La lignée des EUZET du mas d'Euzet de Saint-Gély-du-Fesc (34).

Les branches de Notre-Dame-de-Londres.
(T 46 suite 2)



Histoire.

"Le jour où l'on sait qu'on n'a plus d'avenir, on meurt. Faire son temps, savoir que l'avenir n'existe plus. Alors la vie, le désir nous quittent et la mort vient. Le matin, en été, je vais par un chemin de sable à travers la forêt jusqu'à la dune. Et comme il est tôt, je suis seul sur la plage sauvage. Elle brille à l'infini et se défait dans une brume d'or où se confondent la dune, la mer, le sable et le ciel. La plage lissée par l'Océan qui se retire, brune près de l'eau, miroite de flaques bleues vite épongées, vite revenues. Plus loin de la mer, le sable fait une surface unie, étincelante. La nudité rend la trace plus intense et plus fragile. La précarité est cause certainement de l'intensité. Seulement les empreintes de mes pieds. La postérité, ce n'est que ça, mais elle est souvent une illusion, une sorte de vie éternelle après la mort. Laisser derrière soi ses pas et les regarder, s'arrêter pour regarder d'où ils viennent et quelle trajectoire ils font, est un vieux, très vieux comportement, reçu en héritage, une sorte d'automatisme partagé par tous depuis toujours. Contempler sa trace, ses pas dans le sable, sa merde, les autres empreintes et inscriptions, ne vaut d'abord que pour soi, preuve qu'on a été là, juste quelques instants, et le temps que restera la marque. C'est peut-être une adresse à quelqu'un d'autre, plus hypothétique que certain. Puis, la marque est devenue volontaire, soit pour durer, soit pour vouloir magiquement obtenir ce qu'elle représente. La main imprimée dans une brique d'argile humide. D'autres eurent plus tard la prétention d'élaborer des traces de beauté pour redoubler le monde. C'est donc un vieux programme de l'espèce. Un archaïsme. Le souci de la postérité fut-il un jour l'honneur de l'artiste, quand celui-ci cherchait la plus belle forme dont il était capable pour durer et pour obtenir reconnaissance de ceux qui viendraient après ? C'est si vrai que la trace laissée soit un fondamental programme de survie, inhérent à l'espèce, que la première écriture grecque, que toute écriture déposée, inscrite, imprimée, incisée, suppose l'absence du scripteur quand survient un lecteur. Ecrire porte en soi l'effacement du scribe et la possibilité qu'il se prolonge s'il se trouve quelqu'un pour lire le texte. Donc la première écriture grecque est funéraire. On la déchiffre sur des stèles. Le texte est un tombeau, le texte dit je. "Je suis le tombeau qui proclame la renommée de Machin", "Je suis le signe qui fait résonner le nom d'Untel". Le scribe est absent, le texte seul est là pour le lecteur à venir qui passera devant la tombe, qui traversera le livre, qui lira l'inscription à haute voix. J'écris, je me fais disparaître et je fais le pari d'un lecteur. Taillée dans la pierre tombale, l'écriture projette la renommée d'un mort dans le futur. Le tombeau devient objet parlant, si passe par là un lecteur (...)." Jacques TEBOUL, article intitulé : "Éloge du tagger", dans le n° 2 du printemps 1991 de "Quai Voltaire. Revue littéraire" (68, rue Mazarine, 75006 Paris), qui traitait du thème de la postérité.

En complément de l'article ci-dessus, un dossier de La Voix du Nord du 13.09.2016 montre un aspect nouveau de ce vieux comportement : laisser des traces, non seulement de son passage sur terre mais encore de l'époque dans laquelle on se trouve ; voici quelques extraits de ce dossier qui s'intitule : "Je mets mon époque en boîte" :
"Laisser une trace du temps présent aux générations futures ou à soi-même dans dix, vingt, cinquante ans ... La pratique n'est pas nouvelle, mais connaît un regain ces dernières années. Il faut dire qu'il existe aujourd'hui un tas de moyens d'y parvenir." (chapeau du dossier). "C'est Christophe qui, refaisant son plancher avec des amis, en profite pour laisser un message aux générations futures. C'est Erwan qui poste sur YouTube une vidéo de lui où il se présente et formule des souhaits pour l'avenir, à revoir dans vingt ans. Ce sont Louise et Zélie qui mettent en boîte quelques objets volés au présent à redécouvrir quand elles seront majeures ou mamans. Ce sont ces chercheurs des années 1930 qui voulaient laisser trace de leur civilisation dans des chambres fortes scellées." (En 1936, Thornwell JACOBS a réuni dans une pièce de l'université d'Oglethorpe, à Atlanta, en Géorgie, toute une collection d'objets du quotidien, celui des Américains de l'entre-deux guerres ; il baptise son projet : La Crypte de la civilisation : premier exemple de ce que l'on appelle des capsules temporelles) Ce sont enfin des milliers d'internautes qui ont décidé de laisser un message aux bons soins du satellite Keo qui les fera circuler durant 50 000 ans autour de notre bonne vieille Terre" (le projet du satellite Keo propose d'expédier votre contribution via un satellite en 2017, avec retour prévu sur Terre dans 500 siècles - voir le site keo.org) ... Le point commun entre tous ? Fixer le présent, que ce soit dans une lettre, une vidéo, un coffret rempli d'objets et le confier au temps. Pour qu'il fasse son oeuvre. Et que plusieurs années après, voire même plusieurs générations, quelqu'un, soi-même ou ses descendants, redécouvre ce petit bout du quotidien de l'année 2016" (dossier par Christian CANIVEZ)




Histoire.


Notre-Dame-de-Londres
(vue du ciel)




- Ecologie, habitat et santé : la mutation lente et difficile de deux sociétés traditionnelles (XVIIIe-XIXe siècles), article par Joseph SMETS, dans Etudes sur l'Hérault, nouvelle série, 4 (1988). L'auteur indique que son étude porte "sur deux sociétés traditionnelles situées dans deux régions distinctes : d'une part le bassin de Saint-Martin-de-Londres (avec les communes de Saint-Martin-de-Londres, Notre-Dame-de-Londres, Rouet et Mas-de-Londres) au coeur des garrigues montpelliéraines, d'autre part la future mairie de Kevelaer comprenant les trois communes Kevelaer, Wetten et Twisteden (y compris Klein-Kevelaer) dans le Bas-Rhin allemand." :

Extrait à propos du compoix de 1765 de Notre-Dame-de-Londres : "(...) Il n'y a pas d'autres productions que les herbages pour nourrir les troupeaux ... et deux ou trois facturiers qui consomment la laine de sept à huit cents toisons ne faisant que de petits cadis. Le reste des habitants sont charbonniers ou journaliers. (C 1114, aux AD 34). Cette réponse jette en même temps une lumière sur la stratification sociale de ce village dont l'habitat reflète parfaitement la dichotomie entre les métairies (ou mas) des nantis - propriétaires ou fermiers représentant environ 15 % de la population. Ils détiennent ou travaillent quasiment 90 % des terres ! - et le village populeux des pauvres, artisans et journaliers - plus de 60 % de la population locale qui se partagent 3,8 % seulement du terroir à Notre-Dame-de-Londres !

Dans ce village languedocien, à caractère citadin, dont le nombre et l'architecture des maisons n'ont probablement que peu changé depuis le Moyen Age, s'entassent quelque deux cents personnes. Une ruelle circulaire extrêmement étroite parcourt le centre du village. Toujours dans l'ombre des maisons très rapprochées, elle est par conséquent humide et plutôt malsaine. Quelques creux de fumier (cadastre de 1830) ou aisyments (compoix de 1765), répartis aux quatre coins stratégiques du Fort, dont l'odeur infecte imprègne l'air villageois, recueillent les excréments si précieux des rares bêtes à laines, chèvres et mules ainsi que ceux des villageois.

L'eau si précieuse, parce que rare dans ces contrées, dérivée, comme à Viols-le-Fort, Saint-Martin-de-Londres ou à Notre-Dame-de-Londres, de quelque source capricieuse, alimentait en général chichement une fontaine publique dont le débit s'amenuisait au rythme des nombreuses périodes de sécheresse. A Saint-Martin-de-Londres où "le pred de Lafons renferme les sources qui font aller la fontaine publique ..." les habitants sont alors "obligés de fouiller pour les raviver
(Délibération du 29.05.1796, citée par G. LAGANIER dans son mémoire de maîtrise sur "Démographie et subsistances dans le canton de Saint-Martin-de-Londres, Montpellier, 1975, p. 83). Pourtant, malgré les fréquentes difficultés d'approvisionnement en eau, les gens du cru ne semblent pas s'être particulièrement préoccupés de la salubrité de leurs eaux de source. En effet, en juillet 1798, "le commissaire invite et requiert l'administration d'obliger les citoyens à tenir enfermés leurs cochons, canards et autres animaux qui vont se jetter dans les rivières, y troublent l'eau qui devient infecte et exhale des mauvaises odeurs qui nuisent à la santé des habitants ..." (Délibération du 13.07.1798, citée par G. LAGANIER, op. cit., p. 84).

Derrière une telle attitude populaire, on devine, en cette extrême fin du 18ème siècle, une absence totale de l'hygiène la plus élémentaire vis-à-vis de l'eau. Autre fournisseur d'eau potable : la citerne. Très rare dans le village à cause de l'exiguïté des maisons, elle fait partie intégrante des mas isolés qui ont curieusement été construits loin des sources. (voir Charles LHUISSET, op. cit.,, p. 104 : "Un même besoin a contribué à fixer l'habitat isolé : la recherche de terres cultivables. La question de l'eau n'a pas été ... l'élément déterminant dans le choix du lieu d'implantation.") L'eau ne se renouvellant que sporadiquement, stagne dans les citernes plus ou moins bien entretenues. Celles-ci constituent évidemment des nids à microbes et donc des lieux privilégiés de contagions. Survient une sécheresse et elles se vident en un court laps de temps." (AD 34, L 1072 cité par G. LAGANIER, op. cit., p. 83. Ainsi à Viols-le-Fort, en 1791, "la longue sécheresse y avait tari les citernes qui seules fournissent dans ce lieu l'eau nécessaire aux besoins des habitants, le pauvre était réduit à boire une eau bourbeuse et insalubre ...")

(à compléter)

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Les lignées issues de l'Hérault

Notre-Dame-de-Londres.

Notre-Dame-de-Londres (suite 1).