La lignée des EUZET de Saint-Jean-de-Védas (34).
(La branche de Vohémar - suite 2)
"Lafimbato, vato ; lafinkao, hazo ; lafinkavana, havana" : "La pierre vient de la pierre, le bois vient du bois ; les hommes viennent de leur parenté" (proverbe malgache).
Cette seule image de 1897 montre les "poids"
respectifs du colonisateur et de l'indigène
(50 ans avant l'insurrection de 1947)
L'insurrection de 1947. Une analyse de Madame Pierrette CAMBIER-DEROULÈDE
Histoire :
Hippolyte LAROCHE fut, pendant quelques mois le résident général. Entré à Tananarive le 16.01.1896, il quitta la ville le 10.10.1896 pour s'embarquer à Tamatave, le gouvernement ayant mis fin à sa mission. Son passage fut vite oublié. Entre l'expédition militaire du général DUCHESNE et la prise en main du pouvoir par le général GALLIÉNI, il eut, cependant, le temps de promulguer la loi portant abolition de l'esclavage. Surtout, il a essayé de tenir l'équilibre entre la reine RANAVALONA III d'une part, les colons et les militaires d'autre part, mais il n'eut pas les moyens nécessaires pour faire face à l'insurrection qui se développa dès le mois de mars 1896. En effet, la scission complète entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire fut fatale à cette politique, d'autant que le général VOYRON, successeur de DUCHESNE, se borna "à faire circuler de lourdes colonnes, devant lesquelles se dérobe l'adversaire, mais qui fusillent au hasard, brûlent des villages innocents et détruisent les rizières" (Flavien RANAIVO : Hommes et destins : Madagascar)
Hippolyte Laroche
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Ranavalona III
"Née Princesse RAZAFINDRAKETY (Razafy) le 22 Novembre 1861 à Manjakazafy, village rural aux environs d'Antananarivo, elle était la nièce de la reine RANAVALONA II et l'arrière arrière petite fille du grand roi malgache ANDRIANAMPOINIMERINA. Bébé elle fut d'abord confiée par ses parents à une esclave (andevo) puis à la garde de sa tante, la reine, qui lui fit donner une bonne éducation chez les missionnaires protestants de la LMS (London Missionnary Society) puis dans différents pensionnats congrégationnistes. Elle fut mariée très jeune à un andriana (noble) du nom de RATRIMOARIVONY qui mourut quelques années plus tard (sans doute empoisonné) lui laissant une petite fille. A la mort de la reine, en juillet 1883, la jeune veuve de 22 ans fut proclamée à son tour sous le titre de RANAVALONA MANJAKA III, épousant le Premier Ministre RAINILAIARIVONY qui avait déjà été le mari des deux reines précédentes (RANAVALONA I et II) et qui gouverna de facto. Mais, en tant que souveraine de Madagascar, elle fut un pion dans la partie d'échecs que se livraient Anglais et Français pour la conquête de la grande île. Les incursions militaires françaises avaient déjà commencé sous le règne de RANAVALONA II en fait et le Premier Ministre fit appel au Lieutenant-Colonel britannique WILLOUGHBY qui avait déjà participé à la guerre contre les Zoulous pour s'occuper des affaires militaires et défendre l'île contre l'invasion française. Cette guerre franco-hova se prolongea jusqu'en Septembre 1895 où les Français, parvenus devant la capitale Antananarivo, bombardèrent la colline du Rova où se trouvait le palais de la reine contraignant celle-ci à capituler. C'était la fin de quatre siècles de monarchie merina. Le Premier Ministre fut exilé à Alger où il mourut l'année suivante. (...)" Voir la suite de cet extrait dans : Latitude Sud
Ranavalona III
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Les autres protagonistes français de cette histoire compliquée et tragique
Lyautey |
Galliéni |
Le Myre de Villers |
Duchesne |
de Coppet |
2/ 1943-1946 : les causes immédiates de l'insurrection
L'occupation était subie mais les Malgaches gardaient toujours un immense désir de liberté et de justice car les autorités
françaises avaient établi des différences entre les « susceptibles » de devenir des citoyens français et les autres, cette
discrimination ravivait ainsi en permanence leur souhait d'indépendance.
Les sociétés nationalistes secrètes PA NA MA (Parti Nationaliste Malgache) créé en 1941 et J I N A fondé en
1943 par MONJA-JAONA plutôt influent en milieu rural, exerçaient leur activité dans l'île mais étaient minoritaires.
L'Autorité française les connaissait et suivait les préparatifs de la rebellion sans intervenir ni empêcher son déclenchement.
Cette révolte avait aussi une raison économique.
L'Etat français s'était arrogé la possession définitive du territoire malgache.
Les colons français et les gros industriels s'étaient attribués les richesses du pays : concessions agricoles, exploitations
foncières et minières dépouillant ainsi le peuple de son patrimoine, l'humiliant et exploitant honteusement la main-d'oeuvre.
La seconde guerre mondiale leur donnait un espoir de changement.
Le Haut Commissaire de COPPET, les colons, les industriels et même les chefs militaires avaient d'abord opté pour le régime de Vichy,
se ralliant ensuite à de GAULLE.
Les Anglais et les Zoulous d'Afrique du Sud avaient débarqué à Madagascar et l'occcupèrent mais ils le rendirent à la
France Libre.
Le peuple malgache fut alors convié à présenter 2 députés à l'Assemblée Constituante de la IVème
république.
Le Dr Joseph RASETA et le Dr Joseph RAVOAHANGY se présentèrent sous l'étiquette « Restauration de l'Indépendance Malgache »
ils furent élus.
Le 1er février 1946, un parti est formé le M D R M (Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache) fondé officiellement
à Paris le 11 février 1946, le Dr RASETA en est le Président
Le 21 mars 1946, ils déposèrent au Bureau de l'Assemblée Constituante une proposition de résolution pour un
référendum en vue de faire déterminer par le peuple malgache son statut ; cette démarche violemment repoussée restera
sans suite.
Par le décret du 26 octobre 1946, Marius MOUTET alors Ministre de la France d'Outre-Mer (sous la présidence
de Vincent
AURIOL) avait arbitrairement partagé l'île en 5 provinces avec une assemblée représentative
siégeant à Tananarive et une assemblée provinciale au chef-lieu de chacune des provinces, ce qui était un coup direct
à l'unité nationale des Malgaches.
Jacques RABEMANANJARA, poète et écrivain, fut élu député de la région de Tamatave le
10 novembre 1946 mais il ne siégea jamais. Il fut arrêté le 12
avril 1947 pour participation à la rebellion qui venait d'ensanglanter Madagascar, puis condamné aux travaux forcés.
Le M D R M s'amplifie et trouve un allié provisoire en le PA DES M (Parti des Déshérités de Madagascar) dirigé par
RAMAMBASON qui s'est vite avéré une émanation de l'administration française et qui prêchera la haine
raciale. La France jouait de l'antagonisme entre les ethnies côtières et les Merina des Hauts-Plateaux. De graves incidents
éclatèrent sur l'île.
Il faut noter aussi l'action de l'Union C G T qui soutenait les revendications salariales des ouvriers.
Malgré les pressions de toutes sortes et les arrestations de ses militants, le M D R M remporta la majorité des sièges aux
élections de l'Assemblée représentative, d'où la colère des colonialistes. Marius MOUTET modifia
rapidement les conditions de ces élections, ce qui provoqua cette fois la colère du peuple malgache.
Sous de COPPET de nombreux incidents se multipliaient, actes de répressions , de brutalités et d'arrestations
vis-à-vis de la population.
La situation devenait explosive. Ce sont les conditions dans lesquelles la date de l'insurrection générale fut fixée, le 29 mars
1947, quelques jours avant le 1er congrès du M D R M.
Ravoahangy, Raseta et Rabemananjara (de gauche à droite)
(cette photo est sur la couverture du livre de l'avocat Pierre Stibbe :
"Justice pour les Malgaches", au Seuil, en 1954 - droits réservés)
3/ 1947 : l'insurrection et ses conséquences
Le 1er foyer se déclara dans le district de Manakara et, en même temps, par l'attaque du camp militaire de Moramanga par 400 rebelles qui
pensaient récupérer des armes, puis s'étendit dans toute l'île ; s'en suivit les embuscades en brousse, les incendies des
plantations, le sabotage des artères vitales, les massacres de français.
La répresssion de l'Etat fut violente, le M D R M fut dissous et ses responsables arrêtés et presque tous massacrés, ainsi que
des intellectuels, des médecins, des enseignants et, bien entendu, des malgaches sans distinction particulière.
Rien cependant ne changea, dans la volonté d'indépendance du peuple ( qui fut proclamée le 30 décembre 1975).
On avance 60 000 à 80 000 le nombre de morts malgaches et celui de 150 européens mais les chiffres n'ont pas pu être réellement
vérifiés.
Tananarive ne bougea pas, l'insurrection fut manquée et échoua. Les côtiers en voulurent longtemps aux Merina. L'Assemblée Nationale demanda alors la levée de l'immunité parlementaire des députés, ce qui fut voté.
RASETA, RAVOAHANGY et RABEMANANJARA furent arrêtés ; leur
procès s'ouvrit
à Tananarive le 22 juillet 1948 et se déroula au Palais d'Andafiavaratra.
Le palais du premier ministre
(Andafiavaratra)
où eut lieu le procès de 1948
Le verdict était rendu le 4 octobre de cette même année
RASETA et RAVOAHANGY furent condamnés à mort, RABEMANANJARA
condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Ils furent graciés en 1949 et transférés en exil en France puis amnistiés en 1956.
Ils revinrent à Madagascar en 1960.
D'autres responsables furent enfermés au bagne de Nosy-Lava.
Le palais de la reine (Manjakamiadana) avant l'incendie de 1972 |
Le palais dans son environnement |
Palais de la reine, salle du trône, maison et portrait de la reine. |
C'est la reine RANAVALONA I qui fit construire son palais (Manjakamiadana) en 1839 par Jean LABORDE. La reine RANAVALONA II le fit habiller
extérieurement de pierre en 1868/73 par James CAMERON. Un incendie détruisit tout l'intérieur en 1972.
Madagascar aujourd'hui, vu par un romancier français : Frédéric MARINACCE
"Le A noir de Madagascar"
"Tananarive me plut d'emblée et cette première impression ne se démentit pas. Cette capitale à la campagne, où la
lumière a cette qualité de transparence qu'on ne rencontre qu'en altitude dans les pays tropicaux, offrait, avec toutes ses collines, l'aspect
d'une île rocheuse au milieu de la mer.
J'adorais les secrets des petites ruelles grimpantes où s'entremêlaient les maisons de brique
à étages, les jardins de palmes, les cannas, les bougainvillées, la liane Aurore et quantité d'autres fleurs croissant à
l'ombre des jacarandas ou des frangipaniers.
Tana ! Je me suis perdu dans tes escaliers et dans ton palais inattendu qui dominait la ville. La fantaisie était partout. Je me suis perdu dans l'ocre de
tes maisons et le vert de tes feuillages. Je me suis perdu dans tes magasins de chapeaux "Chap'Chic". Je me suis perdu en croisant le regard des amoureux qui
se faisaient la cour sur les rives du lac Anosy ou s'embrassaient sur les bancs de la roseraie près de la Poste. Je me suis perdu dans tes
dernières rizières. Je me suis perdu dans ton merveilleux zoma, ce fameux marché du vendredi.
Il occupait toute l'avenue de l'Indépendance. Les vendeurs venus des environs étaient regroupés par affinité, selon les produits
présentés. Les étals, à même le sol, offraient toutes sortes d'objets, de la vannerie, des nattes, des meubles bancals,
des statues en bois sculpté, de la ferblanterie, de la poterie, des fripes, sous de grands parasols blancs délavés par le soleil qui
formaient une voûte presque continue. Un bric à brac de ferrailles côtoyait l'espace des antiquités où les Européens
venaient racheter les objets qui leur avaient été volés quelques semaines plus tôt ! Moi qui n'avais aucun goût pour le
shopping, qui n'entrais jamais dans un magasin que poussé par la nécessité, je pris du temps à sillonner ce joyeux
déballage, à me perdre dans cette fête colorée et bruyante.
Un peu plus haut, le marché aux légumes et aux fruits témoignait de la richesse de cette île, un véritable pays de cocagne,
le garde-manger du monde. L'endroit aurait fait le bonheur de n'importe quelle ménagère. Dans d'immenses paniers, les petits pois
étaient écossés, les haricots verts effilés et coupés en trois dans le sens de la longueur, les macédoines de
légumes composées, les choux tranchés en lamelles, les girolles nettoyées. Les fruits exotiques cohabitaient avec ceux d'Europe :
bananes, avocats, ananas contre pommes, poires, prunes et fraises des bois. De jeunes enfants portaient les soubiks que remplissaient des femmes
blanches. Ils les accompagnaient ensuite à leur voiture contre un pourboire.
Plus haut encore, les pavillons couverts d'Analakely proposaient des articles presque luxueux. Tissus et vêtements, mais surtout des nappes
brodées de motifs colorés naïfs ou floraux, des sacs et des ceintures en peau de crocodile, des pierres et des fossiles. Je me laissai
tenter par une petite géode de cristaux bleus comme le ciel, la celestite si bien nommée, après avoir reçu un cours
complet sur la minéralogie de Madagascar. Je traînais avec bonheur au coeur de la vie de la capitale." Extrait des pages 87 à
89 du roman de Frédéric MARINACCE : "Le A noir de Madagascar", aux éditions Kailash (2005).
Le marché de Tananarive ...
et ses grands parasols
Madagascar (avant)-hier, vu par une directrice de théâtre française : Nancy VERNET
Parmi les colonies françaises : Madagascar
Un bourjeane causait avec M. BONTEMPS. Ce dernier me dit : - Voulez-vous voir, en rentrant, une case où on garde un mort ? C'est un camarade du porteur, et comme c'est curieux, quoique pas très drôle, il nous fera entrer. - Oui ! dis-je avec enthousiasme. Quelques minutes après nous entendîmes des cris épouventables. C'étaient les amis du mort qui le veillaient et lui rendaient les devoirs de l'amitié. Le corps était posé sur une natte à terre. Il était habillé d'un lambas et comme la bouche était presque ouverte, on m'expliqua qu'elle était bourrée d'autant de pièces d'argent qu'elle pouvait en contenir, pour que le défunt payât sa bienvenue dans l'autre monde. Le cercueil, préparé pour le lendemain, contenait les objets précieux qui avaient appartenu au défunt et qui devaient être mis dans le tombeau avec lui. Les esclaves eux-mêmes sont possesseurs de caveaux. BONTEMPS m'expliqua que ce pauvre diable qui était mort n'avait pas de famille, mais que son "frère de sang" agissait comme s'il avait été son frère. - "Frère de sang", m'expliqua-t-il est une parenté créée au nom de l'amitié. Les deux contractants se font chacun au-dessus du creux de l'estomac une légère incision, imbibent du sang qui coule un morceau de gingembre ou "sakarivo" et l'avalent après l'avoir échangé. Ils se considèrent alors comme d'une même mère et s'aident à la vie, à la mort. Ce serment du sang est le plus sacré ! (...) Extrait du Petit Journal. Supplément du dimanche, p. 2 du n° du 24.02.1895.
Nous ajoutons pour clôturer ce dossier, trois photos de "L'Hymne à Madagascar et à la Liberté" de Jacques RABEMANANJARA.
Imprimé par
la société des amis des poètes de l'Union française et des Tropiques, il a fait l'objet d'une édition originale
numérotée parue le 1er mai 1948, aux presses de l'imprimerie R. Drivon. La première photo est la jaquette du livre, la
deuxième représente le portrait dessiné de l'auteur et la troisième reprend les deux dernières pages du poème qui
en comprend soixante-et-une.