Le village de Souvignargues
(Saint-Etienne-d'Escattes, à Souvignargues) 1/ La présentation du lieu.
Souvignargues est à 23 km de Nîmes, 42 km de Montpellier, 30 km du Triadou et
30 km d'Assas. 2/ Etat des connaissances
Des actes notariés, des XIIIe et XIVe siècles permettent une première approche du mas
d'Euzet (de Euzeto) situé dans la paroisse de Saint-Etienne-d'Escattes (aujourd'hui dans la commune de Souvignargues).
Souvignargues et Saint-Etienne-d'Escattes
(plan dans la Gazette de Montpellier)
n° 1241, du 29.03. au 04.04.2012
a) Le mas d'Euzet en 1242
L'an de notre seigneur 1242, le 17 des calendes de mai, sous le règne de Louis, roi des Francs, moi, Pierre
BOISSIAT, prévôt de l'église Notre-Dame de Nîmes, je concède et je remets, sans ruse et en
toute bonne foi, en mon nom et en celui de mes successeurs, le manse d'Euzet et toutes les terres cultes et incultes qui en
dépendent, dans le tènement de Souvignargues et de Saint Etienne d'Escatte où sont lesdites terres. je
le remets à toi, seigneur de Casellis et de Souvignargues et aux tiens, en en exceptant les soldats, les clercs et
les églises qui y sont présents. Moyennant quoi, je reçois de toi un sens de 40 sous, ayant cours, et
je recevrai cette somme tous les ans, à la fête Saint Michel. Et afin que cet honneur ne puisse être
divisé et qu'il soit toujours possédé par le même possesseur, le cens de ce manse a
été fixé à ce prix pour deux ans. Par ailleurs, il est précisé que je pourrais
toujours occuper ce manse de ma propre autorité, en mon nom et au nom de l'église de Nîmes, sans devoir
passer par aucun jugement. Moyennant quoi, moi, et en mon nom ladite église de Nîmes, par l'autorité
que j'ai de conférer les biens de l'église de Nîmes, je te concède ce manse, afin que tu en prennes
possession, et je te promets que je n'ai rien fait ou dit, et que je ne fais ni dis rien contre toi. Je reconnais avoir
reçu de toi 10 sous d'avance. Furent présents : G. archidiacre - R. sacriste - R. recteur - R. prieur du
cloître - Raymond, ? prêtre - Bertrand, palatin dudit lieu d'Euzet. Ceci a été conclu audit lieu
d'Euzet, entre les fêtes de Saint Martial et de Saint Benoît. Furent présents le chancelier de SALVABERI,
de FUGUNGA, prieur convers, Jean de MONTELAURO, Benoît AMALRICI, R. de SAINT NAZAIRE, Bertrand GRONCTOS, R. PALZONUS,
prieur, Pierre de GALLARGUES, prieur de Saragosse, et tout le chapitre et les chanoines de l'église de Nîmes et
moi qui ai décrété que tout cela soit observé à l'égard de toi, ledit ? de
CASELLIS. Les témoins sont : Pierre de CARTO, Guillaume de CLARENSAC, Raymond, clerc, Guillaume, prêtre,
Guillaume CHARBANDUS, et moi, Pierre MANDOLIO, notaire public qui ai écrit cet acte.
Le mas d'Euzet en 1242
Les noms propres du texte de 1242 sont difficiles à lire et leur traduction proposée est transitoire.
Un contrôle a été fait avec le cartulaire du chapitre de l'église cathédrale Notre Dame de
Nîmes (dans la publication faite en 1874, par Eugéne GERMER-DURAND, chez A. CATELAN, à
Nîmes : G3 44 aux AD 30). Ce cartulaire couvre la période 834-1156 mais s'il y a deux
références à l'église Saint André de Souvignargues, il n'y a rien en ce qui concerne
Saint Etienne d'Escatte et son mas d'Euzet. Il faudra trouver d'autres sources (notariales ?) pour obtenir de nouveaux
renseignements. En particulier, le prénom du seigneur (?) de Casellis et de Souvignargues n'a pas été
transcrit ici, alors que c'est un élément important. Le nom du notaire, Mandolio, pourrait se traduire par
Manduel, dans la mesure où jusqu'au XIVe-XVe siècles, le nom d'une commune de la viguerie et du diocèse
de Nîmes était écrit Mandolio ou Mandolium, alors qu'à partir du XVe siècle, on trouve
Manduelh, Mandueil puis Mandueil et finalement Manduel, au XVIIe siècle. A noter la richesse des commentaires de
GERMER-DURAND, en particulier dans l'introduction. On retrouve aussi des familles connues, comme les AGULHON (en 1070
et 1084) : voir cette famille dans le point 2 ( Le procès sur
les censives du Triadou, § 1 à 4) des Euzet du Triadou 1 (suite 2)
b) Le mas d'Euzet en 1319
Le 7ème jour du mois d'avril, en l'an 1319, sous le règne de Philippe, roi de France et de Navarre, et
sous la présidence de notre père dans le Christ, l'évêque de Maguelone, sachent tous ce qui suit :
moi, Pierre PERRUSI, docteur en lois, par cet acte public, je confesse et reconnais, pour moi et pour mes successeurs, avoir
reçu de vous, maître Jean de CRAUSSINO, expert en droit, envoyé par le vénérable et religieux Jean
FREDELI, prévôt de Nîmes pour recevoir cette reconnaissance, ainsi qu'il est établi dans un acte
public écrit de la main de révérend MOLAZANI, notaire public et royal, daté du 3 avril
1319, tenir un manse dudit seigneur prévôt et de ses successeurs à la prévôté de Nîmes
, moyennant le cens annuel de 20 sous tournois, à payer habituellement à la fête de saint Michel ; ce manse est celui d'Euzet
, avec toutes ses dépendances, et est situé dans la paroisse de Saint-Etienne d'Escate, dans le diocèse
de Nîmes ; moi Pierre PERRUSI, je vous fais cette reconnaissance à vous Jean de CRAUSSINO, procureur dudit
prévôt envoyé pour cela ; et moi, ledit Jean de CRAUSSINO, procureur, je reçois et accepte cette dite
reconnaissance sans porter aucun préjudice au seigneur prévôt ni à la prévôté de
l'église de Nîmes. Ainsi fut fait à Montpellier, en présence des témoins suivants : Audebert de
MONTJOIE, juriste, maître Pierre PICTAVINI, habitant de Montpellier et moi, Pons RAYNAUD, notaire public dudit
seigneur évêque de Maguelone, qui ai écrit et signé toutes les choses susdites.
Le mas d'Euzet en 1319
On voit les différences entre 1242 et 1319. La présence de l'évêque de Maguelone, le
montant du sens réduit de moitié, le nom "bourgeois" de ce PERRUSI qu'il faudrait mieux connaître. Par
contre, l'église de Nîmes est toujours seigneur du mas. Surtout, il s'agit d'une reconnaissance féodale,
alors qu'en 1242, on se trouve en présence d'une cession de fief. c) Le prieuré de Souvignargues d) Sondage sur les actes des notaires
Actes concernant ce prieuré les 08.12.1343, 22.12.1343 et 08.04.1344 (sondage sur les notaires de Sauve - voir ci-dessous)
- 19.10.1390 : bail en paiement par Guillaume de LADOS, habitant autrefois Souvignargues et actuellement Calvisson
- 19.10.1390 : autre bail en paiement par Jacquette LOBAT, femme de Guillaume LADOS, habitant Souvignargues
- 13.12.1470 : compromis ; présent : Raimond de FRAISSINET, de Souvignargues
- 23.06.1471 : testament de Peyronne MEYRIGNARGUES, veuve de Vidal BOIER, de Cinsens ; leg à la confrérie de Saint-André-de-Souvignargues
- 10.11.1471 : constitution de dot par Raimond et Jean FRAISSINET, frères de Souvignargues, en faveur de leur soeur Antonie
- 21.01.1472 : vente par Guillaume LOUET, seigneur de Calvisson, à Etienne de FAGIA, habitant Saint-Etienne-d'Escattes, alias Bérenguier de FAGIA, des biens fonds audit Saint Etienne ; présents : Me Martin CABRIÈRE, prieur, et Bartholomieu DUMAS
- 04.10.1473 : reconnaissance de dette de Denis BARAIN, de Souvignargues
- 26.04.14.. (2ème moitié du XVe siècle) : procutation faite par Thomas DUMAS, de Souvignargues
- 10.12.1483 : transaction entre Guillaume de CALVISSON et le seigneur d'Aigremont et de Souvignargues, à propos de l'arrachement d'une borne plantée au tènement de Labaden vers le plan de l'Escatte et le Puech Mulet ; est présent : Bernard DUMAS, de Saint-Etienne-d'Escattes
- 24.02.1486 : quittance de dot par Jean ROBERT de Bouillargues, mari de Jeanne ALBANEL, fille de feu Jacques AUBANEL de Souvignargues, faite à Philippe AUBANEL, fils et héritier dudit Jacques, avec Jean AUBANEL, fils de feu Guillaume, autre cohéritier absent
- 21.03.1486 : vente de Jean VILARET, de Souvignargues ; présent : Jean SERVIERE dudit Souvignargues
- 03.05.1487 : vente où est présent Philippe AUBANEL, de Souvignargues
- 31.07.1487 : testament de Jean MARGAROT vieux, de Cinsens ; il lègue à la confrérie de Saint-André-de-Souvignargues, à Gilles DAUDÉ, son frère utérin de Souvignargues et à Agnès DAUDÉ, fille dudit Gilles
- 31.07.1487 : contrat de mariage entre Jean DUMAS, fils d'Antoine, de Saint-Etienne-d'Escattes, avec Antonie BRUNELLE, fille de Raimond BRUNEL (ou BARUNEL ou BAUMELLE), de Notre-Dame-de-Londres, diocèse de Montpellier ; acte au mas de Cazenoves, paroisse de Saint Brés de Lauret ; présent : Pierre FAGIÉ, de Saint-Etienne-d'Escattes
- 11.08.1487 : compromis où est présent Antoine COLIAS, seigneur de Souvignargues
- 12.09.1487 : reconnaissance de dot par Jean DUMAS, fils d'Antoine, de Saint-Etienne-d'Escattes et Antonie BAUMELLE, sa femme, à Guillaume BRUGUIÈRE, du mas de Cazenoves, paroisse de Lauret ; acte audit Saint Etienne ; présents : Arnaud et Gilles DAUDÉ, de Souvignargues
L'église de Saint-Etienne-d'Escattes
(photo J.C.E., le 20.04.2010)
Souvignargues annonce ses "circulades"
(photo J.C.E., le 20.04.2010)
3/ Questions
Qui était le PERRUSI de 1319 ? A-t-on d'autres références dans les archives municipales de Montpellier ? A noter, peut-être des références qui se trouvent dans le fonds de la "commune clôture" de Montpellier (tome 12 de l'inventaire, en 1974, aux Archives municipales de Montpellier, par les archivistes municipaux Maurice de DAINVILLE et Marcel GOURON, série EE. En effet, en EE 412, pour le 09.05.1348, on trouve le testament de Pierre PERROCHA, marchand, et en EE 1053, pour la même date, un extrait de ce testament et ses suites en EE 414 et EE 1054. Bien que l'on soit une trentaine d'années après l'acte de 1319 et que PERROCHA soit un marchand alors que PERRUSI était un juriste, il y a une ressemblance qu'il faudrait étudier mais quand on voit le peu de sources conservées pour le XIVe siècle, cela paraît difficile.
4/ Références
- G 366 (ADG) : trois parchemins cotés n° 27, 28 et 29
- Souvignargues. Petit village du Bas-Languedoc, par le docteur Jean LAVIE, correspondant de l'Académie de Nîmes
(Editions LACOUR. Collection Colporteur. 1997). A la page 5, il est indiqué que "sous
l'Ancien Régime, Souvignargues était divisé en deux paroisses : Souvignargues proprement dite et
Saint-Etienne d'Escatte". Et encore à la page 22 : Sur Saint-Etienne d'Escatte d'abord, la
première mention de ce hameau actuel se trouve dans l'histoire de Languedoc (Edition PAYA, Toulouse,
1840, T IV, p. 516, année 1168) : "Petri de Scata Sacerdotis", et quelques
années après, dans le Dictionnaire Topographique du Département du Gard de
GERMER-DURAND : "B. de Scata. 1174. (MENARD T VII, p. 721). Dans l'Histoire de
Languedoc (T VI, p. 531, année 1174), on trouve : "Bermundo de Scata Presbyteris".
Ensuite, il faut attendre plus d'un demi-siècle pour arriver à l'acte de 1242 ci-dessus.
- Circulades languedociennes de l'an mille (Naissance de l'urbanisme européen), par Krzysztof PAWLOWSKI, aux Presses du Languedoc (1ère édition 1992, 2ème édition 1994). Pour Souvignargues, pages 54, 55, 61, 62, 92, 106, 191, 195, 196 ; "Un coup d'oeil sur la topographie de la région suffit à montrer que la forme circulaire du village correspond parfaitement à la configuration du terrain. Souvignargues est situé sur une légère éminence dont la structure rocheuse trouve confirmation dans le nom du "chemin de la Roque" contournant le village. Placée en sentinelle sur la route menant de Sommières à Montpezat, Souvignargues était dotée d'un château que les résultats de nos analyses comparatives nous permettent de situer juste au centre de l'agglomération, dans l'espace aujourd'hui vide. Le "chemin de ronde" autour de cet espace central évoque justement le caractère de ce lieu. Mais le château, selon le schéma classique, s'est ensuite déplacé vers la périphérie de l'agglomération et il a subi plusieurs transformations. Dans le Cartulaire de Psalmodi, Souvignargues apparaît, en 1121, comme une villa. L'église Saint-André, attestée en 1031, belle ruine romane classée monument historique, située à l'écart, à près d'un kilomètre à l'est, en est l'édifice le plus ancien. Le plan actuel de Souvignargues comme les plans plus anciens présentent aussi une situation caractéristique : le cercle quasi idéal du "vieux village", signe d'une création urbaine indiscutable, contraste avec son développement ultérieur entièrement spontané qui se traduit par la concentration du bâti autour du carrefour. Ce faubourg, qui regroupe les fonctions vitales du village, et le plus facilement accessible, donne une image très faussée de Souvignargues. Les transformations du siècle dernier ont provoqué des changements importants dans le bâti de la partie ancienne. Ainsi, l'église a été agrandie et son orientation modifiée, tandis que quelques grandes bâtisses coupaient le dessin si précis des anciennes ruelles disposées en anneaux concentriques. C'est seulement en pénétrant à l'intérieur du village, qu'un visiteur attentif pourra aisément décrypter les éléments de la structure ancienne surtout autour du noyau primitif, mais aussi dans les anneaux concentriques des parcelles, notamment derrière l'église. Il trouvera les vestiges des arcades dans la partie est, dont l'une mène vers la place du Cèdre, emplacement de l'ancien cimatière. Dans cette partie du village, on peut détecter l'existence d'une enceinte extérieure. Le contact direct avec le paysage avoisinant est l'un des éléments les plus frappants ; malheureusement il ne reste intact que dans une partie de l'ensemble." (pages 195 et 196)