La lignée des EUZET de Saint-Jean-de-Védas (34).
(La branche de Vohémar - suite 1)


"L'ADNmt permettra-t-il prochainement de comprendre comment s'est peuplé Madagascar ? C'est le projet de Thierry LETELLIER (Inserm/Université Bordeaux-II). A partir d'une étude génétique mais aussi linguistique, nous allons remonter à la source du peuplement des dix-huit ethnies occupant l'île aujourd'hui. Premiers résultats à la fin de l'année." Extrait d'un encadré intitulé : "L'ADN mitochondrial remonte le temps", faisant partie d'un article d'Hervé RATEL : "Les mitochondries démasquées" (Sciences et Avenir, mai 2008).

"Le Dr Thierry LETELLIER de l'Inserm à l'Université de Bordeaux II, de son côté, a partagé la genèse et l'objectif du projet MAGE (Mada­gascar Génétique et Ethnolinguistique) qui introduit l'étude génétique et linguistique pour remonter à la source du peuplement malgache. - Procédure technique : « Le projet consiste à l'échantillonnage de 3000 individus d'un point de vue génétique, linguistique et ethnologique. Ces 3 000 échantillons sont répartis sur 100 points d'échantillonnage sur Madagascar, regroupant chacun trois villages anciens. Les données ainsi obtenues permettront de définir et quantifier l'apport des différentes parties du monde dans le peuplement de Madagascar », explique l'initiateur de cette étude du peuplement de Madagascar par la détermination d’haplogroupes mitochondriaux." (L'Express de Madagascar, 04.07.2013, article de Domoina RATSARA).



La côte entre Vohémar et Sambava
("Madagascar et les Comores", en 1953, Editions Hartmann)

références
Informations sur les conjointes et les conjoints de EUZET.
Méthodes



"Ny lasa tsy mba miverina" : "Le passé ne revient plus" (proverbe malgache).



Références



Pierrette et Christian DEROULÈDE
sur la plage de Tamatave
(1948-49)

Pierrette DEROULÈDE à Tananarive
(photo de 1952)

- Ce dossier a été bâti avec (et grâce à) Mme Pierrette CAMBIER-DÉROULÈDE qui nous a adressé les photos et fourni la plupart des renseignements (y compris des proverbes malgaches), en 2007. La bibliographie de son analyse de la situation en 1947 est la suivante :

- Histoire de la Colonisation Française, par Georges HARDY (Librairie Larose, collection "Les manuels coloniaux", en 1931)
- Lettres du Tonkin et de Madagascar (1894-1899), par LIAUTEY (Librairie Armand Colin, en 1946)
- Justice pour les Malgaches, par Pierre STIBBE (Seuil, en 1954)
- L'Insurrection malgache de 1947, par Jacques TRONCHON (François Maspero, en 1974)
- Contribution à l'histoire de la Nation malgache, par Pierre BOITEAU (Editions Sociales, en 1982)
- Quarante années de la vie politique de MADAGASCAR 1947-1987, par Patrick RAJOELINA (L'Harmattan, en 1988)


- M. Claude RAZANAJAO a relu le dossier (en octobre 2011) et a apporté un certain nombre de précisions pour la partie Histoire de ce dossier, notamment la distinction entre le palais de la reine (Manjakamiadana) et celui du premier ministre (Andafiavaratra). Il nous a aussi transmis (en mars 2013) un texte de Flavien RANAIVO, extrait de : Hommes et destins : Madagascar (Paris - Académie des sciences d'Outre-Mer, 1979), afin de compléter l'histoire de Madagascar quant au rôle du Résident Hippolyte LAROCHE. Ci-dessous, quelques parties de cet extrait (voir aussi un résumé sur l'action d'Hippolyte LAROCHE dans "Laroche") :

"Le 16 janvier 1896, quand Hippolyte LAROCHE, premier Résident général de France à Madagascar après l'expédition de 1895, fait à cheval son entrée dans Tananarive, quelques mois à peine se sont écoulés depuis la prise de la capitale malgache par le Général DUCHESNE. (...) "Résident général" : c'était déjà le titre de LE MYRE de VILLERS, en application du traité de 1885 qui faisait de la Grande Ile, sans dire le mot, un protectorat français. (...) Si, dès le surlendemain de son arrivée à Tananarive, le 18 janvier, le Résident général obtient sans difficulté la signature de RANAVALO III au bas de la "déclaration" préparée par BERTHELOT, ce qui est un beau succès diplomatique, il n'en prend pas moins ses fonctions sous le signe de l'ambiguïté. Pour une grande partie des colons et des militaires, l'autorité de la France à Madagascar doit désormais s'exercer directement, sans s'embarrasser de la reine ni d'un gouvernement "hova" considéré comme foncièrement hostile à nos intérêts. Mais la position officielle du gouvernement français est différente : "possession" française au point de vue des relations avec l'étranger, Madagascar, pour son administration interne, doit rester fidèle à la formule du protectorat, telle qu'elle est appliquée avec succès en Tunisie. Aussi les instructions données à LAROCHE lui prescrivent-elles formellement "d'éviter avec soin tout acte de nature à affaiblir sans nécessité l'autorité de la reine auprès des populations qui lui sont soumises". Fonctionnaire discipliné, le nouveau Résident général appliquera ces instructions avec d'autant plus de conscience qu'elles correspondent à son tempérament libéral, à sa vision de la situation locale et à la faiblesse des moyens dont il dispose. Il s'efforce de gagner l'amitié et la confiance de la reine, comme lui protestante, et d'utiliser son gouvernement pour jeter les bases d'une administration moderne. Mais, très vite, Hippolyte LAROCHE va se trouver en face de troubles à caractère xénophobe qui prennent l'allure d'une véritable insurrection (...) Le Résident général est persuadé que la majorité de la population ne suit les rebelles que sous la contrainte : comme le fera plus tard avec succès GALLIÉNI, pour protéger les villages, il voudrait créer un réseau de petits postes, tenus par une milice indigène solidement encadrée par des soldats français. Mais le décret qui fixe ses attributions a commis l'erreur de créer une scission complète entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire (...) Mais si LAROCHE reproche aux militaires leur inefficacité et des cruautés inutiles, les militaires, eux, suivis en cela par une bonne partie de la population européenne voient dans la reine et le gouvernement hova les complices, sinon les instigateurs de la rebellion et accusent le Résident général, persuadé du contraire, d'insouciance et de coupable faiblesse. Les missionnaires catholiques se jugent insuffisamment soutenus par ce protestant qui professe que La France doit observer la neutralité religieuse et se refuse à prendre ses ordres à l'évêché (...) En métropole, de violentes campagnes de presse attaquent sa personne et sa politique, allant jusqu'à l'accuser de servir les intérêts anglais, représentés à Madagascar par les pasteurs protestants. (...) Tandis que la loi du 6 août 1895 fait de Madagascar une colonie française, le Général GALLIENI part pour la Grande Ile comme commandant supérieur des troupes, en principe placé sous l'autorité d'Hippolyte LAROCHE mais détenant tous les pouvoirs civils et militaires dans les zones troublées érigées en territoires militaires, notamment à Tananarive et en Imerina, le Résident général devant limiter son activité aux régions côtières. Formule administrative bizarre qui ne fut pas appliquée : le 26 septembre 1898, LAROCHE reçut l'ordre, qu'il exécuta aussitôt, de passer tous les pouvoirs à GALLIENI : celui-ci réalisait ainsi en sa personne l'unité de commandement, civil et militaire, qui avait tant manqué à son prédécesseur. Auparavant, toutefois, le Gouvernement avait laissé à Hippolyte LAROCHE l'honneur de promulguer la loi portant abolition de l'esclavage, mesure dont le Résident général était depuis longtemps partisan (...). LAROCHE accepta avec dignité la mesure qui mettait fin à sa mission : le 10 octobre 1896, il quitta définitivement Tananarive pour s'embarquer à Tamatave. Quelques jours auparavant, il écrivait à André LEBON : "Le général GALLIÉNI, capacité véritable et en possession des moyens et de l'unité de direction qui n'étaient pas entre mes mains, réussira dans sa mission, soumettra Madagascar. (...) L'insurrection qui me jette hors de l'Ile, n'a pas été le fruit de ma politique ; elle serait née sous tout autre régime ; et elle a grandi sous le mien par l'insuffisance du chef militaire qui, passif, empoté, inerte, n'a su ni commander, ni obéir. Si le Général eût été à côté de moi au lieu de son prédécesseur, nous serions triomphants, en paix, et on vanterait mon savoir faire." (...) Sans doute l'éclatante réussite de GALLIÉNI obscurcit-elle pendant de longues années la difficile période de son proconsulat. Mais avec le temps des jugements plus équitables sont portés sur l'action d'un homme qui n'eut jamais les moyens qu'exigeait la situation qu'il devait maîtriser. Hommage est rendu à l'oeuvre administrative que LAROCHE, en quelques mois, en dépit de l'insurrection, sut réaliser avec une poignée de collaborateurs. (...) La fameuse "politique des races", chère à GALLIÉNI, se trouvait déjà définie par le prétendu partisan de "l'hégémonie hova" tandis que ce civil devait s'évertuer en vain à obtenir des militaires ce que son successeur mit en pratique dès sa prise de commandement. Et si le Résident général affirma jusqu'au bout, contre vents et marées, la loyauté de la reine et de son gouvernement à l'égard de l'action conduite par la France dans la Grande Ile, aujourd'hui encore aucune preuve historique du contraire ne peut lui être opposée ... (...) Placé en disponibilité à son retour en France, il est admis à la retraite en 1899, et se consacre dès lors à la politique. (...)"
Cet article est utile car il met en exergue, non seulement le contexte local (à Madagascar) et national (en France) mais aussi parce que l'auteur tente une approche psychologique du personnage, psychologie qui prend toute sa dimension quand elle se différencie par ses méthodes et l'action menée de celle de ses contemporains. Ainsi, dans la carrière professionnelle du futur Résident général, la politique qu'il mène en Algérie est, en quelque sorte, prémonitoire : "(...) en 1892, le voilà préfet d'Alger où il déploie une grande activité tant pour organiser ses services administratifs que dans la lutte contre le banditisme, et où sa compréhension des besoins de la population indigène et son souci de justice le feront qualifier "d'arabophile", épithète à caractère nettement péjoratif aux yeux de beaucoup, tant en Algérie qu'en Métropole, qui évoque irrésistiblement cet "amour pour les hova" qui plus tard lui sera tant reproché ... (...)". Hippolyte LAROCHE fut placé en disponibilité à son retour en France ("à la suite d'une campagne calomnieuse dont il fut l'objet et qui motiva son rappel en France)". Il fut ensuite élu, à quatre reprises, député de la Sarthe, en 1902, 1906, 1910 et 1914. Il devait décéder le 09.09.1914, "au lendemain de la déclaration de la guerre". L'auteur souligne enfin que, pendant cette dernière période de sa vie, il consacra une partie de son temps à écrire ses souvenirs sur la période passée à Madagascar : "Les quelques mois passés à Madagascar, pendant lesquels il avait essayé contre vents et marées de mener à bien une tâche presque perdue d'avance, restaient sans cesse présents à son esprit, à sa mémoire."

- La photo du résident de COPPET est sur la couverture du livre d'Alain COUTURIER : Le Gouverneur et son miroir (L'Harmattan, en 2006)

- L'Etat civil de Montpellier et celui de Saint-Jean-de-Védas, aux AD 34.

- La série 1 R 966 aux AD 34 (p. 284 du registre numérisé, en ligne), pour le dossier militaire de Pierre EUZET.

- La revue du cercle militaire (dite revue violette), n° 1 du 07.01.1899, Pierre EUZET y est indiqué, p. 24 : "Cavalerie (...) 9e cuirassiers (...) EUZET adjud. 17 ans de service" (en ligne sur Gallica)

- Le journal Le phare de Majunga, n° du 18.10.1933 (en ligne sur Gallica)

- La marque de l'apéritif "Malgache à base de Malaga" a été déposée le 9 janvier 1897 au greffe du Tribunal de commerce de Calais, par M. DUTERTRE-SAMBOURG, négociant à Calais, 23, rue du Jardin des Plantes. Imprimée en noir sur fond blanc, elle faisait 0,114 de haut sur 0,078 de large.

- Guide Annuaire de Madagascar et dépendances pour l'année 1905 ; p. 408 pour la chambre consultative et p. 410 pour le comptoir FRAGER ; en ligne sur Gallica (consultation le 12.10.2009).

- Journal officiel de Madagascar et dépendances, le 24.03.1900, le 30.05.1903, le 29.06.1907, le 03.07.1909, le 11.01.1919, le 02.12.1933, en ligne sur Gallica (consultation les 09.08.2013 et le 24.09.2013).

- Le A noir de Madagascar" de Frédéric MARINACCE, aux éditions Kailash (2005).

- Internet permet de compléter les connaissances sur l'histoire de Madagascar. Plusieurs sites ont été signalés par Mme Pierrette CAMBIER-DEROULÈDE (en octobre 2013) : le blog "Latitude Sud", le journal "MADA", le site "madatana.com Ambohimanga la colline bleue", sans oublier toutes les multiples informations qui existent quand on tape le mot "RANAVALONA" sur Google et autres moteurs de recherche.

- Le Madécasse, le 20.06.1933, 14ème année, n° 1374, pour la soirée de la Croix Rouge (Gallica).

- Le Petit Journal (supplément illustré), textes et photos de dessins, numéros de :

1894, 1895, 1896, 1897, 1898, 1899, 1900, 1901, 1905, 1909





1894




22.10.1894

29.10.1894

02.12.1894

09.12.1894

22.10.1894 : "M. Le MYRE de VILERS à Madagascar - A l'heure où ce numéro paraît, M. Le MYRE de VILERS est à Madagascar. Il va tenter un dernier effort de conciliation auprès du gouvernement de Tananarive. Nous saurons bientôt s'il a réussi et si nous évitons cet ennui d'une expédition lointaine, pénible et coûteuse. Au point où en sont les choses, il n'est pas possible de reculer ; certains agents étrangers ont encore excité et développé la mauvaise foi naturelle aux Malgaches et nous ne pouvons plus longtemps supporter le manque d'égards véritable auquel nous sommes en butte. Mais il faudra, si les choses ne s'arrangent, dépenser beaucoup d'argent, voir couler encore le sang français ; c'est pourquoi nous espérons que les arguments de M. Le MYRE de VILERS prévaudront. L'habile envoyé de la France connaît admirablement le pays où il va et les gens auxquels il a affaire. Il s'est fait comme une spécialité de débrouiller les affaires coloniales. Il s'y est déjà distingué, nous souhaitons qu'il ne démente pas cette fois la brillante réputation que lui ont value ses précédents succès diplomatiques.

29.10.1894 : "Les événements de Madagascar. Apprêts pour l'appareillage à Toulon - La fameuse devise latine, si vis pacem para bellum, si tu veux la paix, sois prêt pour la guerre, reçoit en ce moment son application dans notre port de Toulon. On a la plus entière confiance dans les efforts de conciliation tentés au nom du gouvernement français par M. Le MYRE de VILERS ; on pense bien que les Malgaches y regarderont à deux fois avant de risquer de faire la connaissance intime de nos braves petits marsouins ; mais on tient avec raison à être en mesure d'appuyer les arguments de notre envoyé. On se dit en outre que nos ennemis éventuels, toujours bien renseignés, sauront que l'on n'a pas l'intention de plaisanter, ni de faire preuve d'une patience exagérée ; cela peut influencer leur détermination et les rendre raisonnables ; il n'y a pas de mal à cela. M. DELCASSÉ, ministre des colonies, est un homme fort intelligent et déterminé ; il a obtenu de ses collègues les facilités nécessaires ; ceux donc que cela intéresse peuvent être assurés qu'on ne traînera pas. Le croiseur Dupetit-Thouars a complété son armement à Toulon, il sera suivi de très près s'il est besoin par le croiseur le Lapérouse et en peu de temps quinze mille hommes de bonnes troupes débarqueront à Madagascar. C'est au moins autant qu'il en faut. Certes, il n'est pas à souhaiter que nous soyons encore entraînés à une aventure coloniale, mais il est bon que l'on soit sûr que nous y sommes préparés. C'est fait."

02.12.1894 : "Le général DUCHESNE. Commandant le corps expéditionnaire de Madagascar - Ce que depuis si longtemps nous avions prévu est arrivé : l'expédition de Madagascar est définitivement décidée. Il y a comme un devoir patriotique à ne point examiner si elle peut amener pour nous d'utiles et fructueux résultats ; elle était nécessaire, paraît-il, au maintien de notre dignité nationale. Ne discutons pas, n'insistons pas et ne lésinons pas surtout. Car, en pareille matière, faute d'avoir su à temps dépenser quelques millions, on se trouve exposé à d'immenses et lourds sacrifices ; pour avoir ménagé les envois de troupes, on arrive à des désastres. Le général DUCHESNE a été désigné pour prendre le commandement suprême, et il y a eu à ce propos comme un conflit entre le ministère de la guerre et celui de la marine. Le caractère de l'expédition semblait devoir désigner un général de marine ; d'autre part, on souhaitait vivement en autre lieu un des chefs de notre armée de terre. Il semble qu'on ait pris un moyen terme. Le général DUCHESNE est bien en réalité un général de l'armée de terre puisqu'il commande la division de Belfort ; mais, en somme, il a très brillamment fait sa carrière au Tonkin. C'est à la suite d'un admirable fait d'armes que l'amiral LESPÈS envoyait au gouvernement la dépêche suivante : (Kelung, 8 mars 1885) Le colonel DUCHESNE, à la tête d'une colonne de treize cents hommes, a attaqué les positions chinoises le 4 mars. Après une série de brillants combats, qui n'a pas duré moins de quatre jours, au milieu d'un pays accidenté et difficile, les Chinois ont été chassés de tous les points qu'ils occupaient et complètement refoulés sur la route de Tamsui. Leurs pertes ont été très sérieuses ; deux canons ont été pris, ainsi qu'un grand nombre de fusils, de drapeaux et quantité de munitions. Les troupes, qui comme toujours ont été admirables, ont éprouvé des pertes sensibles, environ 200 tués et blessés. (Amiral LESPÈS). Le général DUCHESNE est habile, énergique, prudent, très soucieux de ses troupes. Tout porte à croire que son mérite nous vaudra d'être promptement délivrés des soucis de cette nouvelle expédition."

09.12.1894 : "A Madagascar. Les princesses royales prêchant la guerre sainte. - Nous allons prochainement entrer en campagne contre Madagascar, et le monde entier nous rend cette justice que nous ne sommes pas les agresseurs, que nous n'avons été guidés ni par l'esprit de conquête, ni par un désir de lucre ; mais notre dignité nous défend de supporter les insultes des sauvages de là-bas. Que dirait-on de la France si sa main ferme ne lui servait à venger de pareilles injures ? Après avoir manqué à leurs engagements, repoussé avec insolence les offres de conciliation, voici d'après les dépêches, que les Madécasses se livrent aux démonstrations les plus bruyantes contre nos nationaux. On invente que nos soldats mangent le coeur des Hovas ; avec cela que ce doit être bon ! On prêche la guerre sainte ; la soeur et la tante de la reine s'en vont hurler par les carrefours, promettant la victoire contre une race qu'elles disent abâtardie. Nos petits soldats sauront avant peu prouver à ces dames qu'elles se trompent du tout au tout."


1895




03.02.1895

10.02.1895

24.03.1895

07.04.1895


21.04.1895

28.04.1895

28.04.1895

19.05.1895




02.06.1895

30.06 .1895

25.08.1895

20.10.1895


27.10.1895

27.10.1895

03.02.1895 : "Événements de Madagascar. M. Le MYRE de VILERS et les colons français regagnant la côte. - Comme nous l'avions prévu, la mission de M. Le MYRE de VILERS à Madagascar n'a point réussi et notre plénipotentiaire a dû revenir en France sans autre satisfaction que d'avoir préparé l'avenir. L'histoire redira un jour avec quelle courtoisie les négociations ont été conduites jusqu'à la dernière heure ; c'est à cette courtoisie même que M. Le MYRE de VILERS a dû de pouvoir quitter Tananarive et revenir à la côte sans danger. Pour le même motif, l'escorte qui descendait à Majunga a pu atteindre cette ville sans être sérieusement inquiétée. M. Le MYRE de VILERS est parti de Tananarive le 26 octobre dernier ; on connaît aujourd'hui tous les détails de ce départ, qui sera si gros de conséquences pour la reine de Madagascar et son peuple. En prévision d'une rupture diplomatique, que tous les Malgaches s'accordaient depuis deux ans à considérer comme imminente, M. d'ANTHOUARD, chargé de l'intérim de la résidence générale, avait fait dresser un inventaire de tous les objets qui ne pourraient être transportés et en avait communiqué la liste au premier ministre hova. Cette précaution n'était pas superflue. On sait qu'il fallut moins de dix jours à M. Le MYRE de VILERS pour se convaincre que toute entente avec le gouvernement malgache était impossible. Aussi, tout le monde se trouva prêt à partir, le jour où les délais fixés au premier ministre pour une réponse furent expirés. Le matin du 26 octobre, l'escorte fut réunie devant la grande porte de la résidence - un superbe monument construit par M. JULLY et inauguré seulement le 14 juillet 1893 ; - là se trouvaient réunis tous ceux qui devaient descendre à travers les régions dépeuplées du pays sakalave : M. RANCHOT, désigné pour prendre le commandement de la colonne, M. d'ANTHOUARD, le capitaine MARTINIE, M. DELHORBE, directeur du Comptoir d'escompte, M. Justin SUPERBIE, frère du grand concessionnaire d'or, enfin 90 hommes environ faisant partie de l'escorte résidentielle. M. Le MYRE de VILERS leur fit à tous un discours de circonstance ; puis, clairon sonnant, la petite colonne se mit en route pour Isoutre et les digues de l'Icoupe, se dirigeant vers Ivate. Une foule énorme et recueillie assistait à ce départ ; aucun cri ne fut proféré, aucune menace ne fut entendue. De son côté, M. Le MYRE de VILERS faisait sceller toutes les portes extérieures de la résidence ; il fit ensuite partir les colons, les employés de la résidence, ceux du télégraphe ; puis ayant été avisé que l'escorte était arrivée sans encombre en un point déterminé, il monta sur son filanzane et partit le dernier. Il traversa vers le milieu du jour la grande place du marché dite Zouma, encombrée d'une foule énorme, et les bras superbement croisés sur sa poitrine, il passa. Le peuple, inquiet de l'avenir, salua respectueusement le grand vieillard, le "gabé", qui emportait avec lui la paix et l'indépendance de Madagascar. A Ambouimalaze, il rejoignit les retardataires et fit passer tout le monde devant lui. marche ne fut point difficile dans les hauts plateaux de l'Imerne, où le ciel est plus clément ; le premier ministre hova d'ailleurs, calculant encore que la paix pourrait être maintenue, avait donné des instructions pour que M. Le MYRE de VILERS et son personnel pussent recruter des porteurs et trouver des vivres. On traversa des villages nombreux et peuplés : Içouavini, Mahardaze, etc., où les maisons s'étagent à perte de vue sur les coteaux, puis on arriva, après dix ou douze heures de marche, à Ankeramadine, sur la lisière d'une grande et impénétrable forêt, qui termine le pays hova. La petite caravane descendit ensuite par une pente brusque - mais au milieu de quels beaux sites - dans la vallée de l'Angave, une petite rivière qui perd ses eaux non loin de là dans les flots du Mangour. Le Mangour est le seul cours d'eau d'une certaine importance que M. Le MYRE de VILERS ait franchi avant son arrivée à la côte ; il l'a passé à Andacane, un assez pittoresque village que le fleuve coupe par la moitié. La plaine de Mangour, entre Andacane et Mouramangue est déjà dure à traverser l'après-midi, sous les chauds rayons du soleil ; mais la petite colonne reste vaillante ; elle sait que les difficultés vont venir ; il faut réserver ses forces et son courage pour la grande forêt. Des arbres gigantesques, peu d'éclaircies, peu de villages, pas de ressources ; l'hospitalité la nuit dans des cases fétides visitées par les rats et par les puces ! C'est dans ces conditions que M. de VILERS a dû voyager deux jours, n'ayant d'autre consolation à fournir aux Européens que la vue des spectacles grandioses et inoubliables. A Béfourne, au milieu de la forêt, une ambulance avait été préparée d'avance ; on y fit une halte assez longue, puis en avant ! Un retour d'opinion pouvait se produire dans l'esprit des Hovas ; il fallait au plus vite se mettre hors de leur portée. Les yeux fixés du côté de Tamatave, M. de VILERS savait qu'il trouverait des subsistances et des renforts sur la côte, à Andévourante ; le télégraphe le renseignait. Il ne fallut rien moins que cette assurance pour aider son entourage à supporter les dernières fatigues du voyage ; les vivres s'épuisaient, les porteurs faisaient chaque jour défection, l'argent manquait ; il fallut souvent user de force pour obtenir des aliments ; les religieuses elles-mêmes durent faire le coup de poing à Maroumbi. A Maroumbi, on prit des pirogues, qui, en cinq heures, transportèrent les européens à la côte. Les secours promis s'y trouvaient : les dangers du voyage étaient réellement terminés. On sait le reste. M. Le MYRE de VILERS ramena toute sa caravane à Tamatave, où il fit encore un séjour de quarante jours, occupé à de nouvelles négociations, d'ailleurs parfaitement inutiles. Il est reparti au lendemain de l'occupation de la ville par nos troupes, alors qu'il fut hier avéré qu'il n'y avait plus place à Madagascar que pour des arguments militaires. Signé : A. MARTINEAU."

10.02.1895 : "Événements de Madagascar. Les enrôlements à l'île de la Réunion. - Tandis qu'activement on se prépare en France à chatier les Hovas, on a très justement songé que les habitants de nos colonies, surtout de celles qui avoisinent Madagascar, pourraient nous être d'un grand secours. Précisément la loi de 1889 les assimile, au point de vue militaire, aux conscrits de la métropole. Jusqu'ici, on ne les avait point appelés et ils s'en plaignaient un peu. Dans la prochaine campagne, tous les fils de France auront l'honneur de combattre côte à côte pour le drapeau tricolore et tous feront également leur glorieux devoir."

24.03.1895 : "Manifestation patriotique. Départ du 200e pour Madagascar. - Un véritable frisson d'enthousiasme a secoué Paris ces jours derniers ; il faut donc croire que le sentiment guerrier n'est point aussi complètement éteint en nous que certains le prétendent. Les philosophes apprécieront ; il nous suffit à nous de constater. L'expédition nécessaire de Madagascar va commencer sérieusement ; le moment est venu et voici que nos troupes s'embarquent pour ce pays lointain. Eh bien ! les braves petits soldats qui, au risque de leur vie, défendront là-bas notre honneur, ont pu voir que le coeur de tous battait avec le leur ; ils n'oublieront pas à l'heure des fatigues et du danger comment ils furent escortés à leur départ. Paris n'a pu les honorer tous ; mais il a salué de ses fraternelles acclamations ceux qui sont sortis de son enceinte, et il entendait bien que son adieu s'adressait non à ceux-là seulement, mais à la totalité des recrues. Une compagnie du 74e, devenue fragment du 200e, était casernée à la Pépinière ; le général SAUSSIER, gouverneur de Paris, généralissime désigné de nos troupes, est allé la visiter. Il a adressé aux hommes une de ces allocutions émues et pratiques dont il a le secret. En même temps qu'il leur parlait de devoir et d'honneur, il leur adressait d'utiles conseils sur la façon dont ils devaient se comporter, sur les obstacles à redouter, sur le moyen d'en triompher. Puis il a serré la main aux gradés et, plus ému qu'il ne voulait paraître, s'est retiré. Le matin du départ, une foule énorme s'est portée aux abords de la caserne ; on a jeté des fleurs aux soldats, on les a conduits jusqu'à la gare et partout sur le parcours éclataient les manifestations patriotiques. Tous, depuis le plus humble citoyen jusqu'au ministre, se découvraient et saluaient au passage. Ils sont partis. Le président de la République fera son dernier voyage, pour leur remettre leur drapeau, et ce drapeau, on peut en être sûr, nous reviendra glorieux."

07.04.1895 : "Au camp de Sathonay. La remise des drapeaux. - Encore quelques jours et les braves petits soldats de France, désignés pour la campagne de Madagascar, seront tous embarqués. Le président de la République, qui représente la patrie, n'a pas voulu les laisser partir sans leur porter les adieux de nous tous dont il est le mandataire. Il est allé les voir au camp de Sathonay, près de Lyon, où on les avait réunis. De ses mains, il leur a remis les drapeaux aux couleurs françaises auxquels ils vont donner un glorieux baptême. Ce fut une belle et vivifiante cérémonie. Au 200e régiment de ligne, aux délégations du régiment d'Algérie, du 40e chasseurs à pied, du 13e d'infanterie de marine, tête nue sous la pluie, M. Félix FAURE, enfant du peuple et ancien soldat de 1870, a tendu leur étendard ; puis d'une voix forte, au milieu de l'émotion générale, face aux troupes, il a prononcé les paroles suivantes : "Officiers, sous-officiers et soldats du corps expéditionnaire de Madagascar ! Au nom de la patrie française dont il symbolise l'unité et la grandeur, je vous remets ce drapeau. Les couleurs sont connues dans les mers que vous allez traverser et dans la grande île africaine où vous allez protéger nos compatriotes, défendre les intérêts du pays et imposer le respect de nos droits. Avec l'autorité des armes, notre drapeau porte dans ses plis tout le génie de la France ; vous ne l'oublierez jamais et vous saurez vous montrer dignes de la mission civilisatrice que vous confie la République. Au cours de cette campagne, vous aurez à affronter des difficultés sérieuses et à donner des preuves de courage, de discipline et d'endurance. Sous le commandement de vos chefs vous serez à la hauteur de tous les sacrifices. Dans les marches, dans les combats, aux heures de péril et aux heures de victoire, en jetant un regard sur vos drapeaux déployés, vous sentirez que la France est avec vous. Nous vous suivrons avec fierté et nous attendons avec confiance le moment où vous inscrirez sur ces étendards, intacts aujourd'hui, un premier nom glorieux : Madagascar." C'est ainsi que le président a parlé, qu'il devait parler, et les drapeaux, confiés par une main loyale à des mains loyales sont une page d'histoire où s'inscriront sûrement des évènements glorieux.

21.04.1895 : "Expédition de Madagascar. Les uniformes de l'armée. - Rien de ce qui intéresse nos braves soldats du corps expéditionnaire de Madagascar ne saurait laisser nos lecteurs indifférents, aussi nous proposons-nous de nous occuper souvent d'eux. Quand si éloignés de la patrie, parmi les brousses, ils recevront le Supplément illustré du Petit Journal, ils verront que l'on pense à eux et cela les récompensera un peu de leurs peines en leur donnant du courage. Pour commencer, nous les montrons en tenue de campagne. Il faut ici que l'on sache comme ils sont vêtus, quelles précautions on a prises pour assurer leur hygiène, il faut aussi que l'on puisse conserver leur portrait comme celui d'un fils chéri, qui bien loin court des dangers et auquel on pense tous les jours. Bonne chance à ces bons et dignes enfants de la France."

28.04.1895 : "Au revoir !!! A nos soldats de Madagascar. - Le corps expéditionnaire qui va imposer aux Hovas le respect de la France s'est embarqué. La plus grande partie des troupes qui le composent est sur la mer, et voici déjà que de la côte on ne peut plus distinguer la fumée des vaisseaux qui les emportent ; elle s'est lentement dissipée à l'horizon, elle s'est confondue avec les nuages. Plus rien qu'un souvenir, et que ce cri qui s'élève de tous nos coeurs : Au revoir ! Au revoir à tous ces braves qui vont braver mille fatigues et mille dangers pour la patrie. Certes, nous tous, nous continuerons en honnêtes gens à remplir notre devoir ; mais pour la plupart d'entre nous ce sera sans le moindre péril. Tandis qu'eux !... c'est, sans parler des risques des batailles, un climat dangereux qu'il leur faudra affronter, et cela loin du pays, loin des chers leurs qui les attendront avec de si cruelles angoisses. Songeons souvent à eux, souhaitons qu'ils nous reviennent. Le ciel permettra, que beaucoup d'entre eux nous soient rendus, mais il en est qui succomberont, héros obscurs dont on saura à peine les noms, tandis que personne n'ignore celui de la chanteuse en vogue. Et pourtant ils ont tous l'enthousiasme au coeur, aucun n'a murmuré, tous sont prêts au sacrifice. Qui osera nier après cela la grandeur de l'idée de patrie ? Ils savent, et cela leur suffit, qu'ils remplissent une mission haute et noble ; la France tout entière leur crie : Au revoir !!!"

28.04.1895 : "A Saint-Pétesbourg. Enrôlement de volontaires russes pour Madagascar. [en 4ème de couverture] - Nos amis de Russie ont tenu à répondre à certaines gouailleries venues de gens parmi lesquels, à tort bien heureusement, on a prétendu avoir trouvé des amateurs de la chasse aux Français. A la première occasion rencontrée, ils ont prouvé que leur sympathie pour nous n'était point platonique, et comme le sang français allait couler à Madagascar ils ont résolu d'y mêler le leur. Les Hovas les intéressent peu ; ils ont voulu seulement que leur drapeau flottât à côté du nôtre, et sans que nous l'eussions demandé, sans que leur gouvernement intervînt, ils se sont enrôlés et sont allés rejoindre nos soldats. Anciens officiers, gentilhommes, paysans, se sont inscrits chez le docteur DVORACHINE, promoteur de l'idée ; ils vont combattre avec nous. Ne trouvez-vous pas que ce qui se passe est de bon augure pour l'avenir ?"

19.05.1895 : "L'armée Hova - Les premières nouvelles reçues sur les opérations militaires à Madagascar confirment cette opinion généralement admise que, dans la grande île africaine, notre ennemi est moins l'habitant que le pays lui-même. Partout où nos soldats se sont présentés, ils n'ont rencontré aucune résistance sérieuse : Tananarive, Majunga, Ambouimarine, Amboudimadirou, Mévarane, Mahabo et enfin Marovoay ont été occupés sans coup férir. Que vaut donc cette armée, qui se dérobe constamment quand il faudrait prendre contact avec la nôtre ? Nous allons essayer de l'indiquer. En théorie, tout homme libre et valide, âgé d'au moins dix-huit ans, doit le service militaire à Madagascar ; la durée du service est de cinq ans. La pratique est moins absolue. Lorsque le premier ministre veut faire une levée, il détermine l'ensemble du contingent ; les chefs de district répartissent à leur tour ce contingent entre les différentes provinces d'après le chiffre de la population ; les chefs de village se livrent à leur tour chez eux à la même répartition. Le recrutement commencé, c'est à qui ne figurera pas sur la fatale liste. Les chefs de village exemptent tous ceux qui peuvent leur faire un cadeau de quelque importance. On comble les vides avec les infirmes et les impotents. Ceux qui ne sont pas assez riches pour se libérer se sauvent dans la brousse. Enfin les recrutement est terminé dans chaque village. Les conscrits sont dirigés sur Tananarive pour y passer une sorte de révision par devant le premier ministre. En route, la moitié des recrues parviennent à s'échapper. La révision dure environ quatre mois ; le premier ministre examine et immatricule lui-même chacune des recrues. Par une sorte de respect superstitieux de la chose écrite, l'homme inscrit n'essaie plus de s'échapper. Après 1879 et avant 1884, elles ont eu lieu tous les ans ; de 1884 à 1888, il y en a trois ; enfin la dernière est toute récente, elle remonte à 1893. La première a donné 20,000 hommes, la dernière de 12 à 15,000, toutes les autres de 7,000 à 8,000. C'est, au total, 80,000 hommes qui ont été enrôlés depuis seize ans. Le hommes enrôlés ne font pas tous le même service : après les opérations finales de recrutement, la majeure partie d'entre eux retournent dans leurs villages où ils sont à la disposition du gouvernement. D'autres sont dirigés sur la côte et dans les postes intérieurs de l'île pour y tenir garnison. 4,000 enfin restent à Tananarive, où ils forment la garde royale et constituent le noyau véritable de l'armée malgache. Ces 4,000 hommes forment six bataillons et sont commandés par 230 officiers. Tous les jours 300 d'entre eux font un service régulier, les uns comme gardiens du palais de la reine et les autres dans la ville. Il serait un peu long d'entrer dans l'organisation militaire sur la côte et dans l'intérieur : il suffit de dire qu'en ces régions, les Hovas utilisent les contingents des diverses tribus et se contentent d'encadrer ces contingents par 10 ou 15,000 de leurs nationaux. Si maintenant on fait une récapitulation générale des Malgaches qui seraient aujourd'hui en état de porter les armes, soit qu'ils aient passé sous les drapeaux, soit qu'ils fassent actuellement leur service, on atteindrait un chiffre d'environ 60,000 dont 45,000 dans l'Imerne et 15,000 dans les autres parties de Madagascar. Si ces 60,000 hommes étaient bien organisés et bien équipés, ils constitueraient assurément un danger sérieux ; mais il leur manque la qualité essentielle du soldat : l'esprit militaire. Leur nature indolente et douce ne les prédispose pas à l'art de la guerre. Naguère on brûlait les déserteurs et la crainte de ces supplices entretenait le courage ; à la suite de la dernière guerre, on a amnistié tous ceux qui avaient fui ; cet acte de bienveillance a tué la discipline. Dernièrement, losque j'étais encore à Tananarive, on discutait l'éventualité d'une guerre. On m'a raconté que les soldats hovas demandaient naïvement aux Européens comment il faudrait s'y prendre pour passer à l'ennemi. On leur répondit : "Mettez un morceau de vos lambas au bout de vos sagaies et il ne vous sera fait aucun mal." On a pu voir, par le début des opérations, que les Hovas ont agi comme ils l'avaient déclaré. En dehors de l'esprit militaire qui manque, l'organistration est fort défectueuse. En cas de guerre, chacune des six provinces de l'Imerne doit former un corps d'armée. Chaque corps d'armée doit comprendre trois brigades à trois ou quatre bataillons de 7 à 800 hommes. L'ensemble donne à peu près exactement les 45,000 hommes dont nous avons parlé, mais s'il faut mobiliser ces hommes, on ne trouve plus personne. Pour cette mobilisation, on hisse un drapeau rouge dans chaque village ; à ce signal, tous ceux qui sont liés par le service militaire doivent partir et se rendre à Tananarive. Les correspondances reçues de Madagascar depuis le commencement des hostilités nous apprennent que plus de la moitié des hommes ont manqué à l'appel. On a des données plus certaines sur l'instruction des soldats. Les Hovas, depuis le commencement du siècle, ont constamment fait appel à l'expérience d'instructeurs étrangers. Sous RADAME 1er, ces instructeurs se nommaient HASTIE et ROBIN. ; avant le 14 mars dernier, ils s'appelaient GRAVES et SHERVINTON. SHERVINTON dirigeait à Tananarive une sorte d'école des cadets, recrutés dans les rangs de la bourgeoisie Hova et destinée au service de l'artillerie. Ces jeunes gens, au nombre de 35 à 40, ont reçu une instruction assez sérieuse ; ils méritent qu'on tienne compte de leur valeur relative. Les autres Hovas reçoivent une éducation très primitive. Ils apprennent le maniement des armes et quelques mouvements de l'école de compagnie et de bataillon. Le mardi matin, les 4,000 hommes de Tananarive doivent se rencontrer pour l'exercice dans la plaine de Souanirane, peu distante de la ville ; il en vient à peine la moitié. Tous les cas de dispense sont admis, il suffit de donner quelque menue monnaie à l'officier. A ceux qui viennent sur le terrain, on met en main un fusil ou un bambou et on leur apprend à s'en servir aussi complètement que possible. Les mouvements ne tardent pas à devenir très réguliers et très rapides. Cette première éducation terminée, les manoeuvres d'ensemble commencent. Elles sont en apparence correctes et satisfaisantes ; les Hovas obéissent avec cette docilité de caractère que seuls possèdent déjà les peuples un peu civilisés. Mais il ne faut rien exagérer. L'un de leurs instructeurs s'exprime ainsi à cet égard : "Les mouvements sont peu variés et se réduisent simplement à des contre-marches, au passage d'une ligne de colonne à une colonne perpendiculaire et réciproquement et à l'augmentation ou à la diminution des intervalles entre les colonnes d'une même ligne. Les colonnes s'éloignent et se rapprochent par le pas de côté, sorte de pas répété, saccadé et d'un effet bizarre." Quant aux tirs, les exercices sont peu fréquents. Les cartouches coûtent cher, et puis, disent les Hovas : "En temps de guerre, il sera toujours temps de se rattraper." A ce titre, les fusils qu'ils ont entre les mains leur servent de parade plutôt que de défense. L'habillement des troupes est très défectueux. Les soldats ont un uniforme qui est le veston blanc et le pantalon noir ou blanc, avec un ceinturon noir à boucle de laiton, dans lequel se passe la baïonnette sans fusil. Leur coiffure est une petite toque ronde en toile avec les initiales R.M. (Ranavalo Manjaka, la reine RANAVALO) séparées par la couronne royale. La coiffure et l'uniforme sont bordés de rouge. L'uniforme doit servir au soldat tout le temps du service ou plutôt, comme il s'habille lui-même à ses frais, tout le temps qu'il peut le faire durer. A la longue, l'usage donne au vêtement des teintes brûnatres indéfinissables. En guerre, chaque habitant doit se cotiser pour équiper les soldats ; la reine organise une véritable souscription à laquelle chacun prend part. Les officiers ont une meilleure tenue, proportionnelle à leur fortune. Dans les grades les plus modestes, les plus riches peuvent avoir des habits de généraux, et réciproquement le généraux peuvent être habillés en simples capitaines. Seulement chaque habillement, dans son ensemble, a une certaine unité harmonieuse : il est moins disparate qu'on ne se l'imagine habituellement. Les uniformes anglais sont les plus estimés ; on les agrémente encore, selon sa fantaisie, de larges bordures d'or et d'argent. Sous ces habits froidement corrects des Européens, les Hovas n'ont point trop mauvaise figure ; ils ne paraissent pas gênés en leurs mouvements. Si l'uniforme était imposé, avec toutes les distinctions que comporte la hiérarchie, leurs officiers, sans avoir l'air belliqueux, ne prêteraient que fort peu à la critique ou à la raillerie. Si les soldats hovas ne sont pas équipés par leur gouvernement, ils ne sont pas davantage logés ou nourris. Il n'existe nulle part de casernes telles que nous les avons en Europe : à Tananarive, les soldats se logent où ils veulent. En province, les aides de camp du gouverneur habitent ordinairement avec lui dans la batterie ; les soldats cherchent en ville un abri. Là où la sécurité est moins grande, les cases des soldats se groupent autour de celle du gouverneur, mais c'est le soldat qui construit sa case à ses risques et périls. L'armement hova ne paraît pas fort dangereux, si l'on en juge par les premières escarmouches avec nos soldats ; à part quelques bons fusils et quelques canons, la majeure partie des armes paraît hors d'état de fournir un long et profitable usage. On connaît à peu près leur armement : tout compte fait, on arrive à 20,000 fusils se chargeant par la culasse, et 8 à 9,000 fusils à pierre. Si toutes ces armes étaient en bon état, elles pourraient inspirer quelque crainte ; mais il n'en est guère que 5 ou 6,000 qui puissent être sérieusement utilisées ; encore sont elles pour la plupart mal entretenues, rouillées. On les astique rarement et on les remise où l'on peut : tant pis si le magasin est humide. Les services d'intendance n'existent nulle part, puisque les soldats se logent et se nourrissent à leurs frais. Dans la guerre actuelle, ce sera l'une des grandes causes de la perte des Hovas. Les troupes obligées de se nourrir sur place, devront couvrir un terrain considérable pour y trouver leurs approvisionnements. Faute de ressources, elles n'y pourront rester longtemps. Sur la côte Ouest, où la guerre est aujourd'hui engagée, le pays n'a jamais pu nourrir plus de 2,000 hommes à la fois. Dans ces conditions, les Hovas devront nécessairement, au bout de quelques jours, battre en retraite ou marcher de l'avant. Par la seule patience, on peut les vaincre, à condition que nous soyons nous-mêmes bien approvisionnés. Nous terminerons ces quelques observations par une anecdote. En 1887, le premier ministre avait envoyé en France quelques jeunes Malgaches pour s'instruire dans l'art militaire. Lorsqu'ils revinrent à Tananarive, RAINELARIRIVOUNA les fit venir et leur demanda ce qu'ils pensaient de l'armée française, si elle était réellement aussi puissante qu'on la lui représentait. L'un lui répondit qu'on en faisait un tableau fort exagéré ; un autre plus hardi lui déclara que notre armée n'était pas à craindre, que dans les revues c'étaient toujours les mêmes soldats qui défilaient et repassaient. Sans doute, le jeune indigène avait consacré ses loisirs à visiter nos cirques. C'est ainsi que la force militaire de la France est appréciée à Madagascar. A. MARTINEAU.

02.06.1895 : "Expédition de Madagascar. Prise d'un camp hova - Nous suivons avec le plus vif intérêt les progrès de nos soldats à Madagascar et nos lecteurs peuvent facilement faire comme nous, grâce à la carte excellente que le Supplément a publiée, il y a quelques semaines, du théâtre des opérations. Avec une grande joie, nous avons appris l'omportant succès du 1er bataillon du régiment colonial composé de travailleurs sakalaves. Au Sud-Est de Marovoay, il a rencontré un fort parti hova qu'il a culbuté avec une énergie digne de nos meilleures troupes. Le drapeau tricolore, en flottant sur les têtes de nos auxiliaires, les a rendus tous égaux aux plus intrépides Français. Les pertes des Hovas ont été considérables ; les nôtres seraient insignifiantes - à peine quelques hommes blessés - si le lieutenant FORESTON, de la 2e compagnie, n'avait été légèrement atteint. Son état n'inspire heureusement pas la moindre inquiétude et, selon toute vraisemblance, il a déjà repris son poste à la tête de ses tirailleurs. Le résultat du combat, dont nous reproduisons un épisode, a été excellent, puisqu'il a mis les nôtres en possession du camp d'Amboudamonte. D'après les renseignements que nous recevons, tout va pour le mieux ; la campagne vigoureusement menée dès le début sera plus courte encore qu'on ne le croyait. Les Hovas, trompés sur notre compte par les intéressés que l'on devine, se décourageront bien vite et nous donneront, sans tarder beaucoup, les satisfactions qu'ils commencent déjà à sentir nécessaires. Nous préparerons bientôt à nos soldats les fêtes joyeuses du retour.

30.06.1895 : "Événements de Madagascar. Prise de Mevatanana - Les evénements importants qui se passent en Europe ne sauraient nous empêcher de songer à nos braves soldats qui, si loin de nous, soutiennent avec tant de vaillance l'honneur du drapeau national. Aussi sommes-nous très heureux de consacrer un de nos dessins à un glorieux fait d'armes qu'ils viennent d'accomplir. Nous les suivons avec un intérêt constant et notre joie est grande de savoir que leur dernier exploit les a débarrassés enfin de leur ennemi le plus cruel, la fièvre, qui nous a coûté récemment la vie du colonel GILLON. Grâce à un pas hardi en avant, ils ont franchi les régions malsaines ; ils sont désormais arrivés dans une contrée où une eau très pure a remplacé celle des dangereux marécages. Ils peuvent réparer leurs forces et n'ont maintenant à lutter que contre les Hovas. Ce n'est plus rien."

25.08.1895 : "Expédition de Madagascar. Dans la brousse - Si les dernières dépêches reçues sont exactes, l'expédition de Madagascar aurait chance de se terminer avant la terrible mauvaise saison. Les troupes françaises ont fait un grand pas en avant et leurs adversaires n'étant point des guerriers fort redoutables, l'essentiel est seulement d'avancer. Il est vrai que c'est là le difficile. On a perdu beaucoup de temps à frayer des routes qui auraient pu être moins importantes, de même on s'est servi de mulets européens à qui il faut donner de l'avoine et de l'orge. Si l'on avait acheté des mulets abyssins ou de la Plata, un peu d'herbe et les pâturages ne manquent pas, au besoin les rizières des Malgaches auraient suffi. Aujourd'hui, on s'avance résolument dans la brousse, des auxiliaires armés de haches font la trouée à nos hommes, comme l'indique notre dessin exécuté d'après un croquis envoyé de Madagascar. Encore quelques jours et tout sera fini là-bas espérons-le. Il sera bon alors de se souvenir de l'exemple de LA BOURDONNAYE au siècle dernier. Sans rien demander à la métropole, en se servant seulement du bois, du cuivre et du fer qu'il trouva à Madagascar, en deux ans il construisit et arma trente vaisseaux avec lesquels il alla prendre Madras aux Anglais. Nous n'en demandons pas autant au futur gouverneur de Madagascar ; mais nous espérons bien que les ressources de notre nouvelle conquête arriveront rapidement à compenser les sacrifices qu'elle nous aura coûtés."

20.10.1895 : "Prise de Tananarive Le palais de la Reine [en 4ème de couverture] - La grande nouvelle est enfin arrivée officielle à Paris, escomptée trois jours avant par l'arrivée d'une dépêche anglaise. Nos braves soldats sont entrés dans Tananarive le 30 septembre. Voici le texte de la dépêche qui a jeté tant de joie dans tous les coeurs : Étapes à Guerre - Majunga, 10 octobre, 7 h. 15 matin. Je reçois à l'instant l'avis officiel suivant daté d'Andriba, 9 octobre : "Après une action brillante, Tananarive a été occupée le 30 septembre. Les négociations pour la paix ont été commencées le 1er octobre et ont abouti dans la soirée du même jour, sous réserve de la ratification du gouvernement de la République. Le général METZINGER a été nommé gouverneur militaire de Tananarive." Ce télégramme a été immédiatement communiqué au président de la République. Le gouvernement a décidé que le ministre de la guerre enverrait au général DUCHESNE le télégramme suivant : Dépêche du gouvernement au général DUCHESNE "Au nom de la France entière, le gouvernement de la République vous adresse ses félicitations ainsi qu'aux officiers, sous-officiers et soldats de l'armée de terre et de mer. Vos admirables troupes, celles de la vaillante colonne de Tananarive, comme celles qui gardent vos communications après les avoir ouvertes au prix d'efforts inouïs, toutes ont bien mérité de la Patrie. La France vous remercie, général, du service que vous venez de rendre et du grand exemple que vous avez donné. Vous avez prouvé une fois de plus qu'il n'est pas d'obstacle ni de péril dont on ne vienne à bout avec du courage, de la méthode et du sang-froid. Vous êtes nommé grand-officier de la Légion d'honneur. Envoyez, sans tarder, vos propositions de récompenses. Le gouvernement proposera au Parlement la création d'une médaille de Madagascar qui sera donnée à toutes vos troupes". Certainement, malheureusement tout n'est pas fini, mais les grandes épreuves sont terminées, et nos soldats sont désormais à l'abri de leur plus dangereux ennemi, le climat meurtrier de certaines régions. Nous ne pouvions, à notre grand regret, publier un dessin de cette entrée de nos troupes, il faudra du temps pour qu'on en reçoive le moindre croquis, mais nous sommes heureux de pouvoir offrir à nos lecteurs un dessin fait sur nature du palais de la reine RANAVALO. Nous pouvons leur dire au moins : Regardez cette porte, c'est par là que nos braves enfants ont passé ; voyez ce palais, sur ses murailles flotte maintenant le drapeau tricolore !"

27.10.1895 : "Expédition de Madagascar. Une rue de Tananarive. - Après avoir passé des jours et des nuits en plein air, exposés aux intempéries d'un climat dangereux, aux atteintes trop souvent mortelles de la fièvre, voici que nos troupes ont atteint Tananarive depuis le commencement du mois. Et les privations sont finies ; quelles que puissent être les rigueurs de la saison des pluies, les nôtres ont un abri sûr dans cette ville où abondent les maisons et des édifices solidement construits. Quelques-unes de ces dernières ne manquent même pas d'une certaine somptuosité architecturale. On trouve à Tananarive des palais, des églises, dont le caractère artistique étonnerait beaucoup ceux qui s'imaginent qu'on ne trouve, aux pays noirs, que des paillottes. Je ne sais si les soldats du corps expéditionnaire s'attardent beaucoup en des admirations artistiques, mais assurément ils sont sensibles à la joie de se reposer et de ne plus coucher en plein air. D'autre part, et malgré les soins de l'intendance, ils n'ont pas toujours trouvé les vivres frais, les fruits savoureux qu'ils se procurent maintenant et que vraiment ils ont bien gagnés.

27.10.1895 : "Expédition de Madagascar. Victoire !!! - Un éclatant succès a couronné les efforts des soldats de la France bravée par le gouvernement hova. Ils ont poussé devant eux l'ennemi et sont arrivés à l'heure dite dans la capitale de l'île immense. Tandis qu'ils défilaient, fiers, alertes, sous les yeux des sujets de la reine noire, l'image de la Victoire planait au-dessus d'eux, agitant, pour leur en faire un habit de gloire, le cher drapeau aux trois couleurs. La Victoire a repris l'habitude de marcher dans nos rangs ; elle est des nôtres maintenant comme autrefois, et Dieu ne permettra plus qu'elle nous abandonne, qu'elle déserte.





1896




05.01.1896

12.01.1896

28.01 .1896

08.03 .1896


22.11.1896

05.01.1896 : "Événements de Madagascar. Le retour du 200e [en 4ème de couverture] - Nous consacrions, il y a quelques mois, un dessin au départ du 200e. Le beau régiment avait quitté la caserne de la Pépinière au milieu des acclamations ; une foule nombreuse l'escortait ; les fleurs pleuvaient de toutes parts ; lorsqu'il passa aux Tuileries, un ministre vint au balcon pour le saluer ; les conseillers de Paris eux-mêmes tinrent à l'honneur de s'associer à l'enthousiasme général. Plus tard, le président de la République se mit exprès en voyage, pour aller remettre son drapeau au 200e régiment. Et les petits soldats partirent bien fiers, désireux de se rendre dignes de tant d'honneurs. Ils ont vaillamment fait leur devoir ces enfants de la patrie ; voici qu'ils reviennent, mais combien décimés ! Les fièvres plus que les armes des Hovas en ont laissé tant sur la terre de là-bas ! Il en est rentré 400 bien portants avec leur colonel BIZOT et leur drapeau moins éclatant qu'au départ, mais bien plus beau puisqu'il a reçu le baptême du feu. Il ira bientôt prendre sa place aux Invalides ; on le recevra solennellement et il dormira parmi les étendards qui avant lui dans les batailles flottèrent haut et ferme pour l'honneur de la France. Les dames de Perpignan ont tenu à recevoir comme ils le méritaient les soldats du 200e ; elles ont été à Port-Vendres attendre l'arrivée du Carolina et quand le colonel BIZOT a paru elles lui ont remis une superbe palme ornée d'un ruban tricolore sur lequel on lit : "Les femmes de France à l'héroïque 200e" La foule s'est largement associée à cette patriotique manifestation et le colonel BIZOT a remercié ayant dans les yeux des larmes d'émotion en même temps que de regrets pour les malheureux qu'il a laissés si loin et qui ne reviendront plus. Ils ont été dignes de la France, honneur à leur mémoire."

12.01.1896 : "Tableaux parisiens. Un rapatrié de Madagascar. - Avec des honneurs ou des soins attentifs, selon qu'ils étaient valides ou souffrants, on a reçu officiellement ceux qui nous reviennent de Madagascar. Nous avons dit que les dames de Perpignan avaient offert des palmes au colonel du 200e, et la semaine dernière le drapeau de ce régiment a été solennellement placé aux Invalides. La population s'associe sympathiquement à ces hommages si justement rendus et ne perd point une occasion de manifester son intérêt à nos braves petits soldats. Un de nos dessinateurs a été témoin d'une scène dont il a, pour nos lecteurs, fixé le souvenir. Sur la plate-forme d'un omnibus se trouvait un rapatrié. On s'empressa autour de lui, on l'interrogea et lui, avec une belle simplicité de fils du peuple, il racontait les fatigues endurées, les périls affrontés, et aussi la gloire conquise avec la joie du retour. Quand il descendit, toutes les mains se tendirent vers la sienne et il sembla que le peuple venait de fraterniser une fois de plus avec l'armée.

28.01.1896 : "Événements de Madagascar. Transport des rapatriés - Malgaches, c'est ainsi que notre peuple appelle familièrement les braves petits soldats de terre et de mer qui ont été affronter à Madagascar des dangers inconnus et qui ont eu - bien éprouvés, hélas ! - le bonheur de revoir la vieille France. Les premiers convois de "Malgaches" ont touché terre. Ils ont été accueillis, comme il était juste, avec des fleurs et des embrassades. On tue le veau gras pour l'enfant prodigue ; on peut bien gâter un peu le fils qui a marché droit. Disons un peu les mesures prescrites par l'autorité militaire pour hâter le retour des soldats de Madagascar, valides ou convalescents, assurer à ces derniers tous les soins qu'exige leur état, et aux premiers les simples commodités qu'ils ont bien méritées après tant de fatigues, d'autant plus qu'après cinq mois de séjour à Madagascar, ils peuvent être tous considérés comme plus ou moins atteints de paludisme. Pour aller plus vite, la commission du ministère de la marine chargée du rapatriement a augmenté le nombre des transports de l'Etat en nolisant aux Compagnies de navigation quinze bâtiments capables de contenir chacun plusieurs centaines de passagers. Parmi ces navires, le Chandernagor, l'Indoustan, l'Amérique, le Liban, la Carolina, le Canarias, la Concordia, la Massilia, l'Italie avaient déjà servi à l'embarquement des troupes de l'expédition. On se souvient qu'alors l'encombrement avait donné lieu à de justes plaintes. Les hommes n'avaient ni la place nécessaire pour s'étendre et se reposer, ni même une quantité suffisante d'air respirable. Pour le retour, qui exigeait de tout autres conditions hygiéniques, il a été arrêté que chaque navire ne recevra que les deux tiers ou les trois quarts au plus des hommes qu'il peut embarquer. Les alités doivent avoir six mètres cubes d'air par individu, et tous les lits doivent être disposés sur un seul plan, non par deux ou trois étages superposés, comme il est d'usage. Outre les lits de malades, vingt-cinq à trente lits sont tenus libres pour les convalescents dont l'état pourrait s'aggraver pendant la traversée, ce qui a toujours lieu pour quelques-uns au passage torride de la mer rouge. Dans le carré des convalescents seulement, deux étages de lits sont permis ; mais ils doivent être disposés de telle sorte que chaque soldat de cette catégorie puisse jouir d'un cube d'air de trois mètres. Enfin tous les hommes valides, aussi bien Kabyles convoyeurs que militaires français, ont une couchette par homme. A l'aller, les Kabyles n'avaient que des nattes. Il est prescrit que les ponts des bâtiments doivent rester entièrement libres. Chacun des transports et navires affrétés a été examiné soit à Marseille, soit à Majunga, par une commission dans laquelle le service de santé est représenté. Lors des premiers rapatriements, au cours même de la campagne, on avait eu à déplorer de nombreuses rechutes suivies de décès à l'entrée dans la Méditerranée. C'était l'effet du notable changement de température de notre zone après les chaleurs excessives de la mer Rouge, bordée des sables d'Arabie et d'Egypte. Pour prévenir le retour de pareils accidents, des vêtements chauds ont été envoyés en quantité suffisante à Port-Saïd, où nos rapatriés font escale, et à leurs vêtements de campagne en toile, ils ajoutent un bon pantalon et une bonne capote de drap qui les empêchent de souffrir de notre hiver relatif. Les prescriptions des règlements sanitaires ont été heureusement observées sur la plupart des navires arrivés jusqu'ici. On a signalé, cependant, deux ou trois exceptions attristantes : des convois qui n'avaient pas été pourvus d'un personnel suffisant de médecins et d'infirmiers. Sur d'autres, le chiffre d'embarquements fixé par la commission a été dépassé. Mais les autorités qui veillent à l'embarquement ont tant de peine à se défendre des sollicitations des intéressés, qui ne rêvent qu'un prompt retour dans leur patrie et à leur foyer, et sont prêts à un sacrifice nouveau pourvu qu'ils arrivent plus vite. Peut-être faudrait-il, dans l'intérêt même de nos soldats, un peu plus de rigueur à leurs prières si touchantes et appliquer, même pour le retour, le principe lentement et sûrement. Quand le Cachar est parti de Majunga, nombre de soldats, impatients de revoir la France avaient été jusqu'à se cacher à fond de cale sans permission ni feuille de route, et ne se sont montrés qu'en pleine mer !"

08.03.1896 : "Dîner offert par le président de la République en l'honneur du général DUCHESNE" [en 4ème de couverture] - Cette fois, il paraît, on n'a pas eu peur qu'un général victorieux mît le gouvernement dans ses bottes. Le général DODDS, vainqueur au Dahomey, avait été accueilli avec une parcimonie méfiante ; on aura senti probablement que l'on avait été fort ridicule avec lui et le vainqueur de Madagascar, le général DUCHESNE, en a profité. On l'a reçu triomphalement à Marseille ; les honneurs officiels lui ont été rendus et, quand il est arrivé à Paris, les représentants du gouvernement l'attendaient. De plus, le président de la République, après l'avoir reçu avec la plus chaleureuse sympathie, a voulu donner à l'Elysée un grand dîner en son honneur. La table, dressée dans la grande salle-à-manger du rez-de-chaussée, comprenait une cinquantaine de couverts. Etaient invités : le président du Sénat, tous les ministres, les généraux DUCHESNE, SAUSSIER, COIFFÉ, BILLOT, de NÉGRIER, JAMONT, CAILLOT, de BOISDEFFRE, BORGNIS-DESBORDES, BÉGIN, METZINGER, de TORCY, les amiraux DUPERRÉ, de la JAILLE, VIGNES, RIEUSSIER, les commandants HUMBERT, DELARUE, LACROIX, et les capitaines DUCHÂTELET, BOSSARD, CARRÉ, de l'état-major général du général DUCHESNE, le général TOURNIER, M. LE GALL, M. BLONDEL et les officiers de la maison militaire du président de la République. M. Félix FAURE s'est honoré en honorant ainsi au nom de la France un des meilleurs serviteurs de la Patrie."

22.11.1896 : "A Madagascar Une exécution à Tananarive - La nomination d'un gouverneur civil à Madagascar ne fut point très heureuse, les Fahavalos de la grande île ayant du respect seulement lorsqu'il se base sur la crainte ; or, ils se moquaient de M. LAROCHE ; les séditions éclataient de toutes parts et à la longue, nous aurions perdu, avec nos soldats, tous les bénéfices d'une expédition laborieuse, meurtrière et coûteuse. On y a mis bon ordre en envoyant là-bas le général GALLIENI qui, lui, ne plaisante pas, il l'a prouvé dès le début. Son entrevue avec la reine a été fort nette ; les situations ont été précisées. Sa Majesté noire a été prévenue d'avoir à se soumettre complètement au représentant de la France, elle a déclaré y consentir avec reconnaissance ajoutant, ce qui est une formule extrêmement polie du pays, que le général était "son père et sa mère". D'autre part, comme il fallait une leçon aux révoltés, on s'est emparé de deux grands personnages qui avaient pactisé avec eux, ce sont le prince RATSIMANANGA et le ministre de l'intérieur, RAINANDRIANAMPANDRY ; tous deux ont été jugés, condamnés et fusillés, le tout avec une rapidité qui inspirera des réflexions salutaires à leurs complices."


1897




10.10.1897

07.11.1897


10.10.1897 : "Le sergent BRUNEAU - Encore un trait d'héroïsme à l'actif de nos braves soldats. A Madagascar, la mission des chemins de fer poursuit son oeuvre avec une rare énergie, et souvent au milieu de grands dangers. C'est ainsi que dernièrement un convoi portant 15,000 francs, 12 caisses de cartouches et des vivres fut attaqué par une troupe importante de rebelles entre Tsiroanomandidy et Auravandoa. Six tirailleurs sénégalais, commandés par un caporal et le sergent BRUNEAU, étaient seuls pour le défendre. A force de courage, ils dispersèrent les bandits et sauvèrent le précieux dépôt qui leur était confié, mais par malheur le sergent BRUNEAU et le caporal payèrent leur dévouement de leur vie. Honneur à ces deux braves, à ces martyrs pour la patrie !

07.11.1897 : "A Madagascar. Leçons de culture aux indigènes - Le général GALLIENI comprend son devoir dans toute son étendue. Il sait qu'il ne lui suffit pas d'assurer notre conquête de Madagascar, de réprimer les soulèvements, de faire respecter le nom de la France ; il veut encore la faire aimer et il cherche à donner le bien-être dont les destinées lui ont été confiées. C'est pourquoi il s'applique à développer l'agriculture à Madagascar. De véritables instructeurs choisis par lui se sont mis en rapport avec les indigènes ; ils leur ont enseigné à dessécher les marais, à en faire des terres fertiles où pousseront abondamment le riz et toutes sortes d'autres plantes. Bientôt le bien-être régnera parmi les populations conquises, et une fois de plus la France pourra se féliciter d'avoir rempli sa mission sacrée, qui est de répandre dans le monde la lumière et la civilisation.


1898




03.04.1898


03.04.1898 : "A Madagascar. Défaite des Sakalaves - Les dernières dépêches de Majunga annoncent que le 22 février à midi, le poste d'Ambiky-Ménabé a été attaqué par 400 Sakalaves. Nos troupes ont repoussé vigoureusement ces révoltés et leur ont tué 53 hommes. De notre côté nous n'avons subi aucune perte. Il paraît que l'effet produit par cette déroute a été considérable et que de nombreux indigènes font leur soumission. Malgré cette échauffourée qui, en somme, ne présente rien de bien surprenant, car la pacification d'une grande île comme Madagascar ne s'obtient pas d'un seul coup, on peut dire que la situation de notre colonie africaine est toujours satisfaisante. Le gouverneur général le constatait encore dernièrement, pendant une tournée d'inspection faite dans le cercle d'Ankazobe. En traversant cette importante région qui, l'année dernière encore, était désolée et déserte, le représentant de la France a été acclamé par une population enthousiaste qui reconnaît les bienfaits de notre administration. Les indigènes ont repris confiance et se sont remis au travail ; là où il y a moins de deux ans, il n'y avait plus que de la brousse, on trouve aujourd'hui des rizières et des cultures prospères. Les industries locales sont reprises ; chacun contribue, par ses efforts, à l'établissement de voies de communications ; les procédés perfectionnés de culture se propagent de plus en plus et un enseignement populaire et pratique se développe rapidement dans les écoles que l'on édifie. Ce n'est donc pas quelques résistances isolées et toujours plus rares qui pourront entraver les progrès que nous sommes heureux de constater et que la sage administration de notre gouverneur et de ses intelligents collaborateurs accentuera chaque jour davantage.


1899




19.03.1899

11.06.1899

19.03.1899 : "La reine RANAVALO à Alger - Dépossédée de son trône, la reine de Madagascar avait été internée à la Réunion, mais là, on la trouva trop près de ses anciens sujets, on estima que sa présence dans une île relativement peu éloignée pouvait encourager certaines résistances dont, malheureusement, on n'est point encore venu à bout. Aussi fut-il résolu que RANAVALO serait transportée à Alger. Elle a passé par Marseille où elle s'est plu infiniment, les autorités l'avaient reçue très courtoisement, promenée dans la ville, conduite au théâtre, et la pauvre reine, éblouie des splendeurs européennes, avait demandé que si on ne lui permettait point de vivre à Paris, son rêve suprême, au moins on l'autorisât à rester en France. Le gouvernement est resté sourd à sa timide prière et l'on ne s'explique pas bien pourquoi ; aussi faut-il espérer qu'il reviendra sur son impitoyable décision. En attendant, la souveraine au teint bruni est installée fort bien à Alger. Elle y vit entourée surtout de sa nièce et de sa tante, laquelle, paraît-il, se console des malheurs de l'exil par des études consciencieuses de nos meilleures liqueurs. RANAVALO aime Alger ; elle a de très belles robes, des joyaux magnifiques : oui, mais tout cela n'est pas Paris ! O monsieur LOUBET, soyez grand et généreux, laissez venir à nous la petite reine noire.

11.06.1899 : "Le général GALLIÉNI - La gloire moissonnée à pleins bras par nos soldats à l'extérieur arrive à propos pour nous consoler des tristesses de l'intérieur, la France vient de recevoir avec les honneurs qu'ils ont mérités deux de ses plus illustres enfants. L'héroïque MARCHAND ne doit point nous faire oublier le général GALLIÉNI, qui rentre parmi nous après deux ans de la campagne la plus pénible et la plus féconde en heureux résultats à Madagascar. Choisi pour remplacer M. LAROCHE, il mena avec la plus remarquable vigueur la répression des insoumis de la grande île. Son attention fut toujours activement éveillée en cette terre classique des embûches et de la trahison. En même temps qu'il imposait à ses hommes de rudes travaux, il s'occupait avec une sollicitude paternelle, de leur bien-être, de leur hygiène et la terrible fièvre, leur plus cruel ennemi, dut reculer devant lui. Administrateur habile, il organisait la conquête sur des bases solides ; un jour sa statue s'élèvera à Madagascar et ce sera justice. Diplomate des plus avisés, il a su déjouer les intrigues de ceux qui voulaient récolter le fruit de nos peines. C'est donc à bon droit que la France l'honore aujourd'hui. Ses états de service sont splendides ; en Sénégambie contre AHMADOU, au Soudan contre SAMORY, au Tonkin contre les pirates il a fait preuve d'une hardiesse et d'une intrépidité inouïes. Le général GALLIÉNI est l'un des meilleurs soldats de la patrie.


1900





01.04.1900

21.10.1900


01.04.1900 : "Exposition de 1900. Pavillon de Madagascar. - Au mois de septembre 1896, quand il débarqua à Tamatave, le général GALLIÉNI trouva Madagascar en pleine insurrection. La capitale elle-même, Tananarive, était affamée par les rebelles. Aujourd'hui l'île est pacifiée entièrement ; les colons y circulent sans escorte. Dotée d'une administration simple et peu coûteuse, sillonnée par des routes déjà nombreuses, auxquelles un chemin de fer de Tananarive à la côte Est viendra bientôt s'adjoindre, notre jeune colonie voit sa prospérité s'affirmer de plus en plus. L'exposition qu'elle va ouvrir à Paris, sur la place du Trocadéro, d'après les plans de M. JULLY, architecte de la colonie, fera connaître à nos compatriotes ses immenses ressources et favorisera puissamment son essor économique. Dans un pavillon circulaire, de 80 mètres de diamètre, elle rassemblera tous les produits de l'île et aussi tous les produits français qui peuvent être avantageusement écoulés à Madagascar ; nos commerçants recevront là un enseignement eminemment pratique. L'exposition de Madagascar ne sera pas seulement instructive, elle intéressera le grand public et l'amusera. Au rez-de-chaussée, dans un cadre constitué par des reproductions très exactes de paysages malgaches, forêt vierge, plantations de riz, de caoutchouc, les visiteurs verront des indigènes malgaches au nombre de 150 se livrer, près de leurs cases, aux industries qu'ils exercent dans leur pays, chercher la poussière d'or dans un petit ruisseau serpentant sur le sol, tisser des "rabanes". Les femmes pileront leur riz, soigneront leurs bestiaux, originaires de Madagascar. Au premier étage, les visiteurs verront, avec curiosité, des objets précieux provenant du palais de la reine RANAVALONA. Au même étage, le panorama de la prise de Tananarive, dû au pinceau du peintre de l'expédition, M. Louis TYNAIRE, est déjà presque complètement installé par une société privée et sera un des points les plus visités de l'Exposition entière. Le général GALLIÉNI a confié le soin d'organiser l'exposition de Madagascar à M. GROSCLAUDE, dont le livre, Un parisien à Madagascar, témoigne qu'on peut être explorateur et savant économiste sans être ennuyeux. M. François CROZIER, consul de France, et M. Clément DELHORBE, secrétaire général du comité du Nord, qui connaissent parfaitement les ressources de l'île et ont la plus grande foi en son avenir, ont été désignés comme ses collaborateurs par le ministre des colonies. La colonie s'est imposée de gros sacrifices pour créer une exposition digne d'elle : elle ne le regrettera pas, si elle peut convaincre nos compatriotes que le général GALLIÉNI a ouvert un champ merveilleux à l'activité de nos colons et que le pays lui doit beaucoup de reconnaissance.

21.10.1900 : "Départ des Malgaches - Le froid commence à venir et les coloniaux appelés à Paris pour l'Exposition n'auraient pu le supporter. Aussi a t-on agi avec humanité en les renvoyant vers les climats plus chauds où ils ont pris naissance. Les Malgaches viennent de partir les derniers au nombre de 118 ; ils étaient arrivés 125 mais 7 d'entre eux, définitivement conquis par notre civilisation, ont voulu rester parmi nous. Ils entreront dans différentes écoles artistiques ou industrielles. Avant le départ ils ont fait de touchants adieux à leurs camarades qui vont revoir l'île lointaine. Ceux-ci, le coeur plein de reconnaissance pour le bon accueil qui leur fut fait durant leur séjour, ont crié à plusieurs reprises : "Vive la France !" en quittant le bloc 57 où ils étaient casernés, en passant devant l'Exposition, et enfin en arrivant à la gare de Lyon dans les wagons qui les ont emportés à Marseille. Hommes aux larges chapeaux, femmes frileusement drapées, soldats corrects en leurs uniformes, tous ont pris congé respectueusement de MM. GROSCLAUDE et François CROZIER, commissaires de l'Exposition coloniale. Ils les ont remerciés des soins dont ils ont été l'objet. Maintenant, ils voguent sur la mer. La vision de la France s'efface, mais il en demeurera néanmoins dans leur coeur un souvenir d'admiration et d'affection dont profiteront nos compatriotes installés là-bas."


1901




09.06.1901

16.06.1901

09.06.1901 : "La reine RANAVALO à Paris - Il faut rendre cette justice à la reine dépossédée de Madagascar, qu'elle supporte sa nouvelle situation avec une parfaite dignité. Elle vit en Algérie, assez maigrement pensionnée par le gouvernement français, traitée parfois par des inférieurs avec beaucoup moins d'égards qu'elle n'en mérite. Pourtant elle est grand-croix de la Légion d'honneur. Il est vrai que pour simplifier les choses, sans la dégrader positivement, on lui a enlevé subrepticement les insignes de son grade. La vie pour elle à Alger n'est pas précisément folâtre, aussi a-t-elle à différentes reprises sollicité la permission de venir à Paris. Elle désirait surtout visiter l'Exposition. On le lui refusa, pourquoi ? On ne craignait point sans doute qu'elle renversât le gouvernement ; peut-être fut-ce pour ne point l'affliger en lui montrant au pavillon consacré à son pays la glorification de notre conquête. Quoi qu'il en soit, plus heureuse que le paysan de NADAUD, qui ne put jamais voir Carcassonne, la reine RANAVALO satisfait, en ce moment, son envie. Elle est à Paris, elle y vit aussi modestement que possible, mais elle admire le plus qu'elle peut les splendeurs de la grande ville, et la population de Paris, sans lui faire un accueil enthousiaste, la reçoit avec la bienveillance et la sympathie qui lui sont dues."

Dans une autre partie du même numéro, la venue de la reine était ainsi évoquée et commentée : "On a fait, en France, un courtois, un très gentil accueil à l'ex-reine de Madagascar. Nous avons bon caractère, c'est entendu, et nous ne tenons pas rancune aux gens d'avoir été obligés de les dépouiller. La fameuse parole de l'historien TACITE : Il est dans la nature humaine de haïr ceux à qui nous avons fait du mal, s'applique mieux à d'autres peuples qu'à nous. Il faut bien convenir, au reste, que la reine des Hovas - ou sinon elle, ses conseillers, sa camarilla, sa famille, - avait fait tout ce qu'il fallait, et même au delà, pour nous obliger de changer notre protectorat en prise de possession définitive. Il y a eu, à Madagascar, deux reines RANAVALO. La seconde, celle qui en ce moment nous honore de sa présence, ne s'est jamais montrée méchante personne. La première RANAVALO, au contraire, qui régnait à Tananarive il y a une quarantaine d'années, et qui, à tous égards, fut ce qu'on appelle une maîtresse femme, menait ses peuples à la baguette. Et cette baguette était plutôt une verge de fer. Les pires Césars romains ne furent pas plus impitoyables que cette souveraine couleur de suie dans la répression des conspirations contre son despotisme. Il est tels des châtiments, des supplices infligés par son ordre contre les conspirateurs ou les simplement suspects d'hostilité, dont ma plume ne saurait décrire honnêtement les raffinements exécrables. Les coupables du crime de lèse-majesté devaient expier leur forfait de la façon et dans les conditions suivantes : on creusait un silo et on les déposait au fond de ce trou, consciencieusement ligotés à la crapaudine. Là, ils devaient périr sous la projection de chaudières d'eau bouillante. Et c'étaient leurs parents les plus proches à qui était imposée l'atroce corvée d'accomplir cette exécution. RANAVALO première du nom était idolâtre. Mais nous possédons, dans notre histoire de France, un monarque très chrétien (du moins en portait-il le titre), qui voulut que les enfants d'un ennemi politique, décapité après avoir été torturé, fussent placés sous l'échafaud et arrosés du sang de leur père. Le supplicié s'appelait Jacques d'ARMAGNAC, duc de NEMOURS, et le bourreau (le vrai, le porte-couronne) fut le roi Louis XI, dont NEMOURS, par parenthèse, était le parent. Cela se passait à Paris en 1477, et les pièces de ce procès sont conservées à la Bibliothèque nationale. Trois volumes in-folio, au département des manuscrits ; vous pouvez vérifier."

16.06.1901 : "Arrivée de la reine RANAVALO à Paris - Les parisiens ont décidément le besoin de crier : "Vive quelqu'un" ou "Vive quelque chose". Voyez plutôt : La reine de Madagascar, privée par nous de son trône et traitée par le gouvernement sinon avec dureté, du moins avec une fâcheuse parcimonie, supporte son infortune avec une douceur résignée et une dignité véritablement admirables. Après l'avoir longtemps demandé, elle obtient enfin de venir visiter Paris. Naturellement, une foule considérable vient l'attendre à la gare de Lyon. Quelle est l'attitude de cette foule ? Pensez-vous qu'elle accueillera la souveraine déchue avec le sympathique respect dû à son malheur ? Point, sur le passage de cette reine à qui nous avons pris en somme ses Etats et sa fortune, ce sont des cris formidables de "Vive la reine !" cris tellement assourdissants que RANAVALO croit devoir affirmer qu'elle n'a pas peur. Bon peuple de Paris dont les élans sont si généreux mais parfois aussi bien peu réfléchis. A la gare, point de personnage officiel ; seulement auprès de la reine, M. LEMAIRE, sous-chef de bureau au ministère des colonies, qui, l'ayant attendue à Marseille, ne la quittera plus d'une semelle, réglant l'emploi de son temps, décidant des visites qu'elle doit faire ; en somme, ayant plutôt l'air de la garder que de l'escorter. Pauvre petite reine, a-t-on peur qu'elle renverse le gouvernement ! Avec elle sont venues sa tante, Mme RAMASINDRARANA, dont l'abord est beaucoup moins sympathique, et la mignonne petite Marie-Louise, sa nièce. Plusieurs personnes qui connaissent personnellement la reine sont venues la saluer, notamment M. DURAND et sa femme, laquelle apporte à la petite Marie-Louise une belle poupée habillée en Malgache. M. DURAND est l'officier qui, chargé de conduire la reine déchue en exil, s'acquitta de sa triste mission avec un tact et une courtoisie qui furent très appréciés. Une petite fille de huit ans, Mlle ZATOU, née à Madagascar, et recueillie par une française de Tananarive, a remis, vêtue de son costume national, des fleurs à sa reine qui l'en a remerciée d'un gracieux sourire suivi d'un gros soupir."


1905




16.04.1905


16.04.1905 : "A Madagascar. - Une poignée de héros. Mort du sergent CASALONGA et de ses tirailleurs sénégalais dans l'église d'Ampasimena - Le Petit Journal a donné de nombreux détails sur la rebellion qui, récemment, a éclaté dans le Sud de la province de Farafangana à Madagascar, et qui est aujourd'hui apaisée. Une dizaine d'européens, militaires, fonctionnaires ou colons, et un assez grand nombre d'indigènes furent tués dès le début de cette insurrection. La révolte a éclaté dans le pays des Antaisaka, tribu belliqueuse où se recrutent les tirailleurs et les miliciens destinés à la garde de la province. On conçoit, dès lors, quelles furent les alarmes des Européens, perdus au milieu d'une population en révolte, et n'ayant que des troupes douteuses pour les protéger. Heureusement, la répression fut rapidement organisée. On envoya à Farafangana la canonnière Havraise, avec des tirailleurs de la garnison de Tamatave, et les insurgés furent vigoureusement poursuivis. Néanmoins, la campagne nécessita des opérations militaires fort dures, qui nous coûtèrent des pertes sensibles. Le général GALLIÉNI, gouverneur de la grande île, vient de publier un ordre du jour dans lequel il cite les officiers et soldats qui se sont particulièrement distingués au cours de l'expédition. Parmi ces citations, il en est une qui méritait d'être particulièrement glorifiée ; et nous avons voulu en fixer le souvenir au coeur de tous les vrais patriotes en en faisant le sujet d'une de nos gravures. Elle concerne le sergent CASALONGA, du 3ème tirailleurs sénégalais. Ce sous-officier se trouva tout à coup assiégé dans la petite église du village d'Ampasimena, par des bandes nombreuses de rebelles. Il n'avait avec lui que neuf hommes de sa compagnie, mais ces hommes étaient braves, comme leur chef ; ils jurèrent de lutter jusqu'à la dernière goutte de leur sang, et ils surent tenir largement leur parole. Dix jours durant, la petite troupe, derrière les murs branlants de la bicoque, soutint les assauts furieux de l'ennemi. Le combat ne se termina que par l'anéantissement complet du détachement ; les rebelles vainqueurs n'eurent même pas la satisfaction de s'emparer d'un seul fusil, les armes ayant été brisées au fur et à mesure que tombaient les hommes qui les tenaient, et le dernier tirailleur, frappé à mort, ayant eu, avant de succomber, la force de détruire son arme. La défense de la petite église d'Ampasimena n'est-elle pas digne de prendre place parmi les plus beaux faits d'armes de ce genre : Sidi-Brahim, Mazagran, Tuyen-Quan ? Et l'héroïsme simple de ce modeste sergent n'est-il pas une fière réponse aux désolants discours des sans-patrie ?"


1909




21.02.1909


21.02.1909 : "Ferme d'autruches à Madagascar. L'élevage de l'autruche qui a si bien réussi dans la région du Haut Nil et de l'Afrique du Sud, a été, en ces dernières années, tenté sur certains points de nos colonies d'Afrique. M. ROUME avait essayé de l'organiser dans ses possessions de l'Afrique occidentale. Depuis lors, des essais d'acclimatement de l'autruche ont été couronnés de succès. Une correspondance de Madagascar nous apprend que, au 15 septembre dernier, le parc d'autruches de la ville de Tuléar comptait 118 animaux. Après la ponte, le troupeau atteindra vraisemblablement 200 têtes. Nos lecteurs trouveront dans notre "Variété" d'intéressants renseignements sur cet élevage qui, s'il se développe comme tout permet de l'espérer, peut apporter à la colonie un puissant élément de prospérité. (...) L'élevage de l'autruche tenté à Madagascar y a parfaitement réussi. Des fermes d'autruches y sont déjà en pleine exploitation ; et l'on peut compter dès à présent que le développement de cette industrie sera pour la "Grande Ile" un puissant élément de prospérité. (...)"



Note : à la différence des originaux de ces textes mais comme partout sur le site, nous avons écrit les noms propres en lettres capitales (ce qui n'est donc pas le cas dans ces articles) et les dates sont en caractères gras. Par contre, nous avons écrit les titres en lettres minuscules, alors qu'ils sont en lettres majuscules dans les articles et que la première phrase de ces titres est toujours de dimension plus importante que la phrase qui suit (pour marquer la différence, nous avons repris la première partie de ces titres en caractères gras, la totalité de ces titres étant soulignée.) Enfin, pour gagner de la place, nous n'avons pas tenu compte des mises à la ligne : dans le journal, les textes sont moins compacts.







Informations sur les conjointes et les conjoints de EUZET.
Voir aussi
Les patronymes des conjoint(e)s

- Pour cette branche, un certain nombre d'éléments ont été mis en confidentiel, à la demande de Madame Lucile DAVERIO ; il en est de même dans les dossiers correspondants de Saint-Jean-de-Védas, Montpellier, Patronymes des conjoints, Patronymes des parents des conjoints, et Index des EUZET.





Méthodes

Le choix fait dans ce dossier est un modèle de ce qu'il faudrait bâtir pour les autres fichiers. En 2007, il y a eu un échange constant d'informations et d'impressions avec une correspondante qui a vécu sur place et qui possède une documentation personnelle très riche, Madame Pierrette CAMBIER-DÉROULÈDE, petite-fille de Pierre EUZET qui s'est installé dans l'île. Ensuite, il a fallu faire un choix entre les nombreuses photos et mettre en valeur des évènements marquants, non seulement pour cette famille mais aussi pour tous les habitants de Madagascar. Enfin, nous avons voulu éviter de privilégier le "côté exotique" du sujet, en gardant seulement les tonalités familiales, politiques et historiques. Les précisions apportées par M. Claude RAZANAJAO, en 2011 et 2013, sont allées dans le même sens.

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Saint-Jean-de-Védas

Vohémar

Vohémar (suite 2)

Les lignées issues de l'Hérault.