La lignée des EUZET du mas d'Euzet de Saint-Gély-du-Fesc (34).

Les branches de Montpellier.
(T 11 suite 2)



Je me dis : "Je ne peux pas écrire un mot de plus." Je me dis : "Je vais couper les amarres : aller voir Roger en France ; je boirai des cafés aux terrasses des trottoirs ; je verrai les collines du Midi ; je m'abandonnerai à la rêverie ; je laisserai mon esprit sortir de sa cage de fer, pour qu'il se meuve en liberté par ce beau mois d'octobre." Je dis cela avec beaucoup d'énergie ; mais le ferai-je ? (15 octobre 1930. Virginia WOOLF. Version intégrale de son "Journal", Nouveau Cabinet Cosmopolite. Stock. 1985 pour la traduction française.)


Les Barbares du Nord continuent à envahir les pays méditerranéens ; ils y viennent avec de grandes ambitions, mais avec des intentions pacifiques. Attirés et retenus par le climat et la végétation " qui nourrissent et qui peuplent ", frappés de l'admirable situation du pays où votre bienveillance nous accueille, nous réclamons pour Montpellier le bénéfice de ses avantages. Nous demandons que votre ville soit et demeure, comme au Moyen Âge, le centre intellectuel de la Méditerranée (Géographie méditerranéenne, par Ch. FLAHAULT, dans "Conférences sur l'Histoire de Montpellier" - Association des amis de l'Université, Montpellier, 1912)



Cette page croise l'histoire d'une ville, Montpellier, avec celle d'une famille issue de l'arrière-pays, les EUZET.


Une histoire autour de la Méditerranée, du XIIe au XXIe siècle
L'intégration des "étrangers" entre 1422 et 2001
Le guide du voyageur, en 1827
Les EUZET à Montpellier, en 1788-1789
Un meurtre à Montpellier, en 1821
Le jumelage avec Barcelone, en 1963
Naissance d'une "Eurorégion", en 2004
La connexion avec Barcelone", en 2011
La valorisation du "triangle d'or", en 2015




L'aube pâle d'une ruelle du vieux Montpellier
ou, peut-être, un lieu oublié et secret, du temps
où Montpellier et Majorque ne faisaient qu'un

(photo J.C.E. 12.02.2003)




Une histoire autour de la Méditerranée, du XIIe au XXIe siècle

L'association des amis de l'Université a organisé des conférences sur "L'histoire de Montpellier", en 1912. L'un des cinq conférenciers, Louis J. THOMAS, traita de la "Réunion de Montpellier à la France". Voici deux extraits évocateurs de son intervention qui forment comme la trame du passé (XIIe-XIIIe siècles) aux initiatives récentes (XXe-XXIe siècles), jumelage, eurorégion, liaison TGV ... :

" (...) Au XIIe siècle, les Guilhems, seigneurs de Montpellier, regardent vers l'Espagne : ils y sont attirés par la croisade, et retenus par la seigneurie de Tortose qu'ils ont conquise sur les Maures ; ils se mêlent aux querelles entre Castille et Aragon, prennent femme en Catalogne et en Castille, font presque figure de princes espagnols. En 1141 Guilhem VII assiégé dans son château de Lattès par les habitants de Montpellier révoltés, est délivré par l'intervention armée du roi d'Aragon, sous la protection duquel Guilhem VII, par son testament met ses enfants et sa seigneurie. Mais les Montpelliérains ne suivent pas leurs seigneurs dans l'orbite des royaumes ibériques ; ils ont à la fois des vues plus larges et des ambitions plus particulièrement montpelliéraines. Ce n'est pas à l'Espagne seulement, mais à tout le bassin de la Méditerranée qu'ils ont étendu le champ de leur activité commerciale ; c'est de l'Espagne chrétienne et musulmane, mais aussi d'Italie, de Grèce, d'Afrique et d'Orient que viennent à Montpellier les marchands qui fondent sa richesse, les médecins et les juristes qui établissent la réputation de ses écoles. Pour assurer le bon fonctionnement de ce commerce universel, ils ont besoin d'un gouvernement qui leur soit propre ; et craignant de ne le plus trouver chez leurs seigneurs que des ambitions lointaines détournent des préoccupations purement montpelliéraines, ils essaient de prendre eux-mêmes la seigneurie. La révolte de 1141, au cours de laquelle il est parlé pour la première fois de consulat, est faite contre le conquérant de Tortose et l'allié des princes espagnols. (...)"

" (...) Au moment où le traité de Meaux, en 1229, rattache à la France du Nord et au domaine royal la plus grande partie du Bas-Languedoc, ils sont tout à la conquête de Majorque, pour laquelle ils aident puissamment leur seigneur le roi d'Aragon. Mais cette conquête leur est profitable ; des deux premiers bailes ou gouverneurs établis dans l'île, l'un, Jacques Sans, est de Montpellier ; les commerçants montpelliérains ont bientôt à Majorque toute une colonie, gouvernée par deux consuls ; elle occupe cent maisons avec leurs dépendances, dont le Conquérant leur reconnaît l'entière possession en 1231. La même année et par le même acte, il confirme la charte communale de 1204, cède à bail à la commune la plage depuis Frontignan jusqu'à Aigues-Mortes, et donne aux habitants le droit de trafiquer dans tout le royaume d'Aragon, et avec les Sarrazins même pendant la guerre : le tout contre le paiement de 100.000 sous melgoriens que Montpellier offre au roi pour la continuation de la croisade. (...)"


L'intégration des "étrangers" entre 1422 et 2001

La question des branches et lignées de EUZET à Montpellier pose des problèmes particuliers, compte tenu de l'histoire et des archives nombreuses (compoix, minutes de notaires, etc.). Chaque époque doit donc faire l'objet d'une analyse particulière. A titre d'exemple, pour le XVe siècle, le 110e congrès national des sociétés savantes qui s'est tenu à Montpellier, en 1985, a traité de "l'immigration à Montpellier au XVe siècle, d'après les registres d'habitanage. 1422-1442", par Anne-Catherine MARIN . La liste des immigrants et leur origine est particulièrement intéressante, même s'il n'y a pas d'EUZET parmi les noms indiqués (encore faudrait-il regarder de près qui est cet Etienne DOSSET, de Ganges, indiqué dans la liste).

Nous voyons, d'ailleurs, que certains venaient de villages proches de l'Herault : Vendemian (Bertholomieu DURANT), Pignan (Pierre Aymard), Marseillan (Miret BERTRAND), Les Matelles (Jacques NOGUIER), Galargues (Antoine ABEILHAN, Jacques COLOMBIER, Jean BONALH et Firmin TALAYSAC), Ganges (Etienne DOSSET), Clermont-l'Herault (Jean DE LACAZE), Viols-le-Fort (Etienne COMBAS), Vendemian (Bertholomieu GUIRAUD), Castelnau-le-Lez (Laurent DE RINO et Pierre ACHARD), Saint-Guilhem-le-désert (Guillaume DE LA BALMA), Saint-Jean-de-Védas (Guiraud GICALIN et Pierre RAYNAUD), Saint-Drézéry (Etienne MICHEL), Montarnaud (Guillaume VALOTERIE), Lansargues (Jean D'ASSIAC), Béziers (Denis AYMONIN, Jacques et Raynaud PEPIN), Montferrier (Pierre RAYNAUT). Cet exemple démontre qu'il faut passer au peigne fin toutes les études qui ont pu être faites sur Montpellier, afin d'être certain de ne pas passer à côté de documents importants.

Il sera intéressant, aussi, de comparer le Montpellier d'aujourd'hui et celui d'hier ou d'avant-hier. Surtout, il sera passionnant de scruter les points de ressemblance, les courants de continuité. Manifestement, le regard prioritaire vers l'arrière-pays et le "melting-pot" sont deux de ces éléments, comme le montrait le journal Le Monde dans son numéro du 23 février 2001 :

"C'est une ville des terres qui a toujours été tournée vers l'arrière-pays avec le négoce du vin" (Roger BRUNET, Géographe).

"Montpellier a toujours été une ville de passage, de melting-pot, une ville qui par son passé universitaire, qui remonte au XIIe siècle, a reçu de nombreux peuples. Elle a été mi-catholique, mi-protestante. Au Moyen-Age, elle a accueilli une importante communauté juive et cela s'est toujours bien passé" (Philippe SAUREL, Conseiller municipal).

"Le Montpelliérain type n'existe pas, c'est vrai, il n'y a pas d'histoire commune. Mais cette tradition d'ouverture et de tolérance fait qu'il n'y a pas de heurts entre les communautés, les gens sont contents d'y vivre" (Jacques MARTIN, Bâtonnier, rapatrié d'Algérie, installé à Montpellier depuis 1965).

En évoquant ces pages, nous avons vraiment l'impression qu'entre 1422 et 2001, c'est la même histoire qui se déroule, dans une parfaite continuité. Parmi les immigrants du XVe siècle, nous trouvons des habitants d'Italie d'Espagne, d'Allemagne, de Belgique (ou, plus exactement, des différentes régions ou principautés d'où sont issus ces pays), sans compter ceux des différentes provinces de France. Il est clair que l'histoire des familles EUZET s'inscrit dans ce grand mouvement où Montpellier apparaît comme une ville de passage, une ville tremplin, en quelque sorte. C'est ce qui est particulièrement net pendant les guerres de religion et c'est ce qui est peut-être encore le cas aujourd'hui, comme le soulignait Dominique ROUSSEAU, Professeur de Droit public, dans Le Monde du 23 février 2001 :

"Il y a une autre chose d'étrange. Les gens sont en général heureux de vivre à Montpellier, ils s'y sentent bien parce que le cadre de vie est agréable et que l'image qu'elle renvoie à l'extérieur est valorisante. Mais lorsqu'ils partent, ils n'ont pas vraiment de regret. On ressent comme une difficulté à s'attacher à cette ville". Plus loin, il esquissait une explication un peu surprenante :

"Il lui manque peut-être l'épaisseur que donne le temps. La ville créée en 985 reste relativement jeune".



Extraits du "Guide du voyageur dans le département de l'Hérault, ou esquisse d'un tableau historique, pittoresque, statistique et commercial de ce département", par J.-M. AMELIN. (1827)

"Moeurs et coutumes. Usages populaires. (...) En général, les liens de sociabilité n'y sont point aussi resserés que dans le Nord. Sauf un petit nombre de sociétés, où quelques hommes se rassemblent pour lire la gazette, causer, faire quelques dîners, les familles s'isolent, forment des groupes distincts, et les étrangers restent dans les interstices !

Pour vous en donner une idée, MM., puisque vous le désirez absolument, je distinguerai : la classe supérieure, qui reçoit de l'instruction, qui voyage, qui est en contact avec les habitans des autres pays, en diffère peu, sauf, peut-être, sous le rapport de la vivacité et de l'emportement du caractère. Mais je pense que c'est dans la classe moyenne et dans la dernière classe, qui d'ailleurs forment la plus grande majorité, qu'il faut chercher le caractère distinctif des originaires du pays ; et alors j'en abandonne le jugement à M. de BELLEVAL lui-même, persuadé de sa bonne foi. Assez d'autres sans moi vous parleront de leur extrême défiance les uns par rapport aux autres, et surtout à l'égard de l'étranger. Je ne vous parlerai point de la rapacité qu'on leur reproche, des fallacieuses précautions qu'on les accuse de prendre dans leurs transactions, du peu de fonds qu'on peut faire, à ce qu'on prétend, sur leurs promesses, et de l'indispensable nécessité de tout écrire, jusqu'aux détails les plus minutieux, quand on a à traiter avec eux, etc. Mon intention n'est pas d'entrer dans des discussions. (...)"

"Langage. Sauf un petit nombre de personnes instruites, et dans leurs rapports avec les étrangers, on parle généralement patois ; au Palais même, on est obligé de le parler souvent. Allez aux marchés, aux promenades, chez les marchands, sur vingt personnes, à peine une parle français. Le patois est tellement usité, qu'il est indispensable pour qui a quelque rapport continu avec les habitans. Voici ce qu'on peut résumer relativement à son usage : la classe élevée parle généralement français ; la classe moyenne parle à peu près également l'un et l'autre ; enfin, la classe inférieure, qui est la plus nombreuse, parle exclusivement patois, et entraîne l'usage de cet idiome pour les deux autres, dans les rapports avec elle. C'est au point qu'un étranger ne pourrait mettre auprès de ses enfans une domestique qui ne leur parlât pas patois. Il est impossible de préserver un enfant d'apprendre cet idiome si cher au pays. On étudie le français à l'école ; mais entr'eux, chez leurs parens, partout, les enfans parlent patois. (...). Le patois de Montpellier a quelque chose de gracieux ; on y attache même de l'importance. Par des augmentatifs, diminutifs, ainsi que par sa prononciation, il tient de l'italien. (...). Le patois est tellement à la bouche des gens du pays, qu'en parlant même aux étrangers, ils ne peuvent s'empêcher d'en mêler dans la conversation (...). Ils chantent aussi en parlant, et en général la prononciation est vicieuse ; le défaut de construction se fait sentir jusque dans leurs écrits, où il n'est pas rare de voir des incorrections assez sérieuses, connues sous le nom de gasconismes (...)."

"Cuisine. Ne parlons pas des étrangers, en assez grand nombre à Montpellier, à cause de la garnison et de l'école de médecine. Les habitans diffèrent autant pour la nourriture et les préparations de cuisine des autres contrées du Nord, de l'Est et de l'Ouest de la France, qu'ils en diffèrent pour le caractère et l'esprit. Ici le beurre est proscrit : un vrai languedocien le hait et le méprise. J'en connais qui frémissent à son seul nom. Tout s'y fait à l'huile, jusqu'aux sauces blanches, etc. L'ail est de toutes les tables ; et dans les classes inférieures, l'usage en est excessif : les aulx pendent en guirlandes nombreuses dans leurs loges enfumées ; aussi ne reçoit-on d'eux que des paroles fortes de toutes les manières. Ces classes vivent très-mal. La haute cuisine languedocienne a quelques mets qui plaisent généralement, mais c'est le petit nombre. Le beurre ordinaire est fort mauvais, et ce n'est point un petit désagrément pour les étrangers. Le mouton est excellent ; le boeuf de médiocre qualité ; aussi est-ce le premier que l'on emploie pour les potages gras. Les raisins, cerises, figues, y abondent et sont exquis. D'autres fruits y sont beaux, de bonne qualité, mais en moindre quantité qu'ailleurs. A l'exception des pois-chiches, la plupart des légumes secs qu'on préfère viennent d'un autre département, du Puy. Le poisson, les coquillages abondent ; ils sont excellens, quoique cependant d'un goût moins délicat que ceux de l'Océan."



Les EUZET à Montpellier, en 1788-1789

Dans la topographie de Montpellier, en 1788 (tome III des inventaires des archives municipales), la profession et le prénom des habitants ne sont pas toujours indiqués et on trouve trois graphies, EUZET, EUSET et AUZET pour huit personnes au total ; la nouvelle numérotation est signalée pour trois localisations, :

- à Sainte Foy, place de l'Hôtel de Ville, n° 298 : EUSET, marchand,
- à Saint Firmin, rue de la Loge, n° 88 : EUZET, marchand
- à Saint Firmin, rue de la Carbonerie, n° 44 : EUZET
- à Saint Firmin, rue des Tondeurs, n° 138, EUZET, pâtissier
- à Sainte Croix, rue Fontanon, n° 267 : AUZET, marchand
- à Sainte Croix, puits du Palais, n° 432 (n° 1786) : AUZET
- à Saint Mathieu, rue du Four qui passe, n° 49 (n° 1861) : EUSET, négociant
- à Saint Mathieu, rue Aiguillerie, n° 6 (n° 1818) : AUZET

A ce stade de l'analyse, il est probable que ces huit EUZET, EUSET ou AUZET de 1788 soient les descendants des cinq branches de Euzet présents dans les années 1770 :

- la lignée du mas d'Euzet de Saint-Gély-du-Fesc et du Triadou (branche centrale, par les quatre fils de Jean Claude EUZET)
- la lignée du mas d'Euzet de Saint-Gély-du-Fesc et du Triadou (branche d'Aniane, par au moins les trois fils de Louis EUZET)
- la lignée du mas d'Euzet de Saint-Gély-du-Fesc et du Triadou (branche de Saint-Martin-de-Londres, par les trois fils de François EUZET)
- la lignée du mas d'Euzet de Saint-Gély-du-Fesc et du Triadou (branche de Viols-le-Fort, par Fulcrand EUZET et ses trois fils)
- la lignée du mas d'Euzet de Saint-Gély-du-Fesc et du Triadou (branche de Sueilles, par Jean EUZET et Jeanne LEQUES)

Les cahiers des doléances de 1789 signalent trois représentants du Tiers Etat :

- un maître pâtissier, AUZET fils (probablement Louis, mari de Jeanne SERANE)
- un maître boulanger, EUZET (probablement Fulcrand, mari de Catherine FESQUET ou leur fils Jean Baptiste Germain)
- un bourgeois du sixain de Saint Firmin, Jacques EUZET

Les EUZET sont aussi représentés dans le clergé avec un ecclésiastique, AUZET, prieur de Montferrier, fils de Louis, maître pâtissier de Montpellier, paroisse Notre-Dame-des-Tables



Un meurtre à Montpellier, en 1821

La section U des archives départementales permet de retrouver parfois des ancêtres ou des collatéraux dans des situations délicates. Ainsi, dans 2 U2/465 (aux AD 34), on trouve un dossier intitulé sobrement : "Meurtre à Montpellier" avec un accusé : "Léon EUZET dit cadix", incarcéré, jugé devant la cour d'assises de l'Hérault et finalement acquitté ; il y a aussi deux complices en fuite, Samuel NICOLAS et Joseph GUIGOU que l'on appelle parfois GUIRAUD dans le dossier. Les trois sont des compagnons tailleurs de pierre qui ont participé à une rixe contre d'autres ouvriers, après une soirée passée au cabaret, rixe dans laquelle il y a eu un blessé grave, un charron nommé Jean Louis ALLIÉ dit Dauphiné, mort quelques jours plus tard de ses blessures. Ce dossier est d'abord intéressant en lui-même : les rapports médicaux, les témoignages, le jury, bref tout ce qui fait la procédure avant et pendant un procès d'assises, en 1821. Il est aussi intéressant pour la connaissance des moeurs à Montpellier, la langue et le vocabulaire utilisés, les lieux et les personnes en cause.

1/ Les accusés

La première préoccupation était de trouver qui était ce "Léon EUZET dit cadix". Or, aucun EUZET ne répond à ce prénom et à ce surnom pour cette époque. Nous avons donc étudié attentivement toutes les pièces du dossier pour trouver sa filiation, en nous demandant, même, s'il n'y avait pas une confusion avec un patronyme proche et existant à Montpellier (un AUSSET, un LUZET ou encore un TUZET, par exemple). Pourtant, le nom est écrit très souvent dans les pièces et toujours très clairement avec la graphie EUZET. Quant au surnom, il est soit donné seul (dans certains témoignages) ou alors on écrit EUZET dit cadix ou EUZET prénommé cadix. Ensuite, notre surprise fut grande de constater le manque de précisions, tant pour les filiations que pour les adresses. On écrit, aussi bien pour les accusés que les témoins ou les membres du jury, "né et domicilié à Montpellier" (ou ailleurs) et les filiations ne sont jamais données, sauf indirectement dans certains témoignages. Ainsi, pour ce EUZET, il faut attendre l'interrogatoire du 28 mars pour que l'on sache, un peu par hasard, le nom de la rue où il habitait. En effet, à la question suivante : "La nuit du 21 janvier dernier, vers les 11 heures du soir, n'étiez-vous pas en compagnie de NICOLAS et GUIGOU, vos coaccusés, dans une rue dite traverse du four, près l'hôpital Saint Eloi de cette ville ?", Léon EUZET répond : "Je passai, en effet, avec les susnommés dans la susdite rue pour aller à mon logement qui est dans la rue de l'aiguillerie". Il habitait donc rue de l'aiguillerie. De même, en ce qui concerne son âge, les différentes pièces indiquent soit 20 ans, soit 21 ans, soit 22 ans, en ajoutant, le plus souvent, la mention : "ou environ". Léon EUZET lui-même répond qu'il a 21 ans 1/2 dans l'interrogatoire du 22 janvier, 21 ans dans celui du 23 janvier et 22 ans dans celui du 28 mars. En fait, la procédure reprend les éléments indiqués par l'accusé sans plus de vérifications aux registres de l'état civil et sans même se soucier des contradictions d'une pièce à l'autre, exactement comme sous l'Ancien Régime ! Ci-dessous on trouvera des extraits de deux de ces deux interrogatoires qui montrent bien l'aspect déclaratoire et imprécis des données recueillies :


Interrogatoire du 23.01.1821
(extrait)


Interrogatoire du 28.03.1821
(extrait)


Sur sa filiation, il n'y a qu'un seul petit indice qui se trouve dans le témoignage de la couturière Jeanne NADAL, veuve CAZAL qui habitait dans la traverse de l'hôpital Saint Eloy (là où eut lieu la rixe) ; elle décrit ainsi : "Un autre jeune homme qu'elle reconnut pour être le nommé Cadix fils de la veuve EUZET".

Voici donc les seuls renseignements, plus ou moins précis, qui se trouvent dans le dossier, sur le principal accusé, Léon EUZET dit cadix. Il est né à Montpellier et il y habite, rue de l'aiguillerie ; il a environ 21 ou 22 ans, ce qui le fait naître vers 1799-1800, c'est-à-dire vers l'an VIII ; sa mère est veuve quand arrive l'affaire ; il est tailleur de pierre. A ces informations s'ajoutent encore sa description physique qui se trouve dans la pièce intitulée "Réquisition sur l'ordonnance de prise de corps" :


La description physique de Léon EUZET
(dans la pièce concernant la "prise de corps")

Au passage, on voit sur ce document que l'âge indiqué est 20 ans 1/2 et qu'il n'y a aucune information sur les deux autres accusés qui sont en fuite.

Ajoutons encore une dernière information que l'on trouve dans la demande faite par son avocat au procureur général du roi de faire convoquer des témoins à décharge aux frais de l'Etat car "comme le suppliant est dans un état de pauvreté qui ne lui permet pas de faire citer lesdits témoins (...)". D'ailleurs, on voit bien qu'il n'est qu'au tout début de son métier de tailleur de pierre quand il déclare dans son interrogatoire du 23 janvier 1821 qu'il était "forcé d'être d'une association, n'étant cependant encore initié dans aucune".. On verra plus loin qu'il fait là allusion aux associations de compagnonnage. Enfin, il est certainement illettré, car il ne sait pas signer.

Quand on se reporte à l'état civil de Montpellier pour trouver sa filiation, on ne voit aucun acte de naissance d'un Léon EUZET. Par contre, la seule naissance qui pourrait correspondre est celle d'un certain Lheron EUZET, né le 2 vendémiaire de l'an VIII, dans la maison RIBEU, rue Verrerie basse, fils de Jacques EUZET, travailleur, et de Jeanne REYNES. Le père est absent et la déclaration est faite par l'accoucheuse Jeanne ATGER. Ce Jacques EUZET est connu. "Assortisseur de laine", il est de la génération 15 de la lignée du Triadou. En dehors de Lheron, on note avec intérêt que plusieurs de ses enfants naissent "rue Aiguillerie" et même que l'un d'eux meurt, en décembre 1821, rue Aiguillerie. On sait aussi que dans l'acte de décès de Lheron (en 1863), ce prénom est alors écrit "Lhéron", ce qui le rapproche par la prononciation de Léon et il est dit également qu'il est "ex-tailleur de pierre". Manifestement, on se trouve là devant le même personnage et on peut penser qu'il a dû y avoir une erreur d'écriture à la naissance, dont la responsabilité incombe soit à la sage-femme soit à l'officier d'état civil soit aux deux. On peut encore supposer que Léon ou Lheron habitait encore rue Aiguillerie avec sa mère, veuve depuis 1814. Quant au surnom de cadix, il trouve probablement son origine dans le métier du père : cadix, c'est-à-dire "cadis", le nom d'une sorte de serge de laine de bas prix (selon la définition du dictionnaire de l'Académie française, éditions de 1762, 1798 et 1832). Enfin, pour le prénom lui-même, le juge a pris pour bon ce que l'accusé indiquait, sans autre vérification, ce qui ne laisse pas de surprendre aujourd'hui.

(à compléter)

2/ La victime



Le certificat constatant le décès de la victime


Si les rapports médicaux et chirurgicaux sont très précis quant aux blessures qui ont entraîné la mort de Jean-Louis ALLIÉ, il y a peu de renseignements sur sa personne elle-même. Il a 23 ans, il est charron et est né à Valence, dans la Drôme. Un détail, cependant, rappelle ce qu'écrit AMELIN en 1827 à propos du langage utilisé à Montpellier (voir ci-dessus). En effet, dans la pièce n° 2 qui est le procès verbal du constat du 22 janvier 1821 (le lendemain de la rixe), on peut lire : "Nous avons fait appeler par ROUVAIROLIS, huissier de service, la veuve BALSAN pour recevoir la déclaration qu'elle a fournie comme suit. "Hier à onze heures du soir, j'entendis crier en français au secours et au même moment on vint frapper à ma porte et me prier d'ouvrir pour secourir un jeune homme qui était noyé dans son sang à (la) suite de coups de couteau (...)". Cette déposition montre que les habitants de Montpellier parlaient le "patois" et qu'une personne originaire de la région aurait appelé au secours dans la langue du pays et non en français.

Sur la même pièce, un autre témoignage permet de savoir quel é:tait l'emploi de la victime, à Montpellier. Il s'agit du témoignage de Pierre VIDAL, maréchal-ferrant, à Montpellier : "Dimanche dernier, il avait passé une partie de la journée avec trois autres ouvriers charrons dont un nommé Dauphiné était employé pour cette partie dans l'atelier du sieur BUISSON, le fils, qui emploie le déposant comme forgeron (...)"

(à compléter)

3/ Les témoins

(à compléter)

4/ Les membres du jury

Les 12 membres du jury acceptés par les parties (l'accusé et le Ministère public) étaient :

- Jean MARTIN, propriétaire à Nissan
- Pierre BALESTRIER, propriétaire à Lunel
- Jean Antoine MARTIN, propriétaire à Clermont
- Jean Baptiste BRUN, ancien commissionnaire à Bessan
- Jean Benoit ARNAUD, ancien négociant à Béziers
- Bernard Charles François ALBERGUE, officier en retraite à Agde
- David DOUISSET, négociant à Saint André
- Jean François Victor BARNIER, négociant à Lunel
- Joseph HILAIRE, propriétaire à Nissan
- Antoine Frédéric MOLINIER, négociant à Lunel
- Barthélémy PASTRE, fabricant d'eau de vie à Bessan
- Jean Germain TOURNEL, imprimeur à Montpellier

Ils avaient été choisis dans une liste dont certains avaient été récusés par l'une ou l'autre partie (PV du tirage au sort des jurés, le 15.05.1821) :

(à compléter)

5/ Les lieux cités au dossier et les évènements qui s'y sont passés

Le 23.01.1821, le juge d'instruction pour l'arrondissement de Montpellier, Vital-François SAURINE, assisté du greffier Jean-Jacques CHASSARY, a interrogé Léon EUZET dit cadix. Celui-ci a retracé le déroulement des faits en indiquant, notamment : "Dimanche il fut passer la soirée dans un cabaret rue des Carmes avec les nommés Samuel NICOLAS et Joseph GUIRAUD comme lui tailleurs de pierre". Plus tard, "Ils sortirent dudit cabaret tenu par le sieur BOMPARD vers 11 heures et se dirigèrent après avoir causé quelques instants dans la rue des Carmes vers celle dite La traverse du four". La veille, dans l'interrogatoire mené par Auguste DUFFOURS, Substitut du Procureur du Roi près le Tribunal de Première instance de Montpellier, cette dernière rue est nommée un peu différemment par Léon EUZET, c'est "La rue du four de l'hopital" (on n'écrit plus "hospital" mais il n'y a pas encore d'accent circonflexe sur le o). Le 22 janvier, Claude VIEL, juge de paix du canton de Montpellier, assisté d'André MALBEC aîné, greffier, indiquait de son côté : "il a été commis un meurtre dans notre section, dans la petite rue derrière l'hôpital Saint Eloy" (le o avec un accent circonflexe). Dans la même pièce, on trouve le témoignage de Jeanne NADAL, veuve CAZAL : "elle entendit passer devant la porte de sa maison, située ruë de la providence auprès du four de Saint Eloi, six jeunes gens". On voit ainsi que les variations d'appellations sont nombreuses pour la rue où eut lieu la rixe entre les ouvriers.


Le plan des lieux, dans le sixain Sainte-Croix
(extrait d'un plan du "Montpellier" de GRASSET-MOREL)

Sur la rue du Four-Saint-Eloi, le livre de Marcel BARRAL (les noms de rues à Montpellier, du Moyen Âge à nos jours - Editions Espace-Sud, Montpellier 1989) nous apprend notamment qu'auparavant, elle "portait le nom de Corraterie Vieille ou de Corraterie Saint-Germain (à cause de la proximité du collège Saint-Germain où l'on a établi la Faculté de Médecine)". Le vocable corratier, nous dit l'auteur, "désignait aussi bien les artisans qui travaillaient les peaux tannées que les marchands qui en faisaient le commerce" (p. 120). Quant à l'hôpital Saint-Eloi, s'il est "l'hôpital de Montpellier, le plus célèbre, sinon le plus ancien (1183), (il) n'a pas donné directement son nom à une rue ou à une place." (p. 157)

Dans le livre de GRASSET-MOREL (Montpellier. Ses sixains, ses îles et ses rues. Ses faubourgs (1908, réédition en 1989 aux éditions LACOUR), il est dit que la rue Four Saint-Eloi "devait sa dénomination, non au four fait en 1232 par les consuls, à la même époque que ceux de la Dougue, de Coste-Frégé et de la Valfère, près la porte de la Blanquerie, propre portale Blancarie mais à un autre qui était dans les parages." (p. 170) et il ajoute que "Avant 1851, la rue du Four St-Eloi finissait à la rue St-Charles ; depuis, le tronçon qui commence à la rue de la Providence et s'arrête en face du Prêt gratuit a pris le nom du fondateur de cette oeuvre, l'évêque PRADEL, qui occupa le siège épiscopal de 1676 à 1696, fut le successeur de Bosquet et le prédécesseur de Colbert. Ces deux rues du Four St-Eloi et Pradel formaient la corraterie St-Germain, qui aboutissait à la façade latérale de la cathédrale."

(à compléter)

6/ Les pièces du dossier et la procédure

(à compléter)

7/ L'arrêt de la Cour d'Assises

(à compléter)

8/ Conclusion

(à compléter)



Le jumelage avec Barcelone, en 1963

"A Barcelone. Hommage pour un Jumelage"

Je m'appelle Montpellier. Tu t'appelles Barcelone. Mon nom rime avec "Ton Chevalier". Le tien, avec "Maguelone". Mon nom est un nom d'homme. Le tien, un nom de femme. C'est donc Moi, l'Epoux du cantique. Toi, mon Epouse au front altier. Pour s'aimer, il faut se connaître. Toi et Moi, nous reconnaître. Après tant de siècles qui en vain voulurent nous séparer. Regardons-nous en face. Et reconnaissons-nous. Barcelone ! Tu dois le jour et tes syllabes à Amilcar Barca, rude guerrier carthaginois. Moi, aux pierres de deux collines à chèvres. Voisines comme les seins d'une vierge. (...) Nous avons le même ciel. La même mer. Ce ciel qui brûle. Cette mer qui caresse. Alors, la même Histoire (...) Il serait trop long de dire les Litanies de nos échanges : nos Savants et nos Papes, nos Musées et nos Chapelles (...) Nos épousailles n'ont pas uni seulement nos lèvres et nos rêves. Mais aussi par delà nos deux corps, nos familles : l'Espagne, la France. Dans le sang de ta famille coule le feu de l'Afrique. Dans les veines de la mienne, roule l'Orient latin, la lumière de Palestine (...) Et surtout, je t'ai offert le Roi des Rois, le Conquérant conquistador, en Jayme premier, qui a voulu naître dans mes rues, sur mon Plan Pastourel modeste, avant de venir conquérir Valence et Majorque, et mourir sur les bords de la Bernitza en baisant son épée, comme mon Comte Saint-Guilhem, avant de mourir aux grandeurs du monde, enterra sa vaillante épée (...) Plusieurs siècles se sont bousculés, depuis que se sont éteintes les flammes des bûchers de ton Inquisition. Depuis qu'a séché le sang des gibets de mes Dragonnades ... Horreur de ce double remords qui nous fait si souvent, Toi et Moi, sangloter ! Oublions. Oublions ... Celui qui regarde en arrière, qu'on lui arrache les deux yeux. Les siècles sont faits pour mourir. Seul, l'Avenir ne meurt pas (...) Extraits de l'article de Raoul VILLEDIEU, dans le n° 1 (1er trimestre 1964) du nouveau "Bulletin du Syndicat d'Initiative" de Montpellier.



Naissance d'une "Eurorégion", en 2004

Le 29 octobre 2004, a été fondée une "Eurorégion Pyrénées-Méditerranée" constituée des régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées et des Communautés autonomes de Catalogne, d'Aragon et des Baléares. Forte de ses 13,2 millions d'habitants, cette nouvelle "Eurorégion" a pour but de peser davantage face à l'Europe des 25 en permettant aux cinq Régions de porter et de défendre d'une seule voix des projets d'intérêt commun, de dimension internationale, notamment, auprès de la Commission européenne. Les premiers dossiers auxquels l'Eurorégion Pyrénées-Méditerranée s'attachera, concerneront le désenclavement de son territoire et son ouverture vers l'ensemble du bassin méditerranéen, la promotion des coopérations économiques, universitaires et de recherche, et le développement d'actions concertées en faveur du développement durable.(Bruxelles, décembre 2004)



Entre le jumelage de 1963, l'Eurorégion de 2004
et les perspectives esquissées en 2011, on retrouve
une même convergence vers l'Espagne et sa Catalogne



La connexion avec Barcelone, en 2011

Le grand enjeu pour Montpellier, selon Sylvie CROSSMAN, est de se connecter à Barcelone, grande capitale économique et culturelle. Entre les deux villes, bientôt reliées par une nouvelle ligne TGV, il y a une filiation naturelle, la catalanité faisant partie du Languedoc-Roussillon. Montpellier frémit d'un irrédentisme cathare. Cette identité ne doit pas faire l'objet d'un repli mais au contraire être la base d'un développement émancipé de toute fascination vers Paris. Des perspectives politiques pourraient alors se dessiner sous la houlette des Indignés. Il faut partir de l'idée de région, que Georges FRÊCHE avait maladroitement lancée avec son projet de Septimanie, et l'élargir à l'Espagne. (Sylvie CROSSMAN interviewée par Aurélie JACQUES dans un "Spécial Montpellier", p. XVIII du n° 2046 du magazine Le Point, du jeudi 01.12.2011). Sylvie CROSSMAN et Jean-Pierre BAROU sont les éditeurs du livre de Stéphane HESSEL : "Indignez-vous !" (Indigène Editions).



La valorisation du "triangle d'or" (Montpellier-Toulouse-Barcelone), en 2015

La Gazette de Montpellier, n° 1433, du 3 au 9 décembre 2015, compare les programmes des candidats pour les élections régionales des 6 et 13 décembre, en vue de la mise en place des nouvelles régions, en 2016. Nous avons noté celui du maire de Montpellier, Philippe SAUREL, qui prévoit de "valoriser le triangle d'or - Montpellier-Toulouse-Barcelone - pour donner sa place à ce territoire en Europe."

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