pont National et ira, sous peu, nous affirme-t-on, jusqu'à la Bourse. C'est là une heureuse amélioration qui relie directement le quartier des Jardins des fleurs avec le centre de la ville et les halles. D'autres défectuosités disparaîtront certainement, comme a disparu celle-là, au fur et à mesure que ces défectuosités seront reconnues. Il est probable, par exemple, qu'avant peu, et en attendant que la ligne du môle à la gare soit terminée, ce qui demandera longtemps encore, puisqu'il faut construire un pont, il est probable, disons-nous, qu'un abri sera élevé aux extrémités de cette importante ligne, à moins que l'augmentation du nombre des voitures nécessaires à assurer un service régulier, ne permette d'en laisser une en permanence à cet endroit là. Il serait peu pratique, et la Compagnie y perdrait du reste beaucoup, de laisser les voyageurs se morfondre, exposés aux intempéries du temps et dans des endroits aussi exposés, pour attendre l'arrivée d'une voiture. Nul doute s'il en était ainsi, que beaucoup de personnes ne préfèrent s'en aller à pied." (PM du 28.01.1901). Même tonalité dans EC du 28.01.1901 : "Les tramways électriques ont obtenu un grand succès auprès de la population" ; le journal note aussi quelques insuffisances et des améliorations à apporter mais, souligne-t-il : "Il faut s'estimer heureux des résultats obtenus, qui réalisent les espérances les plus optimistes."

"Le tramway de Sète a changé le paysage de la ville, les calèches ont petit à petit disparu. Cette commodité de transport a été un atout pour la ville, surtout pour le tourisme. En particulier, le dimanche, les voyageurs descendaient du train arrivant de Montpellier pour se ruer vers les plages, au Kursaal, au casino ou à la Corniche, où de nombreux bars ou guinguettes permettaient d'oublier une semaine de dur labeur. (...) La concurrence des autobus et des voitures a fait qu'en 1934, après 33 ans de bons et loyaux services, Gaston ESCARGUEL, alors maire de Sète, enverra les tramways à la ferraille." (Article de Michel LEBRETON, p. 143 du n° XL à XLI - 2015-2016 de la Revue d'Histoire et d'Archéologie de Sète et sa Région)

Le tramway électrique sur le quai de Bosc


La création d'un sanatorium maritime

C'est le 18.07.1901 que les membres d'une commission du Conseil général de l'Hérault se transportent à Sète, à la demande du maire, Honoré EUZET. Un rapport de cette visite est établi pour la session d'août de l'assemblée départementale : "La ville de Cette qui, dès 1891, prenait l'initiative d'un sanatorium maritime, a eu le mérite de songer depuis longtemps à mettre à la disposition des enfants indigents les incontestables bienfaits de la thalassothérapie. La commission des hospices, dont l'activité ne s'est pas un seul instant démentie, a poursuivi avec la plus louable persévérance la transformation de l'ancien Lazaret que l'Autorité militaire avait très habilement placé dans une presqu'île à l'Ouest de la Montagne. A la suite d'un acte en date du 24 décembre 1900, M. le Maire de Cette, agissant au nom et pour le compte des hospices de la dite ville, a obtenu la cession du Lazaret et d'un lot comprenant plus de quatre hectares de terrain. Les baraquements du Lazaret très bien entretenus, subsisteront à l'usage des baigneurs pendant la saison d'été ; il en est venu l'an dernier 918 (dont 198 garçons et 263 filles). Sur les quatre hectares concédés s'élèvera le sanatorium projetté, comprenant deux étages affectés aux dortoirs contenant chacun 28 lits ; les services généraux occuperont les pavillons isolés. Il faut constater l'absence d'arbres mais en ajoutant que des plantations prévues pourront se développer sur une couche de terre végétale où poussent les herbes aromatiques. De vastes cours de 1,500 m. carrés seront réservées aux enfants. L'eau d'Yssanka, dont l'analyse bactériologique a établi la pureté, assurera largement l'alimentation du sanatorium. Formée d'un sable très fin, la plage d'un accès aisé et en pente douce, est abritée à l'Est par des roches qui plongent dans les eaux vives et profondes ; elle reçoit facilement les effluves maritimes, elle est à l'abri des courants littoraux, éloignée des marécages et distante des embouchures de l'Hérault et du Lez (21 k et 23 k). Si l'on ajoute que la presqu'île est desservie par une ligne de tramways electriques, qu'elle se trouve dans le voisinage d'une grande ville, sans avoir cependant à redouter les dangers qu'entraînent les agglomérations urbaines, qu'elle s'étend sur un plateau de roches calcaires, défendu de toutes parts contre les vents du Nord, on comprendra aisément que la Commission ait à l'unanimité conclu que sur l'emplacement proposé un sanatorium maritime d'été peut être créé dans d'excellentes conditions. L'Administration des hospices a déjà désaffecté 107.000 francs de rente pour les consacrer à la construction du sanatorium. Le concours de l'Etat a été demandé ; celui du département paraît devoir être largement accordé à cette création. Elle ne sera plus alors exclusivement municipale, mais elle n'en restera pas moins avant tout cettoise et fera le plus grand honneur à l'esprit d'initiative ainsi qu'aux sentiments humanitaires qui animent une population toujours prête à seconder les oeuvres de solidarité et de relèvement national." Un peu plus loin (à propos de Balaruc), il est écrit : "Quels que soient les avantages offerts par le futur sanatorium de Cette, il ne pourra pas devenir une station hivernale. (Conseil général de l'Hérault, délibérations, le 23.08.1901, pp. 112 et 113)

La vente des terrains de la Corniche

Le conseil municipal tenu le 25.10.1901 traite de la vente des terrains de la Corniche. La discussion est violente, l'opposition étant menée par les conseillers VALLAT et AUDOYE. Le premier déclare : "En vendant ce terrain, dit le farouche socialiste, vous voulez ravir aux ouvriers leurs petits plaisirs et leur passe-temps de chaque dimanche. Ainsi, M. le maire évitera de faire un emprunt, car l'argent qu'il retirera de ces terrains s'engouffrera dans les travaux du théâtre. Au nom de la classe ouvrière, je proteste contre votre projet. Les modestes cabanes de la Corniche ont été construites par de pauvres gens qui cultivent leurs jardins avec le plus grand soin. C'est leur enivrement. (sic) Le public rit et applaudit" Ensuite, c'est AUDOYE qui intervient : "J'approuve absolument ces paroles. La vente des terrains de la Corniche sera nuisible aux intérêts des ouvriers. Un conseil municipal socialiste ne peut pas faire moins pour eux qu'un conseil opportuniste qui leur a donné la jouissance de ces terrains." EUZET leur répond : "C'est une erreur de croire que ceux qui ont fait construire à la Corniche ne sont pas dans l'aisance. La plupart ont des ressources. D'ailleurs, il est inadmissible qu'un terrain qui vaut plus de 100.000 francs rapporte à peine 800 francs de location. Pour celui qui a un peu de goût, que représentent ces malheureuses cabanes ?" Puis, AUDOYE : "L'ouvrier ne peut pas habiter un château comme vous : et vous vous dites socialiste." (le château fait référence à la villa Joyeuse qui lui appartient, conjointement avec son frère Joseph). Il répond : "Je me préoccupe de l'embelissement de la ville. Au point de vue de l'esthétique ... Mais les paroles du maire sont couvertes par les exclamations du plublic et les protestations de MM. AUDOYE et VALLAT qui gesticulent au milieu du bruit. Des spectateurs se mettent de la partie et invectivent le maire : Vous voulez enterrer la Corniche ! C'est nous qui l'avons créée ! Le château ! Le château ! Le vacarme est si assourdissant que M. le commissaire central est appelé et sa présence ramène le calme dans la salle. M. le maire peut continuer et explique que les travaux du théâtre s'élèveront à 1.100.000 francs, qu'il avait été impossible de prévoir une pareille dépense et, d'un autre côté, diverses ressources ont fait défaut cette année. Après de nouvelles répliques violentes de MM. AUDOYE et VALLAT, le conseil, par 19 voix contre 4, décide la vente des terrains." (EC du 27.10.1901)

La poursuite des travaux au théâtre

A la réunion du conseil municipal du 26.10.1901, dans le débat sur la vente de terrains et l'équilibre des dépenses et des recettes, MOLLE qui présente un rapport, parlant du prix que coûtera le théâtre, ajoute que : "quand cette construction a été votée, aucun conseiller n'ignorait qu'elle arriverait à plus d'un million." Plus loin, il est indiqué que "la décoration de la salle de spectacle et du foyer est confiée à M. LEFÈVRE Edouard". A ce propos, EUZET annonce que "le théâtre sera inauguré en octobre prochain". Quant au projet d'assurance contre l'incendie de ce théâtre, il est renvoyé aux commissions des finances et du contentieux (PM du 28.10.1901).

Le 29.12.1901, EC fait le point sur les travaux du théâtre : "La construction de notre nouveau théâtre se poursuit avec une sage lenteur. Si l'extérieur paraît très avancé et si la partie architecturale de la façade est presque terminée et attire les regards, l'intérieur sera plusieurs mois encore occupé par les ouvriers. La salle du foyer est à peine ébauchée. La salle de spectacle et la scène commencent à prendre tournure. (...)" Compte tenu des évènements qui vont suivre, début 1902, il est clair que ce point fait sur les travaux représente l'état du monument au moment du changement de municipalité.

La question de la Bourse du Travail

A la réunion du conseil municipal du 26.10.1901, AUDOYE pose une question sur l'ouverture de la Bourse du Travail et rappelle le vote fait à la dernière réunion du Théâtre, demandant une réponse dans une quinzaine de jours. "Le maire refuse de répondre, le conseil étant en réunion extraordinaire, mais si le conseil le désire, il répondra après la séance, en réunion privée, c'est-à-dire hors cession." Le journaliste écrit ensuite qu'il croit savoir qu'Honoré EUZET aurait dit, dans cette réunion privée que le retard serait lié aux conditions dans lesquelles la Bourse du Travail serait livrée aux syndicats et aussi que le conseil serait "appelé à se prononcer incessamment sur cette question qui serait solutionnée sous peu." (PM du 28.10.1901)

La Bourse du Travail
(Photo J.C.E., le 26.09.2017)

Suite de la question, une quinzaine plus tard : "M. EUZET, maire de Cette, a reçu ce matin à l'Hôtel-de-Ville, une importante délégation des syndicats qui, au nom de leurs mandants, sont venus réclamer l'ouverture de la Bourse du Travail. M. le maire a répondu qu'il avait élaboré un règlement de la Bourse du Travail qui serait soumis au conseil municipal dans sa séance de vendredi prochain, et qu'après approbation, sauf les modifications qui pourront y être apportées par le conseil municipal, il demanderait aux chambres syndicales de vouloir lui donner leur adhésion. M. le maire a ajouté qu'il pensait que ce règlement sauvegarderait la liberté des syndicats qui doit rester entière (...)" (PM du 10.11.1901)

Nouveau rebondissement au conseil municipal du 15 novembre : "M. le maire a demandé la nomination d'une commission municipale qui aurait pour mission d'examiner les projets de règlement pour la Bourse du Travail. Il a déposé en même temps un projet indiquant dans quelles conditions cette Bourse pourra être livrée aux syndicats. M. AUDOYE a combattu vivement le projet déposé par M. le maire et dit que jamais les syndicats ne pourront l'accepter. M. VALAT s'est joint à son collègue et a dit que le projet de l'administration municipale est anti démocratique, toutes les Bourses du Travail devant être autonomes. Il a parlé du conseil municipal de Nice qui, quoique réactionnaire, n'a pas porté atteinte à cette autonomie. Le maire a répondu que le projet devant être renvoyé à une commission, il n'en discutera pas le fond. Il a ajouté qu'il est inexact de dire que tous les syndicats ont protesté contre une règlementation qui ferait une Bourse du Travail sous la direction de la municipalité. Il continue en disant avoir reçu treize lettres de syndicats, six demandent l'autonomie ; sept la livraison de la Bourse, sans parler de son autonomie. Qu'enfin sept ne se sont pas prononcés. MM. AUDOYE et VALAT, auxquels se sont joints plusieurs personnes qui sont parmi le public, ont protesté vivement et affirment que la Fédération a écrit au maire, que tous les syndicats avaient déclaré ne pouvoir accepter la Bourse que si elle était autonome. M. DAVID a dit que pour être fixés sur les sentiments des syndicats il n'y aurait qu'à leur demander ce qu'ils pensent de l'autonomie. Le maire a répondu qu'il ne peut se prononcer que sur les documents qu'il a en mains. M. AUDOYE a affirmé que le maire donnerait sa démission si le conseil n'acceptait pas son projet, car il veut tenir les ouvriers sous sa direction. Ce dernier a protesté et déclare avoir trop de respect pour ses collègues pour vouloir leur imposer quelque chose. Il a ajouté que le seul fait de demander la nomination d'une commission qui devra examiner son projet et celui de la fédération ouvrière, indique ses intentions et son désir d'accepter ce que fera le conseil municipal. M. DAVID fait savoir que tous les syndicats se sont prononcés, il y a plus de six mois déjà, pour l'autonomie de la Bourse du Travail, et que les sept, mentionnés par le maire, n'ont fait que réitérer un voeu déjà émis. M. VALAT a affirmé de nouveau que tous les syndicats sont pour l'autonomie, il a adjuré le conseil de ne pas nommer de commission et d'accepter la réglementation de la Fédération. M. AUDOYE a déclaré avoir trois réglements de Bourse du Travail qui sont tous autonomes. Le conseil ayant décidé de nommer une commission avec mission d'étudier un projet de réglementation a désigné pour en faire partie, MM. LÊQUES, GIMOND, ROUSTAN, SANSANNÉ et MOURAILLE. Pendant cette discussion, le maire a dû, encore une fois, faire appeler le commissaire central pour maintenir l'ordre dans le public où quelques personnes manifestaient trop bruyamment. Le calme s'est alors rétabli et les manifestants, qui n'étaient du reste pas de nombre, sont restés silencieux. Pendant cet incident, M. VALAT ayant eu un propos désobligeant pour M. le maire, ce dernier a dit lui dresser procès-verbal." (PM du 18.11.1901) EC donne sur cette séance des renseignements qui complètent ce compte rendu. Le journal rappelle que la Bourse du travail est construite depuis 9 à 10 mois mais qu'elle est fermée depuis son achèvement. Les chambres syndicales ont déjà nommé le secrétaire et le concierge et ont élaboré un règlement mais le maire veut imposer son propre règlement. Les chambres syndicales ont délégué AUDOYE et VALLAT pour le déclarer au maire. Le point d'achoppement essentiel paraît être la nomination du secrétaire que le maire veut imposer. Après la discussion, la proposition du maire de s'en remettre à une commission pour examiner les deux règlements est adoptée par 12 voix contre 4. Quand le public se retire (en conspuant le conseil municipal), 4 conseillers se retirent aussi en protestant. La prochaine séance du conseil municipal est prévue le 19 décembre pour continuer l'exament des affaires portées à l'ordre du jour. (EC du 17.11.1901)

EC du 29.12.1901 fait paraître une lettre ouverte, adressée à Honoré EUZET et aux conseillers municipaux, qui est une véritable mise en demeure : "La Fédération des chambres syndicales et les bureaux de tous les syndicats réunis le 27 décembre 1901, ont décidé de vous renouveler la lettre ouverte qui vous a été envoyée le 13 novembre : La Fédération des chambres syndicales et les bureaux de tous les syndicats, réunis en séance extraordinaire le 12 novembre courant, renouvellent à M. le maire et à MM. les conseillers municipaux tels quels les réglements et statuts concernant la Bourse du travail, élaborés par la commission de la Fédération et acceptés par tous les syndicats de la ville de Cette, sans la moindre modification apportée par le conseil municipal et qui ont été transmis à M. le maire le 6 juin 1901. Ou bien les syndicats se verront, avec grand regret, dans l'obligation de repousser, très energiquement, le projet qui doit être soumis au Conseil et qui ne rentre aucunement dans l'autonomie. Considérant que la dite lettre est restée sans réponse depuis déjà 48 jours. Considérant, en outre, que ladite Bourse du travail devrait déjà être remise aux syndicats depuis longtemps. Considérant, en outre, que la fédération des chambres syndicales et les bureaux des syndicats, appuyés par tous les syndiqués, ont usé de tous les moyens pacifiques auprès de l'Administration et du Conseil municipal. Demandent à la dite administration et au conseil municipal, avant d'employer les derniers moyens, par une manifestation syndicale. De livrer la dite Bourse, dans son autonomie pleine et entière, dans le délai de 7 jours, c'est-à-dire vendredi prochain, 3 janvier 1902. Passé ce délai, nous considèrerons votre silence comme une réponse défavorable aux syndicats et vous laisserons seuls responsables de la manifestation qui sera faite le dimanche 5 janvier 1902. Espérant que vous voudrez bien répondre à notre demande favorablement et dans le délai voulu, veuillez (...)"

L'opposition au maire

On note que l'opposition des conseillers AUDOYE et VALLAT n'a pas commencé avec la question de la Bourse du travail. On trouve dans EC du 14.03.1901 des protestations des deux conseillers parce que le maire leur refuse tout local communal pour faire le compte rendu de leur mandat "au point de vue du budget et de l'administration". Auparavant, encore, ce sont les violentes critiques d'AUDOYE et de DAVID contre le préposé en chef de l'octroi (au conseil municipal du 08.02.1901), tout cela montrant que dès le début de l'année, le climat commence à s'envenimer. A la fin de l'année, c'est une opposition systématique et tatillone que mènent AUDOYE et VALLAT, comme on le voit dans un compte rendu de EC du 18.12.1901 : "Lundi soir a eu lieu au théâtre, une conférence publique donnée par le citoyen GACHIN, adjoint au maire de Toulouse. Le jeune orateur, révolutionnaire bon teint, a durant une heure fulminé contre l'infâme capital et préconisé la révolution sociale comme devant apporter un remède à tous nos maux. Comme conclusion tout à fait inattendue, le citoyen GACHON fait une sortie en règle contre le maire de Cette qui pourtant lui a cédé gracieusement la salle du théâtre. Les conseillers municipaux AUDOYE et VALLAT sont venus surenchérir sur les paroles du citoyen GACHIN et dauber sur le maire qu'ils appellent Honoré 1er - et sur la majorité du conseil. C'est ce qu'on peut dire donner le bâton pour se faire battre !"

En cette année 1901, quel est l'image donnée par Sète ? Une conférence donnée à la mairie par la Société littéraire permet d'en avoir un aperçu. C'est à propos d'un projet de sculpture d'INJALBERT, sur la place de la marine que l'on peut lire : "Notre ville est admirablement organisée pour le travail, mais n'a rien pour flatter les goûts artistiques. Ses quais sont larges, spacieux, ses rues bien percées, bien pavées, mais les embellissements y sont rares. Il y a bien le Château-d'Eau, l'Avenue de la gare, un théâtre bientôt, mais c'est tout et c'est peu. Voilà pourquoi, il est utile que, comme Béziers, Montpellier et toutes les villes importantes, Cette ait son monument artistique qu'iront admirer les étrangers qui visiteront notre citée" (le conférencier THOMAS, dans un article rapporté par le PM du 16.09.1901)

1902

Une communication parue le premier janvier montre que les socialistes parisiens prévoyaient que la lutte à venir avec le Parti ouvrier français serait difficile à Sète. Ils étaient conscients qu'il fallait un journal pour soutenir leurs idées, d'où cette communication : "Prochainement paraîtra le Travailleur Cettois, organe socialiste. Ce journal qui adhère au programme du comité général socialiste de Paris, dont font partie JAURÈS et MILLERAND et qui suivra la politique de la Petite République, qui a pour rédacteur en chef GÉRAULT-RICHARD, soutiendra le conseil municipal qui a à sa tête le citoyen Honoré EUZET (PM du 01.02.1902). Cependant, si ce sursaut paraît bien tardif, c'est peut-être aussi la preuve que les atermoiements du maire pour la remise de la Bourse du Travail aux syndicats recouvrent une lutte d'influence plus générale qui ne cessait de s'exacerber. On peut également penser que cette information est seulement lancée par Honoré EUZET pour montrer ses appuis nationaux et aussi qu'il représente la ligne orthodoxe du parti. D'ailleurs, ce journal a-t-il jamais existé ? Pour autant, la minorité du conseil municipal s'était - elle - dotée d'un journal appelé "l'Indiscret", comme il est indiqué dans le PM du 05.01.1902.

En fait, on en venait à l'ultimatum et il allait falloir trancher : "Dans sa réunion du 30 décembre, la Chambre syndicale des ouvriers metallurgistes et similaires, constatant le peu d'empressement que M. le maire met à livrer la Bourse du Travail, avec son autonomie, aux syndicats, décide, à l'unanimité de ses membres, de se conformer aux décisions prises par la Fédération dans sa séance du 27 décembre dernier, réclamant à nouveau la remise de la Bourse du Travail pour le 3 janvier 1902, sans restriction aucune sur les réglements présentés par ladite Fédération. - Pour le Syndicat et par ordre, le secrétaire." (PM du 01.01.1902)

Dans le même numéro du PM, le journaliste dévoile les coulisses d'une négociation forcée entre la majorité et la minorité du conseil municipal : "Le conseil municipal est convoqué pour demain en séance officieuse. Le but de cette réunion est l'examen d'une proposition de la municipalité de démission du conseil municipal. Voici à la suite de quels incidents cette décision a été prise : Ainsi que nous l'avons annoncé, la commission nommée par le conseil municipal pour l'étude d'un réglement de la Bourse du Travail devait se réunir avant-hier soir, à six heures. Au moment où cette commission allait délibérer, ou était en délibération, nous ne pouvons préciser ce point, M. AUDOYE se présenta et prit place dans la salle. Invité à se retirer, il refusa ; sur l'initiative du maire, la commission se rendit dans le cabinet de ce dernier. Elle y fut suivie par M. AUDOYE, qui refusa de nouveau de se retirer. Le maire envoya alors chercher le commissaire central. C'est en attendant l'arrivée de ce dernier, car il était parti de la mairie, et à la suite des propos échangés de part et d'autre que la démission collective du conseil aurait été décidée. M. AUDOYE, au nom de la minorité, et le maire auraient, au nom de la majorité, pris l'engagement d'honneur de se retirer et de faire le corps électoral juge de la division qui sépare les membres du conseil municipal. Cette décision est heureuse. Elle est la seule solution raisonnable à une situation qui ne pouvait continuer plus longtemps, et cela dans l'intérêt de la ville et aussi des intéressés. Etant donné l'acuité des rapports, il est probable, en effet, que cela aurait fini mal pour tous. C'est ce que tout le monde semble avoir compris. C'est, certes, une "sortie par le haut", intelligente, mais comment Honoré EUZET a-t-il pu se mettre lui-même dans cette impasse pour une question qui n'était pas essentielle, du moins à nos yeux d'aujourd'hui ?

En tout cas, en ville, la situation devient anarchique : le temps n'est plus à la négociation ! "Hier soir, à neuf heures, les ouvriers des chambres syndicales devaient se réunir dans l'école de la rue de la Charité pour délibérer au sujet de la Bourse du Travail. M. le maire ayant refusé de leur livrer la salle malgré les instances de M. BÉNÉZECH, député de Montpellier, arrivé hier à Cette, les ouvriers syndiqués ne purent se réunir. Ils formèrent alors un monôme et au nombre de 5 à 600, les manifestants parcoururent la ville en chantant : "C'est la Bourse qu'il nous faut !" La Carmagnole et le Ça ira ! La police suivit les manifestants mais sans les disperser. Ceux-ci se portèrent en masse sur le plan de la Poissonnerie et, du haut du perron, quelques citoyens haranguèrent la foule et décidèrent d'organiser une nouvelle manifestation ce matin, à dix heures." (EC du 05.01.1902) "Le monôme s'est reformé ensuite, au chant de l'Internationale en parcourant les rues de la ville ; il s'est arrêté quelques minutes devant la mairie et s'est rendu enfin devant l'habitation du maire qu'il a salué par des cris peu sympathiques. (EC du 06.01.1902) Le PM donne à peu près les mêmes informations mais en passant sous silence l'humiliation faite au maire devant son domicile : " (...) De la mairie, les manifestants se sont dirigés vers le local de la Fédération, situé Grand'Rue. Toujours calmes, les manifestants se sont rangés sur le plan de la Marine (marché aux poissons), pendant que le bureau de la Fédération délibérait sur les décisions à prendre. Après une délibération assez courte, l'un des membres du bureau est venu donner rendez-vous pour ce matin à dix heures aux syndiqués pour se rendre à la mairie, y porter le référendum des chambres syndicales. Les manifestants se sont alors reformés en monôme et dirigés vers la mairie, toujours en chantant : "C'est la Bourse qu'il nous faut". (PM du 05.01.1902) Comme prévu, une nouvelle manifestation a lieu le lendemain : "Hier matin vers onze heures, la deuxième manifestation projetée a eu lieu sous les balcons de l'hôtel-de-ville. Une centaine d'ouvriers syndiqués ayant à leur tête les conseillers de l'opposition y assistaient. M. AUDOYE, accompagné de quelques uns de ses collègues, se présenta à la porte du cabinet de M. le maire, mais n'ayant trouvé que le secrétaire général, il redescendit et, de l'escalier d'entrée, s'adressant à la foule, il protesta contre l'absence du maire et dit qu'ils reviendrait ce soir à six heures, pour présenter au maire les desiderata des chambres syndicales. La police assistait impassible à cette manifestation qui n'a pas eu d'autres suites." (EC du 06.01.1902) A la lecture de ces faits, on se rend compte que les syndicats étaient en train de gagner la "bataille de l'opinion" mais encore fallait-il le concrétiser dans les urnes.

La démission de tous les conseillers municipaux

"En ouvrant la séance où devait être discutée cette question, et qui a eu lieu hier soir, à 9 heures, M. le maire a dit : que le grand nombre des conseillers qui assistent à la séance est la preuve que chacun a compris la gravité de la décision qui doit être prise ce soir. Il a ajouté qu'il n'est pas besoin d'exposer le but de la réunion, qu'il s'agit, chacun le sait, de la démission collective du conseil municipal. Sans revenir sur tous les faits qui militent en faveur de cette décision, il se borne à constater que, depuis longtemps, les membres du conseil municipal n'ont plus ni le calme ni le sang froid nécessaire pour gérer utilement les affaires de la commune. Dans ces conditions le bon sens commande de se retirer et de rendre les électeurs juges de la conduite des uns et des autres. Si la démission collective est signée, une commission municipale sera nommée par le président de la République, sur la proposition de M. le préfet et les élections pourraient avoir lieu le dimanche 26 janvier ou au plus tard le dimanche 2 février." (PM du 04.01.1902) Ensuite, les conseillers municipaux s'engagent à ne pas faire partie de cette commission ni de présider aux nouvelles élections. Cette déclaration est signée de tous les membres présents au nombre de 29 (seul le conseiller MARTIN est absent de Sète mais qui doit avoir déjà fait parvenir sa démission).

Le 08.01.1902, la majorité du conseil municipal tente de redresser la situation en faisant afficher sur les murs de la ville un long texte donnant le point de vue des élus majoritaires. Le titre, à lui-seul, résume la situation : "La vérité sur la Bourse du Travail". Les arguments essentiels sont qu'il faut distinguer entre les vrais syndicalistes et ceux qui n'ont d'autre objectif que de lutter contre la majorité socialiste du conseil municipal, en faisant de la Fédération "une citadelle", d'où ils ont lancé "d'insolentes sommations devant lesquelles, ils le savaient, des hommes libres et dignes ne pouvaient jamais s'incliner". Bref, c'est à cause de ces manoeuvres grossières que la Bourse du Travail n'a pas été encore livrée aux syndicats. Au passage, la majorité ne manque pas de ridiculiser les manifestants : "Nous félicitons les sages ouvriers, syndiqués ou non, qui, restés sourds à des incitations malsaines n'ont point voulu s'associer à la manifestation annoncée à grand fracas la faisant ainsi piteusement avorter, couvrant de ridicule ceux-là même qui l'avaient organisée". Surtout, le texte revient sur le coeur de la discorde, l'autonomie de la Bourse du Travail : "On a parlé d'autonomie. Mais qui a jamais songé à asservir la Bourse du Travail, si ce n'est ceux qui malheureusement, imposent à cette heure, mais pas pour longtemps, leur tyrannie aux Syndicats, et la pire de toutes, celle de l'incohérence et de la brutalité. Il est bon que l'on sache que la commission municipale de la Bourse du Travail, d'accord avec la municipalité, a fixé les points suivants qui sont fondamentaux : 1/ La Bourse du Travail autonome s'administrant par une commission composée des délégués des Syndicats, lesquels sont nommés par les divers Syndicats ; 2/ Cette commission nommant elle-même dans son sein, un secrétaire général non salarié responsable ; 3/ Il est adjoint à cette commission et aux ordres du secrétaire général un secrétaire nommé par le concours auxquels participeront seulement, exclusivement les ouvriers syndiqués. Les Syndicats font sans aucun contrôle d'aucune sorte leur règlement intérieur et dressent également leurs budgets. Telles sont les grandes lignes du règlement que le conseil municipal doit soumettre aux Syndicats. Il est impossible d'y voir rien contre l'autonomie réclamée justement par les Syndicats et dont autant et plus que quiconque nous sommes les partisans. La vérité est que les adversaires du conseil municipal ont trompé les ouvriers et que c'est sciemment qu'ils ont jeté le désordre dans les esprits comme ils cherchent à le porter dans la rue. Nous avons cru qu'il fallait démasquer ces coupables intrigues et dire à ces hommes, à ces ennemis des syndicats : Vous avez perdu votre temps, les ouvriers syndiqués ont trop de bon sens et sont trop honnêtes pour vous suivre plus longtemps dans la voie dangereuse et funeste où vous avez voulu les engager. Ils sauront éviter les pièges que vous leur tendez. Vive la République démocratique et sociale !" Suivent les 25 noms des conseillers de la majorité dont, en premier Honoré EUZET (PM du 08.01.1902.

Cette - Remise de pouvoirs : samedi 11.01.1902, à 15 H 30, "M. EUZET, maire de Cette, a remis les pouvoirs à la délégation spéciale nommée par décret présidentiel." (PM du 13.01.1902)

Le 28.01.1902, le PM donne les résultats du premier tour des élections municipales : inscrits 9489, votants 5019, bulletins nuls ou blancs 80, suffrages exprimés 4939. Un seul élu : Antoine CAYROL avec 2549 voix. L'HEUREUX-MOLLE arrive ensuite avec 2466 voix. Honoré EUZET n'est que 23ème avec 2386 voix, cependant que Louis AUDOYE en a 2360 et Eugène MASSONAUD 2558. Un second tour est nécessaire. A la même date, l'EC décrit l'ambiance, tire les leçons du premier tour et se fait philosophe : "Par un retour qui peut faire philosopher sur la fragilité des grandeurs humaines, les socialistes qui avaient élevé M. EUZET au pouvoir ont voté comme un seul homme contre lui, à la suite des incidents de la Bourse du Travail, que nous avons relatés. La campagne électorale avait été des plus acharnées. L'opposition à la tête de laquelle s'étaient placés les deux terribles adversaires du maire : MM. AUDOYE et VALAT, s'était accrue de la présence de Me MOLLE, un jeune avocat qui ne manque pas de talent et qui a donné un certain relief à la liste AUDOYE. L'administration sortante, au dire de ses amis, ne s'est pas défendue avec autant d'énergie que ses adversaires en ont mis à la combattre, parce que, dit-on, elle escomptait le succès. Grande et générale fut la surprise quand on apprit que les listes rivales s'égalisaient presque et qu'un deuxième tour de scrutin devenait nécessaire. La joie fut grande parmi les ouvriers, qui manifestaient leurs sentiments par des chants de victoire, non seulement au dehors, mais encore dans la salle de vote. Un socialiste monta sur la table et entonna l'Internationale avec reprise du refrain en choeur. Le pauvre délégué préfectoral, lui, ne paraissait pas à la noce ! Les résultats furent connus très tard : à 2 heures du matin. La foule était encore assez nombreuse devant la mairie, des femmes même y stationnaient. Les commentaires allaient bon train. La leçon qui se dégage du scrutin d'hier, c'est que généralement les conservateurs se sont abstenus. Ils sont fatigués de jouer le rôle de dupes et d'être traités en parias, et ils ont voulu le faire sentir. Du côté même des voix républicaines qui sont allées à la liste EUZET, il y a eu de nombreuses radiations qui ont porté principalement sur les francs-maçons, les fanatiques de libre-pensée et les laïcisateurs à outrance. C'est ainsi que le sectaire MOURAILLE, le laïcisateur acharné de l'hospice, se voit relégué au 42ème rang et restera probablement sur le carreau au 2ème tour. Ceux qui croient se rendre populaires en faisant de l'anticléricalisme feront bien de méditer cet évènement. Plus loin, le journaliste ajoute : Le bruit courait hier en ville que M. EUZET avait l'intention de se retirer de la lutte électorale. Son comité doit tenir ce soir une réunion à ce sujet." (EC du 28.01.1902)

Dans cette continuité, EC fait ensuite un appel aux conservateurs pour le second tour : "Ne serait-il pas ridicule, d'autre part, d'aller porter nos voix à celui qui nous a froissé dans tous nos sentiments religieux en frappant les dames de Saint Maur, les Filles de Saint Dominique et les soeurs gardes-malades dont celles-ci inspirent même le respect aux cultes dissidents ; en interdisant en 1898, la procession de la Fête-Dieu dans les cours de l'hospice Saint-Charles, sous le futile prétexte que les chants religieux dérangent les malades. Du reste, M. Honoré EUZET n'avait-il pas dit qu'il allait serrer la vis à la réaction ? Hélas ! nous l'avons bien vu. Mais nous avons une force : il faut aujourd'hui nous en servir. Ne pouvant être au pouvoir, montrons que nous sommes capables de tenir en échec celui qui a la prétention de nous asservir. C'est donc contre le franc-maçon EUZET que nous devons porter nos voix pour lui rappeler d'abord le mal qu'il nous a fait et tenir en garde ceux qui arrivent contre le désir qu'ils pourraient avoir à nous nuire. Nous engageons donc nos amis à voter contre le franc-maçon EUZET et le laïcisateur huguenot MOURAILLE et à composer une liste d'où seront exclus les noms des candidats qui se sont signalés par leur haine de sectaires. Nous comptons que notre appel sera entendu et compris. - Le comité conservateur et libéral." (EC du 02.02.1902)

Le 04.02.1902, le PM donne les résultats du second tour. "La liste de concentration socialiste (opposée à la liste EUZET et menée par MOLLE, MASSONAUD et AUDOYE) est élue avec une importante majorité. 634 électeurs qui n'avaient pas voté dimanche dernier, l'ont fait avant-hier (...) On constate que la liste de la concentration socialiste a augmenté en chiffre rond de 655 voix et celle du comité central (la liste menée par Honoré EUZET) de 35, ce qui tend à établir que l'on a voté davantage qu'au premier tour de scrutin." Les résultats sont, en effet, éloquents pour les leaders des deux listes : L'HEUREUX-MOLLE arrive en première position avec 3358 voix, immédiatement suivi par Eugène MASSONAUD (3131 voix) et Louis AUDOYE (3052 voix). Quant à Honoré EUZET, il est 55ème sur 58, avec seulement 2375 voix. "Après la proclamation du scrutin, M. MOLLE a dit quelques mots aux nombreuses personnes qui se trouvaient dans la salle des mariages et a promis la remise de la Bourse du Travail, avec son entière autonomie, aux Syndicats ouvriers".

Ce résultat est donc catastrophique pour Honoré EUZET qui s'est entêté sur cette question de l'autonomie de la Bourse du Travail. Cependant, si l'on comprend facilement la position des ouvriers, socialistes ou non, syndiqués ou non, une autre raison explique son échec : il faut la chercher du côté des républicains modérés et des conservateurs. Ceux-ci ont d'abord lancé l'idée d'une liste qui leur serait propre : "Il nous faut une liste à nous ... catholiques et conservateurs. D'ailleurs, déjà une liste s'étale sur nos murs : celle de l'ancien conseil, complétée par cinq nouveaux membres dont les sentiments antireligieux nous sont connus - et qui ne changeront donc rien à la politique sectaire suivie par leurs aînés. De l'autre côté du parti socialiste, nous ne pouvons espérer mieux." Devant ce constat, un "groupe de catholiques" lançait donc un appel pour la constitution d'une liste qui pourrait s'opposer aux socialistes (EC du 23.01.1902). Mais il faut croire que ces arguments n'ont pas suffi : il n'y a pas eu de liste. Une autre position a, alors, été proposée : le vote nul ! "Sans discuter longuement les actes du conseil démissionnaire, on peut sans crainte affirmer qu'il fut surtout imbu d'esprit franc-maçonnique, c'est-à dire antireligieux et sectaire. Il est impossible que Cette reste plus longtemps indifférent au grand mouvement patriotique et purificateur de la Patrie Française. Que tous les électeurs qui veulent le relèvement de la patrie compromise votent en masse dimanche pour son courageux président, Jules LEMAÎTRE. (la ligue de la patrie française : organisation politique d'orientation nationaliste, fondée le 31.12.1898, elle a pour objectif de fédérer les antidreyfusards) A dimanche donc ! biffons tous les noms des socialistes et sur les mêmes listes, inscrivons le nom du grand patriote Jules LEMAÎTRE." (EC du 24.01.1902) Deux jours plus tard, le même journal précise son point de vue en faveur de l'abstention (sous couvert d'une communication par un groupe de militants), en se moquant et en critiquant les modérés qui pourraient voter pour "le moins mauvais" des socialistes ... Honoré EUZET (il faudra probablement retenir cette image que l'ex-maire de Sète a toujours dans une partie -mais une partie seulement - de la population modérée et conservatrice) : "Dans cette élection, deux listes socialistes seront donc en présence, la liste du millerandiste et franc-maçon EUZET, et la liste AUDOYE. Les conservateurs et les libéraux, oubliant les ignominies dont ils ont été et sont encore les victimes iront, honteux peut-être, donner leur voix à l'homme qui n'a exercé jusqu'à présent son autorité que sur quelques dévotes, dont le crime avait été de chercher à conjurer, en 1885, par des prières publiques, les dangers d'une épidémie qui faisait dans les rangs de notre population de grands ravages. Ils iront à l'homme qui supprima d'un trait de plume la subvention accordée aux classes gratuites des Dames de Saint-Maur ; A celui qui a proposé, ou plutôt ordonné à son docile conseil d'émettre un avis défavorable contre les Dominicaines établies dans notre ville (...) A celui qui a prononcé à la distribution des prix du collège le discours sectaire que chacun connaît. Ils iront à ce soi-disant administrateur qui, entré à la mairie avec un budget parfaitement équilibré au moyen d'un emprunt de 130.000 francs, arrive, après quelques années, à un déficit d'environ 200.000 francs. Ils voteront pour celui qui est la cause de l'augmentation annuelle des impôts, dont souffrent les plus humbles et les petits. Ils voteront pour la liste où figure le laïcisateur MOURAILLE, à la politique duquel le citoyen EUZET est certainement lié. Et le lendemain du vote, ils se diront entre eux en se frottant les mains Ma foi, nous avons cru devoir, en conscience, donner la préférence au moins mauvais de nos adversaires ! Et le moins mauvais aura été naturellement le libre penseur EUZET (...) Quant à nous, quoi qu'il arrive, nous prêcherons l'abstention et nous nous abstiendrons. - Un groupe de militants "(EC du 26.01.1902). On voit ici combien la critique a été forte contre EUZET et la politique anti-religieuse qu'il a menée avec son conseil municipal. Finalement, on trouve dans EC des injonctions à voter blanc, à voter nul, à s'abstenir et, surtout, à ne pas soutenir la liste EUZET. Celui-ci a donc dû subir, à la fois, les critiques de la gauche et de la droite, ce qui explique son échec cuisant.

La nouvelle municipalité

L'installation de la nouvelle municipalité a lieu le 06.02.1902 en présence des 29 conseillers. La séance est ouverte par REISSENT puis par le doyen d'âge, GELLY. "Un interrupteur ayant parlé des réactionnaires, M. GELLY le renvoie à ceux qui, dit-il, ont fait des démarches auprès des journaux l'Eclair et La Croix Méridionale (dans EC, c'est un peu plus précis : GELLY répond au perturbateur qui est "sans doute un ami de l'ancien maire : Allez dire d'abord à votre maître de justifier ses démarches auprès de l'Eclair et de la Croix!"). Il dit ensuite que les nouveaux élus "resteront fidèles aux principes du Parti ouvrier français dont ils ont accepté le programme." Jean Joseph MOLLE est élu à l'unanimité moins un bulletin blanc ; MASSONAUD est élu premier adjoint et AUDOYE, deuxième adjoint. Le maire remercie et conclut en disant que "son but sera l'avènement de la République sociale." Dans la salle des mariages, une palme est offerte au nouveau maire par une délégation ouvrière. "Sur le balcon, le maire remet les clefs de la Bourse du travail à M. PIOCH voulant, dit-il, que cette remise soit le premier acte de la municipalité. M. PIOCH remercie le maire de cette remise et termine son allocution aux cris de "Vive les Syndicats !". Les sociétés musicales donnent une aubade à la nouvelle municipalité (PM du 08.02.1902). De son côté, il est écrit dans EC qu'AUDOYE souligne que Jean Joseph MOLLE est le plus jeune maire de France. Le journaliste ajoute : "Le nouveau maire est bien le plus jeune maire de France. En effet, M. MOLLE comptera 26 printemps au mois d'avril prochain. Que lui réserve l'avenir ?" (pour comparaison, Honoré EUZET va avoir 56 ans le 13 mars)

JEAN JOSEPH MOLLE, maire de la ville de Cette
(Archives de l'Assemblée nationale, sur le site de M. Jacques BLIN)

A propos d'AUDOYE, le RC du 18.04.1914 trace de lui un portrait au vitriol. L'article est intitulé : "Un traître" et rappelle son parcours depuis cette élection de 1902 : "Lorsque en 1902, après la scission de la Municipalité EUZET, AUDOYE fut candidat, il déclara à qui voulait à aucun prix être désigné adjoint si la liste MOLLE était élue. Les élections ont lieu au mois de Février, 20 Mollistes sont élus. MOLLE est maire et AUDOYE est nommé 2me adjoint sans qu'il lui soit fait violence. Le jour de l'installation de la municipalité, jour où furent remises les clefs de la Bourse du Travail : AUDOYE criait du haut du balcon de la Mairie : "Citoyens !!! je ne voulais pas d'écharpes, mais je me suis résigné devant les sollicitations à accepter celle de 2me adjoint à seule fin qu'elle soit l'écharpe des ouvriers !!! Comptez sur moi, etc., etc. Quelques mois après, AUDOYE le tonnelier, l'adjoint des ouvriers abandonnait la campagne qu'il menait contre les Wagons-Réservoirs, pour entrer dans la maison DOMERC ESTÈVE aux appointements de 2400 francs par an. Cet homme dont le nom figure sur la plaque commémorative de l'inauguration de la Bourse du Travail ; ce contremaître qui osait, il y a quelques temps dans une réunion (à laquelle assistait son compère MOLLE) donnée à la Bourse du Travail, pour les cheminots, accuser un de nos bons amis, d'être un désorganisateur de syndicats, s'ingénie à n'embaucher que des ouvriers non confédérés, en un mot il est le fervent soutien des jaunes du syndicalisme (...)"

Même ostracisme politique au sein même de la mairie, comme c'est souligné dans le PM du 16.04.1910, avant le premier tour des élections législatives, quand ce journal qui soutient SALIS (député sortant) critique violemment MOLLE (candidat à la députation) sur sa gestion comme maire de Sète : "A peine étiez-vous arrivé à la mairie que vous avez révoqué, sans vous soucier des misères que vous créiez, des employés communaux, dont le seul tort était de ne pas partager vos idées politiques." On sait, cependant, que cette pratique était habituelle et qu'Honoré EUZET l'a, lui-même, appliquée.

La Bourse du Travail

Le 07.03.1902, par délibération, le conseil municipal adopte les règlements de la Bourse du Travail, ce qui lui donne une existence légale et un siège : 16, rue Jean Jaurès. La Bourse est administrée et gérée par un conseil d'administration composé de trois délégués par syndicat ou groupe corporatif adhérent à la Bourse ; six commissions sont créées ; le personnel comprend un secrétaire général, un concierge, un trésorier, un archiviste, nommés et révocables par le conseil d'administration ; la Bourse reçoit une subvention municipale. Le 07.03.1902 : inauguration officielle de la Bourse, avec salves d'artillerie, par le maire Jean l'Heureux MOLLE. (dossier BH 617, aux Archives municipales de Sète)

La plaque d'inauguration de la Bourse du Travail
(Photo J.C.E., le 26.09.2017)


L'usine du Creusot

Lors de l'inauguration de l'usine du Creusot de Sète, Honoré EUZET, conseiller général de Sète, prend la parole. Le JC résume ainsi son intervention : "Avec cet esprit méthodique qu'on lui connaît, il dit combien il a été heureux d'être maire au moment où il a reçu les premières ouvertures de la compagnie du Creusot et combien il a été non moins heureux d'y répondre avantageusement." (JC du 17.04.1902)

C'est toujours pour soutenir ces investissements industriels qu'il émet un voeu au Conseil général, voeu auquel l'assemblée départementale s'associe, à l'unanimité : "Considérant que le département et la région ont adhéré avec empressement à l'installation des usines Schneider sur une partie des étangs des eaux blanches et d'Ingril, lesquelles comprennent ou comprendront des hauts fourneaux et des ateliers de construction navale ; Que l'approbation unanime apportée aux enquêtes par les populations consultées, indique combien celles-ci ont compris, dès le début, quels grands avantages elles pourraient retirer de cette création ; Que déjà, d'ailleurs, de nombreux ouvriers trouvent dans et par ces usines un travail régulier ; Considérant toutefois que la création par MM. SCHNEIDER et Cie, du Creusot, de leur usine a toujours été subordonnée à l'exécution de divers travaux en vue de permettre à des navires de passer directement de la mer à l'étang, par le canal maritime, le canal latéral et le canal de la Bordigue ; Que le ministre des travaux publics a déposé son grand programme tendant à compléter l'outillage national par l'amélioration des cours d'eaux et des ports ; Considérant que le projet de travaux compris dans la série A et dont l'énumération est ci-dessus, se trouve incorporé dans ce grand projet ; Considérant que la durée d'exécution du programme ministériel est fixée à 16 ans ; Qu'en ce moment, le projet est arrêté au Sénat et risque d'y échouer ; Vu les engagements contractés, vu les sacrifices faits par la Chambre de commerce et le Creusot ; Dans l'intérêt du port de Cette, pour le bien de la marine marchande si éprouvée et que ces retards privent d'un frêt considérable ; Considérant surtout que en raison des engagements pris il serait injuste de faire subir à des travaux reconnus indispensables le sort de l'ensemble du projet ; Le Conseil général demande avec instance à M. le ministre des travaux publics de vouloir disjoindre du grand programme de travaux projetés ceux de la série A pour en faire un projet spécial." (JC du 29.08.1902)


Dernière occasion de clivage politique en 1902 : l'élection législative. Le JC soutient MOLLE qui, dit-on, fait une tournée triomphale dans la région, à Bouzigues, à Loupian, à Lapeyrade. Inversement, le journal du 10.04.1902 reprend les argument de MOLLE pour critiquer SALIS à qui on reproche de "s'être solidarisé avec l'ancien maire M. EUZET" ; on fustige le trio SCHEYDT (qui a refusé toute subvention aux chambres syndicales), EUZET (qui a "refusé de livrer la Bourse du Travail à moins qu'il n'en soit le maître et alors que contrairement à son programme, il l'avait faite attendre sept ans" et SALIS (qui a refusé aux ouvriers d'user de son influence auprès du préfet pour que soit rendue justice aux ouvriers, etc.) Finalement, SALIS est réélu, au second tour, après la démission de MOLLE. Sur Sète même, il obtient 2158 voix (contre 2085 au premier tour), loin devant ses autres adversaires (VERDALE : 157 voix), DOUMET (17 voix), CACHIN (3 voix) et JANUS (2 voix).

"Le groupe d'Etudes sociales et le groupe du Parti ouvrier français de Cette, qui avaient soutenu les cinq membres de la minorité, appartenant à cette dernière organisation, contre le renégat EUZET, ex-maire de Cette, organisèrent un Congrès et y présentèrent la candidature du camarade CACHIN, qui était venu les aider dans la lutte soutenue, aux élections municipales, contre la liste EUZET. La scission se produisit et la candidature MOLLE, maire élu sur le programme du P.O.F. fut soutenue par la majorité du Conseil municipal, contre la candidature SALIS, radical-socialiste, et DOUMET, progressiste. Le citoyen CACHIN fut alors soutenu par ces deux groupes qui l'avaient présenté à la candidature de protestation. Au premier tour, cette candidature obtint 120 voix. Au deuxième tour, les révolutionnaires, d'un commun accord, se sont abstenus. Les électeurs qui avaient voté pour MOLLE, battu au premier tour, s'abstinrent, et le candidat officiel fut élu au deuxième tour, contre DOUMET, progressiste. Le candidat SALIS aurait été battu si les partisans de MOLLE, maire actuel de la ville de Cette, jeune arrivé en politique, avaient soutenu la candidature CACHIN." Ce texte est un extrait du compte rendu du premier congrès national du Parti socialiste de France (Unité socialiste révolutionnaire) qui s'est tenu à Commentry les 20, 27 et 28.09.1902. Le rapport pour l'Hérault est écrit par "le citoyen CHATTENET", l'extrait ci-dessus concerne la troisième circonscription dans l'arrondissement de Montpellier, pour les élections législatives [Lille, imprimerie ouvrière M. DHOOSSCHE, 147, rue d'Arras - cote à la Bibliothèque nationale de France : L b57 13648 (1)].


Le bilan de la municipalité précédente

La fin de l'année 1902 est l'occasion de faire le bilan de l'équipe municipale précédente. Ce bilan est d'abord fait par Honoré EUZET lui-même, dans une brochure qu'il intitule Nos finances et qui est intégralement publiée par le JC. Par contre, EC se contente d'en faire un résumé succinct : "M. EUZET affirme que depuis cinquante ans aucun conseil municipal n'a laissé de situation financière plus nette que le sien. Il ne craint pas de voir un inspecteur des finances vérifier sa gestion, bien qu'on l'en ait menacé. Malgré de graves mécomptes, tels que la diminution des produits de l'Entrepôt, des dépenses imprévues de l'enlèvement des immondices et l'alimentation des chaudières, les comptes communaux, d'après lui, se sont toujours soldés par des excédents de recettes, à tel point qu'il avait su constituer un fonds de réserve de 600.000 francs, qui a servi à la construction du théâtre et à alimenter les budgets supplémentaires. Cette oeuvre, ajoute-t-il, restera l'honneur de l'ancien conseil municipal. En terminant, M. EUZET prétend que, s'il était resté à la mairie, il aurait pu achever le théâtre sans nouvel emprunt ni impôts nouveaux." (EC du 02.11.1902)

Voici quelques extraits de ce mémoire parus dans le JC :
- "(...) Mais il nous a paru qu'il fallait que chacun sût quelle était la situation financière de la commune, quand nous avons abandonné la gestion de celle-ci, le 31 décembre 1901, afin de dégager entièrement notre responsabilité (...) Et d'abord, nous affirmons que depuis cinquante ans, aucun conseil municipal, même parmi ceux du second empire, qui étaient réputés avoir une compétence plus étendue que ceux venus sous la République et composés en grande partie d'ouvriers, nous affirmons, disons-nous, que depuis cinquante ans, aucun conseil municipal n'a produit ce qu'a produit le nôtre et n'a laissé une situation financière plus nette en ce qui toutes les recettes et les dépenses courantes ayant un caractère permanent (...) C'est bien là ce qui explique qu'après avoir été longtemps menacé de voir notre gestion vérifiée par un inspecteur des finances, nous attendons encore depuis près d'un an cette vérification annoncée avec fracas (...) Ah ! Si on nous refuse cette satisfaction, c'est qu'on a dû s'apercevoir bien vite qu'une inspection approfondie de notre gestion financière ne pouvait qu'aboutir à des éloges que nous aurions eu conscience d'avoir mérités et qu'en conséquence nous aurions acceptés avec plaisir sans la moindre fausse modestie (...)" (JC du 05.11.1902)
- "Le nouveau Théâtre (...) Nous nous hatons de dire que nous nous félicitons de l'avoir édifié dans des conditions de solidité, de luxe et d'art qui en font un superbe monument. Nous nous en félicitons pour plusieurs raisons. D'abord, parce que quelle que soit la somme qui sera dépensée pour sa construction, cette somme est et restera une partie de la fortune de la Commune, une partie de cette fortune que rien ne pourra entamer ni détruire, fortune que nous n'avons point dispersée mais transformée en faisant un emploi utile, nous nous en félicitons parce que nous avons confiance en l'avenir de notre cité, nous nous en félicitons enfin parce qu'en socialistes sincères, dévoués et pratiques nous ne regretterons jamais d'avoir dépensé de l'argent qui sorti de la bourse des riches est entré sous forme de salaires dans la modeste escarcelle des ouvriers. Au surplus nous serions vexés certainement si nos concitoyens pouvaient croire que nous nous laissons émouvoir par les âneries débitées à propos du Théâtre. Qu'il soit bien entendu que nous ne nous présenterons pas devant eux dans une humble posture. Au contraire ! Le Théâtre est notre oeuvre, oeuvre que depuis cinquante ans aucun maire n'avait osé entreprendre. Il restera comme le témoignage de notre courage, de notre initiative. Il restera l'honneur de l'ancien Conseil municipal (...)" (JC du 08.11.1902)

Bien entendu, le bilan de la municipalité précédente est également fait par la nouvelle équipe municipale. C'est aussi l'occasion pour le PM de rappeler quelle est sa ligne de conduite par rapport aux communications qui lui sont soumises. C'est ce que fait le journal dans son numéro du 15.11.1902 : "Quelques personnes nous ont manifesté leur surprise à ce que nous n'ayons publié que l'esprit de la lettre de M. EUZET et ayons supprimé un passage de la lettre de M. MOLLE, passage qui, du reste, n'était d'aucune utilité pour la clarté de l'idée émise. Notre réponse sera nette. En cette circonstance, nous avons continué à suivre la ligne de conduite que nous nous sommes imposés et que nous porsuivrons sans nous préoccuper des colères, des haines même, contre notre journal ou contre ses collaborateurs. Nous avons supprimé et nous supprimerons toujours, dans les communications qui nous seront adressées, les passages que nous considèrerons comme susceptibles de creuser davantage le fossé qui divise le parti républicain. Que l'Eclair, journal réactionnaire, fasse autrement. Il est dans son rôle d'antirépublicain. Mais ce serait sortir du nôtre que d'agir comme ce journal. Ceci dit, nous reproduisons, sans commentaires, les quelques lignes que l'Eclair a publiées à propos des lettres de M. MOLLE et de M. EUZET. Ces lignes demandent à être méditées. Voici ce que nous dit le journal clérical de Montpellier : Comme on le voit, nos bons socios se traitent bien entre eux ! La lutte qui s'anonce ne manquera pas, sans doute, d'intérêt ; nous tiendrons nos lecteurs au courant des coups que se portent ces apôtres de la fraternité républicaine" En effet, le 12.11.1902 EC publie une lettre de MOLLE à EUZET (pour l'inviter à discuter des finances au théâtre de la ville) et la réponse d'EUZET : "M. MOLLE, Je ne tomberai pas dans le guet-apens que visiblement vous préparez. Je ne discuterai pas avec un imb... tel que vous." Le 13.11.1902, le PM reprend la lettre de MOLLE en en supprimant un passage, et en résumant la réponse d' EUZET quant à son refus mais sans reprendre les mots injurieux.

Le même jour, le 15.11.1902, EC et JC rapportent les débats qui ont eu lieu dans une réunion (le 13), au théâtre municipal de la Grand'Rue, présidée par le maire, entouré par les membres du conseil municipal. MOLLE fait un discours incisif visant à démolir la politique municipale de son prédécesseur. C'est surtout EC qui donne le plus de détails : "Citoyen, dit-il, comme c'est un imbécile qui va parler, vous voudrez bien lui accorder toute votre indulgence. Ce coup droit porté à l'ancien maire qui qualifia ainsi son successeur provoque une explosion de rires et d'applaudissements. M. MOLLE pousuit, tenant à la main le mémoire que M. EUZET a fait paraître pour défendre sa gestion municipale (...) Ce que nous contestons, c'est que les dépenses engagées l'aient été avec utilité : M. EUZET déclare qu'il a su trouver en dehors des 600.000 francs de l'emprunt pour le théâtre 200.000 francs d'économies, sans établir de charges nouvelles et qu'il a laissé en caisse un excédent de recettes de 75.000 francs. Voici la vérité : Tandis que la ville obtenait du Conseil général 20.000 francs de réduction sur sa part contributive, les contribuables n'en ont pas bénéficié, car, d'une autre côté, ils étaient augmentés de 3 centimes additionnels ; d'autre part, les droits d'octroi ont subi une augmentation de 4 décimes ; au total, les contribuables ont eu à payer, de 1895 à 1902, 22 centimes additionnels représentant 304.000 francs d'impôts supplémentaires ! Quant au prétendu excédent de 75.000 francs que dit avoir laissé M. EUZET, il se réduit à 35.787 francs si l'on en déduit les 10.000 francs de la subvention gouvernementale pour le collège que la ville n'a pas encore reçus et les 30.000 francs de la vente des terrains de la Corniche qui ont servi à payer M. RICCARDI, l'entrepreneur du théâtre. Au résumé, pour boucler son budget, M. EUZET a porté au chapitre des dépenses des crédits souvent insuffisants, à tel point que, pour les équilibres, le conseil actuel a dû voter, depuis son arrivée à la mairie, une somme de 24.596 francs de crédits supplémentaires.

Après avoir fait l'exposé du budget de 1903 que l'administration actuelle veut faire sincère, M. MOLLE aborde la question du théâtre. Le projet établi par M. EUZET était loin d'être celui d'un bon administrateur. Pour n'être pas critiqué, il avait laissé croire que la construction d'un nouveau théâtre ne dépasserait pas 600.000 francs. Il avait fait tout son possible pour que la commission des bâtiments civils ne relevât pas ce chiffre. Ce projet comprenait des murs de carton et une charpente insuffisante qu'il a fallu doubler. On avait omis d'y faire figurer les frais de chauffage et de ventilation (45.000 francs), l'éclairage (40.000 francs), la décoration, le paratonnerre, les verrières, la dorure, les châssis des décors, les cordages etc. etc. M. MOLLE explique ensuite comment M. EUZET a trouvé, au moyen de virements, les 300.000 francs qu'il se flatte d'avoir économisés. C'est d'abord 18.000 francs destinés à réparer un syphon, 20.000 francs qui devaient servir à l'étude d'adduction des eaux de l'Hérault, 5000 francs portés pour la station zoologique, 2000 francs provenant de la vente de terrains à la butte-ronde, 1000 francs touchés pour l'assurance d'un incendie à l'hospice, 14.000 francs de boni des étaux de la halle, 47.330 francs de boni sur le budget 1900, 16.000 francs destinés à l'agrandissement de l'école pratique, 4000 francs pour des chapitres additionnels de 1901, 38.000 francs des terrains de la Corniche. Total : 214.133 francs, auxquels il faut ajouter 63.635 francs des rabais imposés aux adjudicataires et 47.992 francs qui devaient servir à l'entretien des bâtiments communaux. A chaque énumération, l'orateur pose la question : Où allaient s'engouffrer tous ces crédits ? - Au théâtre ! répondent en choeur les auditeurs. Ainsi la salle entière trouve à s'égayer au cours d'une démonstration de chiffres qui aurait pu être très monotone.
"

Et MOLLE conclut : "Le théâtre coûtera 1.700.000 francs. Nous mettons M. EUZET au défi de contester ce chiffre. Il faut donc trouver 650.000 francs environ (chiffre qui devait suffire au début pour sa construction). On pourrait certainement se le procurer en ratiboisant chaque année, comme l'a fait M. EUZET, une centaine de mille francs sur les différents chapitres du budget, mais une bonne administration ne doit pas user de pareils procédés qui porteraient l'achèvement du théâtre à six ou sept ans d'ici. Un emprunt est indispendable. (...) La séance prend fin par l'adoption de l'ordre du jour suivant : Les citoyens réunis au théâtre municipal le 13 novembre 1902 au nombre de 1500, blâment le citoyen Honoré EUZET, conseiller général et ex-maire de la ville de Cette, d'avoir laissé les finances de la ville dans une situation déplorable et félicitent le citoyen MOLLE, maire, et le conseil municipal d'avoir fait l'exposé d'une façon nette et précise. Considérant que par son refus formel d'assister à cette réunion le citoyen Honoré EUZET donne une preuve de sa mauvaise gestion, l'assemblée lui demande sa démission du Conseil général." Comme le PM, le JC fait un résumé de cette séance (mais beaucoup plus succinct) dans son numéro du 15.11.1902, en rappelant surtout l'emprunt qui est proposé par le maire. On comprend, dès lors pouquoi Honoré EUZET a refusé d'aller à cette réunion qu'il avait qualifiée de "guet-apens" 'JC du 13.02.1902)



1903

Le conseil général nomme EUZET et FERRASSE pour faire partie de la commission de surveillance de l'école pratique de commerce et d'industrie de Sète ;

L'école pratique de Sète
(place Victor-Hugo, de 1899 à 1914)

les mêmes, FERRASSE et EUZET déposent un voeu tendant à l'augmentation de l'indemnité de résidence accordée aux agents du service actif des douanes à Cette ; ce voeu est renvoyé à la commission des affaires diverses (session du conseil général d'avril 1903)

Au conseil général, FERRASSE dépose un voeu pour féliciter et soutenir le ministre Emile COMBES pour sa politique anticléricale. Ce texte est signé, notamment, par Honoré EUZET (EC du 26.08.1903)




1904

Honoré EUZET, photo probablement prise en 1903
(Guide de l'Hérault 1904, vue 863 sur le site en ligne des AD 34)

A la session du Conseil général d'avril, on voit dans le compte rendu (p. 152) que le conseiller général, EUZET propose une aide pour les boursières de l'école primaire supérieure de Sète. "Les soussignés Honoré EUZET et FERRASSE ont l'honneur de vous exposer qu'il vient d'être créé, à Cette, une école primaire supérieure de filles, qui a été ouverte le premier mars dernier et qui est déjà fréquentée par un grand nombre d'élèves ; c'est pourquoi ils ont l'honneur de solliciter du Conseil Général une allocation de 1,000 francs pour l'entretien d'élèves boursières à l'école primaire supérieure de Cette. Le Conseil Général ne trouvera pas cette demande excessive, s'il veut bien considérer qu'il est alloué à Montpellier 3,000 francs pour l'entretien d'élèves boursières à ses deux écoles primaires supérieures et à Béziers 1,250 francs pour l'entretien d'élèves boursières à son école primaire supérieure de filles (...) La demande présentée par nos honorables collègues EUZET et FERRASSE étant en tous points justifiée, votre commission vous propose de la renvoyer à votre commission des finances, avec avis très favorable. - Adopté." Ce texte est lu par le conseiller général CROZALS au nom de la commission qui a étudié la question (chargée, notamment, de l'instruction publique). Cette question est aussi rapportée par le PM du 13.04.1904. Le 13 avril, il signe avec FERRASSE et GUILHAUMON un voeu pour que les stages soient convenablement rémunérés dans les administration publique, conformément au principe d'égalité (EC du 13.04.1904 et PM du 17.04.1904). Le PM rapporte aussi les voeux qu'il émet avec FERRASSE et ROUVIER pour que soit augmentée l'indemnité de résidence des douaniers de Sète et que les rapports entre les chefs et la hiérarchie soient revus, notamment en communiquant annuellement les appréciations sur les agents qui, jusqu'alors sont conservées dans des dossiers secrets (PM du 18.04.1904). Autres questions au conseil général rapportées par EC : d'abord dans le n° du 13.04.1904, "est adopté un voeu de MM. FERRASSE, GUILHAUMON et EUZET tendant à ce que les divers surnumérariats des administrations publiques tels qu'ils existent soient modifiés de façon à ce que tout citoyen ait droit à une rémunération suffisante qui lui permettre de vivre honorablement, à partir du jour où il sera appelé à consacrer son travail et son temps au service de l'Etat" (la proposition est renvoyée à la commission de l'instruction publique) ; ensuite, dans le n° de EC du 15.04.1904 pour un voeu de GUILHAUMON, FRAÏSSÉ, FERRASSE et EUZET : "Le conseil général emet le voeu que soient étudiés par les pouvoirs publics les moyens propres à réaliser la mobilisation de la propriété foncière et à la rendre transmissible par les modes de transfert du code de commerce." (renvoi en commission)

L'inauguration du théâtre

Le nouveau théâtre

"Pendant de très longues années la ville de Cette n'eut pas de théâtre lui appartenant et c'est dans une petite salle de la Grand'Rue, appelée salle Jannin qu'avaient lieu les représentations théâtrales. Longtemps les municipalités successives s'imposèrent de lourds sacrifices pour entretenir dans cette salle de spectacle une troupe sédentaire. Malheureusement l'exiguïté de la salle et son manque total de confortable, le défaut d'adaptation de la scène aux besoins modernes, en même temps que les difficultés d'accès et l'insuffisance des dégagements ne favorisèrent pas les recettes directoriales et rarement on vit un directeur arriver jusqu'au bout de la saison pour laquelle il avait pris des engagements. La situation déplorable dans laquelle se trouvaient tous les directeurs préoccupa sérieusement les administrations qui se succédèrent à la mairie de Cette. On essaya alors une combinaison avec les villes voisines, dont les troupes allaient donner à Cette un certain nombre de représentations par semaine. Les résultats financiers ne furent pas meilleurs. Alors, et pour ne pas priver tout à fait la population cettoise de spectacles, l'administration décida de conserver la salle Jannin en location et de la livrer, moyennant une redevance de 100 francs à toutes les troupes et tournéees de passage qui désireraient s'arrêter à Cette. Les tournées eurent bientôt le même triste sort que les directions et l'on vit surtout des troupes obligées de renoncer à jouer faute de spectateurs. Il fallait donc remédier à cet état de choses et créer une salle de spectacle pouvant répondre aux besoins d'une population de 35.000 habitants.

C'est au mois de mai 1896 que l'administration Euzet décida de faire ériger à Cette un théâtre municipal. L'idée n'était d'ailleurs pas nouvelle et depuis une dizaine d'années de nombreux projets avaient été soumis aux municipalités précédentes. A notre connaissance, le premier en date était dû à M. POLGE, architecte de Montpellier ; M. NAHMENS devait avancer les fonds nécessaires. Le deuxième fut proposé par M. VIMEUX, représentant de M. DROSSE, de Lyon ; ce projet, dit-on, avait été conçu par M. CASSIEN-BERNARD, l'architecte du Grand-Théâtre de Montpellier. M. CARLIER, architecte à Montpellier, arriva troisième, se présentant comme entrepreneur pour réaliser l'exécution d'un théâtre provisoire pour la somme forfaitaire de 250.000 francs. La quatrième proposition fut faite par M. BÉRAIL, ingénieur du service des eaux à Cette, qui projetait d'installer sur la promenade du château d'eau un théâtre appelé théâtre hydraulique. Enfin l'offre la plus récente fut adressée par une société marseillaise qui offrait de construire un théâtre provisoire en même temps qu'elle effectuerait une série d'autres travaux. Je passe sous silence un certain nombre de projets fantaisistes comme celui de transformer en théâtre l'église Saint-Louis. Toutes ces propositions, tous ces projets n'ont pu aboutir soit par manque de persévérance de la part de ceux qui les avaient mis en avant, soit par suite de la trop grande importance des travaux à exécuter. C'est alors que l'administration Euzet en mai 1896 décida l'abandon de l'ancien théâtre et la construction d'un nouveau.

L'emplacement était tout désigné : c'était le petit terre-plein de l'avenue Victor-Hugo, manquant peut-être de largeur, mais convenant d'une manière parfaite à l'édification d'un monument de ce genre. Le théâtre ne pouvait que contribuer à l'embellissement de ce quartier, le plus beau certes de la ville. isolé de toutes parts, sa façade principale donnant sur une avenue largement ouverte, à proximité de la gare des voyageurs, desservi par une ligne de tramways électriques en projet à ce moment-là, en service maintenant, le nouveau théâtre se trouve dans une situation exceptionnelle. De plus, et c'est une considération qu'il ne faut pas négliger, en utilisant cet emplacement la ville réalisait unz première économie de 180.000 francs, représentant la valeur du sol et évitant une expropriation toujours coûteuse.

La construction du théâtre décidée, l'architecte de la ville, M. GOUR, reçut l'ordre d'étudier un projet de théâtre pour la somme de 600.000 francs. Ce projet dressé le 25 juin 1896, fut présenté au Conseil minicipal qui en approuva les plans et les devis estimatifs. Le projet fut adressé au Préfet de l'Hérault qui l'envoya au Ministre de l'Intérieur. Celui-ci le communiqua au Ministre des Beaux-Arts en demandant l'avis du Conseil supérieur des Bâtiments civils. Après un premier examen, M. GOUR fut appelé à Paris par M. THIERRY, architecte du gouvernement, rapporteur du projet, pour apporter sur place les modifications demandées par le Conseil. De même que l'architecte DAVIOUD pour le théâtre du Châtelet, M. GOUR a dû se conformer aux prescriptions du Conseil des bâtiments civils, imposant pour la couverture du monument un comble unique, comme au théâtre de Bordeaux. Les modifications demandées pour l'ensemble furent faites très rapidement et le projet reçut l'approbation pour la fin de l'année 1897.

Au mois de février 1898, l'architecte municipal se trouve donc donc dans la nécessité d'exécuter dans un délai de 18 mois (le conseil voulant inaugurer le théâtre avant l'expiration de son mandat) le nouveau théâtre dont on ne lui avait pas laissé le temps de mûrir le projet. Il restait, en outre, à étudier le chauffage et la ventilation, l'éclairage électrique et le machinisme de scène sans tenir compte des entreprises nouvelles qui allaient s'y rattacher. Tous les travaux furent mis au concours et un retard considérable se produisit qui se répercuta surtout sur la marche des travaux de maçonnerie déjà en cours d'exécution. En établissant son projet, M. GOUR avait fait connaître à la municipalité que, même en banissant tout luxe de ce monument, qui pourtant en réclamait tant, le crédit de 600.000 francs, affecté à la construction, était notoirement insuffisant. Malgré un avis semblable donné par le Conseil des bâtiments civils, la municipalité fit la sourde oreille, disant à l'architecte : Nous verrons plus tard. C'est pour cela que l'on trouve d'aussi sérieuses différences entre le projet et l'exécution. Tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, le nouveau théâtre est, dans les décorations, d'une somptuosité dont nous ne rencontrons nulle part la trace, ni dans les dessins du projet, ni dans le devis général de la dépense. Certainement, la ville de Cette ne pouvait avec une somme de 600.000 francs, avoir la prétention de faire construire un monument remarquable, alors qu'une des maisons de l'avenue Victor-Hugo, prise au hasard, coûte 300.000 francs. La municipalité actuelle le comprit dès son arrivée au pouvoir et sortit, de bonne heure, des réserves que s'était imposées le conseil précédent. Ce sera la gloire de la municipalité MOLLE et en particulier du maire, J. L'HEUREUX-MOLLE, de n'avoir pas craint, pour parachever l'oeuvre de sa devancière, d'imposer à la ville une dépense supplémentaire de 900.000 francs, afin de décorer le nouveau théâtre avec tout le luxe que doit nécessairement comporter une salle de spectacle.
" L'article est signé A. AUGÉ. "(LVMR du 03.04.1904)


L'inauguration du théâtre dont la construction fut entreprise par Honoré EUZET en 1896, a lieu le 09.04.1904. Le PM ne semble pas en avoir parlé, le JC de l'année n'est pas en ligne mais l'EC fait une longue analyse très critique de la construction :

EC du 09.04.1904 : "Vade mecum" des élections municipales. Sous cette dénomination relevée par le titre de Vérité, vient de paraître une brochure documentée qui répond aux divers opuscules que fit paraître M. EUZET, ancien maire, concernant sa gestion des affaires communales. A la veille de l'inauguration de notre nouveau théâtre et des élections, elle ne manque pas d'actualité ni d'intérêt. En voici quelques extraits : "Pendant que M. EUZET faisait partie du Conseil municipal, M. PEYRET était maire, une proposition d'édification d'un théâtre fut faite au Conseil municipal d'alors. M. EUZET se signala par une opposition ardente, estimant que les finances de la ville ne permettaient point cette dépense." Et pourtant, la proposition était modeste, il s'agissait d'un théâtre qui coûterait trois au quatre cent mille francs maximum, il en prévoyait les aléas de la construction. Pourquoi n'a-t-il pas eu toujours cette prévoyance ? M. EUZET aussitôt son arrivée à la mairie ne poursuivit qu'un seul but. Une seule idée hanta son cerveau, laisser un nom sur un monument public et de là l'idée du théâtre

Le théâtre de Sète
(Photo sur le site de L'Encyclopédie Sétoise)

Contrairement à ce qui est de règle pour un monument de cette importance, on ne mit pas le projet du théâtre au concours. M. EUZET, désireux de parler en maître et de diriger lui-même, voulut son architecte, et c'est ainsi que nous furent préparés tous les aléa, toutes les erreurs qui survinrent. Il fut donc décidé que M. GOUR, architecte communal, dresserait un projet de théâtre s'élevant à 600.000 francs pour lequel on demanderait à faire voter un emprunt. Ainsi donc, voilà un maire qui, en entrant à la mairie, est obligé de faire un emprunt, parce que, dit-il, la situation de la ville le lui impose et ce qui va de nouveau grever la ville par un nouvel emprunt dont la somme ne représentera que le tiers de ce qui sera nécessaire, car ce théâtre que l'on prétendait vouloir faire avec 600.000 francs coûtera définitivement près de 2.000.000. On a leurré sciemment le conseil municipal et l'opinion publique. Nous en donnons une preuve immédiate par la lettre que M. EUZET écrivait à M. GOUR, à Paris, lorsque ce dernier défendait son projet devant la commission des bâtiments civils. "Il faut obtenir,disait-il, que notre chiffre de 600.000 francs, soit accepté. je compte sur vous pour cela, etc., etc. Expliquez-leur que les sommes nécessaires au complément de l'oeuvre, nous les prendrons dans nos budgets futurs." L'exécution du théâtre était à peine commencée que les aléa se produisaient. La maçonnerie de fondement étant insuffisante, il fallut l'augmenter. Le premier plan manque de surélévation, de sorte que, bientôt on s'apercevra que les dessous de scène manquent de profondeur. Il faudra alors prendre un spécialiste pour construire une cuvette de 0,60 cm au dessous du niveau du canal, dont le coût supplémentaire s'élèvera à 12.000 francs. Tous les lecteurs comprendront l'avantage qu'il y aurait eu à surélever le premier plan. Tous l'édifice en aurait bénéficié au point de vue de l'exthétique. On ne verrait pas, aujourd'hui, le perron du théâtre sous la forme disgracieuse qu'il nous est présenté. Toutes choses étant mal conçues, ou ayant été volontairement obtenues, le résultat est généralement déplorable. C'est bien ce qui faisait dire à M. GOUR dans l'un de ses rapports à M. EUZET : Nous avons marché dans cette importante construction avec des crédits trop restreints et sans marge. N'est-ce pas la critique de M. EUZET dans toute cette affaire. Les conséquences vont s'en faire sentir au fur et à mesure de la marche des travaux.



Le théâtre de Sète

A peine a-t-on exécuté le tiers de l'élévation du théâtre qu'on s'aperçoit que les pierres de Beaucaire, dont on se sert, sont de qualité inférieure. On modifie une première fois, en s'adressant à un autre fournisseur. Celui-ci ne sera pas définitif, car une troisième qualité de pierre viendra remplacer la seconde. Ce sera alors seulement qu'on aura enfin trouvé la pierre qu'il fallait. Tout l'ensemble de l'édifice va subir les mêmes aléa puisque, nous verrons finalement la maçonnerie, qui sur le cahier des charges devait s'élever à 243.290 francs atteindre le chiffre énorme de 750.751 francs 69. De même la ferronnerie qui était portée à 63.642 francs va voir son chiffre monter à 220.807 francs ; charpenterie 16.200 francs s'élèvera à 52.593 francs 12 ; zinguerie 14.052 francs 90 sera plus tard de 35.716 francs 31 ; peinture et vitrerie 5138 francs 16 verra son chiffre à 24.110 francs 72 ; sculpture Baussan de 7000 francs à 36.342 francs indemnités comprises et ainsi de suite pour tous les articles, pour lesquels nous pourrons y comprendre encore la sculpture Injalbert qui de 20.000 francs a fini par coûter 50.000 francs ; le chauffage et la ventilation non prévus et dont la somme totale est de 36.696 francs. Veut-on un exemple des impedimenta. Pendant la construction du théâtre, alors que déjà on se rendait compte du coût énorme de cet édifice, il vint à l'esprit de M. EUZET de confier à M. INJALBERT le soin de compléter le fronton du théâtre par un sujet de sculpture. Le prix de 20.000 francs en fut débattu, accepté et le contrat signé. On ne voudra pas croire à l'impéritie qui a présidé dans cette idée. M. EUZET fut donc tout étonné lorsqu'il fallut pour l'exécution de ce motif sculptural un ensemble de dépenses qui élevèrent le coût primitif de 20.000 francs à celui de 50.000 francs environ. On n'avait pas prévu que l'exécution de cette oeuvre d'art obligerait à un supplément de travaux que motiverait son exécution. On voulut faire grand. Cet article n'est qu'une première partie et la suite était prévue dans le numéro suivant de EC. Généralement, on trouve en ligne deux numéros pour une même date, chacun donnant en page 3 des nouvelles de villes ou villages différents. Malheureusement, il n'y a qu'une seule édition en ligne pour le 10.04.1904 et celle qui comprend la suite de cet article n'y est pas. Peut-être que l'on pourra un jour combler cette lacune.

Le théâtre de Sète
(Photo sur le site de la Fondation du Patrimoine. Languedoc-Roussillon)




L'élection municipale de 1904

Dès le mois d'avril, la controverse enfle, avant les élections municipales de mai. Ainsi, EC rapporte une polémique entre MARMIÈS-CLOT (qui vient de sortir une brochure intitulée Vérité, à charge contre l'administration précédente) et un employé des douanes du nom de ROMANI. ""Une phrase de la brochure de M. MARMIÈS disant que quelques messieurs avaient transformé le but de l'Amicale des Douaniers fut relevée, il y a quelques jours, dans un manifeste signé : Sept douaniers en retraite. M. MARMIÈS répondit à ce manifeste anonyme en déclarant qu'il constituait une manoeuvre électorale de M. EUZET et qu'il avait été rédigé par un fonctionnaire à sa dévotion. M. ROMANI, le fonctionnaire visé, fit paraître à son tour un factum attaquant M. MARMIÈS avec la dernière violence. Ce dernier piqué au vif a fait distribuer hier soir un nouveau manifeste, accusant formellement M. ROMANI d'être l'auteur de l'immondice signée : Un groupe de sept douaniers, et lui décochant les épithètes de menteur, lâche, pleutre, pourriture, épave de la politique, malandrin, fantoche, couard, etc., etc. Comme on le voit, ça commence bien. Que sera-ce dans quelques jours ? En tout cas, nous ne manquerons pas de compter les coups." (l'article est intitulé Entre eux) On comprend que les conservateurs vont se délecter des combats entre factions socialistes.

Les élections municipales du 01.05.1904 voient s'opposer trois listes d'obédience socialiste : celle dite de concentration socialiste révolutionnaire, c'est-à-dire du conseil municipal sortant avec MOLLE, celle du Comité central socialiste, dite liste EUZET, et celle du Parti ouvrier, dite de la lutte des classes, ou encore liste VALLAT ; le PM a insisté sur ce socialisme des trois listes pour bien rappeler que les libéraux étaient absents de la compétition. Ceux-ci ont pourtant essayé d'exister dans ce paysage électoral en lançant surtout leurs flèches contre la liste EUZET, qu'ils estimaient de coloration franc-maçonne. Ainsi, dans EC du 01.05.1904, cette communication d'Un groupe d'électeurs indépendants : "Contribuables ! Votez contre EUZET, l'homme aux emprunts, qui nous a écrasés sous le poids des impôts et la surélévation des taxes d'octroi après nous en avoir promis la suppression. Pères de famille ! Votez contre EUZET, qui approuve et applaudit la politique vexatoire et humiliante du ministère COMBES dont vous êtes vous et vos enfants les malheureuses victimes. Libéraux ! Votez contre EUZET qui avec son compère MOURAILLE prépare la laïcisation de l'hospice et du bureau de bienfaisance. Catholiques ! Votez contre EUZET, l'allié des loges maçonniques. Braves gens de toutes nuances ! Votez contre EUZET dont les plus sûrs soutiens et les meilleurs amis ne sont que des insulteurs publics à gages ! (...)

" Les critiques des libéraux ont permis au PM de donner son point de vue sur les francs-maçons en général et sur ceux de Sète en particulier : "Les loges sont des réunions d'hommes libres, qui, sans distinction d'école, poursuivent un but : l'émancipation morale et matérielle de l'individualité. Tout franc-maçon conservant son indépendance absolue et son autonomie entière, il est extraordinairement rare de ne pas en trouver dans tous les groupements qui se réfèrent de la République et du socialisme. C'est pourquoi à Cette, en ce moment, il n'est pas une seule liste qui ne compte ou ne s'appuie sur des francs-maçons." (PM du 29.04.1904) Le même thème est repris un peu plus tard pour contrer le Cerol ou Ceral, organe du parti des libéraux que le PM appelle les réactionnaires : "L'organe de ce parti sans vigueur ni énergie qui est incapable de trouver trente noms pour défendre ses idées, cherche à jeter le trouble dans le vote d'aujourd'hui. Il dit de voter contre les francs-maçons. Nous répétons qu'il y en a dans les trois listes (...) Tous les candidats sont républicains, ils l'ont dit et, si une liste contient le libre penseur - et non le francs-maçon MOURAILLE, - l'autre se prononce pour la laïcisation des services publics, le monopole de l'enseignement par l'Etat, la suppression des congrégations, et la troisième se réfère d'un parti qui a dans son programme le retour des biens de main-morte à l'Etat. Le vaincu, quoiqu'il dise, ne peut donc être, aujourd'hui, que la réaction" (PM du 01.05.1904). Cela n'empêche pas le journal LL d'appeler à voter "contre le Ministère, contre la Franc-Maçonnerie, c'est-à-dire votez contre EUZET". On comprend que cette charge ait pu gêner la liste MOLLE qui, du coup, avait un air de compromis avec ces libéraux (PM du 01.05.1904). Avant comme après cette élection, le grand jeu consistait à refuser (officiellement) les voix des réactionnaires.

Cependant, les échanges d'arguments ont surtout eu lieu entre les deux principales factions des républicains, celles de MOLLE et d'EUZET (la presse conservée ne fait part d'aucun échange concernant la liste VALLAT). Les critiques ont porté sur la gestion des deux municipalités passées : "Dans une première affiche apposée sur nos murs, le citoyen Honoré EUZET au milieu d'erreurs et d'inexactitudes, parle notamment de deux faits qui demandent quelques précisions. 1/ Déficit des chapitres additionnels de 1903. Nous avons établi que ce déficit, constaté par nous, est entièrement à la charge de l'administration municipale précédente. M. EUZET, d'ailleurs, n'insiste pas et il aurait mauvaise grâce à le faire. C'est lui qui a entraîné ce déficit, en dilapidant les ressources ordinaires de la commune au profit du théâtre. C'est lui qui a tout absorbé dans cette oeuvre inopportune de luxe. C'est lui qui, après avoir fait le trou s'est retiré juste à temps pour n'y être englouti que moralement. 2/ Déficit de 1904. Celui-là personne ne le connaît puisque les chapitres additionnels de 1904 ne sont pas encore établis et ne peuvent l'être légalement qu'en mai. Cependant, une précision est nécessaire, c'est nous qui, cette année, avons payé de nos deniers avec des ressources ordinaires, les sommes qu'il avait fictivement attribuées au théâtre et qu'il a ensuite dépensées pour la vie municipale. Nous avons déboursé cette année pour M. EUZET des sommes affectées au théâtre, sommes qu'il n'avait pas mises de côté, ainsi qu'il aurait dû le faire (...)", le total s'élevant à 69953 francs (PM du 27.04.1904). Evidemment, on ne voit ici que les arguments développés par la liste de concentration socialiste révolutionnaire et ce n'est qu'indirectement que l'on devine ceux de la liste du Comité central socialiste mais on se rend bien compte de l'impact du coût du théâtre dans cet échange d'arguments. Sur ce thème, on peut encore citer dans le PM du 01.05.1904 "Impuissance. Sous ce titre le comité de concentration socialiste répond ce qui suit à la note parue hier, sous la rubrique Incapables : M. EUZET nous avait accusés d'avoir 70000 francs de déficit pour 1903-1904. Nous avons répondu et prouvé que ces 70000 francs avaient servi à payer les dettes de l'ancien maire. Nous avons mis le conseiller général au défi de nous contredire. Il nous répond qu'il ne veut plus discuter parce que nous sommes incapables de le comprendre. Allons, M. EUZET l'aveu est bon. La vérité de notre affirmation vous étouffe. Impuissant à nous contredire, vous vous dérobez (...)"

D'autres polémiques sont soulevées, comme le statut de la bourse du Travail. Le comité central socialiste écrit, par exemple : "Les jaunes du socialisme, se sentant perdus, font répandre le bruit que si la liste EUZET arrive, elle supprimera les subventions syndicales et l'autonomie de la Bourse du Travail. Le comité déclare que tous les candidats de la liste du comité sont partisans de l'autonomie la plus complète. Quant aux subventions syndicales, le citoyen EUZET a fait voter, la semaine dernière, au Conseil général, une allocation pour le syndicat des portefaix" (PM du 01.05.1904). C'est, évidemment, de bonne guerre de reprendre ce sujet qui a fait chuter Honoré EUZET en 1902 mais ce n'est pas un thème majeur de la campagne en cours ; il semble bien que personne ne veuille vraiment revenir en arrière. Le débat est plutôt axé sur les bilans respectifs des deux municipalités. Ainsi reproche-t-on à Honoré EUZET de n'avoir rien fait quant à l'adduction des eaux de l'Hérault malgré ses promesses, de même pour l'abattoir ou encore les deux emprunts qu'il a contractés alors qu'il était contre avant de devenir maire. Bref, les attaques des amis de MOLLE ont surtout porté sur ses promesses non tenues. "Contribuables, méfiez-vous" (PM du 30.04.1904) était l'argument de choc et cet argument a porté puisque la liste MOLLE est gagnante dès le premier tour avec 3339 voix (PM du 04.05.1904). La liste EUZET a un millier de voix en moins environ (le chiffre exact n'est pas donné par le PM) et la liste VALLAT ne totalise que 300 voix environ (pas de chiffre exact non plus).



L'élection cantonale de 1904

Lors des élections cantonales de 1904, Honoré EUZET est conseiller sortant et annonce qu'il ne sera pas candidat, dans une lettre qui est reprise dans le PM, sous le titre, Un beau geste : "Mes chers amis, Dans les circonstances actuelles, au cours de la période actuelle qui s'ouvre, vous m'avez fait l'honneur de me prier instamment d'accepter la candidature au Conseil général, de m'inviter à solliciter en un mot le renouvellement de mon mandat, en m'assurant votre appui le plus dévoué. J'ai le regret de vous dire que je ne saurais accepter cette candidature que vous m'avez offerte avec une insistance qui m'honore, je vous suis profondément reconnaissant de vos affectueuses démarches. Mais permettez-moi de vous rappeler que c'est volontairement, de bonne foi, sans arrière-pensée, dans l'unique but de contribuer à l'union si désirable du parti républicain socialiste, que vous avez, avec mon adhésion complète, absolue, désigné des délégués au Congrès qui s'est institué pour préparer cette union. Je rends hommage au zèle, au dévouement, à l'intelligence des honorables délégués qui, au sein du Congrès, ont défendu avec habileté et énergie les droits des 2238 électeurs républicains socialistes qui, lors des dernières élections, répondirent à l'appel du Comité central socialiste (...) (il donne donc là le nombre de voix qu'il a obtenues lors de l'élection municipale du mois de mai, c'est-à-dire 1101 voix de moins que Jean Joseph MOLLE). Il insiste encore, dans sa lettre, sur le désir d'unité, sur le rôle du Congrès de choisir le candidat et sur le principe d'honnêteté qui assure la meilleure politique (PM du 19.07.1904). Cette lettre et sa position lui seront rappelées en 1905 quand il prendra une décision radicalement différente, lors d'une nouvelle élection au Conseil général.

Il a, d'ailleurs, confirmé sa position dans une nouvelle lettre, parue dans le PM du 29.07.1904, et adressée au président et aux membres du Comité central socialiste : "Mes chers amis, vous avez cru devoir décider, dans votre réunion du 25 juillet courant, que vous repreniez votre liberté d'action dans la lutte électorale, en raison de ce que le Comité de concentration socialiste révolutionnaire ne tenait pas ses engagements, ainsi que pour d'autres considérations. Or, le dit Comité déclare qu'il reste fidèle à ses engagements et, d'un autre côté, le Petit Méridional, toujours bien informé, dit que nos adversaires ne présenteront un candidat que si j'affronte moi-même la lutte. Il résulte de cette situation que si j'acceptais d'être présenté par vous, ainsi que vous le souhaitez, moi qui désire si ardemment l'union dans l'intérêt et pour la dignité du parti républicain, je deviendrais un instrument de désunion. Je ne puis ainsi mentir à tout mon passé politique." Suivent des mots de remerciements et il conclut en disant qu'il maintient sa première déclaration.

Quant aux résultats, il a fallu deux tours de scrutin. Au premier tour, Marius FRANÇOIS (indiqué comme républicain) l'emporte avec 2074 suffrages contre 1359 à Ernest SCHEYDT (Union républicaine socialiste) et quelques "petits candidats" (LACAVE de l'Union socialiste avec 302 voix, MASSONNAUD comme socialiste révolutionnaire indépendant avec 37 voix, CHEVALLIER comme républicain indépendant avec 193 voix), résultats donnés par le PM du 01.08.1904. Au second tour, le ballottage donne l'avantage à Marius FRANÇOIS qui est élu ; cette fois, il est indiqué comme "candidat dit du Peuple, soutenu par tous les journaux réactionnaires", avec 2853 voix, contre Ernest SCHEYDT avec 2245 voix, les divers se partageant 33 voix (PM du 08.08.1904). On allait retrouver ce Marius FRANÇOIS (qui était déjà conseiller d'arrondissement) en 1905 et sa route allait croiser celle d'Honoré EUZET. Il est évident que le succès de 1904 correspond à une évolution du corps électoral, notamment pour la part prise par les modérés dans la population, et il est clair que cette évolution n'est pas passée inaperçue dans une partie du corps politique local.



Le PM du 17.10.1904 relate avec beaucoup de détails la fête annuelle et le banquet de la section de Cette de l'amicale des douaniers. Le préfet préside la réunion. Il a à sa droite, HUART, le directeur des douanes, et à sa gauche, Honoré EUZET, qui est président d'honneur de l'amicale. A la table d'honneur, sont également présents, notamment, Jean Joseph MOLLE, le maire de Cette, et Ernest SCHEYDT, ancien maire de Cette, docteur de l'amicale. La présence, à la même table, de ces trois personnalités, est comme un arrêt sur image, hors politique politicienne. On aimerait avoir une photo de la tablée ! Honoré EUZET déclare dans son allocution qu'il a "toujours apporté son concours à toutes les oeuvres sociales. Ce sont les principes démocratiques qui l'ont inspiré jusqu'ici et il restera toujours l'ami des humbles et le serviteur passionné de la justice et du prolétariat. Rappelant ses votes au conseil général, en faveur des douaniers, il se déclare heureux de constater que l'assemblée départementale s'est toujours associé à ses voeux ; notamment en ce qui concerne la suppression des dossiers secrets. Il souhaite à l'amicale une longue prospérité et il boit au gouvernement de la République (applaudissements)." Quant à ROUVIER (conseiller général du 2ème canton de Montpellier), il déclare : "D'habitude, lorsqu'un homme politique rentre dans la vie privée, l'ingratitude se manifeste. Ici, vous venez de nous donner un exemple réconfortant de véritable solidarité et de fraternité. Je vous en félicite car, en acclamant mon ami EUZET, vous rendiez implicitement hommage à tous ses anciens collègues du conseil général qui se sont associés aux voeux déposés par lui pour votre défense sociale (...)".


L'Ecole pratique et l'Ecole supérieure des filles : Dans la séance officieuse du 2 août, le Conseil municipal a décidé en principe, l'agrandissement très prochain de l'Ecole supérieure des filles mais encore fautdrait-il que l'on n'empute pas d'école Paul Bert ; "Hier, pour l'installation de l'Ecole pratique de Commerce et d'Industrie, on sacrifiait l'Ecole Victor-Hugo, demain, on mutilera l'Ecole Paul Bert, le seul groupe scolaire de Cette digne d'abriter nos enfants." (PM du 08.08.1904)


La crise économique et sociale à l'usine sidérurgique Schneider de Sète

"On sait qu'à la suite de la dernière grève des ouvriers des Forges de Cette, le haut-fourneau dût être démoli. Les ouvriers qui avaient repris le travail, ont été jusqu'à ces derniers temps employé à toutes espèces de travaux, mais il était à prévoir que leur présence deviendrait bientôt inutile dans l'usine, dont la marche est complètement arrêtée. En effet, ils ont été la plupart remerciés à l'exception de quelques hommes, qui font sauter à la dynamite le bloc de fonte extrait du haut-fourneau. Quant à la reconstruction du nouveau haut-fourneau, on dit qu'il faudra encore de longs mois pour qu'elle soit chose faite." (EC du 12.09.1904)

Il reste une trentaine d'ouvriers ; la société hésite à faire de nouveaux travaux "à cause de la mise à l'index de la société de la part des ouvriers dockers", d'où l'impossibilité d'expédier les fontes. (EC du 19.09.1904)

"Les ouvriers des chantiers Schneider viennent d'être en partie congédiés ; sur 350 ouvriers qu'occupait les forges, 30 seulement resteront. Les dockers avaient mis cette Compagnie à l'index, on annonce qu'elle ajournerait à une date indéterminée la construction du haut fourneau qui avait été décidée." (Le courrier de l'Aude du 21.09.1904)

"L'oeuvre de ruine se poursuit (...) Le port de Cette, à la veille d'une ère de prospérité que faisait prévoir l'installation de nouvelles usines (...) Les usines métallurgiques Schneider viennent de fermer, la mise à l'index des syndicats la mettant dans l'impossibilité de manipuler ses marchandises de matière première et, depuis, le silence le plus morne règne sur ces chantiers (...) M. SCHNEIDER n'était certes pas le seul qui avait compris combien la situation du port de Cette se prêtait au trafic industriel et commercial, d'autres sociétés (minoteries, fonderies, manufactures de produits alimentaires) se préoccupaient de créer des succursales sur notre territoire ; les évènements, ces derniers temps, ont détruit toutes ces bonnes volontés et ces sociétés abandonnent définitivement leurs projets trop à la merci de l'arbitrage syndical (...)" Signé : Un Cettois. (EC du 11.10.1904)

" (...) Nous apprenons même que deux des machines soufflantes vont être démontées et expédiées au Creusot. (...) Hélas, pourquoi en si peu de temps, exactement deux années après, devions-nous assister à l'évanouissement de notre rêve. Le ciel qui s'illuminait le soir à la lueur des coulées de fonte s'est assombri tout à coup ; un calme de mort a succedé à l'agitation fiévreuse des chantiers (...) Grèves et mises à l'index ont produit des effets trop désastreux dans le monde du travail comme dans celui du commerce pour que tous deux ne désirent ardemment n'en plus voir le retour (...)" (EC du 21.12.1904)


1905

Honoré EUZET et son frère, Joseph EUZET, sont désignés comme délégués cantonaux pour le canton de Sète, par le Conseil départemental de l'enseignement primaire. Avec eux, on trouve d'autres représentants du monde politique : MOLLE (maire de Sète), SCHEYDT (ancien maire de Sète), AUDOYE (adjoint au maire), CAYROL (adjoint au maire), BRUNIQUEL (ancien adjoint au maire), SALIS (député) et d'autres personnes de Sète comme MOURAILLE (probablement celui de la Libre-Pensée), COUZIN (le notaire), etc. (PM du 08.02.1905)

L'élection cantonale de 1905

Au premier tour des élections cantonales pour le canton de Sète, les résultats du scrutin sont les suivants : MOLLE ("candidat de l'Union républicaine socialiste"), 2535 voix ; Marius FRANÇOIS ("candidat soutenu par la réaction"), 2536 voix. Il y a ballottage. Le PM du 27.02.1905 qui donne ces résultats et présente ainsi les deux candidats, ajoute : "Naturellement, la réaction a voté comme un seul homme en suivant le mot d'ordre de EC, du LL et celui donné dans les réunions des libéraux de samedi soir. Toujours d'après ce journal, les inscrits étaient 9245 et les votants 5152, soit 55,73 %. Ce taux de participation est apparu important et le PM écrit qu'il n'y a pas eu d'incidents et qu'un "très grand nombre d'électeurs ont pris part au vote;" Ce sobre commentaire cache, évidemment, une grande déception et une non moins grande inquiétude pour le second tour. Ce résultat indique, surtout, une mobilisation des électeurs qui rejettent radicalisme, radical-socialisme et socialisme dans un paysage local qui, depuis 1870, donnait toute la place aux forces de gauche.

Au second tour, le PM du 06.03.1905 constate que "rarement le dépouillement d'un scrutin a été aussi mouvementé; Alternativement, les candidats tenaient la tête. Finallement, MOLLE a été élu par 17 voix de majorité". Les inscrits étaient toujours 9245 mais les votants étaient passés à 5872, soit un taux de participation de 63,51 %. MOLLE obtient 2912 voix et FRANÇOIS 2895 (à ce propos, FRANÇOIS est ainsi présenté : "candidat de la réaction et de quelques dissidents"). Le PM, à peine plus triomphant qu'au premier tour, se borne à signaler que "ce résultat a été accueilli par les cris de Vive la République A bas la calotte !. Une foule nombreuse était sur la place de la mairie." Il y a donc eu une forte mobilisation des abstentionistes, tant à droite qu'à gauche et, pourtant, seules 17 voix ont fait la différence ! Quant au terme dissident employé par le PM, on voit bien qu'il recouvre une frange non négligeable de républicains. On peut poser comme hypothèse que beaucoup étaient inquiets des projets de séparation de l'Eglise (catholique) et de l'Etat. En effet, c'est justement le 4 mars qu'Aristide BRIAND avait déposé son projet de loi sur la séparation des Eglises et de l'Etat (la loi devait être votée en juillet , promulguée en décembre et entrer en vigueur en janvier 1906).

Dans ces conditions, comment s'est positionné Honoré EUZET ? Qu'elle a été son influence sur le vote des deux tours ?

Un premier retour en arrière peut se faire avec la déclaration du Groupe Central Socialiste (GCS) qui paraît être purement sétois, tenu en main par EUZET, et qui semble s'opposer à une autre bloc républicain, le Comité d'Union Républicaine (CUR), lequel paraît avoir une base plus large et être sous l'influence du maire, Jean Joseph MOLLE. Une déclaration du GCS est parue dans le PM du 12.02.1905. Elle évoque d'abord la réunion du 09.02.1905 du CUR où le GCS avait envoyé des délégués, réunion qui a désigné MOLLE pour être le candidat républicain à l'élection. Le GCS dit donc que ses délégués "ont pu outrepasser leur mandat et que, dans ces conditions, ils n'ont pu agir que sous leur propre responsabilité, sans engager le groupe". Suivent une série de considérants qui aboutissent à invalider la désignation de MOLLE : celui-ci "tient dans sa main et dirige" le CUR, c'est lui qui a été "l'artisan de notre désunion", qui en a profité et qui doit donc être le dernier à bénéficier de l'union républicaine ; par ailleurs, le GCS, "par la fermeté républicaine des membres qui le composent et par son importance numérique qui constitue la majorité ;républicaine à Cette" a droit à un rôle autre que celui "de cheval de renfort", ce qui est humiliant. L'argument qui suit montre le vrai visage de cette élection : "si certains hommes réclament aujourd'hui l'appui du Groupe Central Socialiste, ce n'est point que leurs sentiments aient changé, mais uniquement parce qu'ils pensent qu'ils ont intérêt à s'appuyer sur notre groupe, au moment où ils pressentent que l'appoint des conservateurs auquel ils ont dû jusqu'ici leur succès va leur manquer". En conclusion, le GCS considère qu'une union, dans ces conditions, serait une duperie dont ses membres en seraient les victimes ; "par ces motifs, le Groupe Central Socialiste déclare qu'il est absolument hostile à la candidature MOLLE", tout en étant partisan de l'union ... mais pas au profit de ce dernier.

Retour en arrière encore avec les explications du CUR dans le PM du 13.02.1905 où l'on rappelle que des délégués ont été envoyés auprès d'EUZET, SCHEYDT et MOLLE. Pour le premier, il est écrit : "Conformément aux décisions mises par le Congrès d'Union, les délégués se sont rendus auprès du citoyen EUZET, pour lui faire part des résolutions du Congrès des groupements républicain et socialiste de notre ville. Après une assez longue conversation et divers échanges de vues, le citoyen EUZET déclara que, pour atteindre la réaction, il consentait à observer dans cette élection une neutralité bienveillante, mais qu'il ne pouvait faire davantage. Sur cette déclaration très nette, les délégués de l'Union se retirèrent, attendu qu'il leur paraissait impossible d'obtenir de M. EUZET plus que la neutralité. Mais avec regret, nous devons signaler que cette ligne de conduite de M. EUZET fut rapidement modifiée. Une heure après avoir donné cet engagement de neutralité, il faisait appeler l'un des délégués de l'Union et déclarait qu'il revenait sur son engagement de neutralité. M. EUZET affirma qu'il reprenait sa liberté d'action et qu'il était décidé, malgré tout, à combattre la candidature MOLLE, pourtant sortie de l'Union républicaine. (...) Le lendemain, une nouvelle démarche a été tentée pour ramener M. EUZET dans le devoir de la discipline républicaine, rien n'a pu ébranler la décision de M. EUZET simplement préoccupé d'empêcher à tout prix l'élection du citoyen MOLLE." Le PM explique ensuite que SCHEYDT soutiendra la candidature MOLLE et que MOLLE, lui-même, accepte la candidature d'union "quoique personnellement il ne fut pas candidat." Enfin, le PM insiste sur le fait que le GCS s'était engagé moralement à accepter ce que feraient ses délégués, spécialement désignés pour participer au congrès qui devait désigner le candidat républicain pour l'élection cantonale. Dans cette affaire, il y a eu beaucoup de "ont-dits", on a parlé de piège, de manipulation, et le PM en tire la morale suivante : "Or à Cette, on est frondeur, au delà de toute expression. On aime faire la nique au pouvoir, mais le Cettois est excessivement loyal. Il n'aime pas les pièges et s'il croit que l'on a voulu en tendre un à quelqu'un, il est capable de voter pour lui, afin de le venger et de punir celui qui lui aura tendu ce piège."

Le "GCS" fait alors connaître publiquement sa position : "Le groupe central socialiste a fait paraître un manifeste où, après des considérants aussi inexacts que tendancieux, il se déclare hostile à la candidature MOLLE. M. EUZET vient aujourd'hui de trahir le Parti républicain en faisant passer son intérêt personnel et ses rancunes avant le devoir de Parti. Tous les vieux républicains, peinés de cette attitude, comprendront le crime impardonnable commis par notre ancien conseiller général. (...) Cette tâche indélébile, M. EUZET ne l'effacera jamais. C'est lui qui, désormais, assume toute la responsabilité des futurs évènements ; c'est lui qui coupable envers son parti, termine, par un acte inqualifiable, une vie politique qui semblait mieux promettre pour son couronnement." (PM du 14.02.1905)

L'IME du 20.08.1920 rappelle, en rétrospective historique, la lettre que publie Honoré EUZET, les 20 et 21.08.1920 : "Mis en cause au cours d'une polémique, M. EUZET publie une lettre où il revendique l'honneur de l'édification du théâtre, seul monument ayant un caractère artistique (...)" - à rechercher.

Avant l'élection législative prochaine, EC fait un parallèle entre la politique locale et les joutes de Sète : "Face à face - Comme les deux "intombables" du Pavois d'Or, M. MOLLE, maire de Cette, et M. EUZET, son prédécesseur, rompent encore des lances sans qu'aucun d'eux se résigne à s'avouer vaincu. Ces deux champions - de la barque rouge - ont ceci de commun avec beaucoup de jouteurs, c'est qu'ils cherchent à prendre leur adversaire au défaut du pavois. Ces défauts sont, pour l'un, le théâtre et l'emprunt ; pour l'autre le déficit et le gaspillage des deniers communaux. Le public qui suit les coups, apprécie suivant ses préférences ou ses illusions et juge. Ces premiers engagements nous réservent un tournoi encore plus palpitant, puisque M. EUZET, en déclinant l'invitation à une réunion publique par M. MOLLE, déclare à ce dernier qu'aux prochaines élections législatives ils se retrouveront face à face. Mais en l'occurence que deviendra M. SALIS ? Pense-t-on qu'il se contentera du fameux objet d'art ?" (EC du 05.09.1905)

1906

1907

La Délégation de l'Instruction Publique est convoquée à la mairie pour le 26.03.1907. En font partie : MOLLE (maire de Sète), AUDOYE (1er adjoint), MASSENAUD (conseiller municipal), Dr SCHEYDT (ancien maire), Dr PETIT, SALIS (député), MOURAILLE (ex conseiller municipal), CORCIER Emile (propriétaire), EUZET (ancien maire), EUZET Joseph (négociant), NÉRIS Julien (négociant), BRUNIQUEL (ancien adjoint), BOY (principal du collège), BENOÎT (banquier), NOELL (pharmacien), ROQUES (de La Dépêche), BONNET (avocat). (JC du 25.03.1907).

Contexte de l'année 1907 : la crise viticole ; la manifestation de Montpellier : "Le comité d'Argelliers est tout puissant ; les ordres qu'il dicte sont suivis à la lettre par 1800 communes. Marcelin ALBERT a proclamé la grève des contribuables et la démission collective des corps élus" (JC du 10.06.1907)

Suite à la grande manifestation de Montpellier, le conseil municipal de Sète démissionne, à l'unanimité de ses membres ; MOLLE, le maire, argumente pour montrer que, malgré les intérêts propres à la ville de Sète, il faut soutenir les viticulteurs ; sur le balcon de l'Hôtel-de-Ville, il est approuvé par la foule ; une affiche est apposée sur les murs de la ville pour expliquer cette démission collective ; le maire envoie un télégramme au préfet pour que celui-ci envoie à Sète un délégué, afin d'assurer le service de l'Etat Civil ; un comité est nommé, chargé de se mettre en rapport avec le comité directeur d'Argelliers ; il prend pour appellation le comité de défense des intérêts viticoles (JC du 12.06.1907)

Le point de vue du député Jacques SALIS : "Ce qui me navre, au Parlement et dans la vie à Paris, c'est de constater la véritable haine que l'on exprime contre le Midi. Paris, le Nord, le Centre et l'Ouest, et vous savez que c'est quasiment la France, sont farouchement contre le Midi. Pourquoi ? Pour de nombreux motifs. On nous en veut par jalousie et il y a longtemps. Pour notre caractère, pour notre nature bruyante, nos sentiments, nos termes affirmatifs, bref pour notre tempérament qui ne ressemble pas au leur. Nous ne sommes pas de la même race. Et cette tendance au particularisme s'affirme partout dans nos pays et creuse de plus en plus le fossé qui nous sépare des gens du Nord. Comment remonter ce courant, c'est là le point noir de l'avenir. Ils le constatent et nous aussi. Ainsi, aucun grand journal à Paris n'a soutenu le Midi. Que dis-je ? Même les illustrés ont cru très fort de blaguer nos vins, et l'autre jour encore notre collègue PLICHON du Nord, concédant à AUGÉ et à la tribune, qu'il lui avait fait une mauvaise plaisanterie, ajoutait, comme correctif : "en tout cas, moins mauvaise que vos vins du Midi". On nous en veut encore et surtout, parce qu'en ces dernières années, la direction des affaires a été confiée à bon nombre de méridionaux et que dans nos derniers ministères, le malheur a voulu qu'un grand nombre de ministres fussent les représentants des départements du Midi. On dit que nous comptons trop pour notre importance dans la France. C'est dans cet état d'esprit général qu'il faut voir la cause de la conduite du Ministère à notre égard. Joignez-y pour le Nord surtout, la crainte. Oui, la crainte de la contagion et de l'exemple. Pensez donc, dans ces pays où la population est bien plus dense et où l'industrie est générale, si l'on imitait le Midi. Si la grève de l'impôt était appliquée. Si les municipalités démissionnaient et arrêtaient la vie, si des mutineries de régiments se produisaient, que deviendraient les grandes exploitations agricoles et industrielles ? Car les gens du Nord sont plus patients mais plus méchants. Voulà pourquoi le nombre des députés et les nécessités de conservation sociale ont imposé au Gouvernement la manière forte qu'a fait et fait encore durement sentir dans notre Midi, le Président du Conseil. (...)" (JC du 24.06.1907)

Lettre d'Honoré EUZET au directeur du JC : "Ce n'est pas la première fois que M. MOLLE m'attribue faussement des écrits auxquels je suis complètement étranger. Chacun sait qu'il obéit ainsi à une sorte de monomanie qui lui fait voir ma main partout, alors que les ennemis qu'il s'est créés pour diverses raisons, sont légion. Non, je ne suis point l'auteur ni l'inspirateur de la lettre signée (un groupe de patentés) par la raison bien simple que je suis trop partisan du concours de Gymnastique pour fournir à l'administration municipale le prétexte qu'elle cherche de ne pas le faire, et de se soustraire à ses engagements, placée qu'elle est entre la crainte qu'elle éprouve de se brouiller avec le comité d'Argelliès, - elle relève (probablement : dont elle relève) - et l'impossibilité où elle est de trouver, les 10,000 francs qu'elle a promis, dans la caisse municipale épuisée par son imprévoyance et ses folles prodigalités. Et je ne serais point surpris que la Municipalité eut dicté elle-même cette lettre qui lui permet de dire depuis à ses amis : Nous ne pouvons pas obéir aux sommations comminatoires du citoyen EUZET. Agréez, M. le directeur etc." (JC du 24.07.1907)

Lettre du maire MOLLE contre EUZET et Marius FRANÇOIS, deux hommes dit-il, inspirés par la haine de sa modeste personne ; sur le premier, il écrit : "M. EUZET a enfin signé de son nom les dernières lignes d'une polémique qu'il entretenait depuis plusieurs semaines avec la prose indigeste de ses scribes anonymes : il est enfin sorti des groupes de tout ce que vous voudrez pour parler en vaticinaire. Je le remercie de ses sentiments toujours excellents à mon égard (...) Ces deux messieurs dont l'accord touchant n'est fait que de leur colère commune, sont exaspérés au plus haut point du rôle que je me suis permis de jouer dans le mouvement du Midi. Naïfs ou roublards, ils semblent regretter de ne pouvoir être à ma place pour avoir également leur nom dans les journaux et leur profil dans les salles parisiennes de rédaction (...)" (JC du 27.07.1907)

Lettre d'Honoré EUZET au directeur du JC (SOLTANO) : "(...) vous savez mieux que personne qu'à part l'article signé XX (sur l'origine duquel nul ne s'est mépris), je suis absolument étranger à tous les écrits parus dans votre estimable journal sous des pseudonymes divers. Merci et Vale" (JC du 29.07.1907)

Lettre d'Honoré EUZET, adressée à MOLLE : "M. MOLLE me fait connaître que les journaux illustrés réclament son portrait et que lui-même se trouvant bien en formes, il se rend à Paris pour se faire photographier. Je veux bien condescendre à lui accorder le sursis qu'il sollicite de ma bonté. Je tirerai ce lièvre timide au retour quand il sera à ma portée." (JC du 29.07.1907)

Les conseillers municipaux finissent par retirer leurs démissions, ce qui est annoncé par le JC du 07.08.1907 : "Le conseil municipal s'est réuni hier soir, en séance officieuse, avec son comité électoral. Il a décidé de retirer sa démission, en raison de l'oeuvre de pacification accomplie par le gouvernement, du retrait des troupes et de la mise en liberté des fédérés. Ces motifs sont expliqués dans une lettre dont M. MOLLE maire a donné lecture, et que tous les conseillers municipaux ont ensuite signée." Un peu plus tard, une affiche expliquant ce retrait est apposée sur les murs de la ville (JC du 10.08.1907)

1908

Avant les élections municipales, la situation à Sète : "La municipalité sortante est socialiste unifiée, M. MOLLE est maire. Le Comité MOLLE présente une liste. Contre elle s'élève celle de la liste dite du Comité central (EUZET, ancien maire), et des socialistes indépendants (Marius FRANÇOIS, ancien conseiller général). Mais, dans cette liste figurent des membres de l'Action libérale. Cette liste dit qu'il ne faut pas faire de politique dans les élections et fait appel ainsi aux voies conservatrices. Un comité radical socialiste et de défense des intérêts de Cette, adhérent à la Fédération radicale socialiste de la rue de Valois, présente une liste qui dit : Pas de MOLLE, pas d'EUZET ; ni réaction ni révolution, la République et la défense des intérêts communaux" (PM du 27.04.1908)

Dans une lettre adressée à GARIEL (directeur du PM), Honoré EUZET répond aux critiques qui lui sont faites par l'intermédiaire de ce journal qui, en fait, est le maître d'oeuvre du " comité R.R.S." (radical et radical socialiste), lequel " obéit aveuglément" à GARIEL et à son journal. Il explique, ensuite, comment il a constitué sa liste sans demander son avis ou son aval au PM : "Si avec mes amis, j'ai pu former sans effort, notre liste d'union républicaine, si les concours dévoués sont venus à moi, spontanés et nombreux, c'est qu'on sait que mes amis et moi, nous laissons à d'autres la prétention de se proclamer les seuls démocrates orthodoxes, c'est qu'on sait que, conformément à la doctrine évoquée à la tribune par le président actuel du conseil, non seulement nous n'excommunions personne du parti républicain mais nous ne prétendons exclure aucune fraction du Suffrage Universel des droits attribués par la loi à tous les citoyens français. Et voici quels sentiments nous guident. Notre ville est ruinée, elle traverse une crise terrible, notre port est désert, il fallait donc conjurer le désastre, choisir des hommes actifs, énergiques, connaissant nos besoins et ayant donné soit comme ouvriers, commerçants ou industriels la mesure de leur valeur et pour faire ce choix nous n'avons pas besoin de vous consulter parce que vous ne sauriez posséder comme nous, vieux cettois, le sens de nos véritables intérêts." (extraits de cette lettre repris dans EC du 28.04.1908)

L'élection municipale : malgré des obstructions et des violences, le succès de la liste EUZET

Trois listes sont donc en présence : celle de MOLLE, comprenant la majeure partie des conseillers sortants, la liste dite d'Union républicaine ayant Honoré EUZET à sa tête, et la liste de la Fédération radicale-socialiste "qui est l'émanation du groupe de la Petite Chapelle", c'est-à-dire les Francs-Maçons (EC du 01.05.1908). Evidemment, le PM soutient la liste radicale-socialiste et critique celle d'EUZET ; ainsi, avec cette communication de républicains : "Il faut croire que le monsieur qui fut autrefois M. Honoré EUZET, membre du Parti Ouvrier Français, a mis beaucoup d'eau dans son vin. Il essaie timidement de se défendre d'avoir sur sa liste l'Action Libérale et pour compenser ce léger désaveu, il fait immédiatement l'affiche contre le Petit Méridional, la Petite Chapelle et le citoyen LAFFERRE. M. EUZET nous permettra de lui dire qu'il est trop tard pour désavouer. Les noms de l'Action Libérale qui sont sur sa liste sont trop connus et, pour couper court à toute hésitation, nous déclarons que M. VIGNAU, directeur de l'Action Libérale, nous en a fait l'aveu devant témoins, qui sont les uns conservateurs et les autres républicains, dont nous sommes prêts à donner les noms." Dans sa démonstration le PM souligne aussi que les journaux conservateurs, EC et le Télégramme militent en faveur d' EUZET. (PM du 01.05.1908)

Les résultats du premier tour sont les suivants : inscrits : 9810 dans le PM, 9847 dans EC ; votants : 6148 dans le PM, 6149 dans EC ; liste EUZET : 2947 à 2585 dans le PM, 2650 dans EC ; liste MOLLE : 2778 à 2310 dans le PM, 2350 dans EC ; liste radicale et socialiste : 789 à 548 dans le PM, 800 dans EC. Un scrutin de ballottage est nécessaire (chiffres donnés par le PM du 05.05.1908).

Après le premier tour, les critiques contre EUZET se multiplient dans le PM, par exemple celle-ci, du 10.05.1908 : "Républicains, l'Heure des grandes décisions vient de sonner. Pour la première fois depuis l'avènement de la troisième république, on veut vous infliger l'affront de vous associer à la réaction. Citoyens, vous ne voudrez pas que cette flétrissure indélébile mette une tâche à notre drapeau. Au nom de la Discipline Républicaine, vous irez au devoir. Contribuables, vous vous souviendrez de l'homme qui vous a trompé, qui a ruiné notre pays, qui a dilapidé les fonds qui lui étaient confiés, qui après avoir crié : Pas d'emprunt, pas de Théâtre, pas de nouveaux impôts, a été parjure à ses promesses. Les hommes nouveaux de la liste de Discipline nous sont une sauvegarde absolue. Cettois, au nom de la fraternité, vous repousserez M. EUZET, qui a été l'homme de la division et de la haine. Au nom de la solidarité, vous rejetterez cet homme qui, par orgueil et par ambition personnelle a entretenu les passions dans tous les foyers (...). Pour les comités unis, les présidents : les candidats MOLLE et LAFARGE."

Les votes étant terminés, des troubles graves visent à bloquer le dépouillement : "Pendant qu'on procédait à l'addition des totaux au dépouillement des six bureaux de vote, des électeurs qui se trouvaient dans la salle des mariages de la mairie, voyant le succès de la liste EUZET, se sont précipités sur les feuilles d'émargement qu'ils ont déchirées ; ils ont ensuite jeté par les fenêtres les tables, l'urne et le buste de Marianne. Une vive effervescence règne sur la place de la Mairie où il stationne de nombreux curieux." (EC du 11.05.1908)

EM donne des informations sur la situation municipale après l'impossibilité de déclarer les résultats du scrutin de ballottage : "Une information judiciaire est ouverte au sujet des incidents qui empéchèrent la proclamation du scrutin de ballottage ; cette information a été confiée au juge de paix, qui a déjà entendu plusieurs personnes à ce sujet. On sait que les résultats de cinq bureaux sur six donnaient la majorité à la liste EUZET, ancien maire, sur la liste du maire sortant, M. MOLLE, et que les résultats du sixième bureau allaient être proclamés lorsqu'une violente bagarre se produisit et que des coups furent échangés. A ce moment on fit disparaître des documents dont une partie fut retrouvée, et on jeta par la fenêtre les urnes, les tables et les chaises. Le juge de paix poursuit son enquête (EM du 14.05.1908)

Les élections de Cette au conseil de préfecture : "Montpellier 24 mai. Hier après-midi, le conseil de préfecture s'est réuni en séance publique pour examiner le dossier des élections municipales de Cette, qui ne purent être proclamées lors du scrutin de ballottage du 10 mai. On sait qu'à Cette deux listes étaient en présence : 1/ La liste EUZET, ancien maire, dite d'union républicaine indépendante ; 2/ La liste MOLLE, maire sortant, dite des comités unis, socialiste et radicale. Le 10 mai, le dépouillement des urnes était complètement terminé, les résultats allaient être proclamés lorsque des individus, provoquant une bousculade se précipitèrent sur les feuilles de dépouillement et d'émargement, s'en emparèrent à la faveur du tumulte, les déchirèrent et en jetèrent les morceaux par la fenêtre. Avec les feuilles retrouvées, on put reconstituer, paraît-il, les résultats de cinq bureaux de vote sur six, résultats qui donnaient la majorité à la liste EUZET. La justice intervint alors et une information fut ouverte, qui se continue encore. Les documents recueillis furent, sous enveloppe cachetée, envoyés à la préfecture afin que le conseil pût se prononcer en toute connaissance de cause sur la validité des élections ou sur l'annulation des opérations. A l'heure indiquée, la séance fut ouverte en présence d'un nombreux public composé en majorité de Cettois ; les deux concurrents MM EUZET et MOLLE étaient présents. Après avoir fait constater à l'assemblée que les scellés de l'enveloppe contenant les pièces du dossier étaient intacts, M. CALDIÉ, président du conseil de préfecture, les brisa et examina les documents l'un après l'autre, après avoir rapidement examiné les faits. Après quelques demandes d'explications des deux candidats, chacun d'eux lut et déposa ses conclusions. M. MOLLE demandant l'annulation des opérations électorales, M. EUZET demandant au contraire, la proclamation des résultats, qui donnaient la majorité à sa liste. Le conseil déclare qu'il est en l'état impossible de proclamer un résultat quelconque. Des élections nouvelles devront donc être faites, à la date que fixera le ministre pour la convocation des électeurs. (EM du 25.05.1908 - informations identiques dans EC du 24.05.1908)

Le choc a été rude à tel point que, le 29.05.1908, le maire MOLLE demande par lettre au préfet de déléguer à des conseillers spéciaux qu'il désignerait son pouvoir de police électorale pour les prochaines élections, afin d'assurer le respect de l'ordre : "Les incidents du dépouillement du 10 mai, les conflits politiques et professionnels qui ont suivi cette journée, la tentative de meurtre contre ma femme prouvent de la façon la plus évidente que tous les partis peuvent selon les circonstances en arriver aux pires extrémités." (Dossier des élections, archives de la Mairie de Sète) De son côté, le PM du 13.06.1908 indique que, pour les élections du 14, "le préfet, d'accord avec l'autorité militaire, a décidé d'envoyer à Cette deux compagnies du 2ème Génie et 120 gendarmes de diverses brigades du département."

C'est dans le PM du samedi 13.06.1908 que l'on est tenu au courant de la clôture de l'information ouverte à la suite des troubles électoraux survenus dans la nuit du 10 au 11 mai. Neuf personnes ont été inculpées devant le tribunal correctionnel et un dixième bénéficie d'une ordonnance de non-lieu. Le jugement devrait avoir lieu le jeudi suivant, 18.06.1908. Cependant, dans le PM du 15.06.1908, c'est la date du 24 juin qui est indiquée pour ce jugement. Dans ce même numéro, il est fait le résumé des incidents pendant le dépouillement de mai et des précisions sont apportées sur les mesures de sécurité mises en place pour la nouvelle élection de juin : "200 soldats du génie et 120 gendarmas ont été envoyés pour assurer l'ordre à Cette. L'élection est présidée par M. SALLÈLES, chef de division à la préfecture de l'Hérault ; les bureaux de vote sont présidés par les chefs de service à la préfecture. M. MOUNIER, secrétaire général de la préfecture, est en permanence à Cette pendant la durée des opérations électorales."

Toujours dans le PM du 15.06.1908, le journal fait ainsi la présentation des deux listes en présence : " La liste MOLLE, maire socialiste sortant et conseiller général, comprenant des radicaux-socialistes et des socialistes, MM. MICHEL, conseiller d'arrondissement, et GUIGNON, ancien maire ; la liste adverse comprend : M. EUZET, ancien maire, radical-socialiste, ancien conseiller général, et M. Marius FRANÇOIS, ancien conseiller général. Elle est soutenue par les conservateurs et l'Action libérale. Des membres de l'Action libérale sont candidats sur cette liste. (...) L'Eclair s'était abstenu de parler des élections les deux derniers jours. Ce matin, il a pris sa revanche et, dans six notes, a fait de pressants appels à ses amis. Inutile de dire que le journal de M. LEROY-BEAULIEU a fait chorus avec la loyauté qui caractérise cette feuille. Aussi, les réactionnaires, cléricaux, libéraux et catholiques votent-ils avec un ensemble remarquable. (...)" En fait, la liste MOLLE venait d'être remaniée pour ces nouvelles élections. En effet, dans le PM du 12.06.1908, on admettait que la liste initiale des 3 et 10 mai "n'avait pas fait une place suffisante à l'élément commercial et industriel", ce qui avait pu pousser des républicains à voter pour la liste EUZET

EM, de la même orientation que EC, donne les résultats des nouvelles élections sans aucun commentaire politique : "Le résultat connu ce matin (le 15 juin) donne la majorité à la liste EUZET, qui obtient une moyenne de 3550 voix contre la liste de MOLLE, maire sortant, obtenant 520 voix en moyenne. M. MONNIER, secrétaire général de la préfecture, 200 hommes du génie et 155 gendarmes assuraient le service d'ordre : les électeurs n'étaient admis à voter que deux par deux". (EM du 16.06.1908). Par contre, le PM n'est pas avare de commentaires politiques à l'encontre de la liste qui l'emporte : "Les élections de dimanche : La liste dite d'Union républicaine alliée avec l'Action libérale et protégée par l'Eclair, obtient 3711 suffrages avec M. GOURGUET, le candidat le plus favorisé de cette liste, et 3479 avec M. ICHARD arrivé le dernier. La liste de Discipline républicaine et socialiste a obtenu 3.072 suffrages avec M. MICHEL, le premier de la liste et 2286, avec M. ALAZARD, le dernier. La réaction de tout ordre a donné avec un ensemble parfait. On peut affirmer, sans crainte d'erreur, que les 1800 à 1850 voix obtenues par l'amiral SERVANT aux dernières élections législatives se sont reportées sur la liste de M. EUZET. La majorité de ce dernier se divise donc en deux. Moitié réactionnaires, moitié républicaines. De ces derniers, il faut pourtant déduire les hésitants et les intéressés, dont les convictions peu solides vont toujours au succès. Quant à la minorité, elle comprend une moyenne de près de 3000 républicains purs de toutes compromissions réactionnaires. C'est là un noyau important qui, par une conviction établie sur les principes et les convictions, ne peut qu'aller en augmentant. Les électeurs se sont prononcés. Nous nous inclinons sans récriminations. Constatons seulement que la réaction est encore une fois victorieuse, grâce à la complicité de républicains égarés ou inconscients. Grâce aussi à ces derniers, l'Action libérale et l'Eclair chanteront victoire. Là sera leur châtiment (...) Voici en quels termes l'Eclair d'hier annonce le succès de la liste EUZET : Les résultats connus à 11 heures du soir assurent l'élection de la liste EUZET, dite d'Union républicaine, avec une avance de 700 voix environ sur la liste radicale et révolutionnaire du maire sortant, M. MOLLE, soutenue par le "Petit Méridional". C'est le triomphe de l'ordre, du droit et de la justice et l'écrasement des intrigants, des sectaires et des fauteurs de désordre. (PM du 16.06.1908)

L'installation de la nouvelle municipalité se fait sous bonne garde et dans le tumulte : "Cette, 20 juin. L'installation de la nouvelle municipalité libérale a été l'occasion de manifestations violentes de la part des blocards, furieux de se trouver évincés de la mairie. Des mesures d'ordre considérables avaient été prises ; la police, la gendarmerie, les troupes étaient sur pied. Malgré la protection des agents, les nouveaux conseillers sont injuriés, menacés, bousculés à leur sortie ; de formidables poussées se produisent et des coups sont échangés. Les élus se réfugient dans un café qui est aussitôt pris d'assaut ; de nouvelles bousculades ont lieu et un manifestant reçoit sur la tête un coup de crosse, donné par un gendarme. Enfin, la troupe intervient et disperse les émeutiers. Le nouveau maire, M. EUZET, entouré d'agents et de gendarmes, gagne alors son domicile, acclamé par les uns, hué par les autres." (EM du 21.06.1908). Comme lors du dépouillement du 10 mai, les partisans de MOLLE en viennent à la violence mais, ici, on note les termes de "municipalité libérale" employés par le journal conservateur. Cette coloration assumée fait mieux comprendre la réaction des opposants qui s'estiment trahis par une partie des républicains.

Le PM ne manque pas de donner tous les détails sur l'ambiance avec ce titre : C'est sous la protection des baïonnettes que la nouvelle municipalité a été installée ; "Comme nous l'avions annoncé, de sérieuses mesures avaient été prises, afin d'éviter tout désordre. La mairie était gardée militairement par des soldats, gendarmes et agents. Ces derniers barrent la rue Hôtel-de-Ville, à la hauteur du Quai supérieur de la place de la Mairie, et un peu au-dessus du Quai inférieur de cette même place, sur le trottoir qui fait face à l'Hôtel-de-Ville. Les conseillers municipaux arrivent un par un, et sont accueillis par des sifflets. Dans la salle des délibérations du Conseil municipal, quelques privilégiés avaient pris place. A dix heures précises, les nouveaux conseillers municipaux entrent dans la salle des délibérations. M. MOUNIER qui préside l'installation fait l'appel nominal. Tous les conseillers répondent. Il fait connaître ensuite le nombre de voix obtenues par chacun des nouveaux élus et prie M. DANIEL, doyen d'âge, de prendre la présidence. Le plus jeune des conseillers, M. REY Antoine, est désigné comme secrétaire (...) M. EUZET obtient 29 suffrages et un bulletin blanc. Il est aussitôt proclamé maire par M. DANIEL qui lui cède la présidence. Après une courte allocution du nouveau maire, il est procédé à l'élection des deux adjoints. MM. MAUCHE et GAROUTE sont désignés. Ils obtiennent le même nombre de voix que M. EUZET, et aussi un bulletin blanc. En prenant place au bureau, les nouveaux adjoints municipaux se disent prêts à apporter tout leur dévouement aux intérêts de la ville et à ceux de la classe ouvrière. M. EUZET remercie à son tour, dans le même sens. Il dit qu'il fera tout pour amener l'apaisement et parle d'une grande Commission de délégués syndicaux et patronaux qui, si elle était instituée, pourrait trancher les différends entre employeurs et employés. Les proclamations du scrutin et les divers discours sont salués par les applaudissements des conseillers et des personnes présentes. La séance publique est levée après le discours du Maire et le Conseil reste en séance privée. Cette séance privée terminée, les nouveaux élus sortent de la mairie. Ils sont salués par des sifflets et quelques applaudissements, une fois le cordon d'agents passés, ils sont entourés par la foule et bousculés. On dit même, mais nous n'avons pu le contrôler, en tout cas c'est peu grave, que quelques coups auraient été donnés. Au café de la Bourse, les nouveaux élus, entrent dans cet établissement au moment où la force armée arrive. Une nouvelle bousculade se produit et fait craindre du désordre. On dit qu'un manifestant aurait reçu un coup de crosse donné par un gendarme, et la surexcitation est grande. Quelques citoyens s'interposent et cherchent à calmer la foule. Notre collaborateur cettois est parmi ces derniers. Il est aperçu par les ouvriers qui, malgré sa résistance, le hissent sur leurs épaules et l'acclament. Il demande le silence et prêche le calme. Il engage vivement les citoyens présents à se retirer dans l'intérêt même de la cause qu'ils veulent défendre. M. AUDOYE parle dans le même sens, et annonce que M. MOUNIER lui a promis de faire partir la gendarmerie si la foule se retire. Les manifestants partent ensuite, encouragés à cela par quelques citoyens présents et par M. MOUNIER qui a fait preuve de beaucoup de tact. Entre temps, le 24ème colonial qui quittait la Mairie était vivement acclamé aux cris de Vive la Coloniale !. La foule, en grande partie dispersée, M. EUZET et quelques uns des nouveaux élus, sortent du Café de la Bourse, et entourés d'agents et de gendarmes se dirigent vers le domicile du nouveau maire, au seuil duquel ce dernier recueille quelques applaudissements. Jusqu'à midi une certaine animation a régné sur les quais, qui ont repris peu après leur aspect normal." (PM du 19.06.1908)

Entre MOLLE et EUZET, la lutte continue ... dans la presse

Le maire perdant, MOLLE, écrit, dans le PM, une lettre très dure contre le maire vainqueur, EUZET : " Connaissez-vous la prestigieuse eau forte de REMBRANDT représentant le vieux DIOGÈNE assis au bord d'une route, tandis que, vers le deuxième plan de droite, un jeune homme cueille à un pommier des fruits qu'une servante reçoit dans les plis de sa jupe ? DIOGÈNE est vieux, très vieux, les reins cassés, le front strié de rides, les yeux flétris et les mains bossuées de grosses veines ; le jeune homme, lui, respire la jeunesse et la douce vision de meilleurs espoirs. Du côté du vieillard, le ciel est sombre et nuageux, tandis que sur la droite, faisant saillie à la belle harmonie du groupe des jeunes, l'hôrizon se colore de teintes vives et de vols d'oiseaux. Cette oeuvre du grand peintre est l'image exacte de notre situation. Parvenu à la fin de votre carrière, brisé par une vie consacrée à la chose publique, vous êtes le vieillard qui, sous le poids du passé lourd d'orages, se courbe, triste et aigri ; tout le regret de la jeunesse morte endeuille votre regard, et vers moi, qui en suis tout juste à ma trente-deuxième année, vous levez vos yeux emplis de cette haine jalouse qui monte des vieillesses, lorsqu'elles songent à l'irrémédiable fuite du temps qu'elles ne vivront plus. Vous me dites, avec les dents serrées, que je vous trouverai partout et toujours devant moi. Mais, mon cher Monsieur, vous oubliez la différence de notre âge ; vous oubliez que lorsque l'avenir s'ouvre à peine pour moi, vous en êtes vous, à parler de vos troisièmes jeunesses. Hélas ! Contre cela, toutes les puissances sont vaines, toutes les haines sans effet. Au lieu de grimacer vous-même, comme vous le faites, vous devriez, arrivé au but ultime de votre carrière, chercher au contraire à vous parer de cette sérénité qui donne au visage de ceux qui ont vécu longtemps cette pure noblesse inspiratrice du respect (...) Dans un article écrit par M. Eustache GÉDÉON, employé à la mairie de Cette, et revêtu de votre signature aux angles tranchants, vous m'insultez bassement, espérant que vos outrages à la Quidam (le surnom qu'EUZET utilisa dans la presse, à plusieurs reprises) me feront sortir du calme et vous donneront l'occasion de me traîner en correctionnelle.Ça ne prend pas du tout, cher Monsieur, et votre article, qui n'est qu'une insipide décoction de Larousse à la glue baveuse de Quidam me cause la plus grande satisfaction, tant il vous dépeint hargneux, persistant, haineux et bouffi d'orgueil, malgré son style d'Iroquois. Quant à votre audace, elle déconcerte les esprits les plus froids. Quidam ! Vous avouez que vous fûtes, que vous l'êtes et que vous le serez, remuant ainsi cette boue dont le Socialiste Cettois macula notre ville et sa population. Amis patriotes, que sera la troisième jeunesse de M. EUZET, si elle doit dépasser la seconde, celle qui va fleurir la prose honteuse du Grand Administrateur ! Oui, Monsieur, restez avec le lock-out au cou comme un carcan (référence au refus de donner les clefs de la Bourse du Travail), Seigneur Châtelain (allusion à sa "Villa Joyeuse" qui faisait les beaux jours des concours horticoles) ; il est votre tare et votre symbole de trahison envers la classe ouvrière. Ruinez Cette au profit des Marseillais et couvrez de votre apathie ce gouffre où vous entraîne votre complicité politique. Mes amis ! Les freluquets veillent avec moi ; la mairie désormais est une maison de verre où les administrateurs ne feront plus à leur guise les affaires de la cité. Tout se voit et tout se sait ; (...) Malgré ses résurrections Quidamesques, la victoire dernière restera à ceux qui, dans la grande liberté et la pleine lumière, ont combattu et combattront toujours, à ceux qui savent être bons quand vous n'êtes que haineux (...) à ceux dont la parole vous flagellera sans répit, vous, le caméléon le plus extraordinaire que la politique ait enfanté, (...) Quidam tu fus, Quidam tu resteras. - J.L. MOLLE, conseiller général." (PM du 05.10.1908)

La dispute entre les deux hommes politiques a dû continuer mais la presse n'en donne plus qu'un faible écho : "Nous avons reçu de M. MOLLE une réponse qu'il adresse à M. EUZET. Elle est la continuation d'une polémique qui dure depuis longtemps et demande à être terminée, sous peine de devenir fastidieuse. En pareille circonstance, on ne peut, en effet, que se répéter. Que M. EUZET reproche à M. MOLLE de froisser les conservateurs dans leurs croyances ; de tourner en ridicule les pratiques religieuses, que M. MOLLE rappelle à M. EUZET ses actes laïques, qu'il a été franc-maçon, etc., tout cela a été dit très souvent. Les réactionnaires, les cléricaux, les républicains sont fixés à ce sujet (...) Cependant, pour les historiens du XXIe siècle, ce n'est pas sans surprise que l'on voit EUZET reprocher à MOLLE ses attitudes anticléricales ; l'allusion à la franc-maçonnerie est également très utile car c'est la première fois que le PM l'évoque sans, pour autant, être très clair.

C'est peut-être le MS qui critique le plus durement la politique menée par la nouvelle majorité. Ainsi pour le vote du budget 1909 : "Il n'a pas été long à voter. Nos conseillers avaient été bien stylés. Dix minutes ont suffi, aucune discussion n'ayant eu lieu. On ne connait donc pas en détail les changements. M. EUZET se refuse à faire connaître la situation exacte. Il reste coi devant la demande du citoyen MOLLE, qu'a publiée, à diverses reprises, le Docker, et que nous publions : M. Honoré EUZET avait manifesté le désir de confier à une commission extraordinaire la situation financière de la ville. J'attends toujours la nomination de cette commission, afin de soumettre à son examen et à son jugement toute ma gestion, ainsi que celle de mon prédécesseur, relativement notamment aux travaux du théâtre, à l'emprunt de 600,000 francs et à l'exonération du Creusot. Pourquoi le silence de M. EUZET ? J.C. MOLLE, conseiller général. Si l'administration MOLLE avait commis les noirs crimes dont l'accusent les amis de la municipalité, il y a bien longtemps que le débat aurait été public. Mais on sait que cette gestion a été probe, que MOLLE a eu à supporter la crise violente qui a endetté les budgets de Montpellier et de Béziers, bien plus que celui de Cette. On sait que le citoyen MOLLE a administré sans emprunts, alors que M. EUZET a inventé les occasions pour emprunter - et on continue sournoisement à accuser sans, et pour cause, donner les preuves. (MS du 23.12.1908)

Autre critique du MS : "Le citoyen GUIGNON, l'ancien maire socialiste de l'Ordre moral, qui a payé de la prison son dévouement à la République, n'a pas trouvé grâce devant M. EUZET. Lui-aussi a été renvoyé à ses occupations. C'est honteux !" Et le titre de cet entrefilet est tout aussi vengeur : "Une infamie" (MS du 23.12.1908). On rappelle que Noël GUIGNON fut maire à partir du 21.04.1871 mais qu'il fut remplacé, la même année, par Jean MICHEL, selon la liste des maires.

Manifestement, le maire est sur tous les fronts, y compris la tentative de reprendre en main la Bourse du Travail : "L'unanimité qu'a recueilli le référendum de la commission administrative a fait reculer M. EUZET. C'est dans le calme de la réunion privée que cette question a été envisagée et aucune décision n'a été prise. Les responsabilités sont lourdes. M. le maire, si vous mettez la main sur la maison des classes ouvrières qui, comme un bloc, résistera à toutes vos finasseries. Par deux fois, dans les lock-outs politiques que vous avez déchaînés, vous avez mordu la poussière ; l'avenir vous réserve d'autres défaites. Votre politique antiouvrière déchaînera des troubles, les commerçants vous maudiront comme vous maudissent actuellement tous ceux que vous avez entraînés dans la bataille. La marche des affaires se ressentira de votre politique de haine et vous, "le grand administrateur", vous aurez été le "grand artisan de la ruine"." (MS du 23.12.1908) Un peu plus loin, dans le même numéro, ce journal traite Honoré EUZET de "maire opportuno-social-Lucullus par la grâce de l'Action libérale" (il s'agit alors de critiquer le fait qu'un conseiller municipal, REY, est employé à la mairie, ce qui n'est pas légal). Quant au fait de lui attribuer le nom de Lucullus, cela permet de se rendre compte d'un aspect ignoré de sa personnalité.

Le problème budgétaire

"On sait que le nouveau conseil municipal se trouve en présence d'un déficit réel et malheureusement acquis de 270.000 francs en chiffres ronds, et que, par suite de la majoration voulue et imprudente des recettes, il se trouvera en 1909, en présence d'un nouveau déficit de 80 à 100.000 francs environ, qu'il faudra absolument combler. Pour ce qui est de ce dernier déficit, le bénéfice qui résultera de la conversion de la dette permettra certainement de le combler ; reste la grosse somme de 270.000 francs qu'il faut payer. Faut-il imposer brutalement pour une seule année (1909) les contribuables de 270.000 francs d'impôts nouveaux, ou bien faut-il contracter un emprunt pour 10 ans, ce qui constituerait pour les contribuables une charge nouvelle pendant cette période de 34.000 francs environ ? Tel est le grave problème que le nouveau conseil municipal aura à résoudre. La chose est délicate, aussi croyons-nous savoir que M. EUZET, d'accord avec ses deux adjoints, a l'intention d'instituer un référendum auquel prendraient part ceux qui paient l'impôt foncier, c'est-à-dire les impôts sur la propriété bâtie et non bâtie, l'impôt mobilier seulement et des portes et fenêtres et des patentes. Ce référendum, dans l'esprit de la municipalité, serait présidé par le président du tribunal de commerce, le président de la chambre de commerce, un membre du tribunal de commerce et un membre de la chambre de commerce." (EC du 25.10.1908)

Le lock-out des compagnies de navigation

Les débuts du conflit entre les ouvriers du port et les compagnies de navigation sont expliqués dans le PM du 09.08.1908 : "Cette 8 août, soir. Nos lecteurs se rappellent la lettre par laquelle les agents des Compagnies Marseillaises ont dénoncé le contrat du 6 avril 1906. Cette rupture aura son plein effet demain. Des renseignements précis sont difficiles à recueillir car les deux parties gardent un mutisme absolu. Il semble toutefois que demain les vapeurs des Compagnies Marseillaises ne s'arrêterons pas dans le port de Cette. (...) On nous affirme d'autre part qu'aujourd'hui, dimanche, les Compagnies Marseillaises feront apposer des affiches indiquant les modifications qu'elles désirent introduire dans le contrat. Ce matin à 11heures, a eu lieu à la Bourse du travail, une réunion de laquelle on nous communique le procès verbal ci-dessous : Les ouvriers du port se sont réunis samedi, 8 août, à la Bourse du travail, pour prendre des mesures afin de répondre efficacement au lock-out dont ils sont menacés de la part des Compagnies de Navigation Marseillaises (...)" Un nouveau contrat est élaboré par les ouvriers, une commission est mise en place pour entrer en discussion avec les Compagnies.

La question du lock-out des compagnies maritimes arrive au conseil municipal comme le relate EC du 30.08.1908 : suite à une question du conseiller ICHARD, il est dit que "M. EUZET répond, en effet, qu'il a reçu une lettre par laquelle on lui demande de faire voter par le conseil municipal une subvention en faveur des ouvriers qui se trouvent en chômage par suite de la crise économique que nous traversons. Il ajoute qu'il regrette profondément le conflit actuel et que s'il n'a pas cru devoir soumettre encore la demande qui lui a été faite à ses honorables amis du conseil municipal, c'est qu'il estime que dans la circonstance la neutralité la plus absolue s'impose et qu'il pense qu'il faut attendre la fin du conflit pour traiter cette question afin qu'on ne puisse pas être soupçonné de prendre partie dans ce grave litige.Quoi qu'il en soit, l'administration municipale a pour principe de dire toujours ce qu'elle pense, c'est pourquoi il déclare donc aujourd'hui, qu'il ne croit pas que le conseil d'administration puisse imposer à tous les contribuables sans distinction une demande de ce genre, il préfererait que le conflit terminé, il fut ouvert une souscription à la tête de laquelle, lui, maire, s'inscrirait afin de soulager les misères qui doivent fatalement résulter du chômage actuel ; une commission prise parmi les ouvriers et le conseil municipal serait chargée de la répartition des sommes recueillies. Telle est la doctrine de la municipalité. M. ICHARD insiste et demande qu'il soit voté un crédit de 500 francs. M. EUZET dit qu'il a répondu par déférence à ses amis du conseil municipal qui ont bien voulu l'interroger, mais que le conseil municipal ne peut valablement délibérer aujourd'hui sur la demande de crédit présentée inopinément puisque le conseil municipal étant réuni en session extraordinaire, ne peut se prononcer que sur les affaires portées à l'ordre du jour. Le maire promet formellement que la demande de subvention sera portée en tête de l'ordre du jour de la prochaine séance." Plus tard, le PM du 29.09.1908 donne la conclusion de cette affaire : "Hier soir, le conseil municipal a rejeté la demande de secours faite par le syndicat des ouvriers du port, au sujet du conflit qui existe entre ces ouvriers et les compagnies de navigation. Le rejet a été voté sans discussion. Il ne faisait du reste que confirmer, a dit le maire, la décision prise en séance officieuse. A propos de ce vote, M. CASTANIER a dit être très surpris de ce que tous les conseillers ouvriers se soient abstenus d'assister à cette séance." Ce vote a encore été évoqué dans le PM du 06.10.1908, le journal appuyant la critique quant à l'absence des trois ouvriers portefaix (ICHARD, RAY et ROQUES). Il est rappelé que du temps de l'administration MOLLE, des crédits étaient toujours votés pour "ceux qui souffraient" Et puis encore, dans le PM du 12.10.1908, les dockers réunis à la Bourse du travail "blâment la municipalité qui, contrairement à tous les précédents, leur a refusé une subvention ; ils blâment en outre la personne qui, disent-ils, a cherché par un moyen détourné, à jeter le syndicat des ouvriers charbonniers contre les dockers. (EUZET est manifestement visé). On se rend compte que, dans ce début du mandat, le maire tient bien son conseil municipal, ce qui ne sera plus le cas avec l'opposition du conseiller TAILLAN. Il est probable aussi que la majorité composite du conseil municipal poussait à une certaine prudence, ce qui, d'ailleurs, ne devait pas déplaire au maire comme le montre la lettre adressée à MOLLE et qui est reprise ci-dessous.

Une lettre ouverte d' EUZET à MOLLE, son prédécesseur à la mairie, montre le degré de tension entre les deux hommes, tension exacerbée par le lock-out sur le port : "Si tout autre que vous me reprochait d'être l'instigateur d'un lock-out dont nous souffrons tous, que tous nous déplorons, sauf vous, qui pensez qu'il peut servir vos desseins politiques, je protesterais avec indignation. Tandis qu'un tel mensonge venant de vous ne prête pas à conséquence. Il me plaît cependant de vous dire qu'il faut que vous méprisiez profondément nos braves ouvriers et que vous ayez une bien mauvaise opinion de leur intelligence et de leur bon sens pour leur offrir comme pitance cette fable démagogique, après les avoir ruinés et affamés. Mais vous êtes sur une pente funeste et votre destin, aujourd'hui, est de provoquer, de maintenir, de propager les excitations et les haines qui précèdent peut-être, les attentats criminels. Que vous importe que les ouvriers souffrent de la faim, que le commerce soit ruiné, que notre Cité, jadis si florissante, s'engloutisse, si vous parveniez à édifier sur nos calamités votre fortune politique. Vous êtes un personnage insignifiant, personnellement vous ne représentez rien, toutefois, vous êtes l'incarnation la plus parfaite et la plus funeste du brigandage politique qui menace la République ainsi que la vie commerciale et industrielle de notre pays. C'est pourquoi je me suis dressé contre vous, je vous combats et je vous combattrai. Méthodiquement, par ordre, vous encouragez et dirigez ici la lutte économique la plus monstrueuse qui fût jamais. Votre tactique consiste à ne jamais laisser le calme se rétablir sur nos chantiers, à y entretenir le mécontentement en provoquant toujours de nouvelles exigences et des grèves systématiques. De ne point accorder un seul instant de tranquillité aux patrons, de maintenir parmi les ouvriers des chantiers le désir de lutter contre le patronat, de les entraîner pour la révolution. Vous avez créé ici une sorte d'oligarchie ouvrière, et vous exigez qu'elle écarte des chantiers de braves pères de famille qui, dans leur clairvoyance, se sont séparés de vous. (ce que l'on appelle la mise à l'index) En un mot, vous tendez à transformer ici le prolétariat en classe prépondérante prête à exercer une tyrannie plus dure et plus vexatoire que celle de n'importe quelle féodalité ou autocratie asiatique (cette phrase montre combien Honoré est éloigné de l'idéologie dans laquelle on va, bientôt, reconnaître le communisme) Et c'est ainsi que le lock-out est votre oauvre, puisqu'il n'est qu'une protestation et une révolte légitime des hommes libres contre vos dangereuses manoeuvres. (...)" (EC du 28.09.1908). Cette dernière phrase résume, à elle-seule, le parcours politique d'Honoré qui en vient à défendre le patronat parce qu'il pense que les ouvriers ont été trompés par des idéologues comme MOLLE qui, en fait, ne sont préoccupés que par leur promotion personnelle, mairie, conseil général, députation ... En fait, quand il parle de révolte légitime des hommes libres, ces quelques mots représentent ce qui a fait le moteur de sa propre action politique, depuis le début, sous l'Empire.

Le 01.10.1908, un abonné écrit dans EC que le lock-out continue de régner en maître, semant la ruine dans presque toutes les branches du commerce et privant de nombreux ouvriers de leur salaire. Aussi fait-il la proposition que le préfet organise un référendum : "Tous les ouvriers légalement syndiqués prendraient part au vote qui serait à exprimer par oui ou par non sur la question suivante : Voulez-vous revenir au contrat de 1906 avec liberté d'embauchage pour les compagnies de navigation ? Et le correspondant de conclure que le conflit serait vite terminé, à condition d'assurer la liberté de vote. Dans le même numéro d'EC, le journal indique les conditions de reprise des compagnies, à savoir "la liberté d'embauchage et la suppression des mises à l'index. Les tarifs restent les mêmes que ceux du contrat de 1906."

Le 08.10.1908, EC annonce la fin du lock-out : "Le conflit qui durait depuis près de deux mois entre les Compagnies Marseillaises et les dockers cettois est enfin solutionné à la satisfaction des deux parties. A la suite de hautes influences, les Compagnies maritimes de navigation ont accepté de confier à M. RUBAUDO, entrepreneur de débarquement à Marseille, la manutention de leurs vapeurs à Cette. Elles obtiennent les garanties qu'elles désiraient : suppression des colles, des mises à l'index et des arrêts de travail (...) Seule la Compagnie de transport maritime conserve sa liberté d'action, et ses vapeurs seront débarqués, comme par le passé, par les ouvriers charbonniers. Les services reprendront incessamment (...)"

Le 10.10.1908, le PM ironise sur le rôle qu'aurait joué Honoré EUZET dans la résolution du conflit : "Il y a quelques jours, plusieurs de nos confrères annonçant la fin probable du conflit entre les dockers et les Compagnies de navigation marseillaises, écrivaient triomphalement que M. EUZET avait écrit huit jours avant, que le conflit (qui durait depuis deux mois) se terminerait sous peu. Cela n'était déjà pas mal, mais un de ces confrères a trouvé mieux. Avant-hier, annonçant la fin du lock-out, il écrivait (sérieusement) qu'il y avait lieu de remercier la Chambre de commerce, la municipalité, etc. pour leur intervention. Voilà qui manque de générosité envers ses amis. Il est vrai, que la galéjade est méridionale et que le dit confrère est du Midi."

Le 01.11.1908, EC s'interroge sur le comment et le pourquoi de l'extinction du lock-out qui durait depuis 65 jours quand on était aux environs du 10 octobre et le journal rappelle que, "pour la première fois, les compagnies (de navigation) résistant à la tyrannie de quelques dirigeants de la Bourse du travail de Cette, organisaient un lock-out et en précisaient les conditions."

Le "système des dépouilles" continue

"Hier, le conseil municipal a voté les remboursements effectués à la caisse de retraite par les employés communaux révoqués par le maire. Ces remboursements s'élevant à la somme de 2350 francs, en chiffres ronds, auxquels il convient d'ajouter un mois de traitement payé à chacun de ces employés, à titre d'indemnité. Voilà la première note, que devra payer la ville pour permettre à certains de satisfaire leurs rancunes politiques. Il est vrai que ce sont les contribuables qui paieront. Ajoutons qu'une demande de MM. CAZALIS et JULIAN qui réclament un an de traitement à titre d'indemnité, a été rejetée." (PM du 29.09.1908) Et, le 29.06.1908, le PM écrit : "Il nous revient que quatre des membres les plus influents de ce comité (celui d'EUZET pendant la campagne électorale) sont employés à la mairie depuis plus de huit jours." Il est évident que ces nouveaux embauchés remplacent ceux qui ont été révoqués à cause de leur couleur politique.

1909

Entre le PM et EC, c'est à qui critiquera le plus le maire de Sète. Le PM a ainsi intitulé un article : "Trop d'habileté" qui mérite d'être repris en entier car il est caractéristique des hommes et des forces en présence : "M. EUZET est un tacticien émérite. Lorsqu'il est pris en faute il tente une diversion. Au lieu de répondre à l'Eclair déclarant qu'il y a des libéraux dans le conseil municipal, il attaque M. GARIEL qui, naturellement, dédaigne ces attaques. M. EUZET espère ainsi calmer la colère de l'Eclair et des amis de ce journal. La tactique a servi déjà. Elle est ancienne, connue, par conséquent usée. Elle cesse donc d'être habile pour devenir naïve. Que M. EUZET éponde à l'Eclair s'il le peut ; nous verrons après. En attendant, nous reproduisons la phrase ci-dessous, extraite de la note que le maire de Cette a fait publier vendredi : Qu'il (le conseil municipal) ait remplacé dans les fonctions honorifiques les amis de M. GARIEL par ses propres amis, cela est vrai, et nous ajouterons que cela est logique parce que l'on n'est bien secondé que par les siens. On connaît les noms de ces délégués. Leur honorabilité est hors cause, nous le répétons, mais ils sont connus à Cette comme des catholiques et des libéraux militants. C'est eux que M. EUZET appelle ses amis susceptibles de le seconder. Il répète donc, en d'autres termes, ce que nous avons dit : à savoir qu'il marche d'accord avec les catholiques et libéraux. De quoi se plaint-il ? Dans la même note, le maire de Cette dit que Le conseil municipal n'a aucune faveur à demander au Gouvernement, etc., etc. Que va donc faire le maire de Cette à la préfecture et à quoi tendent ses longues entrevues avec le préfet, dont certaines, comme celle d'il y a moins d'un mois, durent plus d'une heure." (PM du 17.01.1909)

Une affaire soulevée en février montre que le conflit entre la mairie et la Bourse du travail est toujours là, même s'il prend une forme différente (par rapport à 1901). C'est une communication d'un des conseillers municipaux, Louis ROQUES, qui permet de s'en rendre compte. " Quelles sont en régime républicain et démocratique les conditions indispensables à tout citoyen français pour qu'il puisse jouir de la liberté : 1/ De la liberté du travail ; 2/ De la liberté d'opinion. Répondant à la première question, je me hâte de faire connaître à mes honorables lecteurs qu'employé depuis plus de 15 ans à la même compagnie de navigation, l'index anti-social vient de s'abattre, à l'improviste, sur l'homme dévoué et sincère qui fut toujours l'observateur scrupuleux des décisions émanant du syndicat des dockers. A ce titre, et j'en suis heureux, je n'ai cessé de donner le bon exemple ; j'ai marché la main dans la main avec tous mes amis de la Bourse du travail contre le Lock-out, m'évitant de près comme de loin d'avoir des relations avec ceux dont les idées n'étaient pas précisément celles des directeurs de notre mouvement. Au point de vue professionnel, 15 ans de bons et loyaux services dans la même compagnie suffisent bien à établir mes aptitudes et ma probité. En conséquence, étant donné que je n'ai jamais failli au devoir syndical, je me demande quel peut être le motif qui, impromptu, détermina ce matin 12 courant, ma mise à l'index. Et je me demande sincèrement, si dans un pays que l'on dit être civilisé, quelques ambitieux, détenteurs du travail au même titre que les patrons le sont au capital, peuvent impunément frapper l'un des leurs sans le moindre motif. Est-il possible enfin que des ouvriers, subissant en cela l'influence de quelques meneurs, empêchent un père de famille de gagner péniblement sa vie, tout cela parce qu'il aurait le tort d'avoir une opinion politique différente de la leur, cependant que d'accord sur toute la ligne du point de vue syndical. Telles sont les deux questions que je prends la respectueuse liberté d'adresser à mes honorables concitoyens, étant donné que jamais ces ouvriers que je considérais hier encore comme des camarades ayant le sentiment de l'humanité, il n'en est pas un seul qui ait eu le courage de protester contre cette mesure inique (...) La grande faute par moi commise, humble serviteur de la République et de la Démocratie, consiste à ne pas avoir obéi au dictatrur ouvrier alors qu'il me donnait à choisir entre ma démission de conseiller municipal et mon gagne pain habituel (...) Où et quand vivons-nous ? Qu'est-ce vraiment que la République, puisque de tels faits restent impunis ? Ou se trouve la justice ? Que devient la liberté ? (...) Espérant que de la discussion pacifique, surgira, peut-être, la fin de cette effroyable mise à l'index, L'arme des lâches par excellence !" Suit une lettre adressée au PM pour solliciter des commentaires : "J'ai l'honneur de solliciter de votre bienveillance que je sais accessible à tout ce qui relève de la justice sociale proprement dite, les commentaires que vous croirez devoir apporter à la protestation publique que, contraint et forcé, par les circonstances pénibles m'obligent à adresser aux abonnés portefaix de la nouvelle Compagnie Méditerranéenne (Caillol et Saint Pierre) agence Rubaudo (...)" La réponse du PM est immédiate et cible le maire de Sète : " Nous ne connaissons pas M. ROQUES, jusqu'à preuve du contraire nous le considérons comme un honnête républicain, trompé avec bien d'autres, par leur chef de file. Nous ne voudrions rien dire qui pût lui déplaire. Nous le voudrions d'autant moins qu'il est atteint en ce moment dans ses intérêts les plus sacrés. Il nous permettra toutefois de penser que sa lettre et sa communication ont été inspirées, tout au moins, par le chef de la municipalité actuelle. Sans que cela puisse le diminuer, M. ROQUES nous permettra donc de placer notre république au-dessus de sa personnalité. Nous l'avons dit, nous le répétons, nous sommes contre toute mise à l'index, car elle constitue une atteinte au travail qui est un droit sacré, intangible, que nul ne doit entraver. Mais la guerre est la guerre, c'est-à-dire un état de choses horribles, contre le droit humain et social, qui autorise malheureusement des énormités. Or, qui oserait nier que la municipalité et la Bourse du travail sont en état de guerre. C'est là une constatation de fait qui a été faite, par le journal officiel de la municipalité, dans une communication dont l'origine est clairement indiquée. Le refus, de travailler avec lui, dont M. ROQUES se plaint, a pour but de forcer la municipalité à maintenir la subvention de la Bourse du travail sans subir les obligations qui lui sont demandées (...) Nous craignons qu'en la circonstance, M. ROQUES et ses amis ne soient les victimes sacrifiées aux vues politiques de certains. Qu'ils se rappellent le passé (...)" (PM du 14.02.1909) Epilogue de cette affaire, quelques jours plus tard, que le PM intitule Faux-fuyants et déloyauté : " Notre réponse à l'invitation qui nous a été faite à propos de la mise à l'index, dont se plaint, à juste titre, M. ROQUES, a valu au directeur du Petit Méridional une longue diatribe du chef de la municipalité cettoise. Le procédé est ... naïf, nous le méprisons. La diatribe est un modèle du genre. (...) Nous comprenons le dépit de M. EUZET. Voir sa manoeuvre dénoncée lui est désagréable. Cela peut, en effet, ouvrir les yeux à ceux qu'il sacrifie à ses visées politiques, l'empêcher de tenir ses engagements, et, aussi se faire pardonner, par L'Eclair ses félicitations à Clémenceau. Pourquoi aussi M. EUZET nous a-t-il fait demander d'intervenir ? Voulait-il ou croyait-il nous mettre dans l'embarras ? Dans ce cas il s'est trompé. Comme toujours, nous avons dit ce que nous pensions. Notre réponse gêne M. EUZET. Soit. Est-ce une raison pour patouiller, jusqu'à dénaturer ses propres actes publics ? Est-ce suffisant pour écrire que le conseil municipal s'est borné à réclamer de la Bourse du travail, la suppression de la mise à l'index, alors que dans un acte public, le chef de la municipalité lui-même, a imposé trois conditions au vote de la subvention à la Bourse du travail. Est-ce une raison aussi, parce que notre réponse ennuie M. EUZET, pour écrire que le Petit Méridional prétend que la mise à l'index est née d'hier. Il sait bien que c'est là une contre vérité. Il n'ignore pas, qu'alors que ses propres amis étaient à la tête du mouvement ouvrier approuvaient les mesures les plus excessives, nous protestions contre ces mises à l'index. Ce que nous avons fait contre des mesures que nous désapprouvions, nous le faisons contre les manoeuvres louches de politiciens aux abois, sacrifiant d'honnêtes travailleurs à leurs visées ambitieuses." (PM du 18.02.1909)

Un seul numéro du JC est en ligne pour cette année et on y voit un article sur les finances communales : "Les plaintes à propos des impositions pour 1909 ont été nombreuses et il est permis d'ajouter justifiées. Cette augmentation s'élève en effet dans son ensemble à 27.982 francs 90 et nous comprenons que ce gros chiffre ait ému nos concitoyens contribuables. Mais il serait injuste d'attribuer uniquement ce surcroît d'impôt soit à l'administration MOLLE soit à l'administration EUZET. C'est pourquoi nous en donnons ci-après le détail, afin que les justes récriminations aillent à ceux qui les ont provoquées." Le journal donne ensuite l'état des comptes avec les parts respectives de l'Etat, du département et de la commune. Le journal poursuit ensuite : "Le conseil municipal a créé, il est vrai, les ressources nécessaires pour faire face aux dépenses réelles de 1909 en maintenant purement et simplement les sommes prévues au Budget primitif de 1908 pour combler le déficit de 1907 soit environ 150.000 francs. Mais ces ressources ne sont pas rentrées en ce moment puisque les rôles d'imposition sont à peine distribués. Il faut donc considérer que c'est là une nouvelle dette qui vient s'ajouter aux anciennes et qui porte le chiffre de celle-ci à la somme totale de 539.300 francs. Il est certain que d'ici à la fin de l'année cette situation si obérée changera comme par enchantement, mais d'ici là que de soucis combien de démarches pressantes, combien d'assauts la Municipalité est obligée de subir de la part des créanciers toujours plus pressants, que de combinaisons elle doit rechercher et trouver pour qu'il n'y ait point d'arrêt dans les divers services pour arriver à faire, sans argent, des travaux de voirie absolument indispensables etc, etc. Et qu'on s'etonne ensuite que le Maire ait témoigné une certaine impatience quand comme dans la dernière séance du conseil municipal, on soulève inopinément des incidents oiseux et regrettables." Sans rentrer dans les détails de ces comptes, on note la montée de critiques à l'intérieur du conseil municipal (JC du 27.06.1909)

1910

Aucun numéro du JC de 1910 n'est en ligne mais, heureusement, les AD 34 possèdent une collection de numéros de l'année 1910 du Journal Commercial et Maritime de Cette (JCM) qui, à cette époque (c'est sa 36ème année) s'intitule simplement Le Commercial et Maritime de Cette (LCM). C'est un journal qui se veut neutre politiquement. On n'y trouve donc pas les joutes habituelles des PM, EC et autre JC. Les articles du PM et de EC permettent, cependant, de compléter l'ensemble quand il y a des rubriques concernant la ville de Sète.

Le premier article qui concerne les finances de la ville jette aussi un éclairage cru sur le caractère d'Honoré EUZET et sur ses méthodes administratives ; en même temps, il permet de se rendre compte de la situation financière de la municipalité en ce début d'année : "Le projet de budget pour 1910 - non encore voté en janvier - remis par M. EUZET à la commission des finances, était accompagné d'un long exposé que le maire de Cette a fait publier dans Le Journal de Cette et L'Eclair. Cet exposé peut être résumé ainsi qu'il suit :
1/ Les recettes municipales diminuent depuis de longues années. Le déficit laissé par l'administration précédente était fatal. Le tort de cette administration est de ne pas avoir créé des ressources nouvelles - lisez impôts nouveaux - pour suppléer à la diminution des recettes.
2/ Cette diminution persiste et s'accentue.
3/ L'administration EUZET parera à toutes ces difficultés et bouclera le budget municipal sans déficit ni impôts nouveaux.
4/ Les 54.000 francs demandés aux contribuables en 1910 pour réparer les dégats faits par un orage, ne leur seront pas demandés en 1811.
5/ M. EUZET qui a écrit ce document est un grand administrateur.
On nous permettra de considérer le 4ème paragraphe comme quelque peu irrespectueux pour les lecteurs des journaux qui ont publié le document municipal. Il semble ne pas leur attribuer une compréhension bien nette des faits si, en effet, il est exact - ce dont beaucoup doutent du reste - que les 54.000 francs demandés au contribuable cettois sont la conséquence d'un orage il est naïf de dire qu'ils ne seront pas demandés de nouveau en 1911. A moins que ... nous glissions. Glissons aussi sur le cinquième paragraphe. Reste les trois premiers. Ils semblent quelque peu contradictoires. On se demande par quels prodiges M. EUZET arrivera à concilier la diminution des recettes qu'il constate avec l'équilibre budgétaire qu'il promet étant donné surtout que son exposé parle de dépenses nouvelles et pas du tout d'économies sérieuses. Il y a là, semble-t-il, une contradiction qui demande à être expliquée. Non par des mots et des phrases, mais par des chiffres comparés et officiels et contrôlables pour tous. La publication de l'état financier laissé par l'administration MOLLE, promise formellement, serait peut-être un moyen, surtout s'il était accompagné d'un état des dépenses, sincère, exact et sans virements, d'une année sur l'autre. Du reste, peu importe le moyen. Il suffit qu'il soit trouvé et que des précisions et explications soient données et cela dans l'intérêt même du bon renom administratif de M. EUZET. Ne pas donner ces précisions et explications serait, en effet, premettre toutes les suppositions et laisser croire comme exact ce que certains disent et qui peut être résumé ainsi qu'il suit :
1/ Le prétexte donné pour créer 11 centimes d'impôts nouveaux est un trompe l'oeil. Les dégats occasionnés par l'orage du 14 octobre 1909 n'absorberont qu'une faible partie des 54.000 francs que M. EUZET demande aux contribuables.
2/ Il est exact que l'administration précédente ait laissé un déficit - qu'elle aurait évité si elle eut été prévoyante - mais il est non moins exact que M. EUZET a majoré l'importance de ce déficit. Volontairement et sciemment ce dernier a exagéré les manquants qu'il a dit exister dans les prévisions budgétaires de 1908 et, de ce fait, s'est créé de très importantes avances pour les budgets suivants en reportant, sur ces budgets, les excédents de ces crédits supplémentaires demandés par lui, EUZET, et non employé en 1908 parce que exagérés, c'est-à-dire inutiles en partie. M. EUZET est responsable d'une importante partie des impôts nouveaux créés sous son administration, et ces impôts lui ont procuré des ressources complémentaires. M. EUZET n'est donc pas le grand administrateur que l'on prétend, mais simplement un homme très habile sachant faire supporter à autrui, la responsabilité de ces actes susceptibles d'irriter les contribuables contre sa gestion. Sa capacité consiste à maquiller la vérité et non à bien régler les dépenses, éviter les gaspillages, supprimer les dépenses inutiles ou superflues, etc., c'est-à-dire à donner le maximum à ses administrés, surtout en demandant le minimum aux contribuables, mais à demander beaucoup à ces derniers pour donner peu, ou pas davantage aux premiers. Ce qui est à la portée de tout le monde. Des explications et précisions détruiront, sans doute, tous ces racontars, c'est pourquoi nous les demandons à M. EUZET. Non pour polémiquer sur une question de finances, mais, pour être renseignés, ainsi que tous ceux qui paient les impôts.
" L'article est signé : Des contribuables qui voudraient savoir (PM du 07.01.1910) On retrouve dans ces critiques plus ou moins voilées, ce qui lui avait été déjà reproché pour le financement des travaux du théâtre : un jeu de virements entre les comptes pour masquer certains coûts et le gonflement de certains crédits budgétaires pour pouvoir les utiliser ultérieurement à d'autres buts, dans le cadre des opérations municipales.

Le PM du 02.02.1910 résume les échanges ayant eu lieu au dernier conseil municipal (non daté) : " M. EUZET annonce au conseil que l'emprunt voté est réalisé et demande l'autorisation de payer les déficits communaux de 1907-1908. Il ajoute que la municipalité, débarrassée de ses dettes va pouvoir réaliser un programme. Il annonce la réorganisation de l'Ecole supérieure où vont être créés des cours de comptabilité, de dactylographie, de mode, de cuisine et autres connaissances utiles et susceptibles de donner aux jeunes filles des moyens d'existence autres que ceux que procure l'enseignement, aujourd'hui encombré. M. EUZET parle aussi de l'agrandissement de l'école Pratique, de la route de Cette à Agde, de la création d'un square au terre-plein de l'avenue et promet l'exécution de ces projets." ; en début de séance le conseil a voté un crédit de 1000 francs pour les victimes des inondations (à noter qu'il n'y a que 16 conseillers présents).

"Nous apprenons avec plaisir que, dans sa séance d'hier, le conseil municipal de la ville de Cette, a changé en concession perpétuelle l'emplacement temporaire où reposent les cendres du républicain de la première heure que fut le regretté JANSON. D'un tempérament ferme et généreux, ce dernier fut un de ceux qui, en 1868 et 1869, se dressèrent avec toute l'ardeur de leurs convictions profondes, contre le despotisme qui déshonorait la France (...) Pendant la période difficile, il mena, en compagnie de notre maire actuel, une lutte sans merci contre l'empire qui, hélas ! devait nous conduire à Sedan (...) Nous approuvons sans réserve la sage décision de notre conseil municipal et adressons un souvenir ému à notre regretté camarade JANSON, à sa famille, ainsi que nos remerciements au citoyen Honoré EUZET, pour l'heureuse initiative, qu'il a su prendre, honorant ainsi la mémoire d'un républicain convaincu que l'on pourrait citer en exemple à la nouvelle génération.". L'article est signé par "Un groupe de vieux démocrates" (PM du 27.02.1910)

Une élection législative qui marque une nouvelle fracture dans le camp républicain

L'année 1910 est marquée par une élection législative qui va nuire fortement à la cohésion du conseil municipal. Pourtant, tout avait bien commencé avec une réunion, à la mairie, des délégués des différents comités des candidats : celui de SALIS, celui de MOLLE, celui de TAILLAN et celui dit "comité Anti-Parlementaire". Reçus par Honoré EUZET, dès le début, les délégués du comité Anti-Parlementaire déclarent qu'ils regrettent de ne pouvoir prendre part aux pourparlers, qu'ils ne sont venus que par déférence et uniquement pour affirmer qu'eux et leurs amis ne prendront pas part au vote, pas plus qu'ils ne participeront au dépouillement. Après cette déclaration, ils se retirent et les autres participants déterminent ensemble les modalités de l'élection et du dépouillement. (LCM du 20.04.1910) Il n'en reste pas moins que les communications dans les journaux sont sans concessions pour les candidats qui n'ont pas leur faveur. Le PM qui soutient la candidature SALIS écrit, par exemple : "Silence M. MOLLE ! Lorsqu'on n'a pu arrêter la ruine du port de Cette ! Lorsqu'on laisse après soi, pour la ville de Cette, un déficit de 400.000 francs ; lorsque l'on a été incapable de retenir les établissements du Creusot, on n'a plus le droit de parler de gaspillages et d'incurie !" (PM du 14.04.1910 - groupe radical socialiste de Villeveyrac)

Les résultats des élections législatives du 24.04.1910 (pour la 3ème circonscription de Montpellier) sont proclamés à la préfecture : inscrits 17.047 ; votants 11.826 ; majorité absolue 5.843 ; MOLLE 5563 ; SALIS 3507 ; TAILLAN 2592 ; PIN 1 ; BOCQUET 3. (LCM du 30.04.1910) Ainsi, le socialiste passe devant les deux radicaux-socialistes mais un second tour est nécessaire.

A la suite de ces résultats, TAILLAN se maintient pour le second tour et SALIS se désiste. Celui-ci envoie, en ce sens, une lettre au président de son comité en remerciant les électeurs qui ont voté pour lui ; le premier fait apposer une affiche indiquant sa position pour le scrutin de ballottage (LCM du 29.04.1910)

"A mes amis - tel est le titre d'une affiche que M. Honoré EUZET, maire a fait apposer sur les murs de la ville. A titre de document, nous la reproduisons ci-après : "A mes amis", - A tous mes amis, je dois toute ma pensée : Je considère que M. TAILLAN est le principal artisan de l'échec de mon honorable ami SALIS. J'ai toujours dit et soutenu que M. TAILLAN, candidat, enlèverait des voix à SALIS. Je n'ai pas cessé de déclarer que M. TAILLAN, nouveau venu dans la politique, commettait une mauvaise action en se posant dès les débuts en adversaire du vieux républicain SALIS. Je disais que cette faute politique constituait en même temps un acte d'ingratitude, puisque c'est grâce au concours de SALIS, comme aussi à l'appui de ce digne républicain, que nous sommes montés à la Mairie. Non seulement M. TAILLAN a méconnu mes conseils, mais encore il a permis que ses amis attaquassent, avec une âpreté et une violence excessive l'honorable M. SALIS. Au surplus, M. TAILLAN, arrivant troisième au premier tour du scrutin avec un très petit nombre de suffrages, avait pour devoir de se désister en faveur de SALIS. La loyauté et la discipline républicaine l'exigeaient. C'eût été là son premier acte de républicanisme. Et, si on objecte qu'il n'y avait pas eu d'engagement préalable, je réponds qu'il est de tels actes que la droiture politique, les sentiments républicains et l'intérêt du pays et de la République commandent, même à défaut d'engagement, à un sincère républicain. En maintenant, envers et contre tous sa candidature, M. TAILLAN forçait le candidat républicain SALIS à se retirer. Tels sont les faits qui m'induisent à dire que les amis de SALIS, dont je suis, ne peuvent pas voter pour M. TAILLAN. parce que voter pour M. TAILLAN c'est s'associer à l'injustuce dont notre ami SALIS est la victime, c'est sanctionner une faute grave. A ceux de mes amis, très nombreux, qui me demandent ce qu'ils doivent faire dimanche, je réponds que chacun proteste dans la forme qui lui conviendra contre cet exemple, ce précédent dangereux d'indiscipline républicaine. Tels sont mes sentiments. Vive la République Démocratique et Sociale. - Honoré EUZET" (LCM du 07.05.1910)

Le texte de cette affiche n'est pas repris par le PM mais ce journal en parle indirectement en soulignant la réaction du candidat TAILLAN : " Avant-hier, M. EUZET, maire, apposait une affiche engageant ses amis à voter contre M. TAILLAN. Le jour même, ce dernier a répondu, toujours par affiche. Sa réponse était accompagnée d'une deuxième affiche donnant un ordre du jour qui fut voté par 28 conseillers municipaux dans une réunion qui a eu lieu mercredi soir, c'est-à-dire après la publication de la lettre de M. EUZET. On nous affirme que si le 29ème conseiller n'a pas signé, c'est qu'il était absent de Cette, et que l'on n'a pas voulu se servir de son nom sans son autorisation. Comme on le voit, c'est un conflit entre M. EUZET et le conseil municipal." (PM du 06.05.1910) Il est dommage que le PM ne donne pas non plus le texte des affiches d'Auguste TAILLAN. Quant à la réunion du mercredi, voir plus bas la communication titrée "Flétri par son conseil municipal".

Evidemment, cette affiche a beaucoup surpris et entraîné des réactions en chaîne, dans le parti radical-socialiste et dans les communes de la 3ème circonscription de Montpellier, en particulier à Frontignan où l'affiche avait aussi été apposée : " EUZET perd certainement une belle occasion de rester neutre ; personne n'a oublié la haine qu'il nourrissait contre son prédécesseur, M. MOLLE, conseiller général, ancien maire, candidat à la députation. Mais il paraît que le temps passe ainsi que l'oubli des injures et c'est pourquoi M. EUZET, grand ami de M. SALIS, c'est lui qui le dit, vient nous engager à ne pas voter pour TAILLAN, concurrent de M... MOLLE. Mais alors, pour qui voter, si ce n'est pour M. MOLLE, cela saute aux yeux. M. EUZET est ébranlé, il se tourne déjà du côté du plus favorisé au premier tour de scrutin, grâce à la manoeuvre des réactionnaires. Que le maire de Cette donne des avis à ses administrés, nous les comprenons, mais qu'il vienne former notre opinion, c'est autre chose. L'esprit Frontignanais est encore bon, il n'a nullement besoin des conseils du trop Cettois qu'est M. EUZET. - Adolphe DOLQUE, conseiller municipal de Frontignan, du groupe radical et radical-socialiste." (PM du 08.05.1910)

Autre réaction, celle du conseiller municipal STEINMANN : "En réponse à une note du JC disant qu'il n'y avait pas de conflit entre M. EUZET et les membres du conseil municipal, nous recevons de M. STEINMANN, conseiller municipal, la lettre ci-dessous :
Dans l'entrefilet paru hier, vous alléguez que ce qui divise l'ensemble de mes honorables collègues sur la lettre écrite par M. EUZET, n'est qu'un différend, au lieu d'être un conflit. A cela je réponds en mon nom personnel qu'il s'agit bien en la circonstance d'un conflit, même grave, et non d'un différend, comme vous le supposez à tort. Tout le premier j'ai été attristé de cette charge à fond de train que rien ne justifiait vis à vis de notre camarade TAILLAN. Cette lettre a été d'autant plus mal venue d'être livrée à la publicité qu'elle a eu la réprobation générale, se retournant contre son auteur, et je ne puis comprendre que M. EUZET qui est un fin politique n'ait pas eu la sensation de faire taire les ressentiments plus ou moins justes qu'il invoque en gardant comme il l'avait promis du reste, une stricte neutralité. M. EUZET ne pouvait ignorer également quelle portée aurait sa déclaration et il me semble qu'avant de la produire en public, ne serait-ce que par déférence pour ses collègues qui l'ont élu Maire et ne lui ont pas ménagé leur appui en toute circonstance, il aurait pu, dis-je, s'entourer de leur avis. J'estime aussi que les 3600 électeurs qui par trois fois nous ont donné leurs libres suffrages et porté au pouvoir, ont droit à plus de considération. Voilà le sentiment de l'unanimité de mes collègues du Conseil municipal et je ne crains pas d'être démenti. - A. STEINMANN
" (PM du 08.05.1910)

Les résultats du scrutin de ballottage des élections législatives sont donnés par le PM du 10.05.1910 : MOLLE 6668 (élu) ; TAILLAN 5591 ; nuls 190 ; à noter le nombre de votants : 12450, soit plus de 600 de plus qu'au premier tour.

Cette période de l'élection législative de 1910 a été résumée par le JC du 07.02.1912 (en rappelant que ce journal était alors très favorable à EUZET et à SALIS) : "Les choses étaient donc ainsi à l'avènement de l'admininistration EUZET, lorsqu'un comparse, quelqu'un de la liste qui avait réuni toutes les bonnes volontés, dans un rut inexplicable d'ambition et d'admiration personnelle veut devoir essayer de faire tourner à son unique avantage le bénéfice d'une situation particulière, M. TAILLAN s'imposait comme candidat et voulait représenter au Palais Bourbon la ville de Cette, son passé républicain et ses intérêts. M. SALIS, son digne représentant depuis trente ans, qui au cours de sa longue carrière politique avait défendu avec dévouement et souvent avec honneur nos intérêts, avait en républicain d'avant-garde assis la République et voté les lois intangibles du régime. Il devait forcément et à son honneur porter le poids de son passé devant la réaction. Celle-ci ne manqua pas d'en profiter. C'est alors que le devoir accompli, M. EUZET, fidèle à son passé et à ses principes républicains, ayant à choisir entre un comparse du Conseil municipal, que rien n'indiquait, - devenu le candidat de la Croix, quoique du Petit Méridional - et le chef indiscutable de la fraction avancée du parti républicain, se souvenant qu'aux heures critiques et par deux fois le désistement du socialiste MOLLE avait assuré le succès du radical SALIS, fit le geste d'apaisement entre les deux fractions du parti républicain qui restera à jamais un acte de haute politique, de probité républicaine et de dévouement à sa ville natale. Le reste on le connaît."

Grande confusion au conseil municipal, suite à l'élection législative

"Après la proclamation des résultats, le maire a prononcé quelques paroles engageant au calme et a fait illuminer la mairie. Quelques groupes, peu nombreux, se sont formés et ont parcouru la ville accompagnés de hautbois et en chantant l'Internationale. Un de ces groupes s'est arrêté devant nos bureaux et quelques cris de A bas le Petit Méridional ! A bas la Petite Chapelle ! se sont fait entendre." (PM du 09.05.1910)

"Avant-hier soir, les conseillers municipaux se sont réunis pour examiner la situation qui leur était faite par les deux lettres que M. EUZET a fait afficher pendant la période électorale. La réunion a voté un ordre du jour protestant contre les agissements de M. EUZET pendant les élections législatives, a blâmé ses agissements et déclaré qu'il avait perdu leur confiance. Cet ordre du jour a été signé par tous les conseillers, sauf MM. REY et Marius FRANÇOIS. Dans la journée d'hier, le maire sollicité par plusieurs conseillers de convoquer le Conseil municipal pour lui expliquer son attitude s'y est refusé." (PM du 11.05.1910)

"Flétri par son conseil municipal - Sous ce titre, on nous communique avec prière d'insérer : Ordre du jour - Sur le refus opposé par le maire de réunir son conseil municipal, les soussignés, conseillers municipaux de la Ville de Cette, réunis en comité privé le 9 mai 1910, au nombre de 27, dans la salle du fond du Grand Café, protestent énergiquement contre les agissements inqualifiables de M. Honoré EUZET, maire de Cette, Chevalier de la Légion d'honneur, au cours des dernières élections législatives, le blâment véhémentement pour sa trahison et déclarent qu'il a perdu toute leur confiance. Le présent ordre du jour, adopté à l'unanimité, a été signé par les 27 conseillers municipaux présents (suit la liste) Nous pensons vous intéresser en vous adressant ce communiqué. Malgré ce blâme, le maire refuse de démissionner !" (LCM du 12.05.1910)

Cette situation a un grand retentisement au plan national, comme on le voit dans un article de LR du 17.06.1910 : "A la suite des élections législatives, un maire est désavoué par son conseil municipal. Au cours des dernières élections, M. EUZET, maire de Cette, ayant par affiches, pris parti pour M. MOLLE, contre son concurrent, M. TAILLAN, conseiller municipal, malgré une adresse de sympathie de 28 conseillers municipaux à leur collègue, vient d'être désavoué par son conseil municipal. Sur le refus de M. EUZET de convoquer le conseil, une réunion privée eut lieu et les conseillers votèrent un blâme au maire pour son attitude pendant les élections législatives. Dans une affiche, signée par 27 conseillers municipaux sur 30 et intitulée "Flétri par son conseil municipal", ils déclarent "blâmer véhémentement le maire de sa trahison et lui retirer toute confiance". Une petite manifestation ayant eu lieu, il y a quelques jours, la mairie a tous les soirs, un piquet de gendarmes et de coloniaux prêt à intervenir pour réprimer toute manifestation hostile. Comme le maire ne veut pas donner sa démission, on s'attent à une prochaine dissolution du conseil municipal.

Le LCM a essayé de tirer les conclusions de ces élections législatives en analysant, notamment, le rôle joué par le maire radical, Honoré EUZET. En effet, celui-ci a joué la carte du radical SALIS contre le radical TAILLAN (au premier tour) puis celle du socialiste MOLLE contre TAILLAN (au second tour). Comme, en plus, TAILLAN est alors conseiller municipal, on comprend les remous provoqués par cette attitude : "Après la bataille électorale - Le mistral emportera demain les derniers échos de la période électorale. Les comités locaux des diverses candidatures nous ayant été sobres de communications, nous n'avons pas eu à nous occuper de l'élection dont les phases se déroulaient autour de nous. C'est donc avec sérénité que nous en avons suivi les diverses péripéties. Les lampions sont éteints, les drapeaux renfermés dans leur gaine ; seules encore quelques secousses populaires font entendre leurs clameurs : de joie pour les uns, de dépit pour les autres. Les vainqueurs (socialistes) ont eu l'attitude des forts : calme et tranquille. Leurs manifestations ont revêtu un caractère de tranquilité, soucieux de ne point froisser les sentiments de leurs adversaires. Dans le camp des vaincus (les radicaux et les modérés) des éléments divers sont en cause et, ce qu'il y a de plus étonnant, ce n'est pas contre leurs adversaires de la première heure que le dépit se manifeste. L'ingérence de M. EUZET, dans l'élection, son écharpe jetée en plein feu de la bataille électorale, a fait apprécier son geste de façon différente. L'idée que M. EUZET a développé sur deux affiches a quelque grandeur, mais, était-ce bien lui qui pouvait en être le promoteur ? Pouvait-il sans quelque danger pour tous, se dresser contre un de ses collègues ? Pouvait-il s'élever assez haut, se dégager suffisamment des luttes antérieures, s'extérioriser de cette ambiance de luttes d'hier, des injures et outrages dont son parti avait accablé M. MOLLE pour se faire nouveau directeur des consciences, le Saint-Vincent-de-Paul de ce dernier ? Peut-être en nous éloignant de la période électorale, verrons-nous plus clair dans ce geste qui a surpris beaucoup d'électeurs. Selon le point de vue auquel on se place, il est grand ou misérable. Les sensitifs que nous sommes apprécions selon nos tempéraments, selon les coups reçus, selon nos intérêts de l'heure présente. Est-ce à dire que nous apprécions juste ? Laissons les jours et les évènements apporter leurs enseignements. Mais il en est qui ne veulent pas attendre, et, ce n'est pas sans surprise que nous avons vu hier soir à neuf heures et demie les membres du comité de la Paix Sociale, du drapeau de l'ordre, envahir la rue, essayant de soulever une manifestation qui n'a été qu'un piteux échec, mettant en mouvement contre eux cette fois : troupe, police et gendarmes. Les cris de démission nous ont paru n'avoir pas un écho bien retentissant. Dix minutes ont suffi à la police pour ramener la tranquillité de la rue. Pendant ce temps, avec une sérénité des temps anciens, le Maire, conspué de loin, assistait de son balcon à la manifestation en fumant un beau cigare." (LCM du 12.05.1910). L'image finale est forte de celui qui a soutenu jusqu'au bout son ami SALIS et qui n'a pas supporté que TAILLAN maintienne sa candidature au second tour, alors que les résultats plaçaient celui-ci en troisième position. Mais quel paradoxe à soutenir alors MOLLE qui avait été son adversaire et vainqueur (en 1902) à la mairie ! Ce faisant, il a ménagé les deux camps de l'électorat républicain, ce qui n'a pas été oublié par la suite.

Plusieurs articles nous montrent la dégradation du climat à l'intérieur du Conseil municipal : "Notre ligne de conduite vis-à-vis du Conseil municipal actuel étant d'une neutralité absolue, nous avions pensé devoir rester dans cette même attitude. Nos lecteurs comprendront qu'à la suite de la crise aiguë qui vient de s'ouvrir entre M. le Maire et ses conseillers, nous leur devons quelques renseignements. Sans remonter aux origines de cette crise, disons qu'il avait paru naturel à nos concitoyens, qu'à la suite des affiches violentes échangées pendant la période électorale, une seule solution s'imposait, c'est-à-dire la démission en masse du Conseil municipal. Il n'en est pas ainsi. L'équipage veut débarquer son capitaine et ce dernier ne veut s'en aller que s'il est suivi de tous, même du marmiton. C'est autour de cette situation difficile que se battent les adversaires. M. TAILLAN avec M. VIGNAL et M. CHANOINE ont donné les premiers coups de lance. M. MAUCHE que l'on ne croyait pas voir dans ce tournoi, a pris position, soutenu par M. TAILLAN qui s'était fait son protecteur. M. EUZET en vieux sanglier a répondu par des coups de boutoir. Ni les uns ni les autres n'ont élevé le débat assez haut pour intéresser le public. C'est du chiqué, dit-on, car personne en résumé ne désire partir. Les contribuables seraient plus satisfaits s'ils apprenaient demain que le Creusot nous rembourse les 300.000 francs de droit qu'on a eu le tort de lui faire remise." (LCM du 22.06.1910)

Au même moment, le PM donne ses impressions du conseil municipal et, en même temps, du caractère du maire, ce qui nous éclaire un peu plus sur sa personnalité : "On a lu les incidents qui ont marqué les séances du conseil municipal. Après le calme plat, la tempête. D'un côté le maire et quelques rares conseillers qui se taisent. De l'autre, la très grande majorité du conseil manifestement hostile au maire. A peu près tous ces derniers parlent, interrompent, protestent ou applaudissent, suivant le cas, pour bien marquer cette hostilité. Les plus calmes semblent les plus décidés. M. EUZET donne l'impression d'une personne qui ne craint pas les incidents. Parfois, on dirait même qu'il veut les provoquer. Avec l'ardeur d'un jeune, soutenu, il est vrai, par les amis nombreux qui se trouvent dans la partie réservée au public, le maire tient tête à tous. Il répond aux interruptions si une intervention le gêne ; il la néglige pour attaquer un autre conseiller. Les qualificatifs violents ne l'arrêtent pas. Si les conseillers persistent dans leur agitation ; s'ils veulent voter sur une proposition que M. EUZET refuse de mettre aux voix - comme cela s'est produit lundi à l'occasion de la proposition de M. TAILLAN - le maire menace de lever la séance en disant qu'il rend les conseillers responsables. Du côté des conseillers, moins d'emportement, en apparence du moins, mais une attitude qui indique une idée arrêtée, poursuivie avec tenacité. M. EUZET semblait vouloir la démission du conseil municipal, ou sa dissolution au besoin, les conseillers ne veulent ni démission ni dissolution. Ils répliquent avec vivacité mais votent les affaires municipales, s'ils jugent que le maire a raison, ils votent suivant ses désirs. Par contre, ils épluchent les questions et ont des suspicions blessantes pour la dignité du président. C'est ainsi que jeudi dernier, M. EUZET s'était engagé formellement à convoquer le conseil à 8 H 1/2. Malgré cet engagement, les conseillers ont voulu un vote qui liât officiellement le maire, afin dit un conseiller qu'il ne puisse pas changer d'avis. On lui renvoie bien ses épithètes, on en ajoute même d'autres très vives et on le conspue. Telle est, sincèrement et impartialement indiquée la situation municipale qui nous paraît ressortir des incidents qui ont marqué les dernières réunions du conseil municipal. L'avenir nous dira comment elle se dénouera, et quelle en sera la conséquence. Puisque nous parlons des incidents qui ont marqué les dernières réunions du conseil, précisons un détail pour la clarté du compte rendu que nous avons publié hier. C'est une erreur de plume qui nous a fait écrire : Vous mentez comme une femme. C'est cet homme ment comme une femme, que M. EUZET a dit en s'adressant au public et en désignant M. TAILLAN. Quant à la réplique de ce dernier : Pardi vous êtes le mâle ou plutôt la malle du conseil, elle était la réponse à une note parue dans le Journal Officiel du maire de Cette, où il était dit que M. EUZET était le mâle du conseil et des conseillers le sexe faible. "(PM du 22.06.1910)

La fin de l'article ci-dessus fait référence à la séance du Cm de lundi, dont les détails sont donnés dans le numéro du 21.06.1910, avec en titre : Violent incident au Conseil municipal : "M. TAILLAN rappelle au maire la lettre qu'il a fait publier dans un journal local et le prie de vouloir bien faire connaître au conseil les résultats de l'enquête qu'il a donné l'ordre d'ouvrir à propos de la séance de vendredi soir. Le maire dit qu'il attendra pour faire cette communication, la fin de l'enquête qui se poursuit. M. TAILLAN insiste. Le maire refuse de nouveau. M. TAILLAN, devant ces refus consécutifs, dit qu'il va lui faire connaître les résultats de l'enquête, et affirme qu'ils sont négatifs et qu'il n'y aura ni poursuites ni procès verbal. M. EUZET se fâche et prétend que la question est d'origine politique et qu'il n'en permettra pas l'introduction au sein du conseil. Quelques interruptions se produisent ; on réplique que c'est lui, le maire, qui l'a introduite en portant publiquement des accusations contre les conseillers. On fait appel à M. MAUCHE, premier adjoint, qui déclare qu'étant au bureau il a constaté que l'unanimité des personnes qui sont rentrées dans la partie de la salle réservée au public ont acclamé le maire, se sont présentées comme ses défenseurs et ont houspillé les conseillers municipaux. Il déduit de ces faits que, s'il y a un guet-apens, il a été organisé par M. EUZET ou ses amis et qu'en portant cette accusation contre les conseillers, le maire a fait comme ceux qui, après avoir jeté la statue de la République et les urnes par la fenêtre, ont accusé leurs adversaires d'avoir commis ces actes. Il accuse M. EUZET d'être passé armes, bagages et journal à l'ennemi et de vouloir lasser les conseillers par ses agissements ; il ajoute qu'il n'y parviendra pas. Il nous reste deux ans à faire, dit-il, nous les ferons malgré vous. A plusieurs reprises, les conseillers applaudissent vivement M. MAUCHE. M. EUZET répond : il avait, dit-il, appris que les conseillers voulaient le combattre. S'il a fait rentrer le public, c'est sur la demande d'un conseiller - approbations unanimes - et que s'il n'avait pas fait cela, les conseillers auraient provoqué un autre incident (dénégations des conseillers, applaudissements très nombreux dans le public). Il ajoute que le bruit qui se faisait dans les couloirs était dirigé contre le maire, et se produisait surtout lorsqu'il parlait. Il accuse M. TAILLAN d'entretenir une agitation malsaine, abusant de la complicité des conseillers républicains qui n'y voient pas clair. Il affirme que lui-aussi restera deux ans - applaudissements du public, interruptions diverses au cours desquelles M. EUZET dit avoir plus d'honnêteté dans son petit doigt que ses adversaires dans toutes leurs personnes. Nouveaux applaudissements du public. Huées et vives protestations de la part des conseillers qui retournent le ... compliment à M. EUZET. Ce dernier précise sa pensée et dit qu'il ne s'agit, bien entendu, que de probité politique. Après cette vive escarmouche, un calme relatif se produit (...)" Puis, les altercations reprennent. Le maire est accusé d'avoir renié son parti. Le mot de renégat politique est prononcé. "M. EUZET accuse M. TAILLAN d'être un réactionnaire. Soit, réplique ce conseiller, mais vous êtes venu me chercher et m'avez accepté sur votre liste. Vous seriez donc allé chercher des réactionnaires pour être élu ? Vous avez trahi ma confiance, réplique M. EUZET et êtes venu me supplier chez moi de vous admettre sur ma liste. Le public manifeste bruyamment et applaudit très vivement (...)" et les échanges du même style continuent mais on voit bien, avec ces derniers arguments échangés, que le coeur de la dispute revient, encore une fois, au rôle et à la place des républicains modérés au conseil municipal et sur la place de Sète.

Dans cette élection, le rôle des catholiques, des libéraux, des modérés et autres royalistes

Le 08.05.1910, le PM avait repris un article de la CM de la veille, portant la date du 8 mai, signé de son directeur, l'abbé BESSODES ; cet article lève un coin du voile sur les tractations plus ou moins occultes des candidats. - "Nous avons écrit, le 3 mai, à M. MOLLE, candidat à la députation à Cette, la lettre suivante : Monsieur, La Croix Méridionale a fait voter pour vous au premier tour, afin de démolir SALIS, et aussi parce que vous vous êtes déclaré hostile à la Petite Chapelle. (surnom donné aux radicaux francs-maçons et à leurs sympathisants) Pour le deuxième tour, nous sommes très vivement sollicités de faire voter pour M. TAILLAN qui nous promet la liberté d'enseignement et la liberté de conscience (en 1904, Louis LAFFERRE, grand Maître et député de Béziers est à l'origine de la suppression de la clause de liberté de conscience) On objecte encore, contre vous, certaine mascarade injurieuse à la religion qui eut lieu pendant que vous étiez maire. Nous voudrions savoir ; 1 Si, comme M. TAILLAN, vous êtes favorable à la liberté d'enseignement et à la liberté de conscience ; 2 Si oui, nous voudrions recevoir, concernant la dite mascarade, des explications qui puissent satisfaire bon nombre de nos amis. Il en est, en effet, qui, à cause de ce grief qu'ils vous font, s'apprêtent, si aucune explication n'est donnée, à voter pour M. TAILLAN. Nous tirons notre journal, vendredi matin. J'aurais besoin, si vous jugez à propos de me répondre, de recevoir votre réponse jeudi matin. L'absence de réponse équivaudrait de votre part à une fin de non recevoir. Nous nous déterminerons en conséquence. - Agréez, etc. BESSODES." Et, plus loin, il était écrit : "A l'heure où nous mettons sous presse, nous n'avons pas reçu de réponse. Nos lecteurs voteront selon leur conscience. M. MOLLE a fait tomber SALIS. L'essentiel maintenant est de mettre à la place du député sortant un député dont le programme et les actes se rapprochent le plus près possible du nôtre."

Le même jour, le PM publie à la demande du "comité qui soutient la candidature de M. TAILLAN", une lettre de Paul HÉRAN, chef du parti royaliste de Poussan, lequel rappelle que l'objectif de son parti est de "démolir la Petite Chapelle et la Franc-Maçonnerie" et qui, s'adressant aux électeurs, écrit : "Ne craignez pas de vous salir les mains en portant ce bulletin". Enfin, toujours dans le même numéro, le PM indique que le comité MOLLE fait, de son côté, circuler une lettre de M. DUGRIF, président du Comité Cettois de l'Action Libérale, "recommandant aux libéraux la candidature TAILLAN". Evidemment, ce n'est pas innocent si le PM publie de tels documents qui compromettent les deux candidats et qui expliquent l'attitude du PM : "Les républicains comprendront pourquoi la Fédération départementale et le Petit Méridional ont déclaré se désintéresser d'une élection qui se présente dans de semblables conditions."

Peu de temps avant, le 01.05.1910, le PM avait aussi expliqué son attitude de neutralité (par rapport aux deux candidats) suite à des articles de La Dépêche de Montpellier : "La Dépêche de Montpellier fera et dira ce qu'elle voudra, nous continuerons à rester neutre à l'égard de M. TAILLAN, qui n'a pas cru devoir solliciter notre publicité au premier tour, et qui ne la sollicite du reste pas encore. Nous ne constatons pas, d'autre part, que les électeurs de M. SALIS aient reconnu comme candidat de la discipline républicaine M. MOLLE qui, par son attitude pendant la période électorale a su mériter la protection de l'Eclair et le concours de la Croix Méridionale. Notre silence s'explique surabondamment." Quant à EC, de la même manière, il expliquait, le 08.05.1910 qu'avec un candidat socialiste et un candidat radical-socialiste, ""l'Eclair n'a point à prendre parti."

En conclusion sur cette question de l'influence des non radicaux et non socialistes sur le vote, on peut d'abord reprendre un article de EC du 10.05.1910 : "M. MOLLE est donc élu député de la troisième circonscription, en remplacement du franc-maçon SALIS. En admettant que nous ne gagnons pas au change, il est certain que nous n'avons rien à y perdre. La politique blocarde contre laquelle M. MOLLE vient de lutter avec succès, a commis trop de méfaits pour que nous ne constations pas avec plaisir le grave échec qu'elle vient de subir dans le département. A tout prendre, cette politique a été certainement plus préjudiciable à nos intérêts que les ruines de toutes sortes qui en ont été la conséquence, que les violences ouvrières dont on a fait souvent un grief à M. MOLLE. On sait, d'ailleurs, que les douceurs du pouvoir assagissent les révolutionnaires qui paraissent les plus intraitables, et il est à présumer que M. MOLLE, parvenu aujourd'hui au but de tous ses rêves, redeviendra ce qu'il était, un paisible bourgeois. Le calme du premier mai et des journées électorales du 24 avril et du 8 mai nous permet d'espérer que la période des troubles que nous avons traversée est enfin terminée et que l'élection de M. MOLLE ne sera pas, comme certains le craignaient, le renouveau d'une ère d'agitation." On peut, ensuite, se référer au PM pour mettre en perspective la dernière élection municipale et cette élection législative : "Il est incontestable qu'aux dernières élections municipales la liste de M. EUZET n'est arrivée qu'avec le formidable appoint apporté par tous les groupements cléricaux et réactionnaires. Et si l'on nous demandait des preuves, il nous suffirait de rappeler et les chants de victoire du journal "l'Eclair" et les félicitations officielles apportées à l'Action Libérale par un de ses dirigeants les plus actifs, M. St-YVES, pour désillusionner les plus prévenus. Ce même bloc, diminué cependant de nombreux républicains, s'est retrouvé sur l'adversaire de M. MOLLE (donc Auguste TAILLAN) au deuxième tour des élections législatives. Il a donc suffi que quelques républicains conscients de leur devoir ouvrent les yeux pour mettre en minorité, à Cette, le candidat patroné par l'Action Libérale. Et le journaliste de souligner qu'il fallait éviter que la "réaction" continue à être l'arbitre de la situation, en profitant des querelles internes au parti républicain (PM du 03.06.1910).

"M. LUZINE, vice-président du groupe d'Union républicaine, nous écrit pour protester contre les brutalités dont il a été victime mardi soir en voulant pénétrer avec le public dans la salle du conseil municipal. Des individus, déclare-t-il, lui ont lâchement porté, par derrière, des coups de poing sur la tête. Ce sont les mêmes hommes, ajoute-t-il, qui ont organisé l'obstruction contre le conseil municipal." (EC du 23.06.1910)

Dans la rubrique montpelliéraine de EC, on peut lire, à propos des fêtes de Sète : "La presse a été unanime à reconnaître que l'Eclairage électrique des quais avait été absolument féérique, et elle a qualifié de spectacle inédit l'heureuse initiative due à M. EUZET, maire de Cette ; cette importante installation électrique avait été confiée à notre compatriote montpelliérain, M. Jean POUZOL, l'électricien bien connu. Il fut chaudement félicité et ovationné par plus de 10.000 spectateurs émerveillés." (EC du 01.09.1910)

Atmosphère plus calme au conseil municipal, en septembre. Une question d'éducation montre l'état des moeurs : "Le Maire, se conformant aux instructions données par l'Inspecteur d'Académie demande la création de cours pratiques à l'école primaire supérieure de filles. M. STEIMANN se déclare nettement opposé à cette création disant que la directrice de cette école exige toujours trop en raison des services par l'institution, que jamais l'on ne fait rien pour le cours secondaire, que les filles sortant de l'école supérieure n'ont pas d'avenir, etc... (...) Le Maire déclare qu'il défendra résolument la demande de l'Inspecteur d'Académie parce que l'école supérieure est fréquentée par les enfants du peuple dont les moyens ne permettent pas d'autres études. Il s'étonne de la résistance de certains de ses collègues devant une oeuvre démocratique. Enfin, après quelques mots de M. DELPONT qui appuie les dires du Maire, la proposition de ce dernier mise aux voix est adoptée par treize conseillers." ((JCM des 04-05.09.1910)

Le 27.10.1910, il remet au préfet de l'Hérault une "pétition recouverte de 10.000 signatures" pour obtenir le classement de la ville dans la liste des stations balnéaires. L'EC du 29.10.1910 qui rapporte la démarche indique que le préfet lui aurait promis d'user de toute son influence pour que satisfaction soit donnée à la population.

Rien ne vaut une exposition horticole pour calmer les esprits échauffés par la politique et rassembler toutes les personnalités. Ainsi, la société d'horticulture de Cette organise, le 30 octobre, une "grande exposition fédérale d'horticulture" où se bousculent les personnalités lors de son inauguration : EUZET, maire ; MOLLE, député ; MICHEL, conseiller général ; AUDOYE, conseiller d'arrondissement ; ils entourent le délégué du ministre, un certain BATTANCHON (LVMR du 30.10.1910)

1911

Reprise d'une lettre, parue dans le PM, d'Auguste TAILLAN, conseiller municipal : "(...) M. EUZET n'est pas seulement républicain, il est la République. Qu'il évolue de l'extrême droite à l'extrême gauche, ceux-là seuls sont républicains qui consentent à se découvrir devant l'image carminée de ce GESSLER aux petits pieds. Son conseil municipal l'a flétri dans une affiche qui est demeurée célèbre. Il est républicain et le démontre en jouant au dictateur comme un maire d'Empire. Tour à tour ses deux adjoints, MAUCHE, GAROUTE ; MM. GOURGUET, DELPONT, les comités de SALIS, les maires républicains amis de SALIS, enfin SALIS lui-même ont déclaré ou écrit qu'il avait trahi le parti républicain (...) Il fait campagne avec les Camelots du Roi. Seuls, le devoir républicain et le souci des intérêts communaux m'ont imposé la tâche d'enrayer les débordements d'économie somptuaire de ce démocrate aux deux mille francs de voitures (voir budget) (...) Mais qui donc pourrait oublier le souvenir saisissant de l'homme que ses amis, la gendarmerie et la troupe furent presque impuissants à soustraire aux fureurs vengeresses de ceux qu'il avait précédemment trahis et qu'il a pourtant réussi à dompter au prix d'une nouvelle trahison ? (...)" (EC du 29.01.1911)

Reprise dans EC d'une lettre, parue dans le JC, d'EUZET en réponse à celle que TAILLAN a fait paraître dans le PM de vendredi : "(...) Je ne veux pas répondre à leurs divagations." (de ceux qu'il appelle les marmousets du conseil municipal - mais c'est la suite qui donne un éclairage sur sa personnalité) Qu'il me soit permis toutefois de dire qu'ils mentent quand ils prétendent que je dépense 2000 francs de voiture aux frais de la mairie. Or, je paie de mes deniers - les loueurs de voiture peuvent le certifier - régulièrement mes courses tous les jours et si pour le service de la ville je me sers de voitures, je ne dépense pas plus de 50 francs par an pour cet usage. Si j'ai abandonné mes frais de représentation de 4000 francs, ce n'est pas pour me rattraper sur les voitures. D'ailleurs, conformément à la loi, tous les comptes sont à la disposition des contribuables, qui peuvent venir les contrôler, afin de s'assurer de l'exactitude de mon assertion. Veuillez ... Le maire, chevalier de la Légion d'Honneur, Honoré EUZET. (EC du 29.01.1911)

"A la dernière réunion du collège de Cette (Hérault), le maire de la ville, M. EUZET, a annoncé officiellement que, suivant des instructions très précises du ministre, l'aumônier de l'établissement serait désormais supprimé. Il a ajouté cependant, que les catholiques pourraient faire donner l'instruction religieuse à leurs enfants, en dehors du collège, où l'aumônier serait néanmoins autorisé à continuer son service si le Conseil municipal voulait prendre à sa charge les frais qui en résulteraient. C'est, comme on voit, l'apaisement qui continue." (La Croix, de Paris, des 19-20.02.1911)

Le 27.08.1911, est annoncée la course cycliste appelée Le Tour de Cette, organisé par l'Association sportive cettoise. Le maire, Honoré EUZET est le président du jury d'honneur. C'est le PM qui donne l'information.

La Croix du 24.11.1911 (n° 8799) publie la lettre qu'Honoré EUZET envoie au préfet de l'Hérault pour soutenir les Petites soeurs de l'Assomption : "Il y a en ce moment une certaine émotion en ville à propos de bruits qui se sont répandus touchant la Congrégation des Soeurs de l'Assomption, desquelles on dit qu'elles vont être expulsées et qu'on va vendre leur pauvre matériel mobilier qui aurait été saisi antérieurement. Dans ces conditions, j'estime qu'il est de mon devoir de vous dire que ces congréganistes sont très populaires ici en raison des nombreux services désintéressés qu'elles ne cessent de rendre depuis 1899 aux familles pauvres de notre ville ... En résumé, Monsieur le Préfet, je considère les Soeurs de l'Assomption comme des auxiliaires utiles et dévouées. C'est pourquoi je réclame en leur faveur toute votre bienveillance." Le journal ajoute que la pétition qui se signe à Sète est déjà couverte de 10000 signatures. Cette lettre a dû faire grande impression, surtout venant de celui que l'on appelait jadis le laïciseur dans les milieux conservateurs. C'est pourquoi cet épisode sera rappelé avec émotion par le doyen ESCANDE au moment dec ses obsèques, en 1931 : "C'est à son large esprit que nous devons d'avoir conservé les Petites Soeurs de l'Assomption, qui ont adopté le pauvre et l'ouvrier comme de véritables mères, et la lettre qu'il écrivit pour les défendre et qui fit le tour de la France entière, est encore dans toutes les mémoires. Il a traité avec respect, avec bienveillance, les Filles de la Charité qui, dans notre ville, portent si haut le drapeau du dévouement et de l'abnégation." On peut aussi penser qu'une telle prise de position a dû jouer un grand rôle dans l'élection municipale de 1919.

1912

Au conseil municipal du 9 février, il est vivement critiqué par TAILLAN qui présente le budget préparé par la commission des finances, budget auquel il s'oppose ; un débat caractéristique de deux politiques contraires a lieu à propos des agents municipaux :"M. EUZET avait fixé diverses augmentations variant de 50 à 40 francs environ. M. TAILLAN, au nom de la commission, s'en tient à son rapport : la majorité estime que les employés doivent être récompensés selon leur mérite personnel et c'est pour cette raison que la commission avait demandé les notes professionnelles aux chefs de service ; ces notes ont été refusées d'après l'ordre de M. EUZET. Le conseil, dit M. TAILLAN, n'entend pas que le maire répartisse le crédit à sa fantaisie. Faisant une concession, M. EUZET propose l'unification à 200 francs de toutes les augmentations. Il donne sa parole qu'il en sera ainsi fait". La dispute continue car de nombreux conseillers ne lui font pas confiance et, le premier adjoint, MAUCHE, rappelle un cas où le maire n'a pas tenu sa parole envers lui. A cela, le maire lui répond qu'il "allait commettre une grave injustice en favorisant une partie du personnel de la police, au détriment des agents dont les états de service étaient plus nombreux." Ce à quoi MAUCHE répond, à son tour : "Les agents à qui je voulais donner de l'avancement étaient plus méritants, et le service serait beaucoup mieux fait si les nominations que j'ai proposées avaient été faites." ; finalement, le vote du budget préparé par la commission est adopté avec 11 voix contre 4. Cet échange montre non seulement la différence de deux conceptions sur les critères d'avancement, il montre aussi que le Conseil voudrait s'approprier des fonctions qui n'appartiennent qu'au maire, et, finalement, c'est la démonstration qu'Honoré EUZET n'a plus de majorité dans son conseil municipal, lequel suit son leader de fait, Auguste TAILLAN. (JC du 13.02.1912) Dans un numéro précédent, le même journal avait déjà détaillé les critiques du maire sur le projet de budget présenté, estimé imprévoyant et devant aboutir fatalement au déficit. Au fil d'un débat très dur, on peut encore retenir trois aspects révélateurs de l'ambiance au sein du conseil municipal. Le premier, en ce qui conserne le théâtre, sur intervention de DELPONT, président de la commission des finances : "M. EUZET, dit-il, est heureux d'avoir embelli le quartier de la Gare. Mais il n'a pas grand mérite à cela. Ce monument a coûté horriblement cher aux contribuables" ; sur la station zoologique, le conseil a supprimé la subvention, estimant que les bénéficiaires n'étaient pas les Sétois. A cela, le journaliste écrit : "Si nous avons bonne mémoire, M. EUZET, il y a quelques mois, avait prouvé que la Station Zoologique procurait un réel bénéfice à notre cité, en ceci qu'elle est l'objet très apprécié de fréquentes excursions scientifiques et de visites d'études rendues plus agréables par le voisinage de l'étang." ; et enfin, sur l'attitude même d'EUZET face au flot de critiques : "Très violent, M. VIGNAL est plus dans le ton que dans les paroles ; c'est un contraste avec M. le Maire qui ne se départ pas de son impassibilité souriante" et encore, face aux critiques de TAILLAN : "il se prête, le sourire aux lèvres, à ce nouvel assaut" ... ce qui ne l'empêche pas de répondre aussi durement : "J'ai pris la résolution de ne pas répondre à vos provocations. Vos injures n'atteignent pas à la hauteur de mon mépris !" (JC du 11.02.1912)

Le JC ne manque pas une occasion de fustiger TAILLAN et les siens, en mettant le maire en avant, dans des positions généreuses éloignées de l'idéologie radicale : "Nous lisons dans lz Midi Royaliste : Il y a quelque temps, il fut question à Cette de l'expulsion des Petites Soeurs de l'Assomption, de ce groupe de femmes qui poursuivent avec un désintéressement quotidien cette oeuvre sociale des gardes malades gratuite. Nous nous serions attendus à ce que les éléments libéraux du conseil municipal, émus dans leur conscience et leur raison se fussent élevés officiellement contre ce crime de lèse-société. Il nous semblait naturel que celui qui venait de quitter l'Alliance catholique et ceux qui vinrent auprès de nous protester de leur convictions à la veille du scrutin, aient élevé la voix et demandé au conseil municipal comme dans bon nombre d'autres villes, un vote de protestation. Contre toute attente, il n'en fut pas ainsi et ce fut le maire radical qui dut intervenir pour sauvegarder la congrégation en danger, en se plaçant sur le terrain budgétaire et social. Il y a encore quelques libéraux au conseil municipal, mais les évènements nous prouvent bien que ce sont des libéraux honteux et froussards. C'est aux libéraux du conseil municipal que ce discours s'adresse, particulièrement à leur chef qui vient de quitter l'Alliance catholique sur les ordres formels de la petite Chapelle (...) - Un groupe de Républicains." (JC du 22.02.1912)

Le 02.03.1912, il reçoit la médaille de 1870 : "Hier après midi, l'honorable président de la Société des Vétérans des Armées de Terre et de Mer, accompagné du bureau et d'une délégation de cette compagnie, s'est rendue auprès de notre sympathique Maire pour lui remettre la médaille commémorative des combattants de la guerre 1870-71. M. Honoré EUZET, très touché de cette démarche a reçu la médaille avec une véritable joie patriotique, et c'est avec émotion qu'il a remercié la délégation de sa délicate attention, l'assurant de tout son dévouement et de toute sa confraternelle sympathie pour les vétérans." (JC du 03.03.1912)

Le 21.03.1912, Le Journal de Cette fait un article sur les nominations au Conservatoire : "Nous avons encore à annoncer une bonne nouvelle à tous les Cettois qui, sans distinction de parti, savent s'incliner devant le mérite et se réjouissent des distinctions qui le reconnaissent et l'honorent : M. Honoré Henri EUZET, le très distingué chef de la Lyre Sainte-Cécile prendrait place, sur la proposition de notre maire, parmi le personnel enseignant du Conservatoire. M. Henri EUZET succèderait au regretté LAGARDE, musicien lui-aussi fort apprécié, enlevé trop vite à l'affection de ses élèves et à la sympathie de ses compatriotes. Tous les musiciens (et ils sont légion à Cette) qu'a formés l'enseignement et le zèle du chef éminent et aimé, tous nos compatriotes qui le voient à l'oeuvre depuis tant et tant d'années avec autant de patience que de modestie, seront unanimes à approuver une décision qui fait honneur à M. Honoré EUZET, notre maire, qui en a pris l'initiative et qui consacre pour celui qui en est l'objet, une vie tout entière employée au service de l'art.". Le 13.04.1912, Le Journal de Cette complète l'information ci-dessus en indiquant : "Par arrêté en date du 11 avril et sur la proposition de M. Honoré EUZET, maire, M. Henri EUZET, chef de Lyre Sainte-Cécile est nommé professeur de collège à l'Ecole Nationale de musique de notre ville à partir du 1er avril 1912. Cette nomination fait autant d'honneur à celui qui l'a proposée qu'à celui qui en est l'objet. Nous avons très souvent fait l'éloge du sympathique professeur pour qu'il soit utile de mettre en relief les qualités qui le rendent digne d'occuper très brillamment ce poste. Aussi est-ce avec une joie sincère que nous le félicitons, joie qui sera partagée par ses amis, et par tous ceux - ils sont légion ! - à qui il a donné la culture musicale." Cette nomination sonne comme un cadeau d'adieu pour ce cousin germain au destin si éloigné, au moins d'un point de vue politique. Vu du côté d'Honoré, marqué par l'anticléricalisme, c'est le signe d'une ouverture d'esprit qui dépasse les clivages idéologiques.

Jusqu'au dernier jour, Honoré EUZET a subi des obstructions de la part de certains conseillers municipaux. Ainsi, au conseil municipal du 3 avril, un rapport d'ingénieur montre qu'il faut faire des réparations urgentes aux canalisations de distribution d'eau du collège. "Ce rapport est un véritable cri d'alarme. Il y est dit que depuis 4 ans, il se produit des pertes quotidiennes dues au mauvais état du réseau. La dépense d'élevera à 6.343 francs. M. DELPONT estime qu'à la fin de son mandat, le conseil ne doit pas engager des dépenses. M. EUZET, aucontraire, déclare que ce n'est pas là une raison suffisante. Il est urgent, dit-il, de voter le crédit sans retard, car la réfection doit être faite le plus tôt possible. n'aurions-nous qu'un jour à rester à la mairie, nous devons faire ce qui est de notre devoir. M. EUZET répondant à une critique de M. DELPONT dit que le rapport de l'ingénieur ne lui a été remis que vers le milieu du mois de mars, et qu'il a tout de suite inscrit la question à l'ordre du jour. Finalement, le conseil vote le renvoi en commission. Cette commission se réunira dans le courant de la semaine. MM. EUZET, MAUCHE et FRANÇOIS ont voté pour l'exécution immédiate des travaux. M. EUZET prie le secrétaire d'enregistrer le vote de M. MAUCHE et de lui-même afin de dégager leur responsabilité." (JC du 04.04.1912)

Les élections municipales



Avant le premier tour des élections municipales de 1912, le JC porte sa réflexion sur le mandat qui vient de s'écouler et en tire des conclusions pour l'élection qui arrive : "Quand peut-on bien travailler (?), lorsqu'on est tranquille. On le sera, avec un Conseil composé par une liste sage, qui réunisse tous les éléments du corps social. Il faut que les bourgeois soient représentés, il faut aussi légitimement que la classe ouvrière, la plus nombreuse, le soit aussi. Une liste qui ne soit pas l'expression d'une classe, d'une coterie, mais qui représente véritablement tous les Cettois. Peut-on demander cela à la liste Taillan où le conseil municipal sortant entre pour une bonne partie. Il n'y a qu'à regarder leur oeuvre : les rues sont dans un état déplorable, aucune amélioration, aucune création n'a été faite, et un peu partout on est mécontent. Et cependant un administrateur compétent, M. H. EUZET était maire, mais il ne put diriger. Investi des fonctions de direction, il se contenta d'éviter le pire. Nous pouvons lui en savoir gré, mais ce n'est pas ce que nous avions rêvé pour Cette. Paralysé par une opinion personnelle, sur une opinion politique qui ne relevait que de sa conscience, il eut à résister à une guerre au couteau de tous les instants. Dès son arrivée à la Mairie d'ailleurs, des intrigues se nouaient et il consacra le meilleur de son temps à se défendre et à défendre ses convictions républicaines. M. TAILHAN envoyé comme tous les autres conseillers pour administrer sagement avait rêvé de la députation, pour laquelle rien ne le désignait. Ni ses connaissances, ni ses services, ni ses convictions. Et cette fantaisie dorée, cet orgueil inexplicable et maladif nous a mené où nous en sommes. Continuerons-nous 4 ans encore à nous entre dévorer, pour faire plaisir à M. TAILLAN ? La question sera résolue par le corps électoral. Pour nous qui plaçons les intérêts communs au dessus (...) nous voterons la liste LAURENS-GOURGUET." (JC du 04.05.1912)

Les résultats du premier tour sont donnés par le JC du 07.05.1912. Inscrits : 8669, votants : 4909 ; majorité absolue pour être élu : 2455, divers : 73, blancs ou nuls : 92. Une comparaison est faite avec l'élection de 1908 : les électeurs inscrits s'élevaient en 1908 à 9810 contre 8669 aujourd'hui. Les votants étaient au premier tour en 1908 6148 contre 4909 hier. Au premier tour, M. EUZET arrivait avec 2823 voix et M. TAILLAN en avait 2863. La liste radicale obtenait un maximum de 789 voix et M. le Dr CRÉMIEUX qui arrive en tête de sa liste obtient 789 voix. La liste des socialistes indépendants ("liste LAURENS-GOURGUET") arrive en tête avec une moyenne de plus de 200 voix et "sans les divisions regrettables causées par des questions de personnalités plutôt que de principes, dès le premier tour elle eut été élue toute entière." ; LAURENS obtient 2233 voix. Les trois autres listes sont : la liste d'alliance républicaine (ou liste TAILLAN) ; il obtient 1900 voix. La liste radicale et radical-socialiste ; CRÉMIEUX obtient 789 voix. La liste des socialistes unifiés ; ROM obtient 611 voix. Il y a ballotage pour les 30 sièges.

Dans son analyse des élections municipales de 1912, le JC fait parfois appel à des comparaisons avec les luttes électorales de 1908, voire de 1902, ce qui permet de mieux comprendre la situation et les évolutions survenues. Ainsi, dans son numéro du 11.05.1912 (donc, entre les deux tours de ces élections), une chronique intitulée : "Hier et aujourd'hui" nous offre quelques clés : "Il y a 4 ans, M. Honoré EUZET, qui est un républicain chevronné et aux convictions duquel on peut avoir confiance, présentait une liste. Elle était composée en grande partie de jeunes, d'hommes nouveaux parmi lesquels M. TAILLAN. Ces hommes nouveaux venus, nouveaux nés, affirmaient la sincérité de leurs opinions républicaines. Comme M. EUZET nous leur avons fait crédit, et nous l'avons cru. Depuis nous les avons vus à l'oeuvre au Conseil municipal et comme candidat à la députation. Il fut clairement soutenu par la Croix et aussi par le Petit Méridional. Le même jeu continue. Nous le combattons simplement pour rester fidèle à nos convictions." (JC du 11.05.1912)

Autre analyse utile avec cette adresse aux libéraux du JC : " Il y a huit ans (en 1902) dans une affiche vous engagiez tous les libéraux à voter pour la liste MOLLE (les listes MOLLE et EUZET étaient en présence) parce que, disiez-vous, EUZET est Franc Maçon et est patronné par le PM, donc votez tous pour MOLLE. Quatre ans après (en 1908), dans une réunion présidée par M. VIGNEAU, dans la salle de la Ste-Cécile, M. VIGNEAU s'adressant à à l'assemblée : Messieurs, vous savez tous quel est le but de notre réunion, deux listes sont en présence, la liste EUZET avec qui quelques uns de nos membres sont affiliés et la liste MOLLE patronnée par le PM, organe de la F.M. Vous savez tous qu'il faut combattre notre ennemi mortel la Franc-Maçonnerie (bravo prolongé). Nous vous engageons à voter tous pour la liste EUZET complète. Quelques membres protestent : pas EUZET ! pas EUZET ! il est Franc maçon, et M. VIGNEAU de répliquer M. EUZET n'est pas Franc maçon. Il est probable que le président de l'Action libérale devait l'avoir confessé à M. EUZET, il ne me l'a pas dit, mais je le suppose, puisque quatre ans avant il avait dit qu'il était Franc maçon. Mais enfin, aujourd'hui (en 1912) je n'ai jamais pu m'expliquer pourquoi les Libéraux sont allés frapper à la porte des radicaux, deux partis complètement opposés. Que signifie cette alliance ; dans aucun pays du Monde l'on a jamais vu la bannière catholique fraterniser à la bannière franc-maçonnique. Où allez-vous et que voulez-vous ? Aujourd'hui, deux listes sont en présence, la liste LAURENS GOURGUET et la liste TAILLAN POUGET. TAILLAN membre de l'Action libérale et POUGET membre de la Loge. Là encore, j'y perds la tête, je ne comprend pas pourquoi cette alliance des libéraux et des Francs maçons (...) Signé : J. CLOBIS" (JC des 12-13.05.1912)

Quant à Honoré EUZET lui-même, il explique sa position avant le second tour des élections, dans une affiche que reproduit le JC : "Mes chers concitoyens, Je n'ai pas cru devoir affronter la lutte électorale, afin qu'elle fut maintenue exclusivement sur le terrain des principes, et qu'on ne pût la transformer en une lutte mesquine de personnalités, entre M. TAILLAN et moi-même. J'ai été durant toute la période électorale, l'objet d'attaques incessantes et vous me rendrez cette justice, que je me suis abstenu d'y répondre, alors même que je pouvais répliquer victorieusement. Mais aujourd'hui, je vous demande la permission de réfuter les insinuations calomnieuses dirigées contre moi, à la suite de ma résolution de laisser conformément à la loi, le libre accès des salles de vote à tous les électeurs. Personnellement, je fais confiance à tous mes concitoyens sans exception, et je ne crois pas que des scènes de désordre puissent être provoquées par aucun d'eux. J'estime encore que ceux qui se plaignent de ma décision, et qui voudraient l'exploiter témoignent du peu de confiance envers leurs amis, puisque cinq bureaux de vote sur six, sont présidés par trois de leurs candidats, et les autres deux par deux de leurs partisans les plus résolus. Mais il faut que vous sachiez, mes chers concitoyens, que si j'ai pris cette détermination, c'est à la suite de plaintes véhémentes exprimées par les amis des vaincus de dimanche dernier. J'ai ainsi voulu éviter de nouvelles discriminations. Toutefois, si MM. LAURENS et TAILLAN, les deux têtes de listes, veulent bien prendre l'engagement d'honneur, de prier leurs amis de ne point formuler de réclamations, je suis prêt à organiser la même forme de surveillance dont j'ai toujours pris l'initiative et qui m'a si bien réussi pendant les six derniers scrutins, alors que la surexcitation des esprits était bien plus grande qu'aujourd'hui. J'attends jusqu'à ce soir quatre heures de chaque comité, les listes de leurs surveillants et scrutateurs et en échange, je délivrerai des cartes qui pourront être immédiatement distribuées. Quoi qu'il en soit, je compte comme toujours sur la sagesse de mes concitoyens. Vive Cette ! Vive la République Démocratique et Sociale. Cette, le 11 mai 1912. Le Maire, Chevalier de la Légion d'honneur, Honoré EUZET". Le même journal ajoute que, ce matin, les délégués des deux comités ont eu un entretien et qu'ils ont décidé que le dépouillement serait public ; ils se sont entendus sur la surveillance à exercer. "En conséquence, tous les électeurs seront admis dans les salles de dépouillement demain." (JC des 12-13.05.1912)

A noter aussi cette interprétation du JC à propos des Taillanistes, dans un article intitulé : Que feront les Conservateurs ? "Ils savent depuis longtemps que le Petit Méridional soutient la liste Taillan mais savent-ils pourquoi ? Hier, les deux plus fermes soutiens de la Petite Chapelle, nous avons nommé MM. FERRRASSE, de Frontignan, et CALMELS, de Villeveyrac, vinrent dans notre ville, se mirent en rapport avec les membres du comité Taillan et firent avec eux de pressantes démarches auprès de certains radicaux sincères, qui respectueux de la discipline républicaine et pleins de méfiance envers TAILLAN refusèrent de se ranger sous sa bannière. (...) M.GARIEL veut d'abord un succès à Cette demain et subsidiairement et en vue des prochaines élections sénatoriales, il veut s'assurer les voix du conseil municipal de Cette, en faveur de M. FERRASSE, le candidazt de son coeur. TAILLAN et ses amis ont souscrit à ce pacte, notre devoir est de le dénoncer." La communication est signée : Un groupe d'électeurs indépendants. (JC des 12-13.05.1912)

Enfin, une appréciation du maire par le JC : "Aucun incident regrettable n'a marqué cette journée et M. EUZET a eu raison de compter, avec sa clairvoyance habituelle, sur la sagesse et le bon esprit de la population." (JC des 12-13.05.1912)

Le PM ne peut alors que constater l'avancée de la liste LAURENS-GOURGUET : "Cette - 9 H 30. La liste socialiste indépendante LAURENS soutenue par MM. MOLLE, député unifié, et M. EUZET, maire sortant, a pris une avance et son succès paraît assuré." (PM du 13.05.1912)

Le JC du 14.05.1912 donne les résultats du scrutin de ballottage qui a eu lieu le 12. La liste sociazliste républicaine a 27 élus, dont Maurice LAURENS (3365 voix), Paul GOURGUET (3307 voix) et Alexandre ANDRÉ (2869 voix). La liste d'alliance républicaine a 3 élus : Auguste TAILLAN (2902 voix), Adrien SÉZARY (2828 voix) et Adolph STEINMANN (2815 voix). Le JC constate que les électeurs "ont condamné en bloc tous les assemblages disparates coalisés qui devaient confier à un intrigant inexpérimenté la gestion des affaires de la ville (...) Ils ont condamné définitivement l'entreprise TAILLAN et ses quatre années d'intrigues, d'achat de consciences et de combinaisons louches. Comdannée aussi la politique tortueuse de la Petite Chapelle, haineuse et anti-cettoise du Petit Méridional"

Autres critiques du JC contre TAILLAN : "Au point de vue municipal, la lutte que TAILLAN avait entrepris contre l'honorable M. EUZET n'avait qu'un but : se faire de la réclame au détriment des intérêts généraux de la ville. Cette politique détestable a porté ses fruits, en désorganisant l'administration, en privant M. le Maire des moyens d'assurer la bonne marche des affaires municipales, en créant une situation à laquelle la municipalité de demain, avertie par M. EUZET lui-même, doit immédiatement porter un remède efficace. Il faudrait savoir par le menu, quelle a été pendant ces quatre ans la lutte stupide entreprise par M. TAILLAN et ses amis contre l'intérêt de la ville ; il faudrait savoir avec quel mépris du souci des intérêts de la commune ils ont entravé la marche des affaires, bouleversé l'administration, chambardé les budgets pour comprendre combien il a fallu à M. EUZET de modération, de sagesse et d'habileté expérimentée, afin que la ville souffrit le moins possible de ces coupables sottises et de ces ignorances inavouables. Enfin, nous respirons et pour Cette, pour ses affaires, pour son administration, nous sommes bien heureux que le bon sens Cettois ait renvoyé à ses affaires personnelles celui qui n'avait aucun droit, ni aucune faculté pour s'occuper des affaires publiques." (JC du 15.05.1912)

"M. EUZET, maire sortant, se propose d'assister à l'installation des nouveaux élus et de les recevoir à l'Hôtel de Ville. Il y a des années qu'un maire de Cette n'a reçu ses successeurs et ses conseillers à la mairie. M. EUZET recevra donc les nouveaux élus et les accompagnera jusqu'à la salle des délibérations." (JC du 18.05.1912)

L'installation du nouveau conseil municipal se fait le 19.05.1912, à 10 heures : " Cette installation solennelle étant données les circonstances, revêtit tous les caractères d'une véritable manifestation républicaine. Tous les élus du 12 Mai sont présents y compris MM. TAILLAN, SÉZARY et STEINMANN, les seuls trois membres élus de la liste opposante dite d'Alliance républicaine. La séance est ouverte à dix heures sous la présidence de M. Honoré EUZET, l'honorable maire sortant qui a tenu à procéder lui-même à l'installation de ses successeurs, ce qui ne s'était pas vu depuis fort longtemps, et démontre, comme on l'a dit, qu'un changement heureux s'est produit dans la politique locale. La tribune réservée au public est archi comble. Les deux couloirs qui donnent accès à la salle des séances sont également bondés. M. EUZET maire sortant commence d'abord par faire l'appel nominal, il fait ensuite connaître le nombre de voix obtenu par les élus.
Discours de M. EUZET : "Messieurs, permettez moi de dire aussi mes chers amis. Depuis plus de deux ans alors que je venais siéger à cette même place je sentais perser sur moi une atmosphère d'hostilité - je dis ceci sans acrimonie, car je veux oublier le passé - tandis qu'aujourd'hui je devine, je sens autour de moi un courant de cordiale sympathie et j'en éprouve une satisfaction intime dont je vous remercie avec tout mon coeur puisque je vous le dois. Mais il est une satisfaction d'essence supérieure, c'est celle que je ressens en procédant à l'installation dans leurs nouvelles fonctions, d'hommes tels que vous, dont chacun apprécie la haute probité, de Républicains tels que vous, dont chacun proclame la sincérité. Je sais, j'ai la certitude que le suffrage universel a confié à des mains loyales et fermes la défense des intérêts de la Cité et de la République que nous aimons de la même affection. Je sais que vous administrerez avec justice avec sagesse ; que vous êtes prêts à défendre la République avec tout votre dévouement et toute votre énergie, aussi je me déclare heureux de vous souhaiter la bienvenue à l'Hôtel de Ville et je crie avec joie Vive Cette ! Vive la République Démocratique et Sociale ! Cette allocution très digne produit une impression profonde sur l'auditoire qui applaudit avec vigueur.
Discours de M. MAUREL Doyen d'âge : "Messieurs, je suis heureux en ma qualité de doyen de prendre la parole à notre première réunion quoique ce privilège soit peu enviable je m'en félicite aujourd'hui car il me permet d'offrir à celui qui vient de procéder à notre installation, à M. Honoré EUZET, maire sortant, l'hommage de mes sentiments affectueux. Monsieur le Maire, votre présence ici est pour nous très précieuse car elle indique qu'il y a quelque chose de changé dans la politique locale. Elle est l'indice d'une situation nouvelle qui sera j'en suis certain, très favorable à la bonne marche des affaires administratives. Elle marque d'une façon indiscutable l'apaisement succédant aux anciens mouvements politiques qui furent si agités. Je comprends votre satisfaction légitime au moment où transmettant vos pouvoirs à vos successeurs vous quittez volontairement ce fauteuil que vous occupiez si bien. Aussi veuillez croire combien nous fûmes sensibles à vos paroles élogieuses et permettez moi au nom de mes collègues de vous féliciter et vous remercier (...)"

Vient ensuite l'élection du maire (Maurice LAURENS, avec 26 voix et 4 bulletins blancs), celle du 1er adjoint (Paul GOURGUET, avec 26 voix et 4 bulletins blancs) et du 2ème adjoint (Alexandre ANDRÉ, avec 26 voix et 4 bulletins blancs).

Au centre, Maurice LAURENS, le nouveau maire ; à sa gauche : Paul GOURGUET, 1er adjoint ; à sa droite : Alexandre ANDRÉ, 2ème adjoint
(Le Journal de Cette des 02-03.06.1912 qui donne, en 1ère page, la photo des 27 nouveaux élus)

Dans son discours, le nouveau maire dit, notamment : "Je remercie M. Honoré EUZET, maire sortant, des paroles aimables et flatteuses qu'il nous a adressées tout à l'heure. Je le prie d'accepter l'hommage de nos sentiments respectueux et dévoués". Après un discours sur le balcon de l'Hôtel de Ville, les musiques par l'harmonie de Cette et la Fanfare Scolaire, le maire rejoint son domicile (quai de Bosc) avec tous les édiles précédés des musiques. "Là, M. LAURENS prononce quelques paroles de remerciement et les musiques, après avoir joué une aubade devant le domicile du nouveau maire, vont en exécuter une autre sur le quai de la Bordigue, devant la demeure de M. EUZET, maire sortant, que cette attention délicate a beaucoup touché." Après avoir évoqué les concerts du soir et les illuminations, le journal conclut : "Une ère d'apaisement est ouverte, faisons des voeux pour qu'elle soit le prélude d'une ère de prospérité !" (JC du 21.05.1912). Maurice LAURENS devait rester maire de Sète jusqu'en décembre 1919 car, ce que personne ne pouvait prévoir, c'est évidemment la grande guerre de 1914-1918, qui marqua la cité comme elle marqua la France et le monde. Quoiqu'il en soit, cet épisode politique de 1912 est unique dans la période 1870-1914, un entre deux guerres plein de bruit et de fureurs sur le plan politique. Comme un joueur de cartes qui passe son tour, Honoré EUZET a su préserver l'avenir et montrer à la population une grande ouverture d'esprit.


Dans L'Eclair du 22.05.1912, Alexis VIGNAL, directeur de la Caisse d'épargne de Sète et ancien conseiller municipal, adresse une lettre à Honoré EUZET pour critiquer son attitude passée quand il ne voulait pas entendre parler de l'autonomie de la Caisse d'épargne. Or, le Conseil d'Etat vient de donner son aval à cette autonomie et VIGNAL de rappeler les mots de l'ancien maire : "Quand dans une séance publique le conseil municipal a, presqu'à l'unanimité, voté l'autonomie de la Caisse d'épargne, vous avez osé taxer de mauvaise action, cet acte d'intérêt et de bienfait public, et vous avez ajouté : Il passera de l'eau sous le pont, avant que la Caisse d'épargne de Cette soit déclarée autonome !". VIGNAL ajoute : "Que ressort-il donc de tous ces faits absolument indéniables ? C'est que nous étions tous des naïfs ou des imbéciles, et que seul, M. Honoré EUZET était un grand homme (...)." On ne peut s'empêcher de penser à l'attitude d'EUZET pour la Bourse du Travail. Dans les deux cas, il s'est obstiné alors que le mouvement national allait dans le sens de l'autonomie de ces institutions par rapport aux mairies.

Quant à MOLLE, il refuse le moindre rapprochement avec TAILLAN : "Je tiens à informer la section de Cette que je suis démissionnaire du Parti Unifié à ce jour. Je ne puis admettre un seul instant que ceux qui ont fait campagne pour TAILLAN et ont travaillé pour lui au deuxième tour, viennent me demander compte de m'être réjoui du succès de LAURENS, adversaire de TAILLAN. Vous ne pouvez m'imposer de devenir son ami pour faire plaisir à quelques uns de notre groupe." (JC du 19.06.1912).

Le 07.07.1912,le JC explique quel va être le projet d'organisation des écoles laïques de Sète (transferts de l'Ecole de Commerce, de l'école Lakanal, de l'école supérieure de filles, de l'école maternelle des Dominicaines, création du groupe scolaire du Souras Haut, etc.) : "Depuis des années, elle est posée (la question de l'organisation de ces écoles) Etudiée par les anciens conseils municipaux et particulièrement par M. EUZET, ce sera l'honneur de l'Administration LAURENS de l'avoir solutionnée".

Au fil des séances du nouveau conseil municipal, un diagnostic sévère va être établi sur l'ancien conseil mais en montrant, aussi, qu'Honoré EUZET a été bloqué par une majorité de conseillers municipaux. Ainsi, dans la séance du 23.08.1912 présidée par Maurice LAURENS, le rapporteur SENTENAC déclare : "Je ne puis m'empêcher de souligner la mauvaise gestion du défunt conseil municipal. Nous avons dû voter des chapitres additionnels pour combler le déficit considérable qui est l'oeuvre de nos prédécesseurs (...)" ; à propos de l'imprévision de dépenses dans le budget primitif de 1912 : "Tous (ces) crédits avaient été vainement demandés par M. EUZET, maire. L'ancien conseil les lui avait toujours refusés. Ainsi que l'a dit parfaitement M. LAURENS, maire, tel est l'héritage désastreux que nous ont légué nos prédécesseurs qui ont eu pour seul sdouci de dresser un budget électoral et de faire acte de candidat." A la suite de ces interventions, TAILLAN défend la politique de l'ancien conseil et déclare que : "Le conseil n'avait pas confiance dans l'administration et qu'il avait refusé les crédits relatifs aux travaux publics parce que le maire n'avait ps voulu nommer les commissions de contrôle demandées par l'assemblée. (...) Quoiqu'on dise, conclue-t-il, le seul reproche qu'on peut nous adresser, c'est celui d'avoir réalisé trop d'économies et ce reproche nous honore." A la suite de ces discussion, le conseil prend deux décisions qui (dit le journaliste du Journal de Cette) "constituent une humiliation pour le conseil municipal défunt, en approuvant le compte administratif de l'ancien maire ainsi que les chapitres additionnels du budget de 1912 accusant un déficit de 170.000 francs : "On a sciemment trompé les électeurs et que si dans un but électoral on s'est offert la fantaisie de dégrever provisoirement les contribuables, ceux-ci devront payer le double l'an prochain par la faute de conseillers imprévoyants." De plus, en déclarant de traiter pour l'éclairage électrique avec la compagnie du gaz, le nouveau conseil municipal "a réalisé la prophétie de l'ancien maire disant aux conseillers municipaux qui décidèrent avec enthousiasme dans la séance du 11.11.1911 de traiter avec M. CHRISTOPHE : Le vote que vous venez d'émettre est absolument platonique". Le journaliste promet alors de revenir, ultérieurement, sur toutes ces questions dans une chronique qui s'appellera : "Les coulisses d'un conseil municipal défunt" et il ajoute : "La justice vient toujours à son heure" (Le Journal de Cette du 24.08.1912). Même diagnostic, un peu plus tard, à propos du choix de la compagnie du gaz pour l'éclairage électrique de la ville : "si l'ancien conseil avait accordé ladite concession à ce dernier (M. CHRISTOPHE) c'était que l'honorable M. Honoré EUZET, dont on connaît la compétence en matière administrative, était contre la concession Christophe, non pour être contre le conseil municipal, mais bien parce qu'il prévoyait de grosses difficultés pour la ville de Sète" (JC du 13.09.1912). Et encore, en novembre : " Avec l'ancienne administration municipale, il ne fallait compter sur aucun travail sérieux, en raison des divisions existant entre le Maire et son conseil. Il suffisait que l'un dit blanc pour que l'autre répondit noir. Les intérêts des Cettois, la bonne administration étaient ce qui comptait le moins pour le conseil défunt et il suffisait à la majorité pour son bonheur, d'être désagréable à M. EUZET" (JC du 06.11.1912).

1913

"Un banquet avait été offert samedi soir, à M. de MONZIE, Sous-secrétaire d'Etat à la marine marchande, par les Associations professionnelles de pêcheurs. A la table d'honneur avaient pris place (...) M. LAURENS, maire, MOLLE, député (...) M. PRATS, président de la chambre de commerce (...) M. AUDOYE, conseiller d'arrondissement (...) M. EUZET", ancien maire (...) Une centaine de convives (...)." (EC du 08.09.1913)

1914

1915

1916

1917

1918

Un portrait de la ville, en 1918 : "Etant une ville de fondation récente, elle ne possède pas de monuments, sinon un théâtre tout récemment construit, une caserne d'infanterie, neuve aussi, et un collège édifié depuis une vingtaine d'années. Néanmoins, il ne lui manque aucun des établissements qui constituent la ville moderne : des écoles nombreuses dont une Ecole pratique de Commerce et d'Industrie et une Ecole navale, une Bibliothèque municipale, très riche, une Station zoologique avec aquariums (dépendant de l'Université de Montpellier), un Musée de peinture. Ses deux plages, dites de Frontignan et de la Corniche, sont très fréquentées pendant la saison balnéaire ; cette dernière, située derrière le mont Saint-Clair, est entouré de villas. Elle est reliée à la ville par un tramway électrique partant de la gare. Depuis 1863, l'eau potable, qui avait fait défaut jusqu'alors, est assurée en abondance par un aqueduc de dix km de long venant de la source d'Issanka, et qui alimente quatre réservoirs (dont l'un situé sur le sommet de Saint-Clair) contenant ensemble 20.000 mètres cubes."(Le port de Cette, en 1918, par la Chambre de commerce de Sète)

Le JC du 20.09.1918 publie la lettre de démission du maire, Auguste LAURENS, adressée au préfet (et aussi celle des conseillers municipaux), suite à la nomination d'un administrateur (ALQUIÉ) à la commission de l'Hôpital de Sète : "Il ne s'agit ici d'aucune question de personnalité. Il s'agit seulement d'une offense gratuite faite au Maire de la Ville de Cette que sa dignité empêche d'accepter." Et plus loin : "Acte que je considère comme une injure. Je vous retourne une seconde fois l'arrêté de nomination afin que le dépôt aux archives soit fait par celui qui sera appelé à me remplacer."

EC du 29.09.1918 résume la situation : "M. LINARÈS, préfet de l'Hérault, venu hier à Cette (...) a voulu voir les conseillers municipaux (...) Ils ont décliné l'invitation. Bref, M. M. LINARÈS, qui avait cru devoir se solidariser avec son prédécesseur, M. CAUCEL, en renvoyant à la mairie de Cette la nomination de M. ALQUIÉ comme administrateur de l'Hospice, est revenu ... bredouille à Montpellier. Nous croyons savoir que M. le Préfet convoquera officiellement les conseillers municipaux" Et le journal constate que la mort de MOLLE, le député, prive la ville de Sète de tous ces élus.

Dans un article du 04.10.1918, le PM annonce la démission des conseillers municipaux, suite à la nomination, par le préfet CAUSEL d'un administrateur à l'hôpital, "dans des conditions qui ont atteint M. LAURENS, maire de Cette, dans sa dignité, nomination confirmée par M. LINARES, nouveau préfet de l'Hérault." Et, plus loin : "L'assemblée blâme l'attitude de M. CAUSEL, alors préfet de l'Hérault, qui a attendu la veille de son départ de Montpellier pour faire une nomination demandée par un petit groupe d'hommes politiques, ne cherchant qu'à semer la division et la discorde au moment où, plus que jamais, l'union sacrée devrait être respectée." (cet extrait est repris d'une lettre du maire qui date du 02.10/1918 et qui confirme la démission collective des conseillers municipaux, à cause de l'affront fait à M. LAURENS (Archives Municipales de Sète).

"Il est bruit de la désignation de M. EUZET, ancien maire, à la tête de la délégation qui doit remplacer, dans quelques jours, notre administration démissionnaire. Celui qui céda lui-même la place à M. LAURENS, rentrera donc, sans coup férir, en possession du fauteuil pour lequel il livra, jadis, des luttes homériques. Cependant, par suite de la non démission de M. TAILLAN, conseiller municipal, il restera à M. le préfet LINARÈS de parachever le coup de force de son "regretté" prédécesseur, en prenant un arrêté de dissolution du conseil municipal. Sans cette dissolution - dont le motif sera qu'un seul conseiller est dans l'impossibilité de délibérer - M. TAILLAN aurait légalement plus de droits que la délégation spéciale et cela ne saurait être accepté par nos futurs administrateurs. Il est d'ailleurs à préciser que MM EUZET et TAILLAN ne feraient précisément pas bon ménage ensemble. Les socialistes cettois paraissent accueillir cette transformation inattendue avec une etonnante sérénité, comptant sans doute sur de prochaines revanches électorales." (EC du 15.10.1918)

Le préfet ayant essayé en vain de persuader les conseillers municipaux de reprendre leur démission, "rechercha les moyens de parer à une situation si regrettable. Il fit des démarches, s'enquit et parvint d'obtenir le concours éventuel d'un homme que certains peuvent ne pas approuver, mais dont tout le monde reconnaît les connaissances administratives. Avec lui, on était certain que les intérêts cettois seraient gérés intelligemment. C'est alors que se produisit le coup de théâtre. Nos élus avaient résisté à toutes les considérations d'intérêt général et local, ils ne purent rester indifférents à la nomination d'un administrateur capable de diriger, avec compétence, les services municipaux, de mettre un peu d'ordre dans le ravitaillement et de faire procéder à la réfection des égouts. Réunis extraordinairement, ils informèrent le Préfet qu'ils retiraient leur démission, donnée et maintenue dans des lettres acrimonieuses qu'ils avaient rendues publiques." (PM du 17.10.1918)

Lettre adressée, le 18.10.1918, par le maire, Maurice LAURENS, à Gustave PASCAL, 222ème Infanterie, 8ème Cie, Secteur 231 : "Mon cher Ami, A la suite de notre démission, le Préfet de l'Hérault, avait proposé comme Président de la délégation spéciale municipale, M. Honoré EUZET, ancien maire. Afin de déjouer cette nouvelle manoeuvre politique et barrer la route à M. EUZET, mes collègues et moi avons décidé de retirer immédiatement notre démission. Je viens donc vous prier, Mon cher Ami, d'en faire autant, en adressant par lettre recommandée, à M. le Préfet, le retrait de votre démission de conseiller municipal de la Ville de Cette. Ainsi se terminera à la confusion de nos adversaires, une crise municipale qu'ils ont créée. Croyez, Mon cher Ami, à mes sentiments dévoués. Le Maire" (Archives Municipales de Sète)

" La crise municipale est terminée. Sans être taxés d'exagération, nous pouvons affirmer que la très grande majorité du public Cettois n'y a absolument rien compris du tout ; et cela, parce que notre municipalité, pas plus dans sa lettre de démission que par la suite n'a osé indiquer la vraie raison de son attitude à l'égard de l'ancien préfet M. CAUSEL. Pour rendre un compte exact de la façon dont les choses se sont passées, il faut remonter à la séance mémorable dans laquelle notre conseil municipal, brutalement, supprima 30.000 francs de subvention à nos instituteurs. Cette mesure déplorable était injustifiée à tous les points de vue. Au moment où la République s'impose pour l'éducation des enfants du peuple les charges les plus lourdes, les sacrifices les plus étendus, il était essentiellement antidémocratique, antipopulaire, de jeter à la rue de pauvres malheureux gosses ou les obliger à prendre le chemin de l'école congréganiste. Le préfet vit là une mesure inacceptable et parfaitement antirépublicaine. Nous ne rechercherons pas, pour le moment, à quels mobiles, à quels ordres ou à quels engagements obéit la Municipalité en agissant ainsi ; nous nous contentons de souligner combien regrettable était la mesure prise. A quelques jours de là, le préfet eut à faire choix d'un délégué au conseil d'administration de notre hôpital. Le maire lui suggera alors le nom d'une personne de la ville qui, soit dit en passant, ne brillait pas précisément par l'ardeur de ses sentiments républicains. Le préfet, cependant, dans un but d'Union sacrée, était disposé - faisant abstraction de ses préférences personnelles - à accepter ... ce candidat, mais demanda, en échange, au maire de Cette, de revenir sur la mesure essentiellement injuste et antipopulaire prise par son conseil municipal à l'égard des enfants de nos écoles laïques. Le maire, dans le but de gagner du temps, promit de tenter un effort auprès de son conseil municipal. Les mois passèrent ainsi jusqu'au moment du départ du préfet CAUSEL. C'est alors que ne voulant pas continuer davantage à être le jouet de M. LAURENS, le préfet CAUSEL fit son choix, légalement, en toute indépendance. Choix différent de celui suggéré par le maire de Cette. Voilà quels furent - en toute impartialité - les prémices de la crise. Et ce fut ainsi que le maire, jugeant - on voit combien à tort - que cette nomination avait été faite dans des conditions qui - disait-il - portaient atteinte à sa dignité, jeta à la face du nouveau préfet, sa démission de maire, celle de ses adjoints, de son conseil municipal, du conseiller d'arrondissement, du conseiller général, ces deux derniers ignorant totalement que c'étaient aux présidents de leurs assemblées respectives qu'ils auraient dû faire parvenir leur démission. C'est ici, à présent, que commence le deuxième acte de la comédie. Le préfet LINARÈS - dont tout le monde reconnaît la haute compétence et le grand talent d'administrateur, - essaya de faire revenir nos édiles sur leur décision. Il plaida chaleureusement, montra les ennuis qui pourraient résulter pour la ville de la nomination d'une commission municipale ; il montra les dangers qu'il pourrait y avoir à laisser une cité de l'importance de la nôtre sans administration. Rien n'y fit. la satisfaction d'un amour-peopez mal placé devait, pour nos élus, primer toute autre considération. Le préfet tenta une nouvelle démarche ; à grand renfort de notes communiquées à la Presse, on nous fit savoir qu'il n'avait même pas été reçu. En présence de cette obstination, le préfet LINARÈS proposa alors au ministre de l'Intérieur la nomination d'une Commission municipale, ayant à sa tête un homme respecté par tout le Parti républicain cettois et dont toute la ville avait gardé le reconnaissant souvenir d'une administration habile et intègre. Brusquement, alors, les choses changent de face et - troisième acte de la comédie - toutes les démissions sont retirées, même celle du maire qui devait être irrévocable. Quelles furent les raisons de ce geste ? Nous ne pensons pas un seul instant que le souci des intérêts de la Ville ait pesé le moins du monde dans l'esprit de nos édiles. Nous croyons plutôt que cette salutaire mesure leur fut inspirée par le désir bien compréhensible d'éviter un examen possible de la situation lamentable dans laquelle se trouve, au point de vue économique, la gestion municipale. Nous n'étonnerons personne - car ce sont là des choses de notoriété publique - en affirmant que des critiques sévères - pour ne pas dire plus - pourraient être faites concernant le ravitaillement de notre Cité. Et si Henri IV estimait que Paris valait une messe, d'autres estiment que le pouvoir municipal vaut bien la peine d'avaler en choeur quelques petites couleuvres. Nous pourrions raconter encore que nos édiles, se faisant faire alors une douce violence, avaient entre temps, prêté une oreille attentive aux suggestions venues d'un groupement réactionnaire de notre Ville, dont les principaux membres se réunirent chez un des notables, bourgeois de l'avenue Victor-Hugo, pour envisager la situation créée par la crise municipale. Entre amis, il faut savoir se faire des concessions ; on se mit d'accord, et, cette fois, les démissions furent retirées sans tambours ni trompettes (...) En attendant, le gâchis va continuer. Un jour, les électeurs se souviendront." (PM du 21.10.1918)

Lettre de lAURENS, maire de Sète : "Vous avez inserré l'attaque (elle n'est pas de vous puisqu'elle a paru déjà dans le Journal de Cette), acceptez de bonne grâce la contre-attaque, elle sera d'ailleurs courtoise (...) La question des surveillances dans les écoles serait résolue depuis longtemps sans l'intransigeance de l'ancien préfet, M. CAUSEL. Et la preuve en est que dès son départ, j'ai dit à son successeur que les surveillances devaient être rétablies au prochain budget. Il n'est pas vrai que M. CAUSEL en ai fait d'abord une condition pour accepter la nomination d'un administrateur de l'hôpital. Il ne l'a fait qu'après coup, pour masquer son désir ou son obligation de répondre à certaines influences que tout le monde connaît. Ensuite, ce qu'on appelle une comédie ne se serait pas passé si chacun était resté à sa place. L'opinion publique a pensé qu'il fallait empêcher certains personnages trop intrigants de se faire installer à des postes qui auraient dû être réservés, ou à des fonctionnaires, ou à des hommes éloignés de la politique. C'eût été réellement de l'Union Sacrée. On ne l'a pas voulu et la manoeuvre a été déjouée au grand désappointement de certains (...)" Il dit ensuite tout ignorer de ces réunions de réactionnaires, il note que le PM a supprimé une des attaques parue dans le JC, concernant la personne qu'il avait proposée à l'administration de l'hôpital et il défend son honnêteté et son républicanisme. (PM du 24.10.1918)

Le PM du même jour fait des commentaires critiques sur les arguments de LAURENS. D'abord, parce que celui-ci reconnaît lui-même que la suppression des surveillances scolaires fut une faute puisqu'il les rétablit. Ensuite, parce que, pour la commission municipale, toute individualité susceptible d'assumer la fonction aurait eu forcément des préférences politiques connues et, quant aux fonctionnaires, ils ne seraient pas adaptés à la situation, alors que les problèmes de ravitaillement se posent avec acuité. Et puis, écrit le journaliste, "Nous n'avons pas compris le retrait des démissions données au lendemain de la visite du préfet, alors que l'on n'entrevoyait qu'une délégation de fonctionnaires. Nous nous l'expliquons beaucoup moins le lendemain du jour où M. EUZET qui avait d'abord refusé, avait cédé aux sollicitations du préfet, lequel avait dû venir à Cette pour vaincre les dernières résistances de l'ancien maire de Cette. Dans le premier cas, les édiles auraient pu justifier le retrait de leur démission par la défense des intérêts locaux. Dans le deuxième, ils ne peuvent arguer que de leurs ressentiments politiques. (...)" (PM du 24.10.1918)

Honoré EUZET répond, à son tour, au maire, Maurice LAURENS : "Si vous aviez gardé votre sang-froid, vous auriez eu "faute de vous renseigner" l'intuition que je ne suis pas l'auteur de l'article paru dans le Petit Méridional et qui vous met si fort en colère. Ce n'est pas que je désavoue cet excellent et véridique exposé des faits qui se rattachent à la crise municipale ouverte si délibérément par vous, je me déclare au contraire heureux d'apporter mon témoignage à mes amis, en regrettant toutefois qu'ils n'aient point prévu qu'en disant de moi autant de bien que j'en pense d'eux, ils inquiétaient les convoitises et réveillaient les vieilles rancunes et des haines qui m'honorent. Or, vous faites appel, Monsieur, à l'opinion publique, tandis que j'estime, comme vous, qu'elle doit être éclairée. Je vous remercie donc de me fournir l'occasion d'apporter un peu de clarté dans ce débat. Dès le 21 septembre au matin, des amis de Cette vinrent m'offrir éventuellement la présidence d'une commission municipale destinée à remplacer le conseil municipal démissionnaire ; à la suite d'un entretien amical, je leur répondis le soir même, en ces termes :
Mes chers amis, Vous avez bien voulu me pressentir ce matin à propos de la nomination d'une commission municipale dont je serais le cas échéant le président. Je vous avoue que je suis très hésitant car, si je vois sans regret des adversaires politiques quitter la mairie, si je vois avec la plus grande satisfaction la nomination à l'Hospice d'un bon républicain, je n'aspire pas à remplacer le maire démissionnaire, tout au moins, comme commissaire délégué par M. le Préfet. Il faut évidemment que la loi donne les moyens aux préfets de doter une ville, d'une administration, qui faute d'un conseil municipal devient indispensable, mais le législateur a si bien compris qu'il pouvait y avoir inconvénient à recruter cette commission parmi les hommes politiques de la commune, qui sont toujours discutés et dont la nomination peut inciter les partis, à taxer le préfet de partialité, qu'il a autorisé l'administration préfectorale, à prendre les délégués en dehors des éligibles ou des habitants de la commune. Etre désigné par M. le Préfet, c'est un grand honneur, et une marque de confiance, dont je le remercie vivement. Mais ne trouvez-vous pas, qu'il est permis d'hésiter, quand comme serviteur , on a toujours considéré que la volonté librement, nettement exprimée du corps électoral, donnait seule droit à l'investiture, à l'exercice d'un mandat administrateur ou politique. Vous m'avez dit que M. le Préfet ne consent pas à nommer des fonctionnaires et que, d'ailleurs, le personnel de la Préfecture est fort réduit en ce moment. Mais notre premier magistrat ne pourrait-il pas faire appel à des fonctionnaires retraités ? Il trouverait dans cet élément des hommes actifs, pondérés, qui feraient bien dans une administration. A-t-il pensé à MM. X... et X... ? J'ai voulu, mes chers amis, vous faire part de mes réflexions. Permettez-moi d'ajouter qu'une décision immédiate ne s'impose pas tant que la démission du conseil municipal n'est pas définitive et que, d'ailleurs, cette démission étant acceptée, un délai de huit jours est imparti à M. le Préfet pour la nomination de la commission municipale. Enfin, je crois encore que le conseil municipal consentira à retirer sa démission et je le souhaite vivement. Bien à vous. Signé : H. EUZET.
Entre temps, M. le Préfet faisait de pressantes démarches auprès du conseil municipal, afin d'obtenir le retrait des démissions, tandis que j'étais l'objet de nombreuses sollicitations de la part de mes amis, qui pensaient que je pouvais rendre quelques services à notre ville. Enfin, M. le Préfet, justement préoccupé de la situation anormale créée par la municipalité, voulut bien, par deux fois, "chez moi", me demander instamment mon concours. Je crus alors de mon devoir d'accepter la mission difficile qui m'était offerte et que je n'avais nullement recherchée. Mais avec cette restriction que mes amis de la Délégation et moi-même refusions d'accepter l'allocation que la loi impose aux communes en faveur des délégués municipaux, que M. le Préfet voudrait bien attendre les derniers délais pour accepter les démissions, qui, dans ma pensée, seraient retirées, et qu'enfin il voudrait bien rechercher avec nous les moyens de rétablir dès le premier novembre les surveillances dans les écoles. Et maintenant je souhaite que, mieux inspiré, vous consentiez à réparer le préjudice causé aux jeunes enfants de nos écoles. C'est ainsi que les pères de famille vous pardonneront peut-être votre dernière incartade.
J'ai dit : telle fut l'attitude de mes amis de la délégation et la mienne ; j'estime qu'elle fut tout au moins aussi digne que la vôtre. Honoré EUZET.
" (PM du 28.10.1918)

1919

Dans la deuxième liste de la "souscription publique pour l'érection d'un monument aux morts pour la Patrie", Joseph et Honoré EUZET donnent 600 francs (PM du 27.01.1919).

Avant-hier est décédé notre ami Jacques SALIS, ancien député de l'Hérault. Né à Cette, docteur en droit, nommé conseiller général en 1874, M. SALIS fit partie du conseil municipal en 1875 et nommé maire (sous réserve de vérification, c'est seulement en 1881 qu'il fut nommé maire, avant Marius VAREILLE) Réélu au conseil général en 1880, il fut choisi comme député et vit son mandat renouvelé en 1885, 1889, 1893, 1898, 1902, 1906. Monsieur Jacques SALIS, comme la plupart des hommes politiques, ne fut pas à l'abri des critiques, mais il laissera le souvenir d'un sincère républicain et d'un homme dont l'intégrité ne fut mise en doute par personne. Depuis quelques années, il vivait entouré de soins et très retiré dans sa belle campagne Le Patrimoine, où des amis, restés fidèles, allaient de temps en temps égayer un peu sa solitude. (...) (PM du 19.11.1919). Hier ont eu lieu les obsèques de M. SALIS qui, pendant plus de trente ans, a représenté la circonscription de Cette au Parlement. (...) Les cordons du poële étaient tenus par MM. LINARÈS, préfet ; MOUNIÈ, secrétaire général ; LAURENS, maire et HURIAUX, avocat. Dans l'assistance, nous remarquons MM. PELISSE, ancien député ; PRATS, président de la Chambre de Commerce ; COSTE, président du Tribunal de Commerce ; MICHEL, conseiller général ; EUZET et SCHEYDT, anciens maires ; GABAUDAN, attaché au Cabinet de l'Instruction publique. Au cimetière, M. LINARÈS, préfet, et le docteur CRÉMIEUX ont prononcé des discours rappelant la carrière politique et les qualités du défunt (...)". Suit le discours de LINARÈS qui rappelle, notamment, comme dans l'article du PM du 19, que SALIS a été maire en 1875. (PM du 20.11.1919)

Le nouveau paysage journalistique

Le fin du JC, le début d'IME : Au moment de sortir des presses le premier numéro de L'Information Méridionale, nous avons le devoir de saluer le dernier numéro de notre prédécesseur, le Journal de Cette. Pendant 44 ans, le Journal de Cette a été le véritable moniteur de la vie Cettoise. (...) Fondé par le maître-imprimeur Cettois CROS (...) Peu à peu, il agrandit sa sphère d'influence et successivement le Petit Cettois que dirigeait Jacques SALIS, et le Sémaphore de Cette vinrent lui demander de fusionner avec lui. En même temps qu'une orientation politique très nettement démocratique, la direction de M. Edouard SOTTANO lui donna une nouvelle impulsion (...) Journal indispensable aux Cettois (...) en plein succès, laissa la place à L'Information Méridionale. Nous sommes assurés de continuer la tradition puisque M. SOTTANO a bien voulu accepter la direction de L'Information Méridionale. (IME du 02.12.1919, n° 1) En fait, ce journal s'intitule : Journal de Cette, Montpellier, Béziers et la région et, dès le début, il semble bien que l'époque des journaux purement locaux s'achève. De même, les chroniques locales du PM et de EC vont se réduire au profit de nouvelles rubriques régionales, en particulier celle des résultats sportifs.


L'élection municipale ramène Honoré EUZET au pouvoir

Le 13.10.1919, les membres des commissions de l'Union des anciens combattants et des démobilisés sont invités à se réunir pour l'élaboration d'une "liste municipale de défense des intérêts de Cette et des démobilisés" (PM du 11.10.1919). Dans le même mois, un communiqué de cette Union indique qu'à la quasi unanimité, "les poilus se sont prononcés en faveur d'une liste municipale composée uniquement de poilus" (PM du 29.10.1919). Pourtant, un mois plus tard, on va voir que cette Union renoncera et laissera la place aux adversaires habituels dans ce type de confrontation.

Le Midi Nouveau s'oppose au retour d'Honoré EUZET et soutient son adversaire "préféré", Auguste TAILLAN : Nous voici à la veille des élections municipales. Deux listes seulement sont en présence, l'Union des anciens combattants et démobilisés ayant renoncé à son projet de constituer une liste et préférant garder la neutralité en matière politique. L'une de ces listes a été formée sur l'initiative de MM. BARTHE, GUILHAUMON et FÉLIX (des socialistes), et comprendra comme chef de file, EUZET, un déjà trop-vu de la politicaillerie locale, dont personne à Cette n'a oublié l'onéreuse gestion financière. Ce M. EUZET se recommande encore par l'acte héroïque qui a consisté à faire arroser par les lances des pompiers une paisible procession composée en majeure partie de femmes et d'enfants. Voilà l'homme qui a le front de se représenter devant ses concitoyens après les jours de deuil et de gloire que nous venons de vivre. La seconde liste est due à l'initiative de M. TAILLAN. Cette liste, qui est loin de nous donner satisfaction, doit bénéficier de tout le discrédit qui s'attache au nom de M. EUZET. En conformité des principes que le Midi Nouveau s'est toujours attaché à défendre, n'ayant pas à soutenir la bonne liste qu'une ville comme Cette aurait été à même de présenter, nous invitons instamment tous nos amis à voter pour celle qui présente le plus de garanties : la liste TAILLAN." (MN du 23.11.1919 - comme on le voit avec cet article, ce journal est d'obédience conservatrice)

Résultats pour les deux listes en présence (PM du 01.12.1919 et EC du 02.12.1919) :
- Liste de Concentration Républicaine et Socialiste (élue en entier)
EUZET 3780 ; BARRÈS 3370 ; BONNIAL (BONNIOL dans EC) 3381 (3480 dans EC) ; BONY 3486 ; BONNES 3591 ; BOUSQUET 3492 ; CRÉMIEUX 3397 ; CALAMES 3544 ; COLOT 3296 ; DOUNET 3421 ; DIMEUX (DIMEUR dans EC) 3328 ; ENCONTRE 3733 ; FOUILHE (FOUILHÉ dans EC) 3624 ; GOURMANDIN 3402 ; HÉBRARD 3411 ; MALZAC 3398 ; MANDOUL 3420 ; PAGÈS 3581 ; PONTES (PORTES dans EC) 3440 ; PAUMARET 3674 ; ROM 3338 ; ROUZAUD 3422 ; ROUSSEL 3407 ; SALENÇON 3456 ; SINAPOLI 3178 ; TUFFOU 3571 ; TOURTET 3496 ; VAILHÉ (VAILLÉ dans EC) 3217 ; VILLAC 3603 ; VILLENEUVE 3555
- Liste d'Union Républicaine et Socialiste et de défense des intérêts communaux
TAILLAN 1872 ; ALLEMAND 1386 ; ARTAUD 1792 ; BLANC 1302 ; BAURENS 1372 ; BREIL 1559 ; CAUSSIGAL 1599 ; DAVID 1480 ; DENJEAN 1356 ; EVRARD 1550 ; FABRE 1287 ; FAGES 1416 ; FERRAGE 1370 ; FOULTIER 1507 (1597 dans EC) ; GAZIGNOL 1154 ; GINOUVÈS 1419 ; HILLE 1618 ; ISOIRD 1417 ; JOULIEU 1345 ; JOUGLA 1317 ; JUILLARD 1683 ; LAGRAVE 1373 ; LAPLACE 1489 ; MAS 1342 ; PATRY 1432 ; SÉZARY 1714 ; TALON 1296 ; TANA 1359 ; VALAT 1415 ; VIVARÈS 1466 (1416 dans EC)
- Blancs, nuls, divers 77

"Par près de 2000 voix de majorité, la liste EUZET toute entière se voit confiée la gestion de nos intérêts communaux (...) le succès de la liste EUZET ... prend la proportion d'un triomphe (...) M. LAURENS, maire, assujétit son lorgnon et d'une voix ferme : Citoyens, dit-il, je vais proclamer les résultats ... Tous les assistants se découvrent ... Je proclame élus tous les candidats de la liste EUZET. Les partisans de la liste victorieuse applaudissent. Il y avait longtemps, disent-ils avec orgueil, que nous n'avions eu des élus issus d'une majorité aussi intégralement républicaine.Vive la République crie une voix. Pas un cri hostile pour les vaincus." (IME du 02.12.1919)

"Le vrai vainqueur : On nous écrit : Les radicaux bourrent le crâne de leurs électeurs lorsqu'ils parlent de victoire républicaine. La vérité, c'est qu'ils doivent leur succès à un Roi. Parfaitement. Au roi de la Lance. M. EUZET, né malin, a compris que les bons Cettois ne voudraient jamais faire mouiller la chemise à leur champion favori, Louis VAILLÉ dit le Mouton, et il l'a attaché à son équipe. Et voilà, tout bonnement, pourquoi la barque rouge a triomphé." (EC du 05.12.1919)

"Le Mouton, champion des joutes régionales
vient de faire plonger son adversaire"


Discours du maire sortant, LAURENS, pour l'installation de la nouvelle municipalité : "J'ai lu ces jours derniers dans une chronique locale qu'en procédant à votre installation j'accomplissais un acte de haute courtoisie envers vous tous et principalement à l'égard de M. EUZET, qui m'a lui-même installé si courtoisement en 1912. Certes, je vous demande d'accorder à ce geste une telle valeur, mais vous me permettrez d'y ajouter autre chose. Je veux d'abord vous féliciter pour le brillant résultat de l'élection du 30 novembre. C'est une victoire républicaine dont vous avez le droit d'être fiers. Elle s'est faite dans le calme et la dignité qui, espérons-le, seront à l'avenir la règle de toutes les grandes consultations du suffrage universel. Elle est la preuve que le parti républicain sera toujours inébranlable quand il saura rester uni. (...)" (IME du 09.12.1919)

Discours d'Honoré EUZET pour son installation comme nouveau maire. Après avoir remercié Auguste LAURENS puis les "électeurs républicains socialistes", il déclare : "Nous rencontrerons, en effet, de nombreuses difficultés résultant uniquement de l'état de guerre (...), elles sont d'ordre administratif et financier (...) Les mesures relatives au ravitaillement auront toute notre attention (...) Je ne prétends pas vous exposer aujourd'hui un programme d'action administratif et républicain (...) Le vote du budget s'impose dans le courant de décembre, et qu'il nous faudra créer d'importantes ressources, que nous ne pouvons demander qu'à l'impôt ; le conseil appréciera quel est le mode d'impôt qui s'adaptera le mieux aux circonstances actuelles, mais il faut que tout le monde sache dès aujourd'hui, que ces nouvelles charges sont inéluctables (...) Grâce au rendement de l'entrepot des douanes et à de louables économies, nos honorables prédécesseurs ont pu faire face jusqu'ici à ce surcroît de dépenses, mais cette recette s'est bien amoindrie cette année, et tout fait prévoir qu'elle diminuera encore (...) Il faudra donc en créer de nouvelles pour équilibrer le prochain budget. Simultanément, nous nous efforcerons de résoudre rapidement les conflits avec le gaz ; une prompte solution s'impose (...) Nous sommes convaincus que la République est un merveilleux instrument d'émancipation, et que sous un régime auquel nous devons la liberté de la presse et de la parole, les idées de justice sociale doivent un jour et toujours prévaloir (...)" (IME du 09.12.1919)

Discours du 2ème adjoint, le docteur CRÉMIEUX, s'adressant au nouveau maire : "Arrivé au crépuscule d'une vie si magnifiquement remplie, vous pouvez à présent, avec une fierté légitime et un juste sentiment d'orgueil, jetant un regard en arrière, considérer le chemin parcouru. Vous avez, en effet, appelé à la vie administrative plusieurs générations de vos concitoyens. Ah ! certes, dans la vie tourmentée du militant du Parti républicain que vous avez vécue, vous avez semé sur votre route bien des ingrats ; mais, du moins, vous pouvez avoir la très réelle satisfaction d'avoir su grouper autour de vous - malgré les heurts incessants et continuels inhérents à la vie politique - une phalange d'amis sincères et dévoués, dont la chaude affection vous a toujours consolé dans les moments de déboire et d'amertume qu'accompagnent les échecs injustifiés et l'irréalisation des succès les plus légitimement attendus. (...)" (IME du 09.12.1919)

C'est encore le même journal qui décrit ainsi le nouveau maire : "M. EUZET qui porte son âge avec toujours la même allure juvénile et la même irréprochable élégance, a lu son discours simplement, en renforçant un peu la voix aux passages essentiels." (IME du 09.12.1919)

"Nul n'ignore dans la bonne ville de Cette, le conflit surgi entre la Compagnie du gaz et ses employés, ni la réquisition, opérée par l'administration municipale, des usines et du personnel de ce service public." (MN du 21.12.1919). CRÉMIEUX explique que le problème vient des revendications salariales. Soit on augmente le prix du gaz consommé par la ville soit on augmente celui des consommateurs. En attendant, la ville exploite l'usine mais c'est empirique et passager, en attendant de trouver une solution. Autre problème avec les employés municipaux qui réclament une augmentation. Renvoi en commission (IME du 31.12.1919)

1920

"Nous apprenons que M. Honoré EUZET, maire, a écrit à M. le juge de paix pour le prier d'ouvrir une enquête afin d'établir les responsabilités à la suite de la privation qu'a dû subir notre population du manque de pain pendant la journée du samedi 28 février. Il appartiendra à M. le procureur de la République, saisi de la question, de prononcer les sanctions que comportent les circonstances." (EC du 01.03.1920)

Le 02.05.1920, l'IME fait part du décès de Lucien ARCHÉ, secrétaire général de la mairie ; Honoré EUZET est dans le cortège, entouré de ses adjoints et des conseillers municipaux ; l'éloge est fait par l'adjoint Isidore CRÉMIEUX. Un autre article indique que le nouveau secrétaire général est Simon VAILLARD et le journal souligne que "le maire ne pouvait faire un meilleur choix" ; c'est un Sétois de vieille souche, employé de carrière, entré jeune à la mairie, il a 23 ans "de bons et loyaux services"

Le Radical (2, rue des Petits-Pères, Paris) du samedi 15.05.1920, article de Pierre DELMOULY, intitulé Au cours de la tourmente. Deux maires : "Il y a quelques jours, quand la crise battait son plein et que M. JOUHAUX, penché sur la carte syndicale de France, dictait ses ordres impérieux, sinon impériaux, pour déclancher un chômage général, le premier magistrat d'une commune de France, M. EUZET, maire du port de Cette, adressait cette humble supplique à la C.G.T. : Cette, 5141, 8, 8 H 50 - Afin d'éviter des conflits regrettables et dans la necessité absolue où se trouve la municipalité de Cette d'assurer le ravitaillement des départements de l'Aude, de l'Hérault et du Gard entièrement dépourvus de farine, vous demande instamment de vouloir bien autoriser dockers cettois à procéder dès aujourd'hui samedi au débarquement du vapeur Ingo portant 5000 tonnes de blé destinées au ravitaillement civil, remerciements. - Honoré EUZET, maire de Cette. M. JOUHAUD, bon prince quand on lui parle, sinon à la troisième personne, du moins avec humilité, répondait aussitôt : Honoré EUZET, maire de Cette. - Autorisons dockers procéder déchargement vapeur Ingo. - JOUHAUX. Vous voyez bien amis républicains, qu'il y a des grâces d'Etat. Le tout est de savoir les solliciter. Qui ne demande rien n'a rien. Il est vrai que tous les maires de France - heureusement pour eux et la dignité de leur charge - n'ont pas la mentalité, l'âme obséquieuse du maire collectiviste de Cette. (...)" Dans la suite de l'article, l'auteur mettait en regard l'attitude du maire de Nice qui devant le même problème avait fait appel à des travailleurs bénévoles protégés par la troupe (il s'agissait de décharger du charbon pour faire fonctionner l'usine à gaz). En conclusion, le journaliste se moquait d'Honoré EUZET, "plus quémandeur que débrouillard".

A la même date, dans L'Information Méridionale du 15.05.1920, un article en première page reprend ces critiques, en termes plus voilés : " (...) On est généralement étonné qu'un politique aussi avisé et aussi expérimenté que l'honorable Maire de Cette se soit laissé entraîner à une pareille démarche dont le résultat est d'ailleurs bien humiliant pour son amour propre. On est d'avis que le Maire de Cette n'aurait jamais dû songer à se mettre ainsi sous la protection de la C.G.T. (...) Voulant rester l'écho fidèle des opinions de notre Cité, nous avons tenu, malgré la déférence que nous professons à l'égard du Maire de Cette, à ne pas omettre de reproduire les appréciations que nous venons de résumer. Nous sommes d'ailleurs persuadés que le Maire de Cette saura réparer la grave erreur dans laquelle aux dires de beaucoup, il est tombé. Pour cela, il lui suffira de se concerter avec tous les milieux cettois interressés à la reprise du travail dans notre port. Mais il est temps d'y songer !... Le travail c'est la vie et la prospérité. La grève et l'inertie, c'est le désordre, la misère et la mort.

L'Information Méridionale du 12.08.1920 tient ses lecteurs au courant de la scission en cours chez les socialistes : "La scission est bien prêt d'être effective entre les socialistes extrémistes et les modérés du parti unifié. Un groupe important de ces derniers vient d'adresser à la commission administrative du Parti une lettre de protestation contre l'orientation donnée au Parti socialiste unifié par les extrémistes. Parmi les signataires, nous relevons : MM. BARTHE et FÉLIX, députés de l'Hérault ; ANDRÉ, conseiller général et directeur du Devoir Socialiste, organe du parti socialiste de notre département ; Charles CHABANON, ancien candidat sur la liste BARTHE, rédacteur en chef de l'Economiste Méridional ; ROM, adjoint au maire de Cette, secrétaire du Groupe Cettois du parti socialiste."

La question des tramways

Un article de Paul COLLOT résume la question des tramways, le 05.08.1920. L'auteur estime que derrière la compagnie, le véritable patron est l'Omnium Lyonnais et que la première n'est qu'une filiale du second. Il souligne aussi que les travaux nécessaires pour générer des bénéfices n'ont pas été réalisés en temps voulu (au pont de la Victoire, notamment). De même, les tramways manquent là où ils devraient circuler pendant les fêtes de Saint Clair ou de la Corniche. Et encore que le personnel s'est vu refuser de travailler par la direction. Finalement, COLLOT pose la question suivante : "Que font toutes les sociétés ou compagnies dont le capital ne suffit plus pour la bonne marche de leur exploitation ? Réponse : elles émettent de nouvelles actions, en un mot elles augmentent leur capital social." En conclusion et pour tous ces motifs, il est contre toute subvention ou accord avec la compagnie des Tramways de Sète, même si elle se décidait à réintégrer les trois employés révoqués (IME du 05.08.1920)

Au conseil municipal du 06.08.1920, en séance extraordinaire, le maire, Honoré EUZET, rappelle la situation : "Le 26 juillet dernier, dit-il, vous avez cru devoir repousser la subvention qui était accordée à la Compagnie de Tramways jusqu'au 31 juillet et pour laquelle une prorogation de deux mois avait été demandée. A la suite de cette décision du Conseil, la Compagnie s'est trouvée dans l'obligation de réduire de deux francs par jour le salaire de ses employés. Ces derniers ne pouvant accepter la réduction se sont mis en grève. Or, voici qu'ils viennent de m'adresser une lettre à la suite de laquelle j'ai cru devoir vous convoquer. Et M. le Maire donne lecture de la lettre dans laquelle les employés des Trams leur expriment leur triste situation et sollicitent son intervention pour prier le Conseil municipal de revenir sur sa première décision. La question est donc bien simple." (à compléter) (EC du 08.08.1920)

Le Publicateur de Béziers du 20.08.1920, à propos des difficultés de gestion des compagnies de tramways électriques, compare Béziers et Sète : "Béziers n'est pas la seule ville que préoccupe le service des tramways électriques, Marseille, Cette, etc. sont dans le même cas. Malgré l'activité du trafic de ces deux villes, les compagnies des tramways exploitent à perte leur monopole (...) A Cette, les diverses lignes qui sillonnent la cité de part en part, jusqu'à la Corniche d'un côté, et de l'autre vers les usines de soufre extra muros, les voitures et leurs remorques circulent à plein constamment. Et cependant la situation de la compagnie concessionnaire, tout comme celle de Béziers, exploite à perte, malgré l'augmentation de 100 à 120 % que les prix ont subis. Ce mois-ci, la compagnie a menacé de cesser le service si le conseil municipal ne lui continuait pas la subvention qu'il lui avait allouée précédemment. L'assemblée communale fut réunie par le Maire, M. EUZET". Par 10 voix contre 9 le secours fut refusé, malgré les efforts du Maire. Le lendemain les tramways cessaient leur service. De nouveau, le Maire convoqua son conseil et un débat passionné se produisit. C'est le groupe socialiste du conseil qui avait voté contre la subvention. M. le Maire donna lecture d'une lettre du Syndicat des Employés et ouvriers des tramways qui demandent au Conseil de voter la subvention. Sous prétexte que la Compagnie n'avait pas réintégré trois agents révoqués à la suite d'une grève, le groupe socialiste combat le principe de la subvention. Le Maire réplique et ramène la question au point de vue de l'intérêt de la ville. Il s'agit, dit-il, de voter un secours de 4000 francs pour les deux mois qui courent, soit 2000 francs par mois, pour permettre à la Compagnie de mener à bien des négociations susceptibles d'améliorer la situation. Le Maire ajoute que la Compagnie ne demande qu'à s'en aller, car l'exploitation lui laisse une perte de 200.000 francs par an. Le discours du Maire a rallié la majorité du Conseil qui a voté la subvention par 15 voix contre les 10 irréductibles de la précédente séance. (...)

1921

Une lettre ouverte est adressée à Honoré EUZET par trois conseillers municipaux : "Nous soussignés, BOUSQUET Emile, conseiller municipal, rapporteur du statut des employés municipaux, COLLAUT Paul et TUFFOU Léon, membres de la commission des statuts, réunis tous trois seulement ce soir vendredi 18 février sur convocation de M. le Maire, n'ayant pu discuter loyalement et légalement en l'absence de tout membre de l'administration et ne pouvant, par conséquent, nullement apporter leur décision devant l'assemblée générale du conseil municipal, résilient leur fonction de membres de la commission des statuts des employés communaux et se refusent à toute discussion à ce sujet, conservant par devers eux l'opinion qu'ils peuvent avoir sur l'absence non motivée d'un membre de l'administration." Suivent les noms des trois conseillers municipaux (EC du 20.02.1921).

Au conseil municipal du 25.02.1921, avant la clôture de la séance publique, le conseiller COLLOT demande au maire quelles mesures il compte prendre en vue de remédier au chômage. "M. EUZET répond qu'il avait envisagé diverses mesures de concert avec M. FRAYSSE, secrétaire de la Bourse du Travail. Il estime cependant qu'il n'y a pas lieu de pousser les choses au noir et, pour établir que la misère ne règne pas à Cette dans le vrai sens du mot, il fait part à ses collègues du résultat d'une enquête portant sur les facultés d'épargne de ses administrés. C'est ainsi qu'il a pu constater à la Caisse d'épargne un important excédent des versements sur les retraits de fonds pendant le mois de janvier dernier, c'est-à-dire en pleine crise du chômage. M. TUFFOU fait observer qu'il y aurait imprudence de la part des titulaires de livrets à retirer jusqu'au dernier sou de leurs épargnes dès le début de cette période difficile, et qu'on ne peut tirer argument de ce que ces économies sont intactes pour conclure que ces braves gens n'ont pas été obligés de se priver. Telle n'a pas été d'ailleurs la pensée de M. le maire, mais il estime qu'il n'y a pas lieu de pousser un cri d'alarme injustifié." (EC du 01.03.1921). Le début du compte rendu de cette même séance du conseil municipal montre la formation d'une opposition tenace (mais minoritaire) avec les conseillers BOUSQUET, TUFOU (parfois écrit TUFFOU) et COLLET, à l'occasion de la discussion hardue sur le bugget de l'année (EC du 28.02.1921)

Un moment démotion au Conseil municipal quand Honoré EUZET lit les noms de la 27ème liste des Sétois morts pour la France ; il adresse : "une pensée émue à la mémoire de ces héros et à leurs familles l'expression des plus vives condoléances." ; cette liste porte à 743 le chiffre total des Sétois "inscrits au Livre d'Or de la grande guerre". (EC du 04.06.1921)

EC rapporte la cérémonie patriotique qui a lieu au cimetière Le Py, autour du monument aux morts pour la Patrie. Le maire, Honoré EUZET, fait un discours. On peut noter, notamment, cette partie où il marque l'union spirituelle qui fut celle de ces soldats : "(...) Quel fut l'idéal de ces hommes ? Car tous eurent une croyance, une foi qui les incitèrent au suprême sacrifice : foi chrétienne, foi humaine, tous crurent à l'efficacité du devoir accompli, à cette vérité qui veut qu'on meure. (...)" (EC du 03.11.1921)

1922

La subvention à la compagnie des tramways

Le 24.01.1922, EC revient sur la question des tramways évoquée au conseil municipal : "M. le maire tient à faire connaître à ses collègues qu'il a reçu le rapport de l'ingénieur en chef sur la demande de subvention de 4000 francs par mois pendant quatre ans, présentée par la compagnie des tramways électriques. Dans ce rapport aussi précis que détaillé, M. l'ingénieur conclut qu'il y a lieu de faire droit à la demande de la compagnie mais à la condition que cette dernière renoncera à ses instances contre la commune (on sait qu'elle réclame 150.000 francs d'indemnité) et qu'elle fera les réparations qui s'imposent. Et qu'elle ne touchera pas au salaire des ouvriers ! s'écrie M. MANDOUL. M. BONNIOL demande la réunion d'un conseil officieux où seraient convoqués les directeurs et M. l'ingénieur. M. le maire précise qu'il a tout simplement voulu mettre ses collègues au courant et qu'il leur appartiendra ensuite de décider sur ce qu'il convient de faire. M. PAUMARET exprime le désir de voir réparer la voie des tramways dans la rue du Pont-Neuf (...) M. le maire prend bonne note (...) répondant ensuite à M. MANDOUL, M. EUZET déclare que les employés des tramways doivent faire respecter eux-mêmes leurs contrats s'ils estiment que leurs intérêts sont lésés par l'administration qui les emploie."

Le maire, officier de la Légion d'honneur

C'est dans des termes similaires que EC et PM signalent qu'Honoré EUZET vient d'être promu au grade d'officier de la Légion d'honneur. Que le journal conservateur et le journal radical donnent cette information de la même manière veut dire que le maire de Sète a su s'imposer - au delà des clivages politiques - comme premier magistrat de la commune, reconnu pour ses années de service et sa compétence. Manifestement, ces propos généraux évitent aussi de revenir sur les querelles passées. La guerre a gommé les blessures anciennes et on ne veut pas les rouvrir. "Au moment de jeter notre courrier, une dépêche de Paris nous apprend que M. Honoré EUZET, maire de Cette, vient d'être promu au grade d'officier de la Légion d'honneur. Cette haute distinction consacre une longue vie de labeur dans notre administration communale, à la tête de laquelle M. EUZET fut si souvent appelé et où il fit preuve, en maintes circonstances, de capacités indiscutables. En cette circonstance, nous prions notre premier magistrat de vouloir bien agréer nos sincères salutations." (EC du 22.02.1922) ; "M. EUZET, maire, vient d'être nommé officier de la Légion d'honneur. Cette distinction est le couronnement mérité de la vie politique, active et républicaine d'un homme qui, pendant de longues années, dirigea l'administration de notre cité avec une réelle compétence. Dire l'oeuvre de M. EUZET, serait répéter des choses que tout le monde connaît. Nous ne le ferons donc pas et nous contenterons de féliciter le nouvel officier d'une distinction qu'il a su mériter par son activité et son dévouement à la chose publique." (PM du 22.02.1922) ; c'est aussi, pour la légion d'honneur, un article sur la promotion spéciale du VIIe centenaire de la Faculté de Médecine de Montpellier. En ce qui concerne le maire de Sète : "M. Honoré EUZET, maire de Cette, est aussi compris parmi les nouveaux officiers. C'est lui, on doit s'en souvenir, qui au cours des fêtes du VIIe Centenaire de la Faculté de Médecine, présenta au président de la République les maires des départements dont il est un des doyens respectés. M. EUZET s'est dévoué de tout temps à la chose publique et il a mérité la reconnaissance de ses compatriotes qui à plusieurs reprises le placèrent à la tête de la municipalité. On doit à M. EUZET toute la série d'améliorations urbaines dont Cette est justement fière : la ville, le port, les intérêts matériels et moraux. Les services d'enseignement ont été et sont une des préoccupations constantes de M. EUZET. Le doyen SABATIER a été puissamment aidé par lui pour le développement de la Station de Zoologie Maritime de Cette. A ce titre, il est un des collaborateurs précieux de notre Université Méditerranéenne. Et nous sommes heureux de féliciter le nouvel officier pour la distinction qu'il a su mériter par son activité et son dévouement à la chose publique." (PM du 23.02.1922)

La grève des ouvriers du port

Le 11.06.1922, il reçoit les ouvriers grévistes du port (c'est la grève générale). Après avoir essayé de forcer l'enceinte d'un chantier pour empêcher le déchargement d'un navire, au bassin de la compagnie du Midi, un groupe de 500 ouvriers grévistes environ revinrent vers le centre ville. "Arrivés devant la mairie, ils envoyèrent une délégation au maire. M. EUZET reçut les délégués avec bienveillance, leur conseilla le calme et les pria de lui envoyer par écrit un exposé-minimum de leurs revendications. Le maire soumettra cet exposé à une personnalité susceptible de poursuivre une heureuse solution du conflit. En sortant de la mairie, les délégués et les manifestants se sont rendus à la Bourse du Travail pour se concerter." (EC du 11.06.1922). C'est sous le titre de "Ça se gâte à Cette" que le MS informe ses lecteurs de la grève des ouvriers charbonniers et manutentionnaires, le 12 juin : "Un long cortège de grévistes s'est rendu ce matin au bassin du Midi pour arrêter le travail à bord du vapeur Borghelm. Ils furent repoussés par la gendarmerie. M. EUZET, maire, se rendit sur les lieux et exhorta les manifestants au calme. Il leur annonça que des demandes allaient être faites auprès des Syndicats des patrons charbonniers et manutentionnaires pour leur demander d'examiner de nouvelles propositions des ouvriers." (MS du 13.06.1922). Puis, c'est sous le titre "La grève de Cette" que le journal poursuit quelques jours plus tard. On y voit un maire qui joue les intermédiaires entre les parties en présence (patrons, ouvriers, partis politiques, syndicats et représentants du gouvernement) et qui a, manifestement, la confiance des uns et des autres : "Une délégation du groupe communiste s'est rendue auprès de M. EUZET, maire, pour lui demander l'autorisation de donner un meeting dimanche sur l'Esplanade. EUZET a répondu que les circonstances lui faisaient un devoir de ne pas accorder cette autorisation et a fait appel au bon sens des délégués communistes et ouvriers unitaires. Les communistes ont décidé d'ajourner leur meeting. Le préfet, venu ce matin, a reçu, à la mairie, les délégations patronales et ouvrières. Les ouvriers ont exposé leurs revendications, en faisant quelques concessions et accepté la médiation amicale du commandant CUXAC, ancien chef de l'exploitation du port (...) Les patrons charbonniers se seraient mis d'accord pour faire aux ouvriers la proposition suivante : Le travail serait repris dès lundi matin, et le ministre du Travail serait prié de désigner un délégué qui fixerait le taux du salaire appliqué rétroactivement. Le maire a soumis cette proposition à la délégation ouvrière. (MS du 18.06.1922). C'est aussi dans les locaux de la mairie que le chef des enquêtes au Ministère du Travail, FAGNOT, reçoit les délégations ouvrière et patronale, ainsi que l'arbitre choisi par les parties (PM du 30.06.1922)

L'école pratique dans de nouveaux locaux

L'évolution de l'Ecole pratique de Commerce et d'Industrie (en particulier ses immeubles successifs) se trouve dans un dossier qui se trouve aux Archives municipales de la ville de Sète (BH 1726). Les pièces principales sont les extraits de deux délibérations communales, les 29.03.1922 et 08.08.1922. On voit que l'école a été créée en 1899 et qu'elle occupait alors l'école Victor-Hugo, place du même nom (devenue la place Stalingrad) ; elle y est restée jusqu'en 1914. De 1914 à 1919, les locaux furent transférés dans l'immeuble Koester, boulevard des casernes, chemin dit du Mas Neuf. L'administration Laurens transféra ces locaux de 1919 à 1922 dans le couvent des Dominicaines, rue Villefranche. Enfin, en 1922, le conseil municipal d'Honoré EUZET fit l'acquisition de l'immeuble des Dames de Saint Maur où l'Ecole pratique devait rester pendant quarante ans, jusqu'en 1959-1960 (transfert au boulevard Joliot-Curie, ancien chemin des Granges - elle devint le lycée Joliot-Curie). Le conseil du 29.03.1922 acte l'achat de l'immeuble des Dames de Saint Maur, "ci-devant propriété de la Congrégation des Soeurs de l'Instruction Charitable du Saint Enfant Jésus, dont le siège social est à Paris, 8, rue de l'Abbé Grégoire." Le conseil du 08.08.1922 acte les travaux nécessaires pour cette installation et rappelle l'historique pour expliquer la situation : "Quand nous sommes rentrés à la Mairie, nous avons constaté que l'Ecole pratique était installée dans le couvent dit des Dominicaines. L'ancienne administration s'était résolue à transférer l'Ecole pratique dans ce local insalubre, mal ajouré et insuffisant et où il était absolument impossible d'installer les ateliers, qui sont indispensables au bon fonctionnement de cette école. L'ancienne administration est excusable d'avoir utilisé ce local, car elle n'en avait pas d'autres à sa disposition après avoir été chassée, par l'administration de la Guerre, de l'Ecole Victor Hugo, qu'elle occupait depuis 1899, date de sa création. Ainsi que de l'immeuble Koester, Boulevard des Casernes, chemin dit du Mas Neuf, quelle occupait de 1914 à 1919 (...)."

Notre Ecole Pratique : "D'une lettre de M. Gaston VIDAL, Sous-secrétaire d'Etat, reçue par M. EUZET, maire, il résulte que le Conseil supérieur a approuvé les plans et devis de l'Ecole Pratique ; la subvention de l'Etat sera répartie par moitié sur les exercices budgétaires 1923 et 1924. C'est une bonne nouvelle qu'apprendront avec plaisir tous ceux qu'intéresse l'avenir de notre Ecole Pratique" (EC du 23.10.1922)

Le tracé de la route entre Agde et Sète

Le conseil municipal prend connaissance du rapport de AUDOYE, commissaire-enquêteur (désigné par la ville) sur le choix du tracé de la route entre Agde et Sète (EC du 25.11.1922) ; ce rapport conclut au tracé Nord (c'est-à-dire le tracé en bordure de l'étang, "car l'établissement de la route en bordure de la mer serait d'un coût trop élevé et exigerait un entretien constant qui deviendrait ruineux" ; malgré les critiques du conseiller DOUMET (qui estime que l'on n'arrivera à rien en se renvoyant projet contre projet avec le Conseil général), le conseil adopte l'avis du commissaire-enquêteur (EC du 24.11.1922).

Dans la même séance du conseil municipal, le conseiller BONY demande si on ne pourrait pas envisager le projet d'une nouvelle adduction d'eau. "Avant que les enquêtes soient terminées, répond M. EUZET, nos jeunes collègues auraient depuis longtemps les cheveux blancs" (EC du 24.11.1922). Remarque qui montre, à la fois, le réalisme administratif et politique du maire, son humour et, peut-être aussi, la fatigue due à son âge, l'empêchant d'envisager des projets à long terme.

1923

Le 13.08.1923, l'inauguration du monument aux morts créé par le Sétois ROUSSEL marque, certainement, un temps d'arrêt dans les luttes partisanes, religieuses et idéologiques. C'est l'Union Sacrée après la Grande Guerre. Ont prononcé des discours devant le monument : Maurice LAURENS, ancien maire et président du comité pour l'érection du monument, Honoré EUZET, maire de la ville, le général MARTIN, LAFARGUE, au nom des médaillés militaires, le docteur CRÉMIEUX, adjoint au maire, au nom de la Section cantonale des Pupilles de la Nation et de l'Association des Officiers de complément de la ville de Cette, Mario ROUSTAN, sénateur, au nom des parlementaires de l'Hérault et ESCANDE, le curé-doyen qui a remercié le maire "de l'avoir dans un esprit de large tolérance, associé à cette belle manifestation d'Union Sacrée (PM du 13.08.1923). Le lendemain, le même journal donne le texte des discours. En tant que maire de la ville, Honoré EUZET accepte ce monument : "Dès maintenant et à jamais ce monument commémorera le courage, le dévouement, les hauts faits et les services rendus à la France par nos chers morts (...) Enfin, mes remerciements et mes félicitations les plus cordiales vont au grand artiste ROUSSEL, notre digne compatriote qui a su tirer de ce bloc une oeuvre qui nous émeut et c'est là le meilleur éloge que je puisse en faire (...) On a dit que les guerres de la Révolution avaient ennobli toute la nation française. Mais on peut dire aussi justement que la guerre injuste que nous dûmes subir et soutenir pendant cinq années a confirmé à la nation française ses titres de noblesse qu'après plus d'un siècle écoulé certains osaient lui contester (...) Mais il ne faut pas que la Victoire tourne à la glorification chauvine. Aussi, devant ce monument funéraire, au nom des veuves, des orphelins, des mères, des pères si éprouvés, je crie mon horreur de la guerre. Réprouvons les luttes sanglantes, combattons plutôt contre la nature pour la vaincre, la dominer, lui arracher ses secrets et utiliser les trésors infinis qu'elle a mis à notre portée (...) Nous avons reçu le bienfait de la souffrance, sachons en profiter, restons unis, travaillons en nous consacrant au progrès social (...)" (PM du 14.08.1923). Enfin, au Conseil municipal du 19.10.1923, une gratification de 10.000 francs est accordée au statuaire pour le Monument aux Morts, l'artiste ayant substitué le marbre à la pierre, ce qui a augmenté le coût ; le reste a été payé gràce à une souscription (EC du 20.10.1923)

Après avoir rappelé les épisodes les plus récents concernant le choix du tracé du projet de route entre Sète et Agde, Honoré EUZET conclut : "Vous apprécierez, mes chers collègues, les divers documents que nous vous soumettons ; si nous devons persister à réclamer la route côté Nord, ou bien, si tout en conservant vos préférences pour ce tracé, vous voulez bien accepter le tracé Sud, afin de solutionner un projet que nos intérêts réclament, et pour lequel vous n'avez cessé de lutter, allant même jusqu'à vous imposer une grosse dépense, tant vous en reconnaissez la nécessité. Comme en toutes choses, nous vous disons notre sentiment : c'est qu'il convient pour en finir d'accepter loyalement le tracé Sud. En vous donnant ce conseil, je sacrifie mes préférences, cependant bien justifiées, pour le côté Nord, et je n'ai qu'une préoccupation unique, obtenir promptement une solution, et faire cesser l'isolement de notre ville dont les intérêts souffrent depuis tant d'années."
Comme on le voit, M. EUZET ne voyant que les intérêts de la ville de Cette, et ne voulant pas qu'il soit apporté le moindre retard à l'exécution d'un projet qui ne peut que favoriser la prospérité de notre cité, se rallie à la création de la route, tracé Sud, sacrifiant ses préférences, bien justifiées, afin d'obtenir une prompte solution.
" (PM du 29.09.1923)

Après cet exposé, le conseil municipal accepte le tracé Sud de la route Sète-Agde, . Le texte de la délibération est le suivant : "Le conseil municipal, après délibération, accepte loyalement le tracé Sud de la route de Cette à Agde et prend l'engagement, à l'égard des communes d'Agde et de Marseillan, de fournir une contribution, basée sur la dépense à effectuer sur le tronçon de Cette au Quinzième. Le Conseil croit devoir formuler une demande. C'est qu'il sera présenté d'ici trois mois, un devis complet et définitif, ce devis étant indispensable pour établir le montant de la participation financière de la commune ; et que le projet soit exécuté dans un délai de deux années à partir du 1er janvier 1924. Il espère que le Conseil général, comme la commune de Cette, appréciera qu'il convient d'apporter la prompte solution que l'opinion publique réclame." (PM du 29.09.1923) Et le journal ajoute : "Nous ne pouvons qu'approuver M. le maire et son Conseil municipal pour leur sage détermination.".

Le 19.10.1923, le conseil municipal "accepte avec reconnaissance le don de 10.000 francs que M. Joseph EUZET, administrateur de l'Hospice Saint-Charles, offre à cet établissement. M. ROM, premier adjoint, prie M. le maire de bien vouloir exprimer à son frère M. Joseph EUZET, la gratitude du conseil municipal et de la commission administrative de l'Hospice pour ce bel acte de générosité en faveur des malheureux. M. le maire remercie au nom de M. Joseph EUZET qui sera, dit-il, sensible à cet hommage. La somme de 10.000 francs sera transformée en rentes sur l'Etat" (EC du 20.10.1923)

Le 03.12.1923, le PM publie la liste des délégués élus pour l'élection sénatoriale de l'Hérault. En ce qui concerne Sète et les socialistes, la liste est entièrement vérouillée par le conseil municipal car tous ces délégués sont des conseillers municipaux. Cependant, il y a, d'une part, les socialistes indépendants et, d'autre part, les socialistes unifiés. Les socialistes indépendants titulaires sont : EUZET (maire), CRÉMIEUX (adjoint), FOUILHÉ, VILLAC, BONNIOL, CALAME, BORNES et ENCONTRE ; Les socialistes indépendants suppléants sont : PAGÈS et SALENÇON ; les socialistes unifiés titulaires sont : ROM (adjoint), HÉBRARD (adjoint), BOUSQUET, DOUNET, BALZAC, VILLENEUVE et DIMEUR ; il y a un seul socialiste unifié suppléant : PAUMARET.

1924

"Le sculpteur Marius ROUSSEL, notre compatriote, vient de passer quelques jours à Cette (...) L'artiste a profité de son séjour pour exécuter le buste du maire, M. Honoré EUZET, dont il a su fixer l'expressive et sympathique physionomie." (La Vie Montpelliéraine et régionale du 17.05.1924)



Honoré EUZET : son buste dans le jardin du château d'eau,
offert à la ville de Sète par "Mme Veuve Joseph EUZET"

(photos Alfred ROMAIN, 08.07.2006.)



1925

L'élection municipale de 1925

Il est difficile d'étudier les élections municipales de 1925 car les seuls journaux en ligne, EC et PM, ne développent vraiment que la rubrique "Montpellier". De plus, les résultats sportifs ont pris la place des informations concernant les autres communes de l'Hérault. Il y a bien quelques articles mais ce sont surtout des communications qui sont reprises sans commentaires. C'est indirectement que l'on se rend compte que le journal IME paraît continuer l'observation de la politique locale à Sète mais aucun numéro n'est conservé dans les services d'archives.

Deux affaires montrent, cependant, que les coups bas n'ont pas manqué pendant cette campagne. La première concerne le Cartel des fonctionnaires. Dans le PM du 30.04.1925, un communiqué signale que "le Maire a reçu à la date du 28 avril, sous signature illisible, une lettre de la Fédération départementale du Cartel des fonctionnaires, dont le siège social est au café de la Bourse à Cette, contenant un questionnaire. Il a l'honneur de prier l'auteur de cette circulaire de vouloir bien se présenter nimporte quel jour à la mairie, entre 11 heures et midi, afin de se faire connaître." La suite de cet épisode se trouve dans le PM du 01.05.1925, avec un autre communiqué, cette fois signé par le nommé BOEUF, secrétaire de rédaction du Cartel : "Afin d'éviter toute manoeuvre quelle quelle soit et après avoir pris connaissance de la lettre adressée par PERRETTE, secrétaire général du Cartel, au maire de Cette, sans l'assentiment des membres du Bureau du Cartel départemental, le secrétaire de rédaction BOEUF, désavoue publiquement cette attitude inconvenante à l'égard des camarades du Bureau et des fonctionnaires en général, stigmatise cette autocratie de la part d'un camarade plus politicien que syndicaliste, met en garde le corps électoral contre toute manoeuvre électorale de la dernière heure et le prie de considérer comme nulles et non avenues toutes affiches électorales ne portant pas la signature de tous les membres du Bureau du Cartel départemental des fonctionnaires."

La seconde affaire concerne le Syndicat des consommateurs d'électricité, d'abord avec un communiqué d'un jeune électeur, dans le PM du 01.05.1925 : "J'ai lu très attentivement dans le Petit Méridional du 29 courant un article du Syndicat des consommateurs d'électricité (en fait, un article concernant Ganges). Vraiment il y a de quoi regretter de faire partie d'un syndicat, car, en général (et on peut en juger par cet article), tous ceux qui sont à la tête désirent arriver à un résultat et ont tous de l'ambition ; la preuve, c'est que M. MIREAU, président du Syndicat des consommateurs de l'électricité, est candidat aux prochaines élections municipales sur la liste de Concentration socialiste d'Action Economique et Ouvrière, parce que notre honorable maire, M. EUZET, ne l'a pas voulu sur la sienne et pour cause ... ! Et s'il est allé trouver M. EUZET à deux reprises, par intermédiaire la deuxième fois, c'est que des amis lui avaient dit : Si tu veux être élu, va trouver EUZET. M. MIREAU ne pourra pas démentir. Enfin, on voit le syndicat qui, pour se venger et ne voulant pas reconnaître les services rendus par la municipalité sortante, fait un pressant appel aux électeurs pour l'élection de M. MIREAU et pour la liste au complet de Concentration Socialiste d'Action Economique et Ouvrière. Allons, Messieurs les Syndiqués, n'écoutez pas ceux qui sont à votre tête, car ce ne sont que des arrivistes qui n'osent pas déployer leur drapeau. Votez tous dimanche pour ceux qui ont publié une liste vraiment sincère, celle du citoyen EUZET et cet appel s'adresse également à tous les électeurs. " Evidemment, on se demande si cet appel n'est pas écrit par les responsables du PM, procédé habituel en temps d'élection. Quoiqu'il en soit, c'est dans le même numéro que l'intéressé répond à un article qu'Honoré EUZET a écrit (peut-être dans l'IME) : "J'ai toujours signé les communications que j'ai fait paraître dans les journaux, et j'aurais désiré que l'auteur de l'article Le cas MIREAU en fasse autant. Ceci dit : Quelles sont les raisons que le maire n'a pas jugé utile de reproduire ? Mon attitude polie a été jugée humble ; c'est une leçon, je parlerai plus fort. Pourquoi le maire dit-il que j'ai des idées rétrogrades ? Qu'en sait-il, puisque nous ne faisons pas de politique à notre syndicat ? A l'unique séance de la Commission consultative d'electricité, j'ai été le seul à prendre des intérêts des consommateurs d'electricité et à protester contre l'augmentation des tarifs du nouvel avenant ; par mon attitude, j'ai obtenu une diminution de 0,005 centimes sur les prix que voulait imposer la Compagnie du Gaz, et j'ai prouvé par des quittances que j'ai produites, que les prix pratiqués dans les autres villes de la région étaient inférieurs à ceux imposés à Cette. Au point de vue electricité, sans être un as, je dirige depuis 6 ans une usine possédant un outillage de 80 CV. environ actionné par l'electricité, ce qui doit me donner tout de même une compétence un peu plus grande que celle du maire, qui ne doit pas dépasser la limite de la manoeuvre du commutateur de sa lampe. Pour la dépendance, je ne connais que celle de mon Syndicat. Quant à votre interminable procès, nous en reparlerons quand vous voudrez et nous mettrons en parallèle vos résultats avec ceux que deux membres du syndicat, dont je fais partie, ont obtenu tant pour leur intérêt personnel que pour celui des consommateurs d'énergie electrique. Les qualificatifs variés qui me sont appliqués ne me gênent guère, c'est l'opinion personnelle du maire, mais pas celle de tout le monde. Vous le verrez bien le 3 mai. - Pour le syndicat : le président."

Pour le premier tour des élections municipales de 1925, il y a 9033 inscrits, 6687 votants et 6560 suffrages exprimés. La liste "Union et Concentration républicaine et socialiste" (celle d'EUZET), obtient une moyenne de 3250 voix ; la liste "Concentration socialiste d'action économique et ouvrière" (celle de TAILLAN), obtient une moyenne de 2730 voix ; la liste "Bloc ouvrier et paysan" (communiste), obtient une moyenne de 700 voix ; il y a 127 blancs ou nuls ; L'Eclair qui donne ces résultats ajoute que "la liste TAILLAN avait l'appui des conservateurs" (EC du 04.05.1925)..

Au second tour, "La liste EUZET est élue avec une moyenne de 1000 voix de majorité" et le journal souligne que les votants ont été plus nombreux qu'au premier tour (PM du 11.05.1925) ; le lendemain, le même journal précise qu'au scrutin de ballottage, il y a eu 9133 inscrits, 6862 votants et 6703 suffrages exprimés ; "la liste d'Union et Concentration républicaine et socialiste EUZET est élue avec une majorité de 3700 voix" ; la liste TAILLAN obtient une moyenne de 2700 voix (PM du 12.05.1925).

"Le nouveau conseil municipal républicain et socialiste de Cette a réélu maire M. Honoré EUZET, maire sortant. M. EUZET, qui porte allègrement ses 81 ans, a été maire de Cette pendant 20 ans." (Le Journal du 18.05.1925 - Paris) ; le 18.05.1925, il est réélu maire, cependant que ses trois adjoints sont : ROMS, CRÉMIEUX et HÉBRARD (EC du 18.05.1925) ; "Le nouveau Conseil municipal républicain et socialiste de Cette a réélu maire M. Honoré EUZET, maire sortant. M. EUZET, qui a 81 ans, a été maire de Cette pendant vingt ans." (La Croix du 19.05.1925)

1926

Le PM des 21-22-23.01.1926 traite d'une procès aux Assises, "député contre journaliste", c'est-à-dire entre le député Edouard BARTHE, partie civile, et Edouard SOTTANO (directeur de IME) et Michel BEY (gérant de IME). BEY et SOTTANO sont accusés d'avoir commis le double délit de diffamation et d'injures publiques envers BARTHE, en publiant dans IME (numéros des 30.10.1925 et 12.11.1925) des articles infamants et injurieux à l'encontre de BARTHE. Le PM donne tous les détails et, à l'issue du procès, SOTTANO est condamné à 300 francs d'amende et BEY à 100 francs d'amende, plus les frais ; la partie civile obtient le franc de dommages-intérêts ; de plus, ils sont aussi condamnés à l'insertion du jugement dans le PM, EC et IME. Trois points à retenir : d'abord, parmi les témoins appelés par le député, arrive en premier le nom d'Honoré EUZET, maire de Sète ; en fait, le compte rendu des auditions montre que c'est HÉBRARD, son adjoint, qui est venu témoigner, en disant qu'il est l'ami de BARTHE et de SOTTANO et qu'il a vu ce dernier dans un but de conciliation (on ne peut s'empêcher de retrouver là, la politique de "juste milieu" adoptée par le maire de Sète) ; le second point concerne le journal IME. En effet, quand PRADEL (ancien président du conseil d'administration de IME) vient à la barre en tant que témoin de BARTHE, il explique que ce journal fut fondé pour la défense économique et ouvrière. Un peu plus tard, SOTTANO explique la transformation du JC en IME et qu'il a accepté une ligne de conduite susceptible de faire prospérer le journal. Dernier point, on voit bien que l'on n'est plus à l'époque où l'on vengeait son honneur au pistolet en organisant un duel derrière la frontière espagnole, comme l'avait fait Honoré EUZET en 1882.

1927

La route de Cette à Agde

Le 23.08.1927, c'est l'inauguration officielle de la route de Sète à Agde, sous la présidence d'Honoré EUZET, maire de Sète. "Les autos ornées de drapeaux multicolores, transportant les officiels sont parties de la mairie un peu avant dix heures et, en cours de route, se sont arrêtées à la villa de M. BERTOUY, conseiller général, où un vin d'honneur a été servi (...)" Le groupe comprend, notamment, les trois adjoints du maire de Sète (ROM, CRÉMIEUX et HÉBRARD), les membres du conseil municipal, le conseiller général VÉZY, le conseiller d'arrondissement GARRIGUES, le commissaire central DON, le député GUILHAUMON, ... A leur arrivée à Agde, le groupe se rend à la mairie. " Il fut reçu par M. FÉLIX, député maire, qui lui souhaita la bienvenue et prononça une allocution à laquelle répondit M. H. EUZET. Les deux orateurs dirent combien ils se réjouissaient de voir la réalisation d'un projet ébauché depuis de longues années et qui servira de trait-d'union entre les deux villes amies (...)" (PM du 24.08.1927)

A la session d'otobre du Conseil général, un dernier texte concernant cette route est adopté : "Le chemin de Cette à Agde est définitivement livré à la circulation dans des conditions qui nous paraissent devoir donner toute satisfaction au public. Cependant, afin d'éviter des mécomptes dans l'avenir, il convient de protéger cette voie par des enrochements à la traversée des graus là où le remblai étant assis sur le sol, presque au niveau de la mer, il est parfois atteint directement par les vagues. Une somme de 50.000 francs serait nécessaire pour exécuter ce travail concurrement avec le crédit prévu au chapitre VI. Votre commission vous propose d'inscrire qu'un crédit de pareille somme soit inscrit au budget de 1928 avec l'affectation suivante : Chemin de grande communication n° 38 - enrochement."

La rue Honoré Euzet

Délibération du conseil municipal de Sète, le 27.08.1927 : "La parole est donnée au docteur CRÉMIEUX, qui, au nom de toute l'assemblée communale, fait la proposition suivante : Le conseil municipal et les adjoints au maire de la ville de Cette. Certains d'être les interprètes des sentiments de la population Cettoise. Désirant rendre un public et solennel hommage de reconnaissance au citoyen Honoré EUZET, maire de la ville, dont la vie est remplie par plus d'un demi-siècle de dévouement aux intérêts de la cité ; considérant les services nombreux et éminents rendus par lui sous les multiples fonctions électives qu'il a occupé (conseiller municipal - conseiller d'arrondissement - conseiller général - adjoint au maire - six fois maire de Cette) ; considérant son oeuvre administrative, adduction d'eaux - construction de routes - création d'écoles - érection de monuments - théâtre - collège - Hôtel des Postes - Ecole de Commerce et d'Industrie - ; considérant sa vie de lutte et de dévouement pour la Démocratie et la République ; demandent par la présente délibération de donner à la Route Nationale n° 108, dans la partie comprise entre le Pont National et le Pont de la Victoire, le nom de : rue Honoré EUZET.
M. CRÉMIEUX, ajoute ensuite : M. le Maire, en votant cette proposition, nous sommes assurés de l'approbation unanime que nous ne manquerons pas de rencontrer auprès de tous ceux qui voudront sans passion et en toute impartialité, juger votre action politique et votre oeuvre administrative. Votre action politique s'exerce depuis plus d'un demi-siècle, car déjà sous l'Empire, aux côtés de Jules SIMON, dont vous étiez le Secrétaire du Comité en 1868, vous luttiez contre un régime d'oppression et de despotisme. La République proclamée, on vous retrouve encore à un poste de combat Secrétaire du Comité de résistance à l'Ordre Moral. Vous avez occupé de multiples fonctions publiques et depuis 1895, on vous a réélu six fois premier magistrat de la Cité. Un tel hommage, une telle faveur populaire s'expliquent bien facilement en dépit de multiples changements dans l'orientation politique d'une ville - où les passions sont pourtant si tumultueuses et l'opinion publique si changeante - en jugeant l'oeuvre administrative que vous avez accomplie. Depuis plus de cinq ans, tous les grands problèmes intéressant l'existence même de notre Cité ont été étudiés par vous, avec une compétence et une hauteur de vue dont les résultats obtenus témoignent la valeur. Tous les grands problèmes relatifs aux eaux d'alimentation, captation de sources, refontes de canalisations peut-être simples en apparence, mais si complexes en réalité, furent toujours pour vous l'objet de la plus grande sollicitude. L'Ecole du Commerce et de l'Industrie, qui a doté notre ville d'un si grand nombre de jeunes artisans instruits et expérimentés, nos routes, celle de Cette à Agde notamment, à l'étude depuis plus de trente ans, actuellement livrée à la circulation ; notre Hôtel des Postes en voie de reconstruction totale ; le théâtre, qui fait l'admiration des visiteurs, tout cela est votre oeuvre. Tous les monuments de notre ville portent votre empreinte, pourquoi alors, une rue ne porterait-elle pas votre nom ? Et tandis qu'aujourd'hui le passant ignore totalement ce qu'ont pu faire vos prédécesseurs dont le nom s'étale pourtant sur quelques unes des rues de notre ville, notre génération du moins pourra dire avec un légitime orgueil : Nous avons accompli un acte de justice, en rendant un hommage mérité à un enfant du peuple qui, pendant toute sa longue carrière, a aimé passionnément sa ville de Cette, a été un fidèle serviteur de la Démocratie et un ardent défenseur de la République !
Monsieur le Maire remercie : Il dit que l'amitié que son excellent collègue lui porte lui a fait exagérer ses mérites. Quoiqu'il en soit, il considère que le conseil municipal lui fait un grand honneur. Au surplus, il ne veut voir dans cette manifestation cordiale qu'un témoignage d'amitié de la part du conseil municipal auquel il exprime à son tour ses sentiments de vive et déférente gratitude. Je souhaite, dit-il, que cette amitié soit notre guide durant toute notre gestion. C'est ainsi que nous remplirons dignement la tâche qui nous a été confiée par les électeurs. Encore une fois merci et de tout coeur.
Ces deux allocutions sont vivement applaudies par l'assemblée. Le conseil, à l'unanimité, décide de donner à la rue Nationale, partie comprise entre la place Delille et le Pont National, le nom de Rue Honoré Euzet.
" A noter que ce rare honneur - pour une personnalité vivante, en charge d'une ville - n'est pas du tout retracé dans le PM, ce qui est surprenant, même si le PM de l'époque ne reprend que peu d'informations locales en dehors de la ville même de Montpellier.

Cette veut devenir Sète

Délibération du conseil municipal de Sète, le 27.08.1927 : "M. le Maire reprenant la parole dit au Conseil : Puisque nous changeons le nom d'une rue, ne pourrions-nous pas élargir la question et modifier l'orthographe du nom de Cette, de façon à lui donner toute sa signification ? Le peuple qui vint s'établir sur notre territoire méditerannéen donna le nom de Settim au nom de Cette, parce qu'on l'aperçoit de loin dans la mer, couronné d'une forêt de pins. Plus tard, ce nom subit de fréquentes altérations et les latins en firent Setim, Setius, Sitius, Sita ; les cartes espagnoles indiquent Septa ; Puis on écrivit : Ceta, Seta, Sète, Sette et enfin Cette. J'estime qu'en donnant au nom de notre ville, l'orthographe étymologique "Sete", il se dégagera de cette appellation la signification que lui avaient donné les premiers qui vinrent s'établir sur le territoire méditerannéen, c'est-à-dire, celui du mont que l'on aperçoit de loin dans la mer. Je crois devoir ajouter que cette question a été plusieurs fois soulevée à l'époque et qu'il y a cent trente cinq ans, le conseil général de la ville avait délibéré (le 23 octobre 1793) pour solliciter de la Convention Nationale, que le nom de la Ville, qui n'a été connu de tous les dictionnaires historiques que sous le nom de Cette, équivoquant avec le pronom, serait celui de Sète, s'en référant pour son étymologie à STRABON, PTOLÉMÉE, qui avaient appelé le cap de Sète, sur lequel la ville a été bâtie, "Segius et Setius". Cette demande sombra comme beaucoup d'autres questions dans la grande tourmente révolutionnaire ; comme on le voit, les raisons qui militent en faveur de Sète sont largement exposées dans cette ancienne délibération. Je prie le Conseil de vouloir bien revenir à l'ancienne forme, qui aura l'avantage d'être plus logique, plus rationnelle, tout en rappelant l'origine et le passé de notre chère Cité.
A l'unanimité, l'assemblée communale demande aux Pouvoirs Publics d'adopter la nouvelle orthographe du nom de la ville de Sète.
"

PM du 29.08.1927 : "Cette s'appellerait Sette. Au cours de la réunion, le conseil municipal de Cette sur la proposition de M. EUZET, maire, accepte de changer l'orthographe du nom de la cité, qui s'appellerait désormais Sette. Les raisons invoquées en faveur de cette modification se basent sur ce fait que le peuple qui vint s'établir dans le territoire méditerranéen de Cette donna le nom de Sittim au mont de Cette, parce qu'on l'aperçoit de loin de la mer, couronné d'une forêt de pins. Plus tard ce nom subit de fréquentes altérations, et les latins en firent Setion, Setius, Sitius, successivement : Sita, Septa, Ceta, Secta, Sette et enfin Cette. Allons-nous assister à cette transformation, comme l'année dernière à pareille époque nous avons vu Alais devenir Alès ?" (dans son texte, le PM écrit Sette au lieu de Sète, ce qui ne correspond pas au texte de la délibération communale).

Le PM du 31.08.1927 revient sur le sujet du changement de nom de la ville qui "veut perdre cette étiquette à l'allure d'adjectif démonstratif sans aucun sens, comme dit justement son maire, M. Honoré EUZET, et reparaître sous son véritable aspect de Sette (sic) dont l'a privée une faute scripturale qui a, elle le pense, trop duré. (...)"

Dans sa séance du 08.10.1927, le Conseil général adopte la proposition de sa commission de changer l'orthographe du nom de Cette qui deviendrait Sète. Le rapport est présenté par Charles GUILHAUMON : "Messieurs, Il y a 135 ans, le 23 octobre 1793, le Conseil Général de la Ville de Cette demandait à la Convention Nationale que le nom de Cette, équivoquant avec le pronom soit désormais Sète, s'en référant pour son étymologie à STRABON, PTOLÉMÉE, qui avaient appelé le Cap de Sète, sur lequel la ville a été bâtie, Segius et Setius". La voix de la modeste bourgade qu'était alors Cette se perdit dans l'immense clameur de la levée en masse et dans le cliquetis des baïonnettes de nos sans-culottes rués à la défense de la Patrie envahie. Aujourd'hui, l'altière cité maritime dont s'enorgueillit notre région, reprend après plus d'un siècle, la requête de la bourgade de 1793. Vous en êtes saisis, pour avis, conformément à l'article 2 de la loi du 5 avril 1884. Notre commission vous propose de l'accueillir. Non qu'elle vous demande de suivre nos vénérables aïeux de l'époque Révolutionnaire dans leur appréhension d'une équivoque grammaticale et leur légère amertume de ce que leur ville n'ait pour nom ... qu'un pronom, fût-il démonstratif. Ni la prospérité de Cette, ni les sentiments d'admiration provoqués par sa grandeur croissante n'en ont été affectés. Au surplus, la dénomination de Cette, par un C, pouvait trouver sa justification dans les armes mêmes de la ville. Ne portent-elles pas un gros poisson - dauphin ou baleine ? Ce gros poisson en grec, c'est kèté. Quoi d'invraisemblable à ce que le promontoire de Cette ait, du lointain, pris pour les premiers colons l'aspect d'une énorme baleine ? Mais, dans ce cas, si le kappa grec donne bien le c français, l'orthographe de Cette ne devrait comporter qu'un seul t. Il semble pourtant qu'il y ait lieu de se rallier sans hésitation à l'orthographe Sète, par un S et un seul T proposés par le Conseil municipal de Cette. Les dénominations de Sition et de Sètion relevées dans les géographes grecs STRABON et PTOLÉMÉE et employées plus tard par les géographes latins FESTUS, AVINIUS, POMPONIUS, MALA, comme par les auteurs anonymes des différents itinéraires de l'Empire la justifieraient suffisamment. Elle traduirait l'impression produite, sur les premiers navigateurs qui ont colonisé Cette, par la riche parure dont les forêts de pins couronnaient les hauteurs. Les cartes espagnoles l'ont reprise sous la forme Septa. Mais il y a plus, ainsi que l'a judicieusement observé le très distingué archiviste départemental M. OUDOT de DAINVILLE, une tradition ininterrompue, depuis la mention de Sita dans un acte de 822, conservé par le cartulaire d'Aniane, jusqu'à la forme de Sète, employée dans de nombreux documents dans la seconde moitié du 18ème siècle, établit la constance de l'écriture de ce nom avec un S initial et un seul t dans le corps du mot. Un passé de 11 siècles ! N'est-ce pas titre de noblesse suffisant pour que les dictionnaires les plus académiques s'ouvrent avec déférence à la nouvelle orthographe du nom de notre grand Port Méditérranéen, gloire et parure de notre Languedoc ? Que Cette s'efface donc devant Sète, comme le veulent ses édiles et que, toujours plus prospère, à travers les siècles, vive et rayonne désormais Sète !"


Couverture de la brochure de Paul Louis BLANC
sur l'évolution du nom et des armoiries de Sète



1928

Le 21.06.1928, a lieu le lancement du cargo La Toneline, aux Chantiers généraux de Sète : "En arrivant, ce matin, sur le vaste terrain que les Chantiers généraux de Sète ont conquis sur l'étang de Thau et à l'entrée duquel flottaient des drapeaux tricolores, je ne pouvais m'empêcher de faire un retour en arrière. Je revoyais la ville de Sète abondamment pavoisée, accueillant avec enthousiasme, qui fait le fonds du caractère Sétois, un ministre des Travaux publics, Yves GUYOT, venant étudier un projet de création, dans notre grand port languedocien, d'une cale de radoub, dont le défaut se faisait cruellement sentir. Les années ont passé par dizaines et la cale ministérielle est toujours dans le domaine des hypothèses. Cependant, le Sétois qui sont des gens actifs et entreprenants et, par suite, sont habitués à compter surtout sur eux-mêmes pour mettre en valeur leur ville et leur port, ne se sont pas laissé décourager par la carence des services officiels. Ils se sont mis à l'oeuvre et ont préparé un programme d'industrialisation de l'étang de Thau, à l'élaboration duquel la Chambre de Commerce et son distingué président, M. Jean PRATS, ont consacré un effort soutenu, que les difficultés, surgissant les unes après les autres, n'ont pu entraver. Pendant que la municipalité, sous l'impulsion de son vénéré maire, M. Honoré EUZET, travaillait à un meilleur aménagement de la Cité et que la Chambre de Commerce améliorait - on pourrait dire plus exactement créait - l'outillage du port, entamant la réalisation de son plan d'extension vers l'étang, quelques personnalités notoires osèrent penser que l'initiative privée avait, en la circonstance, son rôle à jouer. De là, la création de la Société des Chantiers Généraux (...) Cette Société, en effet, nous conviait, en cette journée du mercredi 20 juin (...) à assister au lancement d'un navire-citerne à moteur, La Toneline, construite par les Chantiers Généraux pour la Société Le Naphte (...)" L'article est signé René DANGIS dans le PM du 21.06.1928.

Le congrès départemental des anciens combattants républicains a lieu à Sète, les 27 et 28.10.1928. Le congrès se clôture par un banquet à la Brasserie alsacienne où participent plus de 150 congressistes. Parmi les orateurs, ROM, le premier adjoint du maire, rappelle "que le vénéré citoyen qui préside aux destinées de la ville, Honoré EUZET est un combattant de 1870-1871, qui entoure de toute sa sympathie l'oeuvre poursuivie par les combattants républicains". L'orateur suivant est le citoyen ESCARGUEL, le futur maire de Sète, mais alors seulement président de la section de Sète des Jeunesses laïques et républicaines. (PM du 30.10.1928)

Le 21.12.1928, Honoré EUZET, maire de Sète, procède à l'installation des nouveaux docteurs de l'hôpital ; les membres du conseil d'administration de l'hôpital assistent (dont Joseph EUZET, le frère d'Honoré) ; "dans une improvisation charmante, empreinte de la plus grande courtoisie, M. le Maire adresse ses félicitations à M. le docteur SCHEYDT (qui est nommé médecin-chef honoraire) dont il rappelle tout le dévouement pendant son long séjour à l'hôpital où il a été comme interne et qu'il est heureux d'y retrouver aujourd'hui" ; les compliments vont aussi aux docteurs CADILHAC et RICARD ... (PM du 22.12.1928)

1929

Au premier tour des élections municipales de 1929, il y a 9052 inscrits, 6075 votants 156 blancs ou nuls, soit 5919 suffrages exprimés répartis sur 5 listes. Les résultats sont donnés dans le PM du 07.05.1929
- La liste d'Union et de concentration républicaine et socialiste (dite aussi liste EUZET) comprend 17 conseillers sortants sur les 30 noms. Honoré EUZET obtient 2770 voix, Eugène ROM (adjoint sortant) 2716 voix, Isidore CRÉMIEUX (adjoint sortant) 2469 voix et Jérémy HÉBRARD (adjoint sortant) 2514 voix.
- La liste d' Union républicaine et d'action économique (10 noms seulement sont indiqués par le PM) voit sa tête de liste, Jacques LLAURENS, obtenir 1631 voix.
- La liste d'Union des gauches et de défense des intérêts de la ville et du port de Sète, avec 1336 voix pour son leader, Jacques Joseph AUGÉ, cependant que le meilleur résultat est celui de Léopold BORNES avec 1454 voix.
- La liste du bloc ouvrier et paysan dont le premier nom, Alexandre ALLIAS, fait 1231 voix.
- Le parti socialiste S.F.I.O. ne voit sa tête de liste, Victor MANDOUL, n'obtenir que 717 voix.

Le PM du 09.05.1929 résume ainsi ces résultats : "A Sète, la liste qui réunit toutes les tendances du Parti républicain, y compris les socialistes unifiés, arrive largement en tête."

Au second tour, toujours pour 9052 inscrits, les votants ne sont plus que 5970, les blancs ou nuls 230, soit 5740 suffrages exprimés, répartis sur 2 listes. Le PM du 13.05.1929 indique qu'une "effervescence beaucoup plus grande que celle de dimanche dernier n'a cessé de régner dans les salles de vote et si les abords de l'Hôtel de Ville offraient, au premier tour, peu d'animation, il n'en a pas été de même dans la soirée d'hier. La lutte paraissait devoir être très chaude entre la liste d'Union et de Concentration Républicaine et Socialiste (liste EUZET) et la liste du Bloc Ouvrier et Paysan. Aussi le public s'est rendu en grand nombre, aussitôt après dîner, à la mairie. Le dépouillement s'est poursuivi sans incident et, à minuit 30, le maire proclamait les résultats"

La liste EUZET est élue en entier. Tous les 30 noms de la liste font chacun plus de 3000 voix. EUZET en obtient 3569, ROM 3033, CRÉMIEUX 3233 et HÉBRARD 3195. Seuls deux membres de l'autre liste (celle du bloc ouvrier et paysan) obtiennent plus de 2000 voix (ALLIAS 2486, HACHACQ 2025).

(Note : ces chiffres donnés par le PM demandent à être vérifiés car il y a souvent des erreurs - du moins de quelques unités - dans les journaux)

1930

En janvier 1930, décède le député Adolphe MERLE, radical-socialiste de la 3ème circonscription de Montpellier. Il avait été élu pour la première fois conseiller municipal de Sète sur la liste EUZET ; il représentait la circonscription de Sète au Parlement. Pour ses obsèques, les discours se succèdent pour celui qui était né à Sète en 1887. "M. EUZET, maire de Cette, exprime au nom de la population tout entière et du conseil municipal, la douleur que cause à tous le décès de celui que l'on pouvait considérer à juste titre comme le véritable défenseur des intérêts d'une ville à qui il avait consacré toutes ses forces et que le mal lui-même ne parvenait point à distraire." (PM du 04.02.1930)

1931

Le "Gabès", bateau-école des mousses -

Le 31.01.1931, le secrétaire de mairie, VAILLARD, fait la visite du Gabès, la vieille canonnière désaffectée qui, depuis de nombreuses années, mouille à l'entrée du port. Elle sert d'asile à l'École professionnelle de marine Paul-Bousquet. L'article signé Jean LEBOUCHAIS fait ressortir l'intérêt de cette école fondée en 1842 ; c'est l'occasion de noter qu'elle est "de tout premier ordre" et qu'elle peut accueillir 30 enfants, de jeunes mousses de 13 à 15 ans. Un conseil d'administration est chargé de la surveillance. Dans ce conseil, présidé par le préfet de l'Hérault, on y trouve aussi Honoré EUZET, maire de Sète, président local, ainsi que Joseph EUZET, armateur (PM du 02.02.1931)



Le décès d'Honoré EUZET

EC du 20.02.1931 : "M. Honoré EUZET, maire de Sète, officier de la Légion d'Honneur, est mort aujourd'hui, à Sète, à l'âge de 85 ans. Conseiller municipal pour la première fois en 1878, sa fortune politique eut des interruptions et des alternatives diverses. Elu maire le 3 avril 1896, puis le 18 juin 1908, M. EUZET fut de nouveau élu, avec sa liste, au renouvellement intégral du 30 novembre 1919, et conserva son mandat de maire jusqu'à ce jour." L'avis de décès, paru dans le même numéro, indique que l'enterrement est prévu le 22 février à 10 H 30.

PM du 20.02.1931 : "M. Honoré EUZET, maire de Sète est mort hier. Nous apprenons la mort, à l'âge de 85 ans, de M. Honoré EUZET, maire de Sète, officier de la Légion d'Honneur. Entré très jeune dans la politique, M. EUZET arriva au conseil municipal, pour la première fois, en 1878 ; une seconde fois en 1888. Après une interruption de quelques années, il fut élu maire le 3 mai 1896. Après l'élection de la liste MOLLE, M. EUZET reprit sa place, à la Mairie, le 18 juin 1908, jusqu'en 1912. Au renouvellement intégral du 30 novembre 1919, M. EUZET fut élu, avec sa liste, et remplit les fonctions de maire sans interruption jusqu'à ce jour." L'avis mortuaire paru dans ce même numéro précise que la maison mortuaire est au 17, quai Noël-Guignon.

MS du 20.02.1931 : "Sète, le 19 février. M. Honoré EUZET, maire de Sète, vient de mourir à l'âge de 86 ans. Maire de Sète depuis de longues années, M. EUZET a joué un rôle important dans la vie politique et municipale depuis plus de 60 ans. Il était socialiste indépendant."

Les obsèques

PM du 23.02.1931 : "La ville de Sète a fait à son maire, le très regretté Honoré EUZET, des obsèques imposantes. La ville est en deuil. En cette journée qu'un soleil radieux dore d'une teinte printanière, Sète va accomplir son dernier devoir envers l'un de ses fils les plus aimants. Dès 8 heures, le corps est pris au domicile particulier, quai Noël-Guignon, pour être exposé dans le vestibule d'entrée de la Mairie, où un catafalque a été disposé. Une garde d'honneur, composée de deux adjoints, de conseillers municipaux et de pompiers, se relève toutes les demi-heures. Le cercueil est recouvert d'une draperie tricolore sur laquelle sont épinglées l'écharpe de maire et la croix d'officier de la Légion d'Honneur, dont était titulaire le défunt. A côté, sont posées les colonnes mortuaires de la ville de Sète, le personnel de la Mairie, le Conseil Municipal. Le public étant admis à venir s'incliner devant la dépouille mortelle de son regretté maire, ce sera, pendant plus de deux heures, le défilé interminable de toute une population plongée dans l'affliction. Les couronnes s'amoncellent dans un endroit réservé. Nous pouvons noter celles offertes par : la famille, le personnel de la maison J. EUZET, l'Information Méridionale, les villes de Montpellier et de Béziers, la ville de Foix (Ariège), l'Harmonie de Sète, Commission administrative du Bureau de Bienfaisance, le Conservatoire, l'Ecole Pratique de Commerce et d'Industrie, les instituteurs, les institutrices et les élèves des Ecoles communales, Ecole professionnelle Paul-Bousquet, les receveurs spéciaux de Sète, les Jeunesses Laïques, le Cours secondaire de jeunes filles, le Comité de patronnage du Dispensaire Antituberculeux, un groupe de dames de la Halle, la Commission administrative des Hospices, et ses collaborateurs, la Société des retraités communaux, les Ecoles de garçons de la ville, l'Ecole primaire supérieure de jeunes filles, la Société de gymnastique La Sétoise, la Chambre de commerce, la Compagnie des tramways de Sète, le Syndicat d'Initiative, les jouteurs sétois Pavois d'Or, la Lance Sportive Sétoise, le Football-Club de Sète, le Tennis-Club, le Rowling-Club, le corps et la fanfare des Sapeurs-Pompiers, la Compagnie du Gaz et de l'Electricité, etc, etc.

A l'Hôtel de Ville

A 10 heures, dans la salle des mariages, sévèrement aménagée à cet effet, la famille affligée est reçue par MM. les adjoints et les conseillers municipaux auxquels se joignent bientôt les délégations étrangères, parmi lesquelles nous notons : MM. LAMBRY, préfet de l'Hérault ; TROCHELUT, chef du cabinet de M. Mario ROUSTAN, ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts ; JACQUIER, secrétaire général de la préfecture ; DESTARRUC, chef du cabinet du préfet de l'Hérault ; BOURGUOIN, préfet de l'Aude ; MOUNIER, préfet du Gard ; REBOUL, sénateur de l'Hérault ; SALETTE et CAFFORT, députés ; MILHAUD, maire de Montpellier, et ses adjoints, MM. PAUL, GRANAT, CAMPA et MATTE ; FAUCON, délégué, MERLIN, BARTHE, GENOUY, BERTHOMIEU, conseillers municipaux ; SOUCHON, maire de Béziers, ses adjoints, MM. SOLERT, ALIBERT ; les conseillers municipaux, MM. BÈS, BAUX, PERRAT, DUMAS, CROS, LAURAS, BRU ; SÉGUY, maire de Poussan ; COURRIEU, maire de Loupian ; JEANJEAN, maire de Gijean ; DAVID, maire de Montbazin ; GABAUDAN, maire de Saint-André-de-Sangonis ; PELET, maire de Vic ; ARNAUD, conseiller municipal de Frontignan, délégué de LAPEYRADE ; GALABERT, conseiller municipal de Frontignan ; DOMERGUE, maire de Villeneuve, et de nombreux délégués de Meze et des communes environnantes. S'étaient fait excuser : MM. ALES et GUITHAUMON, députés de l'Hérault, retenus par des engagements antérieurs, et ANTHÉRIEUX, maire de Frontignan, malade. C'est aussi le défilé des amis nombreux et de toutes les notabilités de la ville qui viennent exprimer leurs sentiments émus à MM. Joseph EUZET et Honoré EUZET, neveu du maire défunt [en fait, Honoré COMBES, fils de Françoise (appelée Fanny) EUZET].

Le cortège

A l'heure précise fixée pour les obsèques il est procédé à la levée du corps, tandis que la fanfare des sapeurs-pompiers et l'Harmonie exécutent des airs funèbres. C'est ensuite le long cortège qui se développe à travers les principales artères de la ville, cortège dans lequel tous les groupements politiques, économiques et philosophiques avaient tenu à prendre part. c'est ainsi que nous remarquons dans l'ordre et conduisant la marche : la fanfare des sapeurs-pompiers et le corps tout entier ; le Football-Club de Sète avec son drapeau et son drap d'honneur ; le Rowing ; le Tennis-Club de Sète ; la Société Nautique avec son oriflamme ; l'Entente Bouliste Sétoise ; la Lance Sportive ; le Syndicat d'Initiative ; la Société des jouteurs sétois Pavois d'Or ; la Pédale Sétoise : le Groupe Sportif Bancaire ; l'Union des Commerçants détaillants ; le personnel de la maison J. EUZET ; les Chantiers Généraux ; le Syndicat des ouvriers boulangers et leur drapeau ; le Conseil d'administration et le personnel de la Caisse d'Epargne ; la Compagnie du Gaz et Electricité ; la Compagnie des Tramways ; le Syndicat des marchands forains de Sète et des environs ; le Syndicat des patrons boulangers ; le Syndicat des représentants en farine ; le Syndicat des hôteliers et limonadiers ; la Société de secours mutuels des dames de la Halle ; le service du pilotage ; les cheminots catholiques ; les retraités civils et militaires ; la Chambre des Notaires ; le personnel des écoles libres St-Vincent, St-Joseph et Ste-Famille, le Réveil Sétois ; la Chorale mixte ; la Société de gymnastique La Sétoise ; les mutilés, combattants, veuves et descendants de la guerre ; les cheminots P.-L.-M. anciens combattants ; les retraités communaux ; les anciens combattants républicains ; les Médaillés Militaires ; les vétérans de 1870-1871 des armées de terre et de mer ; le groupe radical au complet ; les mutilés du travail ; la section S.F.I.O. ; le Comité républicain cu Commerce et de l'Industrie ; une délégation de la commission administrative de la Bourse du Travail ; les Jeunesses laïques ; les anciens élèves de l'Ecole pratique ; la communauté des Pêcheurs du Molle et de la Bordigue ; les employés d'octroi ; la Philarmonique et le Syndicat des douanes ; les Sauveteurs de Sète ; la Mutuelle Sainte-Eugénie ; l'Artisanat ; la Société de secours mutuels P.-L.-M. ; le Club Belmonte ; les Prévoyants de l'école laïque ; l'Union des sociétés de secours mutuels des Magasins Modernes ; la mutuelle des charretiers ; la Croix-Rouge ; le Comité du dispensaire d'hygiène sociale ; les Enfants de l'Aude ; l'Association des coiffeurs ; la Protection Mutuelle de Sète-Midi ; la Fraternelle des chemins de fer français ; le personnel de la maison Dubonnet ; la Société de secours mutuels des Enfants de l'Ariège ; l'Aveyronnaise ; la Mutuelle Espagnole Centro Iberico ; la Mutuelle des Enfants du Gard ; la Lozérienne ; la Mutuelle des Enfants du Tarn ; la Société de secours mutuels des employés de commerce et les dames déléguées ; les anciens militaires de terre et de mer ; le Conseil d'administration des hospices ; les docteurs et internes des hospices ; M. TORRE, directeur et les professeurs du Conservatoire, M. LABONNE, inspecteur primaire ; MM. les directeurs, directrices, instituteurs et institutrices des écoles communales ; Mme la directrice et les professeurs des cours secondaires ; Mme la directrice et les professeurs de l'école supérieure ; M. SIMON, principal du collège et les professeurs ; l'Association des Anciens élèves du collège ; M. ALTAIRAC, directeur de l'Ecole pratique et les professeurs ; M. le receveur principal et les inspecteurs des douanes ; MM. les officiers et les agents du service actif et sédentaire des douanes ; M. BRIGNONI, chimiste en chef des douanes ; MM. les receveurs de l'enregistrement et contrôleurs des contributions directes ; M. FAURE, inspecteur principal des Contributions Indirectes et une délégation importante de cette administration ; la Chambre de Commerce espagnole ; l'Harmonie que dirige, malgré un deuil cruel et récent son directeur, M. ROUSSET ; les élèves des écoles laïques et les orphelins des hospices ; les délégués des administrations communales de Montpellier et de Béziers ; la Chambre de Commerce ; la prud'homie ; les employés municipaux ; M. TRUCHINI, ingénieur en chef des travaux de la ville, Dr PRADAL, directeur du Dispensaire de Sète ; le Conseil municipal de la ville ; les agents de police porteurs de couronnes. Devant le convoi funèbre un drap d'honneur était tenu par les soeurs de nos établissements charitables. Les prêtres de toutes les paroisses étaient également présents, ayant à leur tête leur doyen, M. ESCANDE. Les cordons du poële étaient tenus par MM. SALETTES, député de l'Hérault ; H. MILHAUD, maire de Montpellier ; VIGUIER, président du Tribunal de Commerce ; BRISBARRE, lieutenant-colonel, commandant la place ; LAURENS, ancien maire ; VAILLARD, secrétaire général de la mairie.

Dans l'assistance

Le premier deuil, conduit par le frère du défunt, M. Joseph EUZET était accompagné par MM. le préfet LAMBRY ; TROCHELUT, chef du cabinet de M. Mario ROUSTAN, ministre de l'Industrie Publique et des Beaux-Arts ; PRATS, président de la Chambre de Commerce ; DESTARRAC, chef de cabinet du préfet de l'Hérault ; M. Honoré COMBES, neveu du défunt était accompagné de MM. François et Joseph PASCAL ; Guy et René COMBES, ses cousins. Dans l'assistance, nous avons remarqué MM. SOTTANO, directeur de "l'Information Méridionale", Robert AUDEMA, représentant de la direction et de la rédaction du "Petit Méridional" ; BROWN, vice-consul d'Angleterre ; NEMBERG, consul de Belgique ; commandant CUXAC ; Dr HERBER, médecin de la santé ; PICQUOIS, administrateur de la marine ; M. ORIOL, lieutenant de gendarmerie ; les officiers de la garnison ; BOY et BONNEVIALLE, commissaires de surveillance administrative ; d'ARNAUDY, commissaire de police ; PEYRUSSET et BLANC, chefs de gare de Sète P.-L.-M. et Midi ; MASSIA, sous-chef de gare P.-L.-M. ; l'HÉRITIER, chef de bureau principal. MM. DAGAN, professeur honoraire du Collège de Sète ; CAZES professeur à la Faculté de Montpellier ; MM. le Juge de Paix et DUMONT greffier ; les représentants du monde commercial, industriel et maritime et la foule anonyme de tous ceux qui avaient à coeur de rendre hommage à leur maire vénéré. Sur tout le parcours la population rassemblée salue avec émotion le cortège funèbre et devant l'église St-Joseph où doit avoir lieu la cérémonie religieuse, l'assistance est extrêmement dense. Tandis que l'Harmonie exécute l'intermède de "l'Arlésienne", le cercueil est posé dans la nef. M. BÉRAL prononce les paroles liturgiques que scandent les grandes orgues conduites par Mme Georges ARNAL.

Au Cimetière marin

C'est ensuite la marche vers le cimetière "Marin" où doit avoir lieu l'inhumation. Devant la porte principale, une estrade d'où s'élève un haut-parleur doit servir aux orateurs, après que la fanfare des pompiers eut sonné "Aux champs". M. ESCANDE, curé doyen prit la parole. Il rendit un dernier hommage à celui qui fut un homme de liberté, de tolérance et de loyauté, et dit avec une émotion difficilement contenue le dernier adieu du clergé et des institutions catholiques de la ville. Ce résumé correspond bien à ce qu'a dit le curé-doyen mais le texte complet (qui se trouve dans IME du 23.02.1931) est beaucoup plus "parlant" sur la personnalité du défunt et, surtout, sur ses sentiments vis-à-vis de la religion et des catholiques. On comprend, du coup, que le PM n'ait pas tenu à reprendre l'intégralité de ces paroles :

"Avant que la dépouille mortelle de M. Honoré EUZET, maire de la ville de Sète et officier de la Légion d'honneur, soit mis au lieu du repos, je veux comme représentant du clergé et des institutions catholiques de Sète, rendre un dernier hommage à la mémoire de celui qui a été particulièrement un homme de liberté, de tolérance et de loyauté. Je ne parlerai pas de son rôle politique et de sa capacité administrative. D'autres l'ont fait avec éloquence, et je suis particulièrement incompétent sur des questions qui sont en dehors de mon ministère. Mais je relèverai chez M. Honoré EUZET, le sentiment de la liberté qui a inspiré toute sa vie. Il avait l'âme du combattant, et à un âge déjà très avancé, il affirmait que le combat pour soutenir et défendre ses opinions politiques et sociales, ne lui portait aucune peine. Mais il admettait puisque ce combat existait, la liberté d'autres idées et d'autres systèmes. Il avait l'intelligence et le sentiment de la liberté. Lorsque je fus obligé un jour, de descendre dans l'arène des discussions philosophiques, et de défendre l'idée de Dieu qui a inspiré toute ma vie de prêtre, il m'affirma son estime en me sisant : Vous êtes aussi un combatif ; vous défendez vos idées et vous les placez sous l'égide de la raison, en vous servant du bouclier de la liberté. Je vous félicite d'y mettre tout votre esprit et tout votre coeur. M. Honoré EUZET était aussi un homme de grande tolérance. Il comprenait le rôle de la religion dans la société. C'est à son large esprit que nous devons d'avoir conservé les Petites Soeurs de l'Assomption, qui ont adopté le pauvre et l'ouvrier comme de véritables mères, et la lettre qu'il écrivit pour les défendre et qui fit le tour de la France entière, est encore dans toutes les mémoires. Il a traité avec respect, avec bienveillance, les Filles de la Charité qui, dans notre ville, portent si haut le drapeau du dévouement et de l'abnégation. Lorsque Monseigneur l'évêque de Montpellier vint bénir la première pierre de la chapelle du Lazaret catholique, et un an après, la chapelle elle-même, M. EUZET vint s'associer à la joie du clergé et des religieuses de l'hôpital, montrant de plus, à notre évêque, ce qu'était un grand esprit doublé d'un grand coeur. Pour moi, je ne rappellerai pas sans émotion la part qu'il m'a donné dans les manifestations patriotiques qu'il avait organisé. C'est à lui que le curé-doyen qui vous parle, doit d'avoir représenté la ville, avec M. FOUILHÉ, le très aimé conseiller municipal, à Longuyon, lors de la remise de la croix de guerre à cette ville martyre ; d'avoir parlé dans les grandes circonstances de notre vie nationale et d'avoir entendu de ses lèvres : Vous êtes ici l'artisan de l'union sacrée, le prêtre ami du peuple et le défenseur de toutes les causes sacrées ! Je le remercie en ce moment, de m'avoir donné ce témoignage qui m'a valu de la part de vous tous, Messieurs et mes frères, une estime et une affection dont je sens plus que jamais le prix. M. Honoré EUZET, homme de liberté et de tolérance, a été aussi un homme de loyauté. Cela n'est pas étonnant. Il avait, dans sa nature, quelque chose d'autoritaire et d'indépendant. Esprit très cultivé, lisant non pas les petits livres ou les petits romans à la mode, mais des ouvrages de premier plan, les grandes revues, telles que la Revue des Deux-Mondes, rompu à toutes les nuances du droit administratif et des questions sociales, il se forgeait ses propres idées, sa propre conduite, et marchait dans les grands chemins du monde moderne avec une loyauté qui n'avait pas lieu de surprendre chez une âme aussi droite. Je l'entends encore au cimetière Le Py, au premier anniversaire de l'Armistice, devant le monument des morts : Je suis convaincu, et je vous le dis en toute franchise, de l'immortalité de l'âme. Certes, ajoutait-il, cette immortalité jaillit d'elle-même des tombes du cimetière ; mais elle s'affirme, lorsque nous parlons de nos héros. Non, ils ne se sont pas effondrés tout entier, dans les fleuves de sang ou dans les chemins de la mort à la frontière ; leurs âmes sont au-dessus de nous et nous parlent ! Il a regardé la mort en façe et a envisagé les mystères de la vie future avec la loyauté d'un PASCAL et la vision d'un BOSSUET ! J'ai eu ses dernières confidences. Je puis vous assurer que l'une des grandes consolations de ma vie est, à l'heure présente, d'avoir vu cette âme donner aux derniers moments de sa vie mortelle, les conclusions et les solutions pratiques qui sont dans le coeur et sur les lèvres des âmes loyales ! M. EUZET est mort aussi, en bon chrétien ; il a courbé sa belle tête sous la bénédiction du prêtre à qui il donnait et je suis fier de le dire, le nom d'ami. Mon amitié lui est acquise plus que jamais ! Quelle grande leçon il nous donne ! Messieurs et mes frères, ne l'oubliez jamais ! Ayez comme lui, le sentiment de la liberté ! Ayez la tolérance qui sait supporter les idées qui ne sont pas les vôtres ! Soyez des hommes de loyauté et de devoir, comme notre cher disparu. Notre société a besoin d'union, d'amour, d'amour surtout pour les pauvres, pour les ouvriers, pour le peuple. L'avenir de notre France, et surtout de notre chère ville de Sète sera beau, grand, magnifique, si nous savons nous aider et nous aimer, comme nous le dit notre regretté maire, du fond de son cercueil. Pour moi, Messieurs et mes frères, tant que j'aurai un souffle de vie, je garderai ces enseignements, et je confirmerai l'oeuvre de paix, de concorde et d'amour, qui a été l'oeuvre de M. Honoré EUZET et de ses collaborateurs dans l'administration de notre chère cité !"

Les discours

Le discours de M. ROM, 1er adjoint

Si dans la vie, dit M. ROM, il est des devoirs difficiles et pénibles à accomplir, c'est bien le cas pour lui, aujourd'hui, puisqu'au nom de la Municipalité, du Conseil Municipal et des employés municipaux, il a la triste mission d'adresser un dernier adieu à l'homme respecté, aimé et estimé qu'on accompagne, aujourd'hui, à sa dernière demeure, le citoyen EUZET, maire de la ville de Sète. Le ville de Sète est en deuil et la perte qui l'atteint en la personne de son premier magistrat ne la frappe pas seule. Le département tout entier et tous les Républicains du Midi la subissent et l'éprouvent avec elle. Honoré EUZET avait été un de ces jeunes hommes généreux qui apprirent à désirer la République sous l'Empire ; République qu'il voulait voir parée de toutes les splendeurs d'un idéal et de toutes les beautés. Il avait grandi dans un milieu où la droiture était traditionnelle et où s'entretenait une grande foi démocratique sous un régime vicié dans son origine par l'usurpation, il s'était voué au service de la Liberté et du Droit. Lorsque l'Empire s'écroula, ses convictions politiques s'étaient depuis longtemps formées en lui. Il rappelle les états de service de M. EUZET et son oeuvre, qui survivra à celui qui tombe comme il a vécu, c'est-à-dire en beauté, gardant dans la mort le calme et la sérénité des belles âmes. Comme citoyen maire de la ville de Sète, son nom respecté passera à la postérité. Tels les chefs glorieux, il tombe lui-aussi au champ d'honneur dans l'exercice de ses fonctions. Douloureusement ému, je m'incline, collaborateur fidèle, devant la dépouille mortelle de ce cher disparu que nous pleurons tous comme on pleure un membre de sa famille. Sa famille dont il partageait les joies de l'existence, son frère et tous ceux qu'il aimait, à qui j'adresse également l'expression de notre affectueuse sympathie. Au nom de la ville de Sète, au nom du Conseil Municipal tout entier et des fonctionnaires municipaux, je salue l'homme d'honneur qui, sa vie terminée, va jouir du calme de l'Eternel. Cher maire et ami, c'est guidé par ton exemple que nous continuerons la même tâche, jusqu'au jour où, à notre tour, nous irons te rejoindre dans le lieu où l'on ne se quitte plus. Cher maire et ami, encore une fois, adieu.

Le discours de M. Jean PRATS, président de la Chambre de Commerce

Sète, dit M. Jean PRATS, dans un élan unanime, fait d'émouvantes et grandioses funérailles au plus illustre de ses concitoyens. La Chambre de Commerce se devait de s'associer à cette manifestation de gratitude et d'apporter par la voix de son président l'hommage de son profond respect à la mémoire de celui vers qui vont, en ce jour de deuil, les regrets de la population sétoise tout entière. A cette heure solennelle, le sentiment personnel de profonde tristesse qui m'étreint doit s'effacer en présence du devoir que m'impose ma fonction. Prenant la parole au nom de la Chambre de Commerce, je voudrais me défendre de m'adresser à l'ami personnel, dont la perte m'afflige, pour ne saluer que l'homme public en offrant à sa mémoire l'hommage des milieux commerçants et industriels que je représente. Après avoir dit que la Chambre de Commerce, dans toutes les manifestations de son activité, a toujours trouvé auprès du premier magistrat de la ville de Sète un appui utile, un concours efficace, et qu'aucun des problèmes qu'avait à traiter cette Chambre ne lui était indifférent, M. Jean PRATS ajoute que par ces échanges de vue constants s'est affirmée l'étroite solidarité qui unit la Chambre de Commerce à la Municipalité. Cette solidarité, il a pu la constater au cours d'un dernier entretien qu'il eut avec M. Honoré EUZET, quelques jours avant sa mort, en soumettant à sa haute compétence le point de vue de la Chambre de Commerce sur une question économique dont l'actualité occupe l'opinion publique. M. le président de la Chambre de Commerce rappelle que le défunt voulut passionnément être le chef de la Cité, puis remplit fidèlement ce rôle, et que lorsque les mouvements politiques l'écartèrent momentanément de sa fonction, il employa ces trèves à cultiver ses connaissances, à développer ses qualités de chef, mais en conservant toujours pour objectif l'édilité. Son ardeur combative le désignant nettement pour les plus hautes fonctions, il sut résister à toute pression tendant à le porter sur un autre champ d'action que celui qu'il avait choisi. L'acceptation d'un autre mandat était incompatible avec l'idéal qui le dominait : vivre intensément dans la ville qu'il chérissait, dont il aimait les sites. Mais cet amour des choses se doublait d'une affection profonde des êtres. Au milieu de la population laborieuse de la Cité, auprès de ce prolétariat dont il voulait si ardemment le bien-être, M. Honoré EUZET était dans son élément. Fort de cet idéal, il voulut n'être que le maire de Sète, mais il le fut dans le sens le plus pur, le plus élevé. L'éminent président de la Chambre de Commerce termine son discours, dont nous ne pouvons à notre plus grand regret que donner une faible analyse, en disant que le joie de la vie du maire de Sète aura été de pouvoir poursuivre son oeuvre sans que l'âge, qui épargnait son merveilleux organisme, ait prise sur ses facultés intellectuelles, car sans cesse il les enrichissait. Ainsi, Honoré EUZET est enlevé trop tôt à l'estime de toute la Cité, à l'affection des siens, de son frère qui fut si intimement et si fidèlement son meilleur ami. Au nom de la Chambre de Commerce, M. PRATS salua, dans un dernier adieu, le grand citoyen que fut Honoré EUZET.

Le discours du Docteur CRÉMIEUX

A son tour, le docteur CRÉMIEUX, adjoint au maire, prend la parole : messieurs, C'est le coeur empreint d'une tristesse profonde que je viens après mon bon ami ROM, premier adjoint au maire de Sète, qui s'est fait l'interprète officiel des sentiments unanimes du Conseil municipal, apporter à mon tour, au nom de tous les amis d'Honoré EUZET, de tous ceux qui l'ont connu, qui l'ont apprécié, et qui l'ont aimé, l'hommage admiratif de notre pieuse reconnaissance à celui qui fut conseiller d'arrondissement, conseiller général, 5 fois conseiller municipal et 7 fois maire de Sète. La caractéristique essentielle de la personnalité d'Honoré EUZET fut toujours une soif avide d'indépendance et de liberté à laquelle se joignait un amour passionné de la justice. M. le docteur CRÉMIEUX retrace la vie politique de M. Honoré EUZET, qui, à l'âge de 22 ans fut le secrétaire du Comité Jules SIMON, et en 1870, les républicains ayant déjà ébranlé un régime exécré, le voilà secrétaire du Comité antiplébiscitaire. Toujours sur la brèche, la guerre qui devait balayer le trône impérial, l'envoya à la défense de la patrie en danger, sous les murs de Paris. Il vient les heures tragiques de la Commune et sitôt proclamée, la République qu'il jugeait chancelante, il milite avec toute l'ardeur de son coeur généreux pour la consolider. Le 4 novembre 1877, M. Honoré EUZET fut élu conseiller d'arrondissement de la ville de Sète. Il fut élu pour la première fois maire de la ville de Sète, le 8 septembre 1895. Aucun de ses adversaires politiques - car des ennemis cet homme de bien n'en avait pas - n'osa effleurer sa probité, sa droiture et son honnêteté. Il était un de ces hommes dévoués à la chose publique. C'est pourquoi, son administration fut toujours empreinte de la plus grande sollicitude pour les malheureux, pour les faibles, pour les opprimés à qui il apportait sans cesse les trésors inépuisables de son altruisme et de sa bonté. Certes, il eut de grandes joies de se voir accorder de justes et légitimes satisfactions, parmi lesquelles celle d'un vote unanime du Conseil municipal qui donnait à une des principales artères de notre ville, le nom de rue Honoré-EUZET. Adieu, cher mort que nous avons aimé. Mais cependant, chez vous, mon cher maire, tout n'a pas disparu. Et si la Parque a tranché le fil de vos jours. Si la déesse de la mort a porté sur vous le tranchant de sa faux meurtrière vous demeurez vivant dans nos coeurs et dans nos esprits. A présent, oh vous tous chers amis, qui êtes réunis autour du cercueil d'Honoré EUZET, en lui adressant en votre nom le dernier et solennel hommage, recueillons-nous pour communier dans son souvenir, et ensuite mettons-nous au travail pour réaliser ses suprêmes espérances. Au nom de tous, adieu, maire respecté ; adieu, affectionné ami ; adieu.

Le discours de M. SALETTE, député

Au nom de la représentation parlementaire de l'Hérault, qui en apprenant la fatale nouvelle a ressenti la perte cruelle qu'éprouvait la ville de Sète en la personne de son premier magistrat, plus particulièrement au nom de notre éminent compatriote M. le sénateur Mario ROUSTAN, Grand Maître de l'Université, retenu à Paris par les charges de ses hautes fonctions ; en mon nom personnel, à la mémoire de celui dont l'amitié m'honorait, j'ai l'impérieux devoir d'apporter à la famille d'Honoré EUZET, l'hommage éploré de mes vives sympathies, comme à la Municipalité et au Conseil Municipal, le témoignage des regrets que fait naître en nos coeurs la brutale disparition du chef vénérée de notre cité. Le député SALETTE retrace lui aussi la vie si bien remplie du défunt, il rappelle son ardeur au travail, son penchant naturel vers les productions littéraires et scientifiques, sa délicatesse de sentiments et ses grâces de l'esprit. D'instinct, de race, il voulut la République incontestée et incontestable dit-il, et avec MONTESQUIEU, il lui donnait comme ressort La Vertu. Il eut pour sa chère ville natale, les légitimes et grandes ambitions que l'on sait. Par delà la mort, c'est son testament suprême, d'autres le réaliseront. Notre député rappelle un souvenir qu'il a gravé tout au fond de son coeur. Il y a 35 ans dit-il, lors d'une distribution de prix au collège, j'eus l'insigne privilège de recevoir des mains de M. Henri EUZET(le journaliste a écrit par erreur Henri au lieu d'Honoré) un des prix d'honneur que la ville accordait à ceux pour qui le sort des examens avait été favorable. M'ayant interrogé sur ma modeste origine, il laissa tomber de ses lèvres le précieux encouragement : Travaillez encore et davantage, la Démocratie vit et s'élargit par les élites qui lui viennent du peuple. Bien des jours ont passé et avec eux sont venues les épreuves et les déceptions, elles n'ont pas ébranlé la foi et la volonté du disparu qui poursuivit sa tâche avec la plus grande énergie jusqu'à la fin de ses jours. Oublier de si beaux enseignements serait impie et si la mort, cette grande individualiste qui règle notre compte à tous et brise sur l'angle dur des tombes les fragilités terrestres elle en permet du moins la reconstitution au sein du souvenir. Et le votre mon cher Maire combien il nous sera consolant et doux. Votre cité natale l'a déjà pieusement enclos dans l'urne sacrée de son passé, pour l'offrir magnifiquement aux générations à venir.

Le discours de M. TROCHELUT

Le chef de Cabinet représentant M. Mario ROUSTAN, ministre de l'Instruction Publique, s'exprime en ces termes : "Au nom du ministre de l'Instruction Publique, je viens adresser un suprême adieu au maire de Sète, M. Honoré EUZET, au grand citoyen qui a servi magnifiquement sa ville natale, au républicain dévoué qui est resté, à travers sa longue existence, fidèle à l'idéal qui avait illuminé sa jeunesse et qui a réchauffé de sa flamme une vieillesse restée, jusqu'à ce jour, robuste et invincible. Quand le télégramme funèbre est arrivé rue de Grenelle, M. le ministre de l'Instruction Publique a convoqué ses collaborateurs devant la dépêche ouverte sur son bureau, dans le vaste cabinet ministériel où nous le voyons mener son existence laborieuse, il nous a dit, la voix étranglée par l'émotion, combien cette perte imprévue lui était douloureuse. Il nous a rappelé toute la vie de M. Honoré EUZET, vouée à l'accomplissement du devoir, les luttes de jadis soutenues côte à côte et son regret profond de ne pouvoir partir lui-même, de ne pas accompagner l'ami très cher, jusqu'au tombeau, de ne pas le suivre dans ce cimetière marin, que son camarade de collège et ami, Paul VALÉRY, a célébré en vers immortels. Chargé par le Gouvernement tout entier de présider aujourd'hui une cérémonie où les combattants volontaires de tous les peuples, accourus des quatre coins du monde au secours de la patrie, s'uniront dans le sentiment toujours vibrant des souffrances passées et dans l'espérance toujours ardente d'un avenir de paix et de fraternité, M. le ministre de l'Instruction Publique a dû renoncer à accomplir un triste et fraternel devoir. Du moins a-t-il voulu qu'un de ses collaborateurs les plus immédiats vint prendre la place qu'il ne pouvait lui-même occuper, et l'a-t-il chargé de répéter en son nom ces paroles dictées par son affection envers celui que la cité pleure en ce jour de deuil. "Adieu mon cher maire ; adieu mon cher ami, je viendrai bientôt moi-même sur votre tombe m'incliner et vous apporter l'hommage silencieux de ma vénération. Que mon chef de Cabinet soit, pour aujourd'hui, mon interprète, et qu'il vous salue, ô vous que je ne verrai plus jamais comme on salue l'ami qui s'en va, mais dont la mémoire restera à jamais vivante dans le plus profond de notre coeur. Adieu, Honoré EUZET, le ministre de l'Instruction Publique et le Gouvernement vous adressent avec une émotion douloureuse l'adieu auquel ont droit les âmes généreuses et les coeurs vaillants. Adieu."

L'adieu du Préfet

Enfin, voici l'adieu du Préfet. Il rappelle qu'il y a un an à peine, cette même foule était rassemblée pour rendre hommage à la mémoire de son jeune député Adolphe MERLE, mort au début même de sa carrière politique pleine d'espérance et d'avenir. Aujourd'hui, dans un même sentiment d'affliction, c'est à son vieux maire, M. H. EUZET, que la population sétoise apporte son adieu d'unanime gratitude pour une longue existence de devoir et de dévouement désintéressé à la Cité et à la démocratie sétoise. Le Préfet dit combien étaient cordiaux ses rapports avec le maire de Sète, dont il avait à de maintes occasions apprécié les grandes qualités, faites de bonté rayonnante pour les humbles, de tempérament ardent et de coeur généreux. L'Administration départementale, dont il fut si longtemps l'utile collaborateur, lui gardera, comme sa ville natale, un souvenir reconnaissant et fidèle.


Sur le point de terminer ce bien pénible compte rendu, car nous avions dans ce journal une particulière affection pour l'honorable Honoré EUZET, nous n'aurions garde de signaler combien fut en tous points parfaite l'organisation et le déroulement de l'imposant cortège, ce qui nous mène à adresser, au nom de tous, nos félicitations à ses ordonnateurs, parmi lesquels M. François MARTIN, chef du Secrétariat de la Mairie."


La succession


Le 16.03.1931, le PM annonce les résultats des élections municipales complémentaires. Les deux candidats socialistes SFIO sont élus au premier tour, Me ESCARGUEL, avocat, avec 2524 voix et GAVINI, contrôleur des douanes, avec 2524 voix, loin devant les candidats des autres mouvements : la liste républicaine radicale et radicale socialiste, la liste républicaine socialiste, la liste démocratique populaire et la liste communiste. C'est ROM, premier adjoint faisant fonction de maire qui déclare ESCARGUEL et GAVINI élus. Le dernier acte est encore donné par le PM du 23.03.1931 : au conseil municipal du 22, Gaston ESCARGUEL est élu maire de Sète par 17 voix contre 13 à son seul concurrent, le docteur CRÉMIEUX. Le PM souligne que "M. ESCARGUEL est à peine âgé de 28 ans". C'est la fin de partie pour les radicaux-socialistes.

Gaston ESCARGUEL, nouveau maire de Sète
(Le petit Méridional - 23.03.1931)





Honoré EUZET : Clin d'oeil final




Buste de profil d'Honoré EUZET au jardin du Château-d'Eau
(photo J.C.E., le 26.09.2017, à Sète)

Un clin d'oeil pour terminer : on sait que les pharaons de l'Égypte ancienne faisaient apposer leurs sceaux ou leurs noms sur les monuments élevés pendant leur règne et on sait aussi que leurs successeurs faisaient souvent marteler les cartouches comprenant leurs noms, de façon à ce que les gloires passées ne leur fassent pas de l'ombre. Toute proportion gardée, c'est probablement ce qui s'est passé pour notre maire de Sète qui avait fait inscrire son nom dans un écusson au plafond du foyer du théâtre. On s'en est aperçu lors de la restauration de l'édifice (octobre 2011-septembre 2013) : "Les restaurateurs ont fait ressurgir au plafond du foyer, sous un ancien badigeon, un écusson marqué du nom d'Honoré EUZET, Maire de Sète à l'origine de la construction du théâtre. Il a retrouvé une parfaite symétrie avec l'écusson d'Antoine GOUR, l'architecte du théâtre." (Thau Agglo)



L'écusson marqué au nom d'Honoré EUZET
(retrouvé lors de la restauration du théàtre)
( Thau agglo)

D'une certaine manière, ce théâtre (à qui on a donné le nom de MOLIÈRE en 1983) est comme la pyramide de son règne. Il ne fallait pas que d'autres se lancent dans cette aventure alors qu'ils n'avaient pas de grands desseins. Il fallait que cette oeuvre soit grande, qu'elle soit belle, qu'elle soit unique (d'où son prix final, ce qui n'a pas manqué de lui être reproché). Bref, on a bien l'impression que ce théâtre est son oeuvre maîtresse. De fait, la postérité ne l'a pas démenti. L'édifice est classé à l'Inventaire des Monuments historiques depuis 2003. Cette même année, il est devenu patrimoine intercommunal, sous la responsabilité de Thau Agglo : "Vaisseau amiral de la culture du Bassin de Thau et fleuron architectural" lit-on sur le site de l'agglomération qui titre sur l'histoire du théâtre : "Un bien commun ... hors du commun".






Notes


1/ Livres qui tracent le portrait d'Honoré EUZET

- "Maire de la ville de Cette depuis le 8 septembre 1895. Conseiller général. Secrétaire du Comité Jules SIMON aux élections législatives de 1868. Secrétaire du Comité Antiplébiscitaire du 8 mai 1870. Administrateur du Bureau de Bienfaisance pendant quatre ans. Délégué cantonal à l'Instruction publique de 1874 au 12 mars 1900, soit vingt-six ans. Délégué en sa qualité d'adjoint, en 1884, durant la terrible épidémie cholérique, à l'hygiène, organisa et présida la distribution des secours médicaux de jour et de nuit. Secrétaire des Comités de résistance, durant les deux périodes dites de l'Ordre-Moral, 1874 et 1877. Conseiller municipal du 24 mai 1872 au 25 décembre 1874. Conseiller d'arrondissement depuis le 4 novembre 1877 jusqu'au 22 juillet 1883. (Seul candidat républicain sous l'Ordre-Moral.) Vice-président du Conseil d'arrondissement pendant 6 ans. Conseiller municipal du 6 janvier 1878 au 1er septembre 1878. Conseiller municipal et adjoint au maire du 22 juin 1884 au 12 mai 1888. Conseiller municipal du 13 mai 1888 au 30 avril 1892. Conseiller municipal du 19 juillet 1894 au 20 décembre 1894. Conseiller municipal du 3 février 1895 au 6 septembre 1895. Maire du 8 septembre 1895 au 14 mai 1896. Maire du 15 mai 1896 au 6 mai 1900. Conseiller général le 31 juillet 1898. Maire du 7 mai 1900 au 1er avril 1901. Chevalier de la Légion d'honneur. [Source : Dictionnaire biographique de l'Hérault (Flammarion, 1904)]"

- "Républicain sous le 2e Empire, conseiller municipal de Sète, il est élu maire le 8 septembre 1895 sur le programme du Parti ouvrier français, réélu en 1896 et en 1900. En fin 1901, en conflit avec le P.O.F. (il refuse de donner aux ouvriers la clé de la Bourse du Travail qu'il a fait construire), il démissionne et sera battu par MOLLE, à qui il reprend la mairie de 1908 à 1912. Il est à nouveau élu maire en 1919 et le restera jusqu'à sa mort. Il a été maire pendant 7 mandats et 24 ans et conseiller général pendant 33 ans. C'est sous son mandat qu'ont été construits l'Ecole de commerce, le (futur) lycée Paul VALÉRY, le Théâtre municipal, la Bourse du Travail, les bains-douches, la route de Sète à Agde, etc. Dès 1927, de son vivant, son nom est donné à la rue Nationale de la ville (Guy BARRAL). Dict. biog. de l'Hérault. Flammarion pp. 370 à 371, avec portrait - A. DEGAGE. Les rues de Sète, 1988. [Source : Dictionnaire de biographie héraultaise, Volume 1 (Pierre CLERC)]."

- " Né et mort à Cette (Hérault) 13 mars 1846 - 19 février 1931, courtier en grains, militant républicain et socialiste de l'Hérault. Il était le fils d'un tonnelier. Ses luttes contre l'Empire lui valurent d'être secrétaire du comité antiplébiscitaire en mai 1870. Il combattit l'ordre moral et fut, pour longtemps, élu conseiller municipal de Cette en 1872. De 1884 à 1888, il fut adjoint au maire. De 1877 à 1883, il siégea au conseil d'arrondissement et fut vice-président de cette assemblée. En 1895, il rentra au conseil municipal sur le programme du P.O.F. et devint maire, du 8 septembre 1895 au 1er avril 1901. A la fin de 1900, il quitta le P.O.F. Il reprit l'écharpe de maire de 1908 à 1912 et de 1919 à sa mort". [Source : Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, publié sous la direction de Jean MAITRON. Tome 12, 3ème partie 1871-1914. Les éditions ouvrières (1974) ; source : Cl. WILLARD, Les Guesdistes]

- "(...) Militant républicain et socialiste. Ses luttes contre l'Empire lui valurent d'être Secrétaire du Comité antiplébiscitaire en mai 1870. De 1877 à 1883, il siège au Conseil d'Arrondissement et fut Vice-Président de cette assemblée. Il est élu conseiller Municipal, le 18 mai 1888, dans l'équipe qui portera AUSSENAC au poste de Maire. Il est élu Maire, le 8 septembre 1895. Il sera reconduit dans ses fonctions lors de l'élection du 3 mai 1896. Aux élections municipales du 8 mai 1900, il est une nouvelle fois reconduit comme Maire. Il quitte le Parti Ouvrier Français (POF) à la fin de 1900. Depuis 1927, une rue de Sète porte son nom." (Biographie établie par Jacques BLIN dans le Dictionnaire du mouvement Ouvrier Cettois puis Sétois - 1789-1950 ; Source : Nomenclature des administrations Municipales de la Ville de Sète, par Hilaire MOURET, aux Archives Municipales de Sète et Les Guesdistes, par Claude WILLARD, p. 622)" Voir sur le site de Jacques BLIN :
Les maires de Sète, de 1685 à 2008

- "(...) il est secrétaire du Comité Jules SIMON aux élections de 1868, du Comité Antiplébiscitaire du 8 mai 1870 et des Comités de Résistance durant l'Ordre moral (1874-1877). Sur le plan municipal, il est élu conseiller en 1872 et en 1878, 2e adjoint en 1884, année durant laquelle il se dépense lors de l'épidémie de choléra qui sévit à Sète. Réélu en 1888, il démissionne deux ans plus tard. A la démission du maire SCHEYDT, il est élu maire le 8 septembre 1895 sur le programme du Parti Ouvrier Français, réélu en 1896 et 1900. Or, fin 1901, en désacord avec le P.O.F., refusant de donner les clés de la Bourse du Travail qu'il a fait construire aux ouvriers, il laisse ce parti et démissionne une nouvelle fois de la mairie qu'il reprend à Jean l'HEUREUX MOLLE de 1908 à 1912. Battu par Maurice LAURENS, EUZET est encore élu maire le 3 novembre 1919 et décédé en fonction, à 85 ans (1931) après une carrière politique d'une soixantaine d'années, sept élections à la magistrature de la ville, les mandats de vice-président du Conseil d'arrondissement (1877-1883) et de conseiller général (élu en 1898). (...)" (Source : Les rues de Sète, par Alain DEGAGE - Mairie de Sète, en 1988)

- " (...) Les personnages qui ont joué un grand rôle à Sète étaient si evidemment connus de leurs contemporains qu'il est parfois difficile, après coup, de reconstituer leur parcours. Ainsi de Honoré EUZET dont une des grandes rues de la ville porte le nom et dont on trouve un buste au jardin du Château d'eau. Honoré EUZET qui marqua de son empreinte la cité après une action politique sur 56 ans (1875 1931) pourrait être mieux connu que par ce que peuvent livrer les sources les plus accessibles. Peut-être un historien avec plus de temps que celui qui tient la plume pourrait-il aller au delà des données dont on dispose couramment. (...) Le numéro de l'Information méridionale évoquant sa disparition (21 février 1931) signale qu'il avait réduit son activité commerciale (...) Sous le Second Empire (1852-1870) il fut un républicain avancé (...) en 1877 un des animateurs du comité de résistance à l'Ordre Moral (...) Conseiller municipal, il devient maire pour la première fois à 46 ans en 1885. Auparavant, il aura tenté de mettre ses idées généreuses et son action en accord. En 1884, adjoint à l'hygiène, il oeuvra pour porter secours aux victimes du choléra. Il sera président du bureau de bienfaisance pendant quatre ans. Maire, il s'entremet dans les conflits sociaux, comme en 1898 dans une grève de portefaix du port, en 1901 pendant une grève parmi les ouvriers boulangers. (...) dota la ville de tramways électriques, favorisa les adductions d'eau, la construction d'écoles (Paul Bert, Victor Hugo, Renaissance), fit construire le théâtre, ouvrir la route d'Agde et fit édifier la Bourse du Travail. Honoré EUZET, simple, bon et droit, se dévoua à sa ville au point qu'en 1927, reprenant un voeu émis pendant la Révolution, fut à l'origine du changement de graphie du nom de la ville. Ainsi donc, il fut un vrai et authentique Sétois." (Source : Histoire(s) de Sète, des Sétois et de quelques autres ... d'Hervé LE BLANCHE ; éditions : Nouvelles Presses du Languedoc, en ? - à compléter)

2/ Bibliographie

- La station zoologique de Cette, par Louis CALVET (sous-directeur de la station zoologique de Cette), en 1905 (travaux de l'Institut de Zoologie de l'Universiité de Montpellier - 2ème série, mémoire n° 15) ; réédition par les Editions LACOUR, en 2001.

- Le port de Cette (Cette et le bassin de l'étang de Thau), en 1918, par la Chambre de commerce de Cette ; Lyon, imprimerie A. REY, 4, rue Gentil.

- Sète, en mars 1967, par la ville de Sète, dans le cadre de la commémoration du tricentenaire de la fondation de son port ; presses de la SOCEDIM, société d'édition et d'impression de la Méditerranée, 21, cours d'Estienne d'Orves, Marseille 1er.

- Histoire de Sète, sous la direction de Jean SAGNES, éditions Privat, 1987 et rééditions.

- Souvent Sète varie - Métamorphose du nom et des armoiries, par Louis Paul BLANC - Imprimerie Filigrane, à SQète - 3ème trimestre 1988.

- Sète appassionata de Yves MARCHAND - Presses du Languedoc - février 1989.

- Sète quartier par quartier de Philippe FASSANARO et Robert GORDIENNE - 01.11.2012, éditions du Dauphin vert, à Sète.

- De Cette à Sète - 350 ans, naissance d'un port et d'une ville - Hors-série du Midi Libre - Août 2016.



"Etre créatif nécessite d'avoir du temps, ainsi que le droit à l'errance maîtrisée et à l'erreur" (Nicolas GOMPEL et Benjamin PRUD'HOMME, Généticiens, dans un article du Monde - Science et Médecine, du 19.03.2012, intitulé : Dans les cuisines de la recherche.)

"Le pouvoir se trouve ici limité par le sens de l'histoire qu'une collectivité imprime, qu'un homme peut infléchir mais qu'il ne saurait bouleverser. Les décisions d'un maire en matière d'urbanisme marquent définitivement le paysage de la cité. La conscience de ce pouvoir sur le cadre de vie de ses concitoyens rend humble et prudent. Et plus les projets sont importants, plus le doute grandit, mais plus la détermination est forte car il y a ceux qui bâtissent et ceux qui attendent des jours meilleurs. Le pouvoir n'est conféré aux élus que pour qu'ils l'exercent pleinement et qu'ils en rendent compte. (...)" [Yves MARCHAND (maire de Sète de 1983 à 1996), pp. 148-149 de Sète appassionata, en février 1989]


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