La lignée des EUZET du mas d'Euzet de Saint-Gély-du-Fesc (34).

La branche de Beaulieu.
(T 10 suite 2)



Histoire.



"Projetés par la révolution scientifique et technique de ces dernières années dans une civilisation absolument étrangère, sur de nombreux points, à la précédente, nous éprouvons le besoin de nous replacer, par n'importe quel moyen, dans une continuité." (Pierre GASCAR, extrait de "Dans la forêt humaine" ; Editions R. Laffont, en 1976).

"Laissons rire les gens qui ne s'intéressent pas au passé ... plaignons les, aussi, car ils se passent de beaucoup de plaisirs ... car c'est un plaisir de découvrir le caractère, les petits travers et les originalités de ceux qui nous ont précédé, leurs qualités aussi." (début d'une lettre du 14.12.1996 d'Annie FERRIER à Martine et Hugh VICKERY)



Une procession, à Beaulieu




Histoire.

Si l'on avait dû se demander quelle serait l'utilité et l'intérêt de ces pages "Histoire", sur un site à forte dominante généalogique, à elle seule la photo de la lettre qui suit montrerait combien elles peuvent remplir un rôle indispensable pour donner une "dimension humaine" aux nombreux personnages qui sont dans les listes des branches et des lignées. Ces documents font aussi ressortir un mode de vie qui a disparu, une économie qui n'est plus la nôtre. A la veille du 11 novembre 2005, il nous a semblé juste de faire paraître cette lettre d'une épouse à son mari qui était à Verdun, en 1916. C'est une lettre merveilleuse d'amour et c'est une lettre terrible car, elle est du 6 septembre et son mari, Antonin EUZET, est mort le lendemain, 7 septembre 1916. Cette lettre, il ne l'a jamais lue. La montrer, aujourd'hui, c'est un peu le faire revivre, lui, sa famille, son époque.

La dernière lettre à Antonin EUZET par son épouse, Marie Jeanne
(archives de Mme Raymonde EUZET, dont Mme Martine VICKERY nous a transmis une copie)






Et puis, les témoignages des personnes âgées sont tout à fait complémentaires des sources écrites. Celui de Suzanne GUERIN (fille de Marie EUZET et de Justin ROUCAYROL, petite-fille de François EUZET et d'Appollonie GROLIER, arrière-petite-fille d'Etienne EUZET et de Clotilde THERON) est de première importance car d'une grande précision. C'est dans des lettres écrites à Martine VICKERY (fille d'Elie EUZET et de Paule BERLIOZ, petite-fille d'Antonin EUZET et de Marie Jeanne MARQUIÉ, arrière-petite-fille d'Etienne EUZET et de Clotilde THERON) que l'on trouve ces "pépites de vie" qui sont absentes des papiers abstraits que sont les actes d'état civil et les actes notariés. Nous reprenons ici certains extraits de cette correspondance qui date de juin à août 1995 environ :

Les ascendances de
Suzanne et de Martine


Je pourrais écrire des pages et des pages sur les cinq années vécues avec eux ainsi que toutes les vacances mais je dois répondre à tes questions. François Marius n'était pas plus grand que son frère Antonin. D'ailleurs les EUZET ne sont pas grands. Heureusement les THÉRON étaient là pour rehausser la taille. Mes oncles Antoine, Emilien étaient grands. Etienne paraît-il aussi (+ en 1917, à la guerre) Ma tante Clotilde et maman pour des jeunes avaient une belle taille. Moi je ne mesure qu'un mètre 62 (mon père n'était pas très grand). Mon oncle Guillaume qui ressemble beaucoup aux EUZET était petit ainsi que l'aîné de ses enfants, ressemblant physiquement aux EUZET. Regarde Marius, ton oncle, ce n'est pas non plus un "géant".

Etienne
(marié à Clotilde THÉRON) était un brave homme très gentil pour ses petits-enfants. Une anecdote : il aimait se mettre dans le coin de la cheminée et mon oncle Guillaume en vrai gandou farceur avait brûlé le bout de sa canne. Inutile de dire lorsqu'il a voulu s'en servir ... sa gentillesse était telle qu'il l'a seulement traité de vaurien. Encore une autre : Etienne était désordre et laissait traîner ses chaussures. Appolonie qui avec toute sa marmaille avait beaucoup de travail lui a jeté ses chaussures dans le bois car autrefois la maison n'était pas au milieu des autres. Il paraît qu'il s'est contenté d'aller les chercher mais avait bien compris qu'il fallait être raisonnable. (...)

Je sais également que ta grand-mère
( Marie Jeanne MARQUIÉ) n'appréciait pas trop Appolonie. Il y avait, paraît-il, un peu de jalousie dans leurs rapports. Ma grand-mère (Appolonie GROLIER) avait gardé, soigné et aimé ton grand-père (Antonin EUZET) qu'elle avait eu en charge le lendemain de son mariage et ton grand-père avait toujours été reconnaissant envers sa belle-soeur qui s'était occupée de lui comme une mère l'aurait fait et maman (Marie EUZET) me disait également que son oncle Antonin venait presque tous les dimaanches les voir sans que sa femme le sache.

Marius
(fils d'Antonin EUZET et de Marie Jeanne MARQUIÉ) aurait pu te parler longuement de mes grands-parents (François EUZET et Appolonie GROLIER) , il a toujours fréquenté la maison de Beaulieu et il s'est toujours déplacé pour les réunions de famille qui, bien souvent, étaient des enterrements. Par contre ton père (Elie EUZET), à part passer chez Clotilde (fille de François EUZET et d'Appolonie GROLIER) à Carcassonne (c'était son chemin), il n'a jamais été trop famille. Moi je l'ai vu pour la première fois lorsqu'il était étudiant et faisait partie de l'Action Française. Il y avait des bagarres et comme tous les étudiants d'autrefois et même d'aujourd'hui, il était au milieu. Il était venu à la maison pour se faire cacher, les "sbires" étaient à ses trousses ... Tout cela fait partie des études ... Moi je suis venue à Perpignan en 49 où j'ai connu ta maman (Paule BERLIOZ) qui m'a laissé le souvenir d'une grande dame.

Tu me demandes pour le prénom de François. C'est effectivement en souvenir de mon grand-père qui était mon parrain. C'était un pépé gâteau à qui, toute petite, j'ai fait faire tout ce que j'ai voulu. Il m'égrainait les grenades, me laissait manger les carottes de son jardin. Je le faisais marcher mais il était heureux que je le fasse et j'étais près de lui à ses derniers instants. Que de souvenirs !

Tu me demandes comment François mon grand-père est mort. Ça été rapide. François, après la mort de son frère, de son fils en 1914
[pendant la guerre de 14], ayant connu cette guerre meurtrière pour lui, a toujours beaucoup lu les journaux. De plus, à la retraite, il recevait Le Petit Méridional, L'Humanité et Autre Temps et disait qu'avec "les hommes que nous avions au gouvernement nous ne reverrions plus de guerre" ... Le 2 septembre 39 mobilisation générale : ses fils et ses gendres mobilisés, ça été quelque chose pour lui d'impensable. D'après le Docteur, cette émotion s'est portée sur son foie (peut-être fragile ...) ce qui a occasionné une hépatite et s'est terminé par un cancer. On n'en parlait pas à l'époque, mais d'après ce que l'on connaît à présent, c'était bien ça. Le 9 octobre de la même année, j'ai assisté avec ma grand-mère et mon frère - qui n'avait que 14 mois - à sa mort. Il est parti comme il a toujours vécu, calmement et sans bruit entouré de nous quatre et de notre grande affection. Quant à grand-mère (Appolonie GROLIER) en 1955, depuis novembre 1950 elle avait perdu un peu la tête. A l'époque les soins n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui, petit à petit des vaisseaux se rompaient dans le cerveau et elle perdait de plus en plus la tête. Elle en arrivait à nous taper, à ne pas vouloir manger de peur qu'on l'empoisonne. Maman et papa (Marie EUZET et Justin ROUCAYROL) ont vécu un véritable enfer pendant cinq ans et moi, mariée depuis 1950 et habitant Lunel à 14 kms de Mauguio, je partageais avec eux cette souffrance. Tu vois tout cela c'est la vie. Lorsqu'une peine s'en va, il en arrive une autre et cette autre pour moi ça été François. Mais revenons à nos ancêtres. Sur l'arbre des THÉRON, Mathilde, Suzanne et Guillaume, le dragon, ont eu une autre fille qui s'appelait Clotilde et s'est mariée avec un FÉDIÈRE. Elle était née le 8 octobre 1872 et est décédée le 28 décembre 1915. Elle habitait Saint Christol, près de Beaulieu. Bien sûr, je ne l'ai pas connue mais je connais toute la descendance qui est décédée et celle qui existe encore. Nous nous retrouvons - malheureusement - à tous les décès de la famille. C'est bizarre, lorsqu'on est en vie, on n'a jamais le temps de se rencontrer mais lors d'un décès, on se retrouve. Il faudrait remédier à ça. Qu'en penses-tu ?

J'ai également connu le Théophile de la branche Jean EUZET dont le père était Paul époux LIOURE. Je ne me le rappelle que âgé et surtout très sale, n'étant pas loin de notre maison mais dans une véritable "turne".


La maison familiale des EUZET, à Beaulieu
(carte postale annotée par Mme Annie FERRIER)

Je pense que notre arrière-grand-père [Etienne EUZET] est né dans la maison de Beaulieu ainsi que ton grand-père [Antonin EUZET], le mien [François EUZET], ma mère [Marie EUZET] et ses frères et moi et certainement tous dans la même chambre (au-dessus de la cuisine) (...) Ton grand-père [Antonin EUZET], célibataire en 1906 a reçu en donation-partage une partie de la maison, c'est-à-dire certaines dépendances ainsi que du terrain attenant à la maison, plus en indivision avec son frère François le puits et le passage, plus une vigne au lieu dit Jardinière et une autre vigne lieu dit Poujolas. A mon avis - car je n'ai rien notarié qui le prouve - c'est mon oncle Guillaume (frère de maman), célibataire que j'ai connu alors qu'il habitait avec mes parents [Marie EUZET et Justin ROUCAYROL] et mes grands-parents à Beaulieu, qui a dû acheter la part de ton grand-père. Cet oncle Guillaume s'est marié en 30 ou 31 et un de ses fils a dû naître à Beaulieu [Etienne EUZET] puisque je me souviens être allée chercher refuge plusieurs fois dans leur cuisine lorsque j'étais grondée et tenir, avec l'aide de ma tante [Marie-Louise WERNERT], le biberon à mon cousin. Lorsque ma grand-mère est décédée et que la maison a été la propriété de mon oncle Emilien, ce dernier a acheté les dites dépendances à Guillaume.

François Marius et Appolonie [GROLIER] ont toujours habité cette maison puisqu'ils ont pris en charge, jusqu'à la fin de leurs jours, Etienne EUZET et Clotilde THERON. Voilà pourquoi ils ont eu la maison et y ont fait naître leurs enfants. Quant à moi, maman n'a pas voulu laisser ses parents après son mariage. Mon père [Justin ROUCAYROL] a donc travaillé à Beaulieu comme ouvrier agricole, maçon et même carrier. Maman [Marie EUZET] faisait les saisons agricoles et aidait ma grand-mère [Appolonie GROLIER] qui s'occupait de moi avec mon grand-père [François EUZET] Avec eux j'ai compris et parlé le patois. Grand-mère qui savait tout faire m'a appris beaucoup de choses. Elle me faisait de magnifiques robes en organdi, mousseline avec des dessous de couleurs puisque ces robes étaient toujours blanches. Très croyante et pratiquante j'allais avec elle et maman aux messes, processions, etc. et Appolonie était fière de sa petite-fille. C'est elle qui a décidé (ses parents n'étaient pas d'accord ou plutôt hésitants sur le choix d'un prénom) que je m'appellerai comme sa mère [Suzanne THÉROND] Suzanne, en précisant que cette dernière était la plus jolie fille de Claret. Ce que je sais c'est qu'elle s'est mariée à Montpellier le 1er mars 1862 avec notre arrière-grand-père Etienne. François Marius [François EUZET] mon pépé gâteau était vraiment "gateux" de sa petite-fille. Si j'étais sa joie et son bonheur, il n'avait pas besoin de ça pour être heureux et gai. C'était un caractère d'or. travailleur ; du lever au coucher du soleil il faisait des cairons à sa carrière où il avait un petit lieu de repos fait évidemment avec de la pierre blanche qui me rappelait un igloo et lorsque j'allais avec lui c'était un endroit si petit que je me sentais protégée comme dans un cocon. A la retraite, il avait son jardin clôturé de grillage soutenu par des piliers d'un mètre environ de hauteur sur lesquels s'accrochait un ceps de vigne en espalier qui produisait un des raisins blancs précoces ou tardifs, un autre des raisins secs, un autre des roses. Il y avait dans le jardin un arbre de chaques fruits. Figuier, prunier, abricotier et le fameux grenadier dont les grenades n'ont jamais épuisé la patience de mon grand-père pour que j'en mange. Les planches de carottes ou radis que j'allais piétiner n'avaient aucune mauvaise herbe ; le travail qu'il faisait était toujours sans défaut. C'était un perfectionniste. Maman me disait que lorsqu'il se levait pour aller à la carrière il étaignait la lampe ou la bougie qui éclairait la couture de ma grand-mère qui ne s'était pas couchée de la nuit et l'obligeait à prendre quelques heures de repos avant le lever de la famille. Elle a eu 7 enfants (Etienne, Guillaume, Clotilde, Antoine, Marie, Emilien, Albert) mais elle en a élevé 12. Plus les parents qu'il fallait soigner. Grand-père disait toujours à ses enfants, on peut supporter le caractère de votre mère avec toutes les qualités qu'elle a.

Comment pouvaient-ils tenir dans la maison ? Je sais que la dernière chambre (celle qui pour moi était celle où les tisanes séchaient) était celle des enfants. Celle du milieu était réservée à Appolonie et François ainsi qu'aux enfants plus jeunes. Etienne et sa femme avaient la chambre au-dessus de la cuisine au départ et puis ils avaient échangé avec François et Appolonie. (...) Antoine, après avoir travaillé chez un patron où il était logé est allé à Paris. Tu vois les grands ne revenaient à la maison qu'épisodiquement.

Si maman
(Marie EUZET) n'a pas eu la maison, et je le regrette vivement, c'est à cause de mon oncle Antoine. Il avait un caractère entier et voulait que la maison reste à un EUZET ; maman s'appelait ROUCAYROL, pour lui ce n'était pas pareil. Ma mère qui avait soigné et gardé (alors qu'elle était complètement gâteuse) sa mère pendant cinq ans et ne voulait pas contrarier et surtout voulait rester en bon terme avec ses frères, n'a pas manifesté avec virulence son bon droit. La seule chose qu'elle ait faite c'est de demander lors du partage 25000 anciens francs pour abandonner le 5ème de la maison et des vignes. Mais moi-même ne m'appartenant pas légalement, cette maison pleine de souvenirs heureux est la mienne. Je suis heureuse que Carole (petite-fille de Marius) l'habite et ne demande qu'une chose : qu'elle puisse un jour en être la propriétaire seule et unique.

Lorsque j'étais à Lunel et que j'avais un coup de cafard, j'allais me ressourcer à Beaulieu. La maison était inhabitée mais je me mettais près du puits et je regardais, j'écoutais le calme de cette garrigue si proche. Ensuite, j'allais faire un petit tour au cimetière et je rentrais sereine à Lunel.

Je suis très fière de dire à certaines personnes de Beaulieu qui me situent mal : Je suis la fille de Marie EUZET le gandou. Et là tout le monde le sait. Autre précision et là je suis affirmative, le mot gaudou est bien de notre patois et veut bien dire faire la fête ; on aurait pu à notre époque les baptiser Festejaire, bien que faire le gaude en patois veut bien dire la fête mais aussi dire une plaisanterie un peu osée, bien que correcte. Il est toujours très difficile de franciser avec précision les mots patois. De vive voix, avec des exemples, on le toucherait plus facilement.






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