Histoire.
Le journal marseillais La Vedette ouvre une fenêtre sur la vie aixoise de la fin du XIXe siècle (1880) au début du XXe siècle (1911). Plus exactement, il s'agit de la vie mondaine et de la vie sociale de la bourgeoisie aixoise, ce que le journal appelle, le plus souvent, l'élite de la société. Ce sont les annonces ou les descriptions des "grands" mariages, les "matinées" offertes à cette société, les bals, costumés ou non, les concerts ou les fêtes de charité. On trouve même des informations sur les départs de la ville, en été, quand la chaleur devient trop forte. Ainsi, dans la rubrique "Déplacements et villégiatures" du 20.08.1887, le journal indique que "M. et Mme EUZET (sont) aux bains de Saint Sauveur", cependant qu'une comtesse est à Evian, un baron et une baronne à Orezza (en Corse) et un comte à Campredon, au château de Mirabeau. Il est bon de rappeler que la station de Saint-Sauveur-les-Bains avait une réputation bien établie depuis le venue du roi de Hollande et de la reine Hortense, en 1807 mais, surtout, depuis le séjour de l'empereur Napoléon III et de l'impératrice, en août 1859. On se rend compte, alors, de la "signification" du message contenu dans ces quelques mots, les bains de Saint Sauveur.
Cependant, ce sont les manifestations en ville qui retiennent surtout l'attention de la rédaction du journal. La vie musicale, notamment, est intense et brillante. Par exemple, le journal du 16.12.1899 fait le compte rendu du concert de l'association musicale des dames d'Aix, donnée en "matinée" du lundi, à cinq heures du soir (sic), dans la salle de spectacle Saint-Mitre. M. et Mme EUZET sont de la fête et "une quête fructueuse a été faite au cours de la séance par Mlles EUZET et HENRIET. Ainsi se sont alliés en cette réunion charmante, les plus exquis plaisirs de l'art et les aimables jouissances de la charité." Un peu plus tard, le 23.12.1899, c'est le concert de l'association musicale d'Aix qui convie ses membres et ses invités à son vingt-troisième concert. Le journaliste décrit l'assistance où l'on retrouve les demoiselles EUZET et leur frère. Le 27.01.1900, l'association artistique de Marseille se produit pour un concert classique et toute la famille EUZET est présente. Le 02.10.1900, c'est le vingt-sixième concert organisé par l'association musicale d'Aix, dans le vaste et élégant local de l'Eden. Le journaliste habituel, Jean de COMTAT jette son coup d'oeil profesionnel dans la salle et ne manque pas d'apercevoir Gabriel EUZET. C'est encore, le 08.03.1902, le concert de charité donné par l'association générale des étudiants, au théâtre municipal. Même scénario, les morceaux choisis, la quête charitable, les félicitations et l'assistance où l'on retrouve Louis EUZET avec les autres membres de la bonne société.
On ne peut, ici, tout reprendre de ces chroniques mais un article est, à lui-seul, particulièrement évocateur. il s'agit du mariage GIRAUD-ANINARD, décrit dans le numéro du 10.03.1903 :
"A Aix-en-Provence, dans l'église de Saint-Jean-de-Malte superbement parée de fleurs, a été célébré, mardi, le mariage de Mlle Raphaëla ANINARD, la très gracieuse et charmante fille de l'honorable avocat à la Cour d'appel, ancien bâtonnier, et de Mme Casimir ANINARD, avec M. Louis GIRAUD, le jeune et distingué avoué près la Cour d'appel, et fils du très sympathique chef d'escadron d'artillerie en retraite et de Mme Emile GIRAUD.
Les témoins étaient pour la jeune mariée : Mrs Albert CHAUBET et Jules CHAUBET, officier de la Légion d'honneur, ses oncles, et pour le marié, Mr Louis MAGNAN, le réputé agronome provençal, et Henri PONTIER, le sculpteur émérite et l'érudit conservateur du Musée, ses oncle et cousin.
La bénédiction nuptiale leur a été donnée par le chanoine GRIMAUD, du diocèse d'Avignon, et ami de la famille ANINARD, qui a prononcé une allocution pleine de coeur et de sentiment. La quête a été faite par Mlles Gabrielle de JESSÉ-CHARLEVAL, en bleu idéal ; Marthe CHAUBET, en voile blanc, et Marie-Emilie AILHAUD, en rose, cousines de la mariée. Elles étaient accompagnées par Mrs Raoul PONTIER, J. de JESSÉ-CHARLEVAL et Charles CHAUBET.
La gracieuse mariée portait avec autant de distinction que de grâce une exquise toilette de mousseline de soie à grande traîne ; citons aussi Mme ANINARD, belles dentelles sur transparent bleu ; GIRAUD, velours noir et dentelles ; E. ESTRANGIN, drap bleu ajouré ; Jules CHAUBET, élégante toilette de dentelles ; MAGNAN, soie grise recouverte de dentelles anciennes et fichu Marie-Antoinette ; comtessa de JESSÉ-CHARLEVAL, dentelles noires pailletées jais ; Jules FERRAND, délicieuse robe crème ; DAVID, belle toilette crème et blanc ; GIBERT, dentelles noires.
Mlles Agnès de JESSÉ-CHARLEVAL, séduisante comme toujours, en robe de mousseline blanche brodée ; GIBERT Marguerite et Isabelle GASQUY, Jeanne EUZET, toutes en de bien jolies toilettes claires. Mrs ANINARD, GIRAUD, Louis MAGNAN, comte de JESSÉ-CHARLEVAL, CHAUBET, PONTIER, conseiller à la Cour, lieutenant de COMBARIEU, du 17ème dragons, J. FERRAND, DAVID, bâtonnier de l'ordre des avocats, MOURAVIT, notaire, EUZET, avoué, Henri PONTIER, Gabriel EUZET, Louis ANINARD, etc.
Citons aussi la mignonne Anne-Marie de DEMANDOLX-DEDONS, gentille à croquer dans son petit costume de mousseline blanche brodée et accompagnée par Mr Jacques CHAUBET, un gentil cavalier d'une douzaine d'années.
Dans l'église se trouvait réunie l'élite de la société aixoise venue des environs pour féliciter les nouveaux époux et leurs familles.
Un dîner suivi de réception a eu lieu à l'hôtel des Thermes. Menu excellent signé CATORINI. Au champagne, des toasts chaleureux ont été portés par Mrs DAVID et EUZET, des vers gracieux ont été dits par Mr Gabriel EUZET, et un a propos charmant La grande soeur et les petits frères a très gentiment été dit par Mr Jean ANINARD. On a ensuite dansé avec entrain et la journée s'est terminée le plus agréablement. Nos meilleurs voeux aux nouveaux époux et tous nos compliments à Mrs et Mmes Casimir ANINARD et Emile GIRAUD."
Cet article n'a pas besoin de commentaires sauf, peut-être, de dire que l'on a là l'image parfaite de ce qu'était le monde d'avant 1914 dans la belle ville d'Aix-en-Provence.
Cette vie était rythmée, tous les ans, par les mêmes évènements, fêtes, bals et réceptions, avec toujours un côté catholique et charitable nettement prononcé. Ainsi, le journal du 26.03.1898 se faisait-il l'écho de la fête de la saint Joseph : "Une fête qui n'est point banale c'est celle qui tombe chaque année le 19 mars jour de St-Joseph, où Mgr l'archevêque prend soin de convoquer toutes les dames charitables de la société aixoise. Monseigneur est là bien chez lui dans ce bel hospice abritant plus de cent vieillards des deux sexes à qui il a fait don de ce somptueux abri." L'article décrit en détail le menu du repas, les personnes venues aider (dont l'avoué Louis EUZET) et, bien sûr, l'action de grâce dans la chapelle qui clôt la journée.
Autres évènements attendus, les courses de chevaux. Par exemple celles qui sont évoquées le 15.06.1901 : "Gros succès pour les courses qui ont eu lieu dernièrement et auxquelles assistaient le Tout-Aix mondain et sportif (...) Nous avons aperçu (...) M. et Mlle EUZET, en foulard bleu et blanc (...) parmi les notabilités MM. le premier Président GIRAUD, le Président GRASSI, le colonel LAPORTE, le Maire (...)" etc.
Cependant, il faut certainement insister sur ce qui ouvrait "la saison mondaine", c'est-à-dire la réception offerte tous les ans par le premier président de la Cour d'appel. Cet évènement majeur est décrit dans les numéros de La Vedette des 22.01.1898 et 31.01.1903. Reprenons ici une partie de l'article de 1898, intitulé : "La matinée du Premier Président". L'accueil des 240 invités par M. et Mme MICHEL-JAFFARD, l'orchestre dans le premier salon, le bal dans les deux salons, les fleurs, le buffet, le champagne Mercier qui coule à flots. Tout est évoqué d'une trait de plume mais le plus caractéristique est la description des invités les plus notables, leurs toilettes et habits, c'est le "Tout-Aix" qui défile sous nos yeux : "Mlle CHAUMERY de SORVAL, en soie blanche soutachée or ; trois soeurs VINCENT ; les deux filles du capitaine BLANC ; Mlles BOYER et DUCLOS, de Septême ; Mme BOUAT, satin blanc, avec un noeud cerise sur l'épaule.
En rose vif, Mlles MICHEL, nièces de M. le Premier Président, MARCAGGI, avec garniture de ruches en mousseline de soie rose. Trois soeurs de SABLET d'ESTIÈRES, des débutantes, nous dit-on, point empruntées pour un début. Mlle FAYSIN, soie rose, garniture de tulle illusion blanc ; PONTIER, riche toilette rose Pompadour. Mmes RAMADIER, BOUVIER, BANGILON, BOYER, rose garnie de gaze vert d'eau ; de MONVALLON, satin broché rose pâle ; PERREAU, brocard rose et châpeau assorti ; TEDESCHI, brocard rose et vert ; TARDU, très riche costume satin Liberty parsemé de découpures Chantilly ; comtesse de VOGÜÉ, satin rouge-cerise et toque Henri VIII du même avec élégante aigrette, et Mlle Paule d'AUTHEMAN accentuant la nuance dans un crépon rouge-sang-riche.
Couleurs variées et nuances panachées : Madame Paul MICHEL belle-soeur de M. le Premier Président, en brocard jaune ; baronne Henry de FONSCOLOMBE, satin broché à fleurs ; Mme DUCOS, riche toilette soie paille et tulle brodé de velours noir ; Mme LAFON de CLUZEAU, robe grise et satin blanc ; VALHIER-COLOMBIER, satin broché ; RICHARD, moire, velours blanc et ceinture bleu pâle ; MICHEL, corsage vert d'eau sur jupe vert sombre ; Silvain DAVID, mousseline soie noire, transparent bleu pâle ; ROBERT, jupe noire, corsage transparent bleu ; DORLHIAC, bleu pâle ; CONSTANS, raies bleues et blanches ; DUCROS (facultés) en bleu pâle ; ESTRANGIN, gris clair.
Riches toilettes sérieuses : Mesdames DAUPHIN ; CONTENCIN ; SAJOUX ; MONDOT ; TRINQUIER ; de MOUGINS ROQUEFORT ; CHAUMERY de SORVAL. Mesdames DUTHEIL de la ROCHÈRE, BERTRAND, MALLET, marquise de BONNECORSE, d'AUTHEMAN, satin broché foncé ; Mme DAUBY, vert avec un plastron en fleurs de jais ; Mme COTELLE, robe sombre et ceinture grenat, très séyante coiffure à la Vierge.
Riches toilettes en velours noir : Mesdames NAQUET ; CRÉMIEU, élégant décoletté ; MARCAGGI, velours noir garni acier et velours orange ; de GUIRAUD et MICHEL, en satin noir ; Augustin GUIRAUD, velours noir et satin rose, Mme CÉNOC et Comte de Marseille.
Série des habits noirs et uniformes : M. Paul MICHEL, directeur de la Société Immobilière Marseillaise, frère de M. le Premier Président ; M. Félix-Henry MICHEL, notre distingué confrère, neveu de M. MICHEL-JAFFARD. Le colonel DUTHEIL de la ROCHÈRE ; le lieutenant-colonel PINET ; le lieutenant-colonel en retraite SAJOUX ; le major DEFOUQUE ; deux officiers de marine MM. de COURTOIS et VINCENT ; un groupe d'officiers du 55e fort appréciés comme élégants danseurs. Le Procureur général NAQUET ; le procureur de la République BOURGAREL ; les substituts FONTANILLE et PELISSIER ; le doyen honoraire M. de MOUGINS-ROQUEFORT ; le Président de chambre MALLET ; les conseillers à la cour, TARDIEU, MARCAGGI, BOYER, MONDOT, de SABLET-d'ESTIÈRES, VALLIER-COLOMBIER, PONTIER, SUZANNE, TRINQUIER, du PUY, RICHARD ; les juges LISBONNE, LIONS, FABRY de MONTVALLON.
Les avocats : le bâtonnier CRÉMIEU, Marius et Gabriel ARNAUD, Henri et Léon EYMAR, MASSON, HEYRIEIS, CONTENCIN, MASSIÈRES, FASSIN, JAUFFRET, DEMOLINS, Marcel PITIÉ, Ch. de BONNECORSE, BOUCHE, TÉDESCHI, BOYER, Sylvius DAVID.
Les avoués : ESTRANGIN, CAILLAT, EUZET, RAMADIER, COIRARD, VINCENT, GUÉRIN, Augustin GUIRAN, DAUPHIN ;
Les notaires : BÉRAUD, BERLIER, ROBERT ;
Les professeurs de Faculté : de PITTI-FERRANDI, CONSTANS, BOUVIER-BANGILON, PERREAU, AUDINET, DUCROS, BOUAT, secrétaire d'académie.
L'élément civil : M. de BONNECORSE, LUBIÈRE, baron H. de FONSCOLOMBE, MICHEL, ingénieur, DUCROS, greffier en chef à la Cour, vicomte de VOGÜE, MM. de COURTOIS, de BRESC, de CATELIN, de GUIRAND, TEISSIER, de SAVY, DUCLOS de SEPTÈMES, CÉNAC, procureur de la République à Marseille et M. COMTE, juge au Tribunal civil.
La Vedette a commencé sa carrière en 1877 mais la Bibliothèque Nationale de France (BNF) ne possède ses numéros qu'à partir de 1880 et jusqu'en 1911 (l'année 1890 étant en déficit). le dernier numéro disponible à la BNF est celui du 30.12.1911 mais le journal a dû continuer puisque ce numéro n'annonce pas son arrêt. Pour comprendre la sensibilité politique du journal, on peut se reporter au numéro du 11.07.1880 où le rédacteur en chef écrivait : "La Vedette demeure sur le terrain de défense purement conservatrice, sociale, religieuse, et reste ouverte comme une tribune, quelles que soient les convictions personnelles de son directeur, aux opinions qui prétendent à l'honneur d'assurer cette défense par des voies différentes."
Pendant longtemps, il n'y a pas eu de chronique aixoise. Il y avait, par contre, une chronique intitulée "Le monde et la ville" mais qui ne concernait que Marseille. Petit à petit, il a fallu élargir la zone d'influence pour, probablement, gagner plus des lecteurs. En effet, en avril 1885, avait lieu la dissolution de la société anonyme "La Vedette" et il fallut donc trouver de nouveaux sujets qui élargissent l'audience. C'est ainsi qu'apparut une "Chronique régionale" (essentiellement pour Aix-en-Provence), en 1886, chronique tenue par un "brillant chroniqueur", Olivier de MONTAIGUET.
(à suivre)
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La lignée du Triadou
Les EUZET d'Aix-en-Provence
Les EUZET d'Aix-en-Provence (suite 1)