Chromosome Y (suite 2).



Cet article vise à faire le point sur la situation de la généalogie par l'ADN pour la période 2013-2018, après les deux articles précédents : "Chromosome Y" (qui présentait la situation de 1997 à 2006) et "Chromosome Y (suite 1)" qui en était le prolongement pour la période 2007-2009. 20 ans après les premières découvertes, où en est-on ?


Un article a d'abord attiré notre attention. En effet, dans le Le Monde du 28.06.2013, on pouvait y trouver une enquête du journaliste Philippe BERNARD intitulée : "AfricADN", à l'occasion de la visite de l'île de Gorée par Barack OBAMA. L'île est le lieu symbole de la traite négrière que les Noirs américains abordent nombreux en pèlerins, mais c'est le lien avec la génétique que nous soulignons ici. Pour mieux comprendre, voici ce qu'écrit l'envoyé spécial du journal : " (...) Si beaucoup de Noirs sont partis à la recherche de leurs racines africaines dès la fin des années 1970 après le succès du feuilleton Roots, les promesses affichées par la génétique ont transformé cet engouement en marché prospère et en phénomène de société dans un pays où presque chaque habitant vient d'ailleurs. Pour 100 à 900 dollars, des dizaines de sociétés exploitent cette obsession des origines. Il suffit de frotter un coton-tige dans sa cavité bucale, de l'expédier sous enveloppe par la poste, pour que Family tree DNA ou 23andMe (en référence à nos 23 paires de chromosomes), après analyse, vous indique quel pourcentage de sang européen ou asiatique coule dans vos veines. Aux Africains américains, les mêmes firmes se font fort de préciser l'ethnie d'origine, à la fois en lignée maternelle et paternelle depuis cinq siècles. (...)" Evidemment, tout ceci ne va pas sans critiques : la taille des échantillons est trop restreinte, les contrôles sont insuffisants "pour assurer la qualité et l'interprétation des informations vendues", les filiations sont trop complexes et la "référence obligée" à des ethnies est "commandée par le marketing", alors que les ensembles humains évoluent au fil des siècles. Le secret du succès de ces tests trouve sa raison ailleurs : "L'ADN élucide un mystère douloureux dont [les Noirs] recherchaient le secret de façon obsessionnelle, celui de leur identité. (...)".

Ainsi voit-on se développer des phénomènes de masse, que l'on devinait à peine dans les années 90, et qui font la prospérité de ces sociétés qui "exploitent cette obsession des origines". Au passage, notons que la France reste à l'écart de cette évolution puisque l'exploitation des données de l'ADN pour la généalogie y est interdite. Celles et ceux qui sont intéressés doivent donc s'adresser à des sociétés anglo-saxonnes ou américaines !

Ce qui est frappant aussi, c'est le débat récurrent sur les races qui suit de très près le débat précédent. Ce n'est certainement pas anodin si Le Monde - Culture et Idées" du 29.06.2013 a traité de cette question dans un dossier intitulé : "Fin de race" et on n'est pas plus surpris d'y trouver un entretien donné par le biologiste Bertrand JORDAN qui résume parfaitement la question : " (...) En 2000, le programme international Génome humain aboutit à la première ébauche de séquençage de notre patrimoine génétique, et il devient possible de comparer celui-ci entre plusieurs centaines de personnes. On découvre alors que la quasi-totalité de notre patrimoine génétique est identique chez les Africains, les Européens ou les Asiatiques. L'espèce humaine est génétiquement homogène à environ 99,9 % ce qui invalide la notion biologique de races humaines. Cela n'empêche pas d'identifier des groupes distincts au sein de la population. Homogène à 99,9 % sur les 3 milliards de bases que contient l'ADN humain, cela signifie en effet une différence de 0,1 % soit tout de même 3 millions de bases qui varient entre vous et moi. En modifiant la nature d'un même gène, ces variants peuvent se traduire par des différences de taille, de couleur de peau, ou encore de sensibilité à certaines maladies entre individus. A mesure que la génétique progresse, on s'aperçoit que la plupart de ces variants se répartissent de la même façon dans toutes les populations : chez les Papous comme chez les Bretons, on retrouvera tous les variants d'un gène donné. Mais, comme pour les groupes sanguins, certains variants seront plus fréquents dans certains groupes que dans d'autres. Ce sont ces différences de répartition qui permettent de dessiner des groupes au sein de l'espèce humaine. Avec une telle puissance d'analyse qu'on peut ainsi distinguer les Français des Belges ou des Suisses, pour la simple raison que deux Français ont plus de chances d'avoir un ancêtre commun qu'un Français ou un Suisse. (...) En résumé : " (...) Il n'y a pas de sous-ensembles complètement séparés au sein de l'espèce humaine, et il y a en même temps une certaine différenciation entre les populations. (...)"

Le point de la situation par Guillaume de MORANT

Le 17.09.2013, aux Archives de Paris, Guillaume de MORANT a fait le point de la situation dans une conférence organisée en partenariat avec l'association La France Généalogique. Après avoir repris la problématique, les découvertes et les évènements tels que nous les avons nous-même en partie retracés dans Chromosome Y et Chromosome Y-1, il a insisté sur l'idée que la recherche des ancêtres par l'ADN, c'est surtout le partage. Le profil génétique étant établi pour toujours, on peut alors le partager sur les bases de données possédées par les sociétés qui proposent les tests. Compris de cette manière, ce type de recherche peut ainsi être associé à la généalogie traditionnelle pour débloquer certaines situations ou se mettre en liaison avec des "cousins" éloignés (notamment pour les familles qui ont eu un émigrant aux USA, car les sociétés sont surtout américaines et donc leurs bases de données concernent d'abord le continent américain). La loi française n'a prévu les recherches génétiques que dans trois hypothèses : des mesures judiciaires, médicales ou scientifiques. On ne peut qu'espérer une évolution de la législation mais ce n'est, manifestement, pas à l'ordre du jour ! En attendant, il y a de plus en plus d'européens qui font le test, ce qui permet d'enrichir les bases de données et donc faciliter le partage des informations. [Bien entendu, ce résumé n'engage que l'auteur de ces lignes et en aucune manière le conférencier]


"Rechercher ses ancêtres par l'A.D.N."
(Guillaume de MORANT, le 17.09.2013)


Pour autant, la situation va-t-elle changer à cause d'une confusion entre la recherche généalogique via l'ADN (d'une part) et l'évaluation des risques de santé par ces mêmes tests d'ADN (d'autre part). C'est ce que Guillaume de MORANT a signalé dans son blog, le 03.12.2013, avec un article titré : "Les tests ADN généalogiques interdits aux Etats Unis". En fait, ce titre estimé provocateur par l'auteur lui-même, recouvre une réalité un peu différente, même si des interdictions de vente directe de ces tests aux consommateurs ont déjà été prononcées à New-York et dans le Maryland, selon Guillaume de MORANT.

De fait, ce qui est critiqué par la Food and Drug Administration, c'est que ces tests servent ou peuvent servir aussi à établir une sorte de diagnostic santé des utilisateurs du test salivaire. Cette administration vient donc "d'ordonner à la société américaine 23andMe de cesser de commercialiser son test génétique salivaire (vendu 99 dollars) parce qu'elle n'a pas reçu "l'aval des autorités de règlementation". Sont pointés les risques des conséquences liées à de mauvaises évaluations de maladies graves. Le débat ne fait que commencer car "une pétition déjà signée par plus de 4000 personnes a été mise en place mettant en cause l'attitude des médecins qui seraient non formés à l'explication des diagnostics génétiques".


Phénomène de masse et marketing

Pour comprendre un peu mieux la situation, en 2013-2014, portons notre regard sur une entreprise suisse (IGENEA)

IGENEA présente trois tests à trois prix différents (consultation le 23.12.2013) : a) IGENEA Basic, au prix de 199 €, qui est demandé par 9 % des clients ; b) IGENEA Premium, au prix de 449 €, qui est demandé par 75 % des clients ; c) IGENEA Expert, au prix de 1099 €, qui est demandé par 16 % des clients. Que nous dit-on sur le site pour ces trois tests ?

"Le test IGENEA Basic vous offre un aperçu sur votre généalogie ADN du côté paternel ou maternel. Ils sont déterminés (sic) votre haplotype, votre peuple d'origine et votre région d'origine. Vous recevez un résultat écrit avec certificat. Grâce à un accès personnel à la plus grande base de données de généalogie du monde, vous pouvez trouver des parents génétiques. Pour la lignée maternelle, sont analysées les zones HVR1 et HVR2 de l'ADN mitochondrial (ADNmt). Pour la lignée paternelle sont analysés 37 marqueurs du chromosome Y."

"Pour un résultat poussé sur les deux lignées, nous recommandons le test IGENEA premium. Il vous offre une analyse ADN personnalisée, correspondant précisément à vos questions et besoins. Le test convient autant à l'analyse des origines qu'à la recherche de parenté. A partir de vos questions personnelles, nous combinons divers tests ADN individuels avec les analyses qui conviennent le plus précisément à vos interrogations. Vous recevez un résultat écrit avec certificat, comprenant entre autres votre haplogroupe, votre peuple d'origine ainsi que votre région d'origine. De plus en consultant vos résultats personnels en ligne, vous pourrez prendre contact par email avec vos cousins génétiques, et ainsi en apprendre davantage sur vos origines. Avant le test, nous déterminerons avec vous par entretien téléphonique ou par email quelles informations vous souhaitez recevoir en résultat. N'hésitez pas à ajouter dans le champ commentaires les questions concrètes que vous vous posez, ou les thèmes qui vous intéressent le plus."

"Le test IGENEA Expert vous offre un paquet global de la plus haute qualité et étendue. En plus des résultats bruts de l'analyse ADN, vous recevrez l'aide à l'interprétation la plus précise possible. Le test Igenea Expert constitue le test génétique le plus complet selon l'état actuel de la science. Votre analyse d'origine comprendra entre autres votre haplogroupe, votre peuple antique ainsi que votre région d'origine. Vous recevrez ces informations avec distinction nette de votre lignée maternelle et votre lignée paternelle. En outre le Test FamilyFinder est inclus, ce qui vous permettra de découvrir l'origine de tous vos ancêtres par pourcentages. Vous recevrez un résultat écrit avec certificat. Dans vos résultats personnels en ligne vous pourrez voir trois listes d'ancêtres génétiques, une en lignée purement maternelle, une en lignée purement paternelle et enfin une pour toutes les autres lignées. De plus vous pourrez prendre contact par email avec vos cousins génétiques, et ainsi en apprendre davantage sur vos origines. Pour la lignée maternelle, l'ADN mitochondrial (ADNmt) complet est analysé. Pour la lignée paternelle sont analysés 111 marqueurs STR et plusieurs marqueurs SNP du chromosome Y. De plus, dans le test FamilyFinder env. 710 000 SNPs (polymorphismes nucléotidiques) sont testés en blocs corrélés sur les chromosomes 1 à 22 et x."

Toujours sur le site d'IGENEA, dans la partie "Méthodes d'analyse", nous notons la phrase suivante : "Après arrivée et enregistrement des échantillons par FamilyTree DNA à Houston (USA) les échantillons et le cas échéant d'importantes informations complémentaires sont transmises au laboratoire (Genomix Research Center) pour être traités."

De même, sur le forum d'IGENEA, un message du 05.08.2009 nous fait mieux comprendre le lien existant avec FamilyTree DNA : "IGENEA travaille en étroite collaboration avec FamilyTree DNA à Houston (USA). La coopération avec FamilyTree DNA permet à tous les clients IGENEA, d'accéder à la plus grande banque de données de généalogie ADN du monde.". Autrement dit, il ne devrait pas y avoir de différences de résultats et de prix entre ces deux sociétés, IGENEA et FamilyTree DNA.



Le magazine La Vie a sorti un numéro hors-série, fin mars 2015, sur Généalogie. La nouvelle passion de Français. Parmi les contributions, un article de Joséphine BATAILLE intitulé : ADN Les raisons de la gêne. Dans cette analyse, nous avons retenu la partie titrée "Se raconter des histoires", que nous reprenons ici : "Parce qu'il traverse le temps, l'ADN permet de tirer sur des fils dont les sociétés de séquençage génomique ont bien compris l'intérêt commercial. La plupart d'entre elles analysent l'ADN du chromosome Y, qui permet de remonter de père en père, et celui des mitochondries (transmis uniquement par la mère), afin de constituer une lignée féminine traversant les siècles. Cela n'offre jamais accès qu'à une branche de son arbre généalogique, et à deux si l'on est un homme. "Certes, on peut aller au-delà de dix générations ... mais on réduit ses ancêtres à un seul sur plus de 1000", relativise Catherine BOURGAIN, généticienne à l'Inserm, auteure de ADN, superstar ou superflic ? (Seuil). Certaines sociétés procèdent au séquençage global de l'ADN et proposent également de rattacher leur client à de grands groupes ethniques, qui dessinent ses origines lointaines. Florent les a reçues (dans l'exemple cité dans l'article, cette personne a expédié sa salive aux Etats-Unis, à l'adresse de la société 23 and me pour 130 euros, frais de port compris, pour un test à visée généalogique effectuée à partir d'un frottis buccal) sous la forme d'une carte qui a confirmé la racine celte que laissait présager son nom de famille typiquement breton (...) Elle lui a aussi révélé une racine moyen-orientale (...) "En fait, précise Catherine BOURGAIN, nous ne connaissons pas l'ADN des personnes qui ont vécu il y a plus de cinq cents ans. Aussi cette mise en relation est-elle fondée sur l'analyse de l'ADN de populations contemporaines jugées sédentaires. La génétique est néanmoins un outil pour se raconter des histoires." A noter aussi, le dossier paru dans Le Monde - Science et Médecine du 06.05.2015, intitulé "Pour ou contre la génomique personnelle". Le volet ADN et Généalogie y est peu abordé, sauf une réponse de Jean-Louis MANDEL (professeur de génétique humaine au Collège de France et directeur de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg), suite au décryptage de son propre génome qu'il a fait faire, en 2010, par la société 23andMe ; en effet, il voulait se "rendre compte de la qualité et des limites des tests réalisés, des données fournies et des explications qui les accompagnaient". A la question : "Le volet sur les origines ethniques vous semble-t-il intéressant ?, il répond : Mon analyse a indiqué que 96 % de mon génome était d'origine juive ashkénaze, ce qui est parfaitement exact. Tous mes cousins potentiels ont la même origine ; certains avaient comme moi des ancêtres dans la ville de Lodz (Pologne). Par ailleurs, un de mes post-doctorants a pu retrouver chez les clients de 23andMe, trois de ses cousins au cinquième degré, issus d'une branche de la famille ayant émigré aux Etats-Unis au XIXe siècle."


Tests génétiques : il est urgent d'ouvrir le débat (Le Figaro du 28.01.2016)

C'est sous ce titre que ce journal fait le point de la situation dans sa page Sciences. L'auteur du premier article est Pauline FRÉOUR et le chapeau indique que "Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) publie un avis sur les enjeux économiques, sociétaux et scientifiques du décryptage de l'ADN", avec en intertitre, l'extrait suivant :"A ce que je sache, personne n'a encore été condamné pour avoir envoyé un test salivaire en Californie" (Patrick GAUDRAY, président du groupe de travail pour cet avis). Un second article est d'Aude RAMBAUD, avec en intertitre, l'extrait suivant :"En France, il n'y a pas de liberté individuelle face à l'ADN en raison de la protection des données identifiant chaque personne (Hervé CHNEIWEISS, chercheur en neurosciences). Le fait nouveau, c'est que le premier test génétique à destination du grand public a reçu la bénédiction des autorités de santé des Etats unis (le nombre de marqueurs a été réduit à une soixantaine). Mais ce qui nous intéresse plus particulièrement ici concerne l'aspect généalogique : "Le test (de 23 and Me) permet en effet de retrouver ses origines en comparant ses liens génétiques avec 31 populations du monde et en analysant la provenance maternelle ou paternelle de ces origines (...)." Et, plus loin, la journaliste ajoute : "En France, cette pratique est totalement interdite. La loi restreint l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne à des fins médicales, de recherche scientifique, d'identification post-mortem ou d'enquêtes judiciaires. La loi a tranché sur le fait que, en dehors de ces motifs, nul ne peut avoir accès aux caractéristiques génétiques de l'individu, même pas soi-même ! (...), rappelle Hervé CHNEIWEISS (...)" Pour résumer : liberté encadrée, aux USA (depuis 2015) et liberté interdite, en France. - Quand on se réveillera, tout le marché sera entre les mains du monde Anglo-Saxon ... (opinion personnelle). Et, comme l'écrit Pauline FRÉOUR : "Force est de constater que la position actuelle de la France, qui interdit tout test d'initiative personnelle, semble un peu déconnectée."

Une histoire édifiante ! (Le Parisien du 17.03.2017)

"Il s'envole aujourd'hui pour les Etats-Unis, retrouver sa famille américaine qu'il n'a jamais vue. De l'autre côté de l'Atlantique, à Austin, au Texas, celle-ci attend le French cousin. Cinquante ans après sa naissance, grâce à un test ADN, l'improbable quête de paternité a enfin pu aboutir. L'histoire de Nordine MOHAMEDI est exceptionnelle. Ce grand gaillard, né sous X puis reconnu plus tard par sa mère, est le fils d'un soldat américain de 20 ans, en poste à la base militaire de Chateauroux (Indre). En 1966, le GI a une brève liaison avec Aïcha. Puis le boy part au Viêt Nam. Ma mère, décédée en 2000, ne m'a jamais caché cette histoire, mais j'étais hanté par ce destin. Je ne savais pas qui était ce John Wayne NELSON. Je me demandais si une partie de ma famille était toujours vivante, scande-t-il au pied de la tour de Colombes (Hauts-de-Seine), la ville où il a passé son enfance.

Jai eu l'impression de retrouver un équilibre

Longtemps, il a cru qu'il était impossible d'en savoir plus. Ce sont trois de mes enfants et ma compagne qui, face à mes tourments, m'ont offert comme cadeau un séjour à Londres ... pour faire un test de dépistage. En septembre dernier, moyennant 79 livres (91 €), Nordine dépose un échantillon de salive. Le test est mis au point par le site Ancestrydna.com, un des trois plus gros labos du monde spécialisé dans la généalogie. La très bonne nouvelle tombe le 23 octobre. Mon ADN était très proche de celui d'une jeune Texane. Ça a pu aboutir car les Américains sont nombreux à faire ce type de démarche et sont donc dans les fichiers. Les généalogistes relient ensuite Amanda CANION, de San Antonio ... à son oncle John Wayne NELSON ..., le père de Nordine. En voyant pour la première fois mon père en photo, j'ai été submergé par l'émotion. J'ai eu l'impression de retrouver un équilibre. Le cliché date de 1954 : le jeune homme d'une vingtaine d'années pose avec sa grand-mère. Au fur et à mesure, l'histoire se dessine. Nordine apprend que son père, de retour du Viêt Nam, a été victime d'un accident de la route fatal en 1967. Au cours de son voyage, le fils du sergent NELSON se rendra sur sa tombe ... mais aura surtout la chance de rencontrer ses cousins. Il milite désormais pour que ce test ADN soit légalisé en France. Au pied des tours de Colombes, ses amis d'enfance Omar et Patrick sont enthousiastes. Quand il nous disait que son père était un militaire américain, on le charriait. John Wayne NELSON ... il ne manquait plus que le chapeau et le fusil. Mais quand on a vu les documents officiels, ça nous a fait un choc. On est fiers de son obstination à traquer la vérité.
" (article de Marc PAYET avec Louis GOACOLOU ; le titre est : "Il retrouve son père grâce à l'ADN" et, en sous-titre : "Rien n'a pu arrêter leur quête d'identité. Nordine a fait un test interdit en France pour rencontrer sa famille américaine." En fait, il s'agit d'un dossier sur les naissances sous X mais l'histoire de Nordine nous interpelle à plusieurs titres.

D'abord, bravo pour son obstination et nous sommes heureux qu'il ait pu réussir à retrouver sa famille. Cependant, on ne peut qu'être désolé de voir qu'en 2017, les tests généalogiques à partir de l'ADN soient encore interdits en France ! Il faut donc frauder et aller à l'étranger pour en faire un, même s'il s'agit d'une question importante comme dans le cas de Nordine MOHAMEDI. De plus, on voit bien que ces laboratoires anglo-américains prennent toute la place sur ce qui est devenu un marché mondial. Quand nos députés se réveilleront (s'ils se réveillent un jour), il sera trop tard pour occuper ce créneau économique et, comme d'habitude, nous nous plaindrons que l'emploi et la croissance ne sont pas au rendez-vous dans notre beau pays.

Petit additif avec l'émission de radio d'Eric BRUNET sur RMC, le 18.05.2017, où il interrogeait Philippe LABRO pour le livre qu'il vient de terminer sur l'histoire de sa mère et de ses grands-parents. Au téléphone, Nordine MOHAMEDI a expliqué sa propre histoire et celle de son père américain dont il a pu retrouver la famille, il y a quelques mois, grâce aux tests généalogiques à partir de l'ADN. Le Brunetmétrie devait répondre à la question : Voulez-vous tout savoir sur vos parents ? 47 % de ceux qui ont participé à ce sondage ont répondu affirmativement. (écrit à 15 heures, le 18.05.2017, aussitôt après l'émission).



Une pétition en ligne vient d'être lancée. Je viens de la signer (68ème signataire, le 03.06.2017, à 7 H 50). Initiée par Guillaume de MORANT, elle vise à demander la levée de l'interdiction des tests d'ADN, en France, pour un usage généalogique : Pétition

Les tests ADN généalogiques sont interdits en France, aucun laboratoire ne peut les commercialiser dans notre pays en raison de la loi sur la bioéthique qui punit de peines très sévères quiconque s'aventurerait à les proposer sur le marché français. Or cette loi a été votée avant l'apparition de la généalogie génétique qui utilise l'ADN, non pas pour des fins médicales ou scientifiques, mais pour retrouver ses origines très anciennes et entrer en contact avec des cousins qui ont fait le même test. Il faut autoriser l'ADN généalogique en France ! POURQUOI IL FAUT CHANGER LA LOI ? Parce qu'elle est inadaptée et ne tient pas compte des pratiques qui ont émergé depuis son adoption. Chaque année, 100.000 Français contournent la loi française en achetant ces tests aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Suisse. Parce qu'il y a test ADN et test ADN : les tests à visée généalogique devraient être autorisés sans restriction, car ils ne portent pas d'indications médicales, ni de prédispositions à des maladies. Parce que les laboratoires français ont toutes les compétences pour pratiquer ce type de tests. La loi les prive d'un marché très porteur et lucratif, susceptible de créer des emplois. COMMENT ENCADRER LES PRATIQUES ? La loi révisée doit autoriser les tests ADN à visée généalogique entre personnes qui souhaitent trouver des parentés entre elles, des tests passés sans visée médicale. Les tests ADN qui prédisent l'apparition de maladies génétiques resteraient du ressort de la médecine ou de la recherche scientifique. La loi révisée doit imposer une bonne information des futurs clients et expliquer clairement les résultats. La loi révisée doit imposer aux futurs opérateurs français la transparence quant à l'utilisation des données génétiques de chacun et permettre aux clients de gérer facilement la publication de leurs informations génétiques et/ou de les supprimer en un clic.



"Faut-il passer un test ?"
(La revue française de Généalogie, juin-juillet 2017)


De son côté, La revue française de Généalogie fait, dans son numéro 230 de juin-juillet 2017, son dossier sur : La généalogie par l'ADN, avec cette question : Faut-il passer un test ?. Elle passe au crible les avantages et les inconvénients des trois types de tests (le test paternel du chromosome Y, le test maternel par l'ADN mitochondrial et le test paternel et maternel par l'ADN autosomal), en soulignant, notamment, pour l'autosomal, qu'étant hérité des deux parents, dans une proportion inconnue, les résultats ne permettent pas de discriminer les deux lignées. La principale information utile est qu'un Français a le droit de passer un test à visée généalogique à l'étranger (ce qui n'est pas expressément interdit est donc, de fait, autorisé ...) Un encadré indique quels sont les opérateurs principaux, en 2017, avec les prix des différents tests. Les sites correspondants sont indiqués et peuvent être retrouvés sur Internet (Igenea, Family Tree DNA, Living DNA et National Geographic). Il est précisé que les offres de 23 and me, Ancestry DNA et My Heritage DNA ne sont pas disponibles en France, les tests n'étant pas expédiés chez nous. A noter, enfin, l'édito de Charles HERVIS, rédacteur en chef de la revue, qui conclut son propos ainsi : "(en France), la crainte de voir exploiter le gêne par des opérateurs commerciaux prédisant les risques de maladies en lieu et place du corps médical est le principal obstacle à la commercialisation de ces tests. Pendant ce temps, des entreprises étrangères se constituent de gigantesques bases de données sur le génome humain, utilisable à la fois comme outil ludique et comme outil de recherche pour détecter les nouveaux gênes susceptibles d'évoluer en maladie. A condition de bien encadrer les conséquences éthiques de ces tests, la France n'aurait-elle pas un rôle à jouer dans ce domaine ? Guillaume de MORANT avait raison : ce sujet mérite vraiment qu'on s'y intéresse."

Quant à Geneanet, le 20.05.2018, le site lance une grande enquête avec cette question adressée aux internautes : "Donnez-nous votre avis sur les tests ADN généalogiques", en précisant : "A ce jour, la France est le seul pays occidental à encore les interdire.". La question est donc de savoir si l'on est favorable à une autorisation encadrée de ces tests.

Du 19 au 31 mai 2018, ce sont plus de 20 000 personnes qui ont répondu à notre grand sondage "Les Français et les recherches ADN généalogiques", un sujet désormais incontournable. Découvrez dès à présent tous les résultats ! (message Geneanet du 20.06.2018)

Réaliser un test ADN est devenu, pour de nombreux généalogistes, un sujet important : en faire un ou pas, et si oui dans quelles conditions ? Rappelons à toutes fins utiles que le test ADN “grand public” est interdit en France (l’aspect généalogique étant totalement ignoré), alors qu’il est en plein essor aux Etats-Unis où il connaît un succès fulgurant depuis quelques années. Logiquement, les Français souhaitant souscrire à un tel test n’ont pas d’autre choix, aujourd’hui, que de s’adresser directement hors de France. Et ils sont eux aussi, parmi la population des généalogistes, de plus en plus nombreux à s’y intéresser.

Entre le 19 et le 31 mai 2018, Geneanet a lancé un sondage auprès de ses utilisateurs et vous êtes plus de 20 000 à y avoir répondu. Voici les résultats :

Profil des généalogistes :
Plus de 56% des personnes interrogées souhaiteraient réaliser un test ADN (autant d’hommes que de femmes sont concernés dans les réponses)
Seuls 20% des sondés n’avaient jamais entendu parler de tests ADN à visée généalogique, ce qui prouve que le phénomène n’est plus anecdotique
Un peu moins de 5% des répondants ont déjà effectué un test ADN. Le chiffre est certes faible, mais il représente tout de même un millier de personnes parmi les sondés… qui n’ont donc pas hésité à contourner les restrictions en vigueur dans notre pays.

Contenu des tests :
Les éléments les plus appréciés apportés par ces tests sont avant tout cartographiques (plus de 40%). Pour 24%, c’est la détermination de l’haplogroupe, et pour 26% c’est la possibilité de comparer ses données avec celles de potentiels cousins :


Les deux tiers des personnes ont trouvé les résultats suffisamment clairs et bien expliqués… ce qui fait tout de même un tiers qui trouve encore les explications trop confuses (majoritairement en anglais aujourd’hui !)

Utilité d’un test ADN à visée généalogique :
86% de ceux qui ont fait un test recommanderaient à leurs proches de faire de même
56% de ceux qui n’en ont pas fait souhaiteraient en effectuer un. Notons que les plus jeunes sont les plus favorables à un tel test (plus de 85 % de réponses positives chez les moins de 25 ans), alors que les plus âgés (plus de 75 ans) sont les plus réticents (seulement 16% de réponses positives).
Parmi les raisons évoquées chez ceux qui ne souhaitent pas en faire un, près des 2/3 explique ne pas en voir l’utilité ou le besoin. 21% sont méfiants vis à vis de la sécurité des données génétiques, 10% trouvent cela trop cher.
Une forte proportion des sondés pense que les tests ADN à visée généalogique devrait être autorisée en France s’ils sont bien encadrés, comme on le voit ci-dessous.


Là encore, ce sont les moins de 25 ans qui sont les plus favorables (86%) mais aussi les 26-39 ans à 81%. Les plus de 75 ans sont en majorité indécis et ne savent pas s’il faudrait les autoriser ou non (21%).

A la question “est-il important pour vous que ces tests soient réalisés par une entreprise basée en Europe et soumise à la réglementation européenne de protection des données ?”, les réponses sont sans ambiguïté : près de 85% consièèrent que c’est très important :


Conclusion :
Il n’est plus possible, en 2018, d’ignorer l’existence des test ADN à visée généalogique. Le besoin est là, et il ne s’atténuera pas. Ces tests, s’ils sont bien encadrés, laissent entrevoir un champs des possibles étendu pour ceux qui souhaitent en connaître plus sur leur histoire personnelle, et familiale. Un travail didactique reste également à réaliser pour mettre un terme aux idées préconçues et expliquer plus clairement l’utilité de ces tests.

Geneanet est favorable à la légalisation des tests ADN à visée généalogique en France, à condition qu’ils soient bien encadrés et que chacun puisse, s’il le souhaite, réaliser un test. Nous ferons tout notre possible pour que la réglementation évolue dans le bon sens et nous suivons l’actualité de près en ce domaine. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de toute évolution à ce sujet.

Laissons enfin Jean CHALINE, Directeur de recherche émérite au CNRS et Professeur honoraire à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, conclure avec nous : “Ces tests apportent des racines très solides sur l’origine et l’histoire des marqueurs caractérisant les grands groupes génétiques avec leurs migrations géographiques, permettant de replacer tous les individus, quels qu’ils soient, chacun à sa place dans le grand arbre généalogique de l’humanité. En outre, grâce à ces tests, on peut reconstituer aussi les cheminements de leurs populations ancestrales à travers les continents, depuis 10.000 ou 20.000 ans.”



Dans le texte de Geneanet ci-dessus, nous retenons surtout le mot "encadré" dans la phrase : "Geneanet est favorable à la légalisation des tests ADN à visée généalogique en France, à condition qu’ils soient bien encadrés". En effet, on voit bien les risques de dérives que l'on constate déjà aux USA. Plusieurs articles (notamment dans le New York Times du 27.04.2018) ont indiqué que la police avait utilisé les fichiers des sociétés de généalogie génétique pour résoudre des crimes non résolus depuis des dizaines d'années. Certains de ces articles ont été repris dans la presse française (notamment Le Parisien du 23.06.2018 ou encore le Blog de la rédaction du Monde du 25.05.2018). Les journalistes mettent en avant le fait très positif que ces criminels aient pu enfin être identifiés et arrêtés mais, en même temps, ils posent la question de l'utilisation des tests génétiques à visée généalogique par des tiers qui ont d'autres objectifs, même si ceux-ci sont louables. Ainsi, à propos d'un de ces criminels, Stéphanie Malia FULLERTON, éthicienne (déontologue) de l'Université de Washington, écrit : "C'était un homme horrible et c'est bien qu'il ait été identifié mais la fin justifie-t-elle les moyens ?" Enfin, Hervé CHNEIWEISS (président du comité d'éthique de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale), explique au journal Le Monde que la responsabilité est aussi du côté des utilisateurs des sites de généalogie génétique car ils oublient, bien souvent, de cocher ou non la case du formulaire permettant de refuser le partage de leurs analyses.

Pour terminer le premier semestre 2018, il n'est peut-être pas mauvais de se souvenir des critiques portées, dès 2001 sur les histoires que les sociétés proposant des tests entendent nous raconter (voir, notamment, dans Chromosome Y les critiques portées par André LANGANEY). Pour cela, nous proposons de nous reporter au livre d'Adam RUTHERFORD intitulé : Quand les gènes racontent l'histoire de notre espèce, paru en mars 2018 en France (chez Larousse) mais en 2016 en Grande-Bretagne sous le titre d'origine : A Brief History of Everyone Who Ever Lived, The Stories in Our Genes). En particulier, il étrille sévèrement (et avec ironie) la société britannique BritainsDNA : "Notre goût pour ces histoires fait vivre les entreprises qui les commercialisent. Vous êtes issu d'un peuple de guerriers nomades germaniques ! Vous descendez de la reine de Saba ! Votre ADN a été créée dans ce village du Moyen-Âge ! Vous êtes de la famille de Napoléon ! Ce sont des balivernes, des indications en grande partie infondées, dont la véracité ou l'exactitude génétique peuvent s'appliquer à des millions d'individus, et qui sont corroborées par de minuscules données d'ADN (...) C'est ainsi que fonctionne l'astrologie - de la divination fondée sur des banalités, dont nous sommes complices. Nous nous attachons aux choses attractives et ignorons volontiers le reste. C'est vraiment de la sentimentalité de base. Il est curieux que nos ancêtres ne soient jamais identifiés comme étant des crétins, des vendeurs de chaussures ou des éplucheurs de navets. Ce sont toujours de redoutables guerriers, des chasseurs de cerfs ou des Sarrazins. Comme le dit si bien Mark THOMAS de l'UCL (University College London), une grande part du business de la généalogie utilisant notre ADN est de l'astrologie génétique. Tout le monde apprécie les beaux et longs récits en partie historiques et nous sommes tous avides de l'histoire de nos ancêtres. Il n'y a aucun mal à cela, à partir du moment où nous les prenons pour ce qu'ils valent. (...) Je vous en prie, ne dépensez pas votre argent pour entendre quelqu'un vêtu d'une blouse blanche vous dire que vous êtes issu d'une tribu de guerriers germaniques nomades évoluant torse nu, que vous descendez des Vikings, des Sarrazins, des Saxons, de DROGON de Metz, voire du grand empereur CHARLEMAGNE. Je vais hausser les épaules et le faire gratuitement (comme des centaines de généticiens de par le monde) : vous êtes en effet leur descendant. Et vous n'avez même pas besoin de cracher dans une éprouvette pour vous en assurer. (...)" On le voit, les mises en garde de 2001 et des années suivantes n'ont pas été suffisantes. Des bonimenteurs se sont emparé du marché et profitent de la naïveté de leurs clients. C'était prévisible !

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Chromosome Y

Chromosome Y (suite 1)

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